Publié le 2 avril 2018 par : Mme Vichnievsky, M. Balanant, M. Bru, Mme Florennes, Mme Jacquier-Laforge, M. Latombe, M. Barrot, M. Hammouche, M. Laqhila.
Supprimer les alinéas 13 à 17.
L'article 8 du projet de loi prévoit de supprimer, pour l'étranger ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le caractère suspensif, par rapport à la mise à exécution de cette mesure, du recours par lui formé devant la CNDA contre une décision de l'OFPRA de rejet de sa demande d'asile.
Cette suppression est limitée aux recours formés contre les décisions de refus d'une demande de réexamen, à ceux formés par un demandeur d'un pays d'origine sûre et à ceux formés par un demandeur dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
Par ailleurs, une procédure est prévue devant le président du tribunal administratif permettant à l'étranger de se maintenir sur le territoire jusqu'au prononcé de la décision de la CNDA, s'il présente des éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour.
Une première observation est que si la disposition envisagée est susceptible de sécuriser l'éloignement du territoire de l'étranger en situation irrégulière, elle ne satisfait en rien l'accélération du traitement de sa demande d'asile.
Une deuxième observation est que le Gouvernement n'a pas suivi l'avis du Conseil d'Etat, qui recommandait « instamment » que la procédure tendant au maintien de l'étranger sur le territoire durant l'examen de son recours soit soumise au juge de l'asile (CNDA) plutôt qu'au juge de l'éloignement (tribunal administratif).
Outre que ce dispositif risque de générer plus de délais que ceux qu'il est censé combattre, le Conseil d'Etat mettait en garde contre d'éventuels contrariétés de décisions entre les deux juridictions administratives et soulignait l'absence de préparation des magistrats du tribunal administratif en matière d'asile.
Une troisième observation est que la conformité du dispositif envisagé au principe du droit à un recours effectif, reconnu par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et que le Conseil constitutionnel fait découler de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est pour le moins contestable.
En effet, quelle peut être l'effectivité du recours d'un demandeur d'asile devant la CNDA s'il a déjà été éloigné du territoire, en pratique vers son pays d'origine, lorsque la Cour statue sur sa demande ? Quelle peut être l'effectivité de la décision de la CNDA accordant la protection au demandeur d'asile, si celui-ci, reconduit vers son pays d'origine, n'en a même pas connaissance ?
C'est ce qu'a énoncé la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt Čonka c. Belgique du 5 février 2002 (§ 82).
Il faut enfin rappeler que l'article L. 731-1 du CESEDA prévoit que les demandeurs d'asile « peuvent présenter leurs explications à la Cour ». Le dispositif prévu à l'article 8 du projet de loi les prive de ce droit.
Pour conclure, le droit à un recours effectif consiste à voir le juge statuer de manière utile sur le fond de ce recours et non à voir celui-ci, a fortiori un autre juge, statuer sur la seule question du caractère sérieux d'un tel recours.
Il est donc proposé de supprimer les dispositions de l'article 8 du projet de loi limitant le caractère suspensif du recours du demandeur d'asile devant la CNDA.
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