Publié le 14 mai 2021 par : Mme Untermaier, Mme Karamanli, M. Saulignac, M. Aviragnet, Mme Battistel, Mme Biémouret, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Jourdan, M. Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Leseul, M. Letchimy, Mme Manin, M. Naillet, Mme Pires Beaune, M. Potier, Mme Rabault, Mme Rouaux, Mme Santiago, Mme Tolmont, Mme Vainqueur-Christophe, M. Vallaud, Mme Victory, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
I. – Supprimer les alinéas 20 à 41.
II. – En conséquence, supprimer les alinéas 46 à 48.
Cet amendement du groupe "socialistes et apparentés" vise à supprimer la réforme des réductions de peines et ainsi conserver le régime hybride actuel : le crédit de réduction de peine et la réduction supplémentaire de la peine, lequel emporte l’adhésion des professionnels du droit et de l’administration pénitentiaire.
Le nouveau régime, qui se veut plus incitatif et tient davantage compte de la proactivité du détenu, est louable mais il emporte des conséquences, comme en fait état le Conseil d’Etat au point 25 de son avis, en adéquation avec les observations de tous les professionnels et des universitaires.
Le crédit de réduction de peine n’est en effet pas automatique puisque celui-ci peut être retiré en cas de mauvaise conduite lors de l’incarcération. Le système actuel de « crédits » qui veut que l’octroi soit automatique et leur retrait l’exception semble très appropriée étant donné que selon l’étude d’impact, 8% du volume global des crédits de réduction de peine (CRP), représentant entre 10 et 20% des détenus environ, ont été retirés. L’essentiel des fautes en détention sont donc le fait d’une petite minorité. Ce projet de loi qui inverse la logique alourdira inutilement la charge de travail des juges de l’application des peines (JAP) et de la Commission d’application des peines.
Le ministère de la Justice espère que les JAP continueront à octroyer le même niveau global de réductions de peine. Mais en fusionnant les CRP et les réductions supplémentaires de peines (RSP), les JAP seront amenés à se prononcer non plus uniquement sur les RSP mais sur les deux types de réduction et il est, soit possible que la « sélectivité » des JAP diminue, soit qu’ils maintiennent un niveau d’exigence élevé comparable à ce qu’ils pratiquent aujourd’hui en matière de RSP, augmentant ainsi la population carcérale.
Par conséquent, l’appréciation du juge d’application des peines « à la carte » portant sur les deux types de crédit de réduction de peine sera de nature à générer des disparités de traitement importantes entre les détenus en fonction des critères d’appréciation adoptés par les magistrats appelés à statuer sur leur cas, conduisant potentiellement à la multiplication d’appels. Chaque JAP appréhendera à sa manière à la fois la bonne conduite et les efforts de réinsertion et les pondérera selon ses propres règles de calcul. Les juges d’application des peines, du fait de l’extension de leur pouvoir en matière de retraits de réductions de peines pour mauvaise conduite, s’interrogent justement sur les critères qu’ils retiendront permettant d’évaluer la mauvaise conduite et l’échelle des sanctions.
Par ailleurs, l’effet du texte sur les incitations à l’effort est incertain. Dans le nouveau régime, les réductions de peines sont accordées par fractions annuelles. A la différence des crédits de réduction de peine, elles ne permettent donc pas à l’administration pénitentiaire et au détenu de connaître, dès l’incarcération, la date prévisionnelle de libération, ce qui facilitait la préparation de la sortie de prison et la préparation d’un projet de réinsertion en amont. Le problème sera notamment patent pour les courtes peines. Cette incertitude sur les « rendements de l’effort » aura un effet désincitatif pour les détenus dès lors qu’ils ont une aversion au risque. Au surplus, en supprimant les CRP, le ministère se prive d’un moyen de pression pour contraindre les détenus à adopter un bon comportement en détention ; la réforme est particulièrement inopérante pour les dentus « difficiles à gérer » qui n’ont pas l’intention de se soumettre aux règles.
Enfin, une telle réforme s’articulant autour de l’effort de réinsertion (prise en charge éducative, sanitaire, activité de travail…), doit s’accompagner de moyens alloués à l’administration pénitentiaire afin de mettre en œuvre tous les outils possibles à cette réinsertion. Alors que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour les conditions d’incarcération des détenus, une telle ambition semble actuellement hors de portée. L’étude d’impact n’aborde pas les marges de manœuvre dont dispose l’administration pénitentiaire. Aujourd’hui seul un quart des détenus ont accès à un travail en détention contre 46% en 2000, alors que la demande des détenus est très élevée.
Pour toutes ces raisons, la réforme de la réduction des peines n’est pas souhaitable.
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