Publié le 24 mars 2021 par : M. Potier, M. Garot, Mme Jourdan, M. Leseul, Mme Battistel, M. Jean-Louis Bricout, M. Juanico, M. Letchimy, Mme Manin, M. Naillet, Mme Untermaier, M. Aviragnet, Mme Biémouret, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Hutin, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, Mme Pires Beaune, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Vainqueur-Christophe, M. Vallaud, Mme Victory, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Le I de l’article L. 110‑1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « caractérisent », sont insérés les mots : « , les sols » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « , les sols » sont supprimés.
Cet amendement du Groupe Socialistes et apparentés prévoit d’inscrire le sol au premier alinéa de l’article L. 110‑1 du code de l’environnement afin qu’il soit reconnu élément du patrimoine commun de la Nation.
La terre est le substrat du territoire, la « mère » des ressources naturelles dont l’utilité commune est connue de tous. Pour autant, la fonction originelle de la terre a longtemps été niée sous l’influence des physiocrates ayant inspiré les règles de droit privé qui s’y appliquent : la terre est source de richesses productives mais également d’une rente pour son propriétaire. M. Benoît Grimonprez, professeur d’Université, membre de l’Institut de droit rural de Poitiers, relève qu’une « conception unidimensionnelle de la terre prédomine », celle d’un bien immobilier. Alors que le statut de la terre est ambivalent – l’usage privé d’une utilité commune –, le droit de la terre l’a longtemps réduit à un bien ordinaire. La terre est une propriété privée à laquelle s’attachent des droits subjectifs mais son utilité sociale collective doit être pleinement reconnue car les valeurs d’échange et d’usage de la terre sont liées à des considérations d’intérêt général. « Les juristes ont nié que la terre est à l’origine même de la vie, avec l’eau et l’air, qui, eux, ont fini par décrocher leurs propres statuts »[1] au sein du code de l’environnement. C’est pourquoi nombre de juristes plaident pour élever la terre au statut de « patrimoine commun de la Nation ». L’article L. 110‑1 du code de l’environnement est relatif à cette notion de « patrimoine commun de la Nation » :
« Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la Nation.
Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage. Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la Constitution de ce patrimoine. ».
Pourtant, le sol est un bien limité et rival, son occupation par l’un exclut l’autre. Il en va ainsi de sa propriété mais également de ses usages. Et cette rivalité est quasiment irréversible puisque certains usages affectent irrémédiablement le sol. Le sol est également une ressource rare et pratiquement non renouvelable, compte tenu de la lenteur de son processus de construction. Le processus de régénération du sol est d’une longueur sans commune mesure avec celle de sa dégradation.
Edgard Pisani, né il y a tout juste un siècle, grand architecte des politiques foncières des « jours heureux » faisait déjà figure d’éclaireur il y a près de 40 ans : « le maintien des biens de la nature parmi les biens marchands nous conduira à l’accélération des phénomènes menaçants dont nous sommes déjà les témoins. »
Le temps est venu d’inscrire dans la loi le principe selon lequel le sol fait partie du patrimoine commun de la Nation.
Il s’agit d’une recommandation du rapporteur Dominique Potier dans le cadre du rapport de la Mission d’information sur le foncier agricole de 2018.
[1] https ://uptv.univ-poitiers.fr/program/la-reforme-du-droit-foncier-rural-demander-l-impossible/index.html
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