Publié le 16 avril 2018 par : Mme Moutchou, M. Véran.
I. – Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° L'article L. 622‑1 est ainsi rédigé
« Article L. 622‑1. – Toute personne qui a, par aide directe ou indirecte, sciemment facilité ou tenté de faciliter l'entrée irrégulière d'un étranger en France est punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros.
« Est puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, a sciemment facilité ou tenté de faciliter la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France dans un but lucratif ou moyennant une contrepartie directe ou indirecte.
« Est puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, a commis les délits définis aux premier et deuxième alinéas du présent article alors qu'il se trouvait sur le territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.
« Est puni des mêmes peines celui qui a sciemment, et dans un but lucratif ou moyennant une contrepartie directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation et le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.
« Est puni des mêmes peines celui qui a sciemment, par aide directe ou indirecte, et dans un but lucratif ou moyennant une contrepartie directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation et le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;
« 2° L'article L. 622‑4 est ainsi rédigé :
« Sans préjudice des articles L. 621‑1, L. 621‑2, L. 623‑1, L. 623‑2 et L. 623‑3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622‑1 à L. 622‑3 l'aide au séjour et à la circulation irréguliers d'un étranger lorsqu'elle est le fait :
« 1° Des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l'étranger ou de leur conjoint ;
« 2° Du conjoint de l'étranger, de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l'étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;
« 3° De toute personne physique ou morale lorsque l'acte reproché a consisté à fournir une prestation juridique, une aide alimentaire, un hébergement ou des soins médicaux destinés à assurer des conditions de vie dignes ou décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l'une de ces exceptions, sauf si l'acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été réalisé dans un but lucratif.
« Les exceptions prévues au 1° et 2° ne s'appliquent pas lorsque l'étranger bénéficiaire de l'aide vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d'une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint. »
Dans la vallée de la Roya, à Calais, dans les zones transfrontalières, aux points de passages…des femmes et des hommes, bénévoles ou anonymes, militants associatifs, font face à des situations humaines tragiques, qui leur intiment d'effectuer des actions concrètes de solidarités pour venir en aide aux personnes qui tentent de survivre dans les pires conditions, après avoir parcouru des milliers de kilomètres pour trouver un refuge et une protection en Europe. Malgré les exemptions apportées à l'article L622‑1 du CESEDA par la loi n°2012‑1560 du 31 décembre 2012, le délit de solidarité subsiste ainsi que les arrestations et poursuites basées sur ce dernier. Cette exemption à l'article L622‑4 ne constitue pas pour autant une protection suffisamment efficace contre des poursuites visant des actions « humanitaires et désintéressées » notamment parce que la formulation des dispositions de cet article est si imprécise qu'elle peut donner lieu à des interprétations jurisprudentielles contradictoires. En effet, le juge a pu dans certaines affaires (TC Nice 6 Janvier 2017) estimer que l'acte « visait à préserver la dignité ou l'intégrité physique » de l'étranger en situation irrégulière et pas dans d'autres (CA Aix-en-Provence 2 décembre 2016). Ainsi, on connaît parfois des situations ubuesques, où des citoyens ont pu être poursuivis pour avoir donné des cours d'alphabétisation ou rechargé un téléphone portable. Par conséquent, il est nécessaire de modifier l'article L622‑1 du CESEDA pour lutter contre les filières de passeurs et les réseaux de traite des êtres humains et toutes les personnes qui profitent de la détresse des exilés pour en tirer un profit financier, sans toutefois sanctionner l'aide humanitaire. C'est pourquoi, l'amendement, par le terme « but lucratif » vise expressément le trafic illicite de migrants et la traite d'êtres humains, et la mention « toute contrepartie directe ou indirecte » les situations d'exploitation, d'esclavage ou de chantage ne donnant lieu à aucun avantage financier. Le premier objectif est juridique. Il s'agit de rendre notre droit interne conforme avec le droit de l'Union européenne et plus particulièrement la directive européenne 2002‑90 du 28 novembre 2002, qui dispose que seule l'aide au séjour apportée dans un but lucratif est sanctionnée, ainsi qu'avec le droit international puisque la France a ratifié le 29 octobre 2002 le protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée qui pose la condition de retirer un avantage financier ou un autre avantage matériel de l'aide apportée. Le deuxième objectif de cet amendement est de rappeler que l'engagement de celles et ceux qui apportent aide et soutien aux personnes migrantes et réfugiées est légitime au regard de la protection des droits fondamentaux.
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