Publié le 7 mai 2018 par : Mme Romeiro Dias, Mme Chapelier, M. Cabaré, M. Laabid, Mme Josso, Mme Fontenel-Personne, M. Cazenove, Mme Couillard, M. Damaisin, Mme Rossi, M. Perrot, Mme Wonner, Mme Tanguy, M. Sorre, Mme Peyron, Mme Maillart-Méhaignerie, Mme Gaillot, M. Buchou, Mme Michel, Mme Pascale Boyer, Mme Lazaar, M. Perea, M. Sommer, M. Portarrieu, M. Galbadon, M. Chalumeau, Mme Guerel, M. Paluszkiewicz, Mme Thillaye, M. Morenas, M. Besson-Moreau, Mme Charvier, M. Kokouendo.
À l'alinéa 2, substituer au mot :
« trente »
le mot :
« cinquante ».
En France, une victime de crime sexuel peut porter plainte jusqu'à vingt ans après sa majorité. Ainsi, passé 38 ans, malgré la gravité des faits, aucun recours ne sera possible pour la victime abusée quand elle était enfant.
Le présent projet de loi, malgré une attente forte de la société pour rendre ces crimes imprescriptibles (au premier rang duquel nous retrouvons les nombreuses victimes), propose de passer ce délai de 20 à 30 ans à compter de la majorité et donc de permettre à un enfant de porter plainte jusqu'à ses 48 ans.
Cette proposition du gouvernement s'appuie sur les recommandations de la mission de consensus. Mais ce sujet peut-il se contenter d'un compromis, le rôle du législateur n'est-il pas d'aller au fond du débat public, et de porter la position qui permettra la meilleure protection possible des victimes.
Doit-on faire une synthèse des positions exprimées chez les professionnels, les experts ou doit-on avoir l'ambition de faire évoluer notre législation si nous considérons collectivement qu'elle n'est pas adaptée à la situation?
Dans ce débat, il est utile de rappeler que les premières causes de mortalité en France chez les moins de 25 ans sont les accidents et les suicides et que ceux-ci sont très fortement corrélés à des violences subies. Gardons en tête les récits de tous ces enfants victimes de ces crimes. Ils décrivent des scènes de torture quotidiennes, des sévices physiques et sexuels, des actes d'une rare cruauté, des mises en danger répétées associées à des négligences et des violences psychologiques réitérées d'une puissance de cruauté inqualifiables.
L'étude prospective américaine de FELITTI de 2010 montre que le principal déterminant de la santé à 55 ans est d'avoir subi des violences dans l'enfance. Plus les violences perpétrées ont été graves, fréquentes et plus les conséquences sur la santé sont importantes: risques de morts précoces par accident, maladies et suicides, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, de diabète, d'obésité, d'épilepsie, de troubles psychiques, d'addictions, de douleurs chroniques invalidantes si l'on s'arrête aux symptômes majeurs.
Alors dans ce débat, le symbole de la justice doit être celui qui guide le législateur, le symbole de la balance de Thémis (la balance aux deux plateaux).
D'un coté de la balance, nous avons des conséquences des viols sur mineurs jusqu'à la fin de leur vie:
-Syndromes post-traumatique,
-Difficultés d'insertion sociale,
-Difficultés d'insertion scolaires,
-Situation professionnelle et financière parfois dramatique,
-Maladies chroniques,
-Dégâts psychologiques,
-Réduction de l'espérance de vie,
-Suicides.
De l'autre côté de la balance, les arguments régulièrement utilisés pour limiter l'allongement des délais de prescription:
- Le droit à l'oubli, l'un des fondements du droit pénal. Dépassé un certain délai légal, les faits sont prescrits et l'agresseur bénéficie d'une sorte de « pardon légal » de la société;
-La difficulté à rassembler des preuves si la procédure est lancée trop tardivement (ce qui au passage est la même difficulté à 5 ans, à 30 ans ou au delà);
-Il y aurait un plus grand risque de ne pas aboutir à une condamnation (mais c'est le propre de toute procédure judiciaire, on n'en connaît jamais l'issue au commencement, est-ce à dire que nous devons retirer le droit à agir ou être écouté?).
Ici, la balance penche incontestablement pour un allongement des délais de prescription, le comparatif ne faisant pas le poids eu égard aux conséquences abominables et perpétuels de ces crimes sur des êtres en construction mais aussi eu égard à la durée souvent indéterminée de l'emprise de l'agresseur sur la victime, voire même ce qui est maintenant connu scientifiquement du phénomène d'amnésie traumatique.
Dans la mesure où le législateur ne souhaiterait pas inscrire l'imprescriptibilité dans la loi, il est proposé de garder le système de la prescription mais de porter ce délai à 50 ans à compter de la majorité des victimes. Cela permettrait de garder juridiquement un principe d'extinction de l'action judiciaire mais de ne pas le faire au détriment des victimes qui ne peuvent pas toujours poursuivre dans les délais, n'ayant ni la maitrise de la durée de leur amnésie ni celle de l'emprise que leur agresseur continuera peut être d'exercer sur elles, mais de qui l'on exigerait le temps de demander réparation devant la justice. Que la justice ait une telle exigence à leur égard est ressentie comme une injustice et cela en est une. Cette situation est vécue comme une forme de protection des auteurs. C'est une manière d'encourager la culture de l'impunité.
L'allongement du délai de prescription à 50 ans applicable aux crimes et infractions sexuels commis sur des enfants, à compter de leur majorité, consacrerait également la particulière protection de l'enfant conformément au préambule de la convention internationale des droits de l'enfant.
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