Intervention de André Chassaigne

Réunion du mardi 14 décembre 2021 à 20h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par le sénat, en faveur de l'activité professionnelle indépendante

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Ce texte m'inquiète pour deux raisons. Tout d'abord, les spécificités du monde agricole ne sont pas prises en considération et l'adoption de ce texte ferait courir un grand risque aux exploitants en les soumettant aux nouvelles dispositions communes applicables à tous les entrepreneurs individuels. De nombreux responsables syndicaux associatifs, qui soutiennent les agriculteurs en difficulté, sont inquiets. Le traitement des difficultés économiques des exploitants agricoles bénéficie depuis 1988 d'un cadre législatif qui permet d'adapter les procédures collectives aux caractéristiques particulières de l'exploitation agricole avec des résultats très positifs. Plus de la moitié des exploitations agricoles placées en procédure de redressement en sortent à l'issue de leur période de sauvegarde contre moins d'un tiers pour les autres entreprises car un exploitant individuel qui rencontre des difficultés économiques bénéficie de dispositions spécifiques : les procédures collectives agricoles sont traitées devant le tribunal judiciaire par un magistrat professionnel et non devant le tribunal de commerce, la période d'observation est plus longue afin de l'adapter à l'année culturale et le plan de continuation peut se prolonger une quinzaine d'années, contre dix ans dans les autres secteurs d'activité.

Or, ce texte prévoit de placer les exploitants agricoles individuels sur le même plan que les professions indépendantes. Ainsi, alors que l'objectif est de renforcer leur protection, la dissociation du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel méconnaît la situation réelle de nombreux agriculteurs. La faiblesse chronique des revenus a des conséquences pour le patrimoine personnel de l'exploitant. Il arrive ainsi que des prêts à la consommation, officiellement contractés pour les besoins de la famille, le soient, en réalité, pour financer l'exploitation agricole. Si ce texte était adopté, ces difficultés personnelles seraient traitées par la procédure de surendettement des particuliers qui propose un échéancier maximal de sept ans contre quinze ans dans le cadre des procédures collectives agricoles actuelles.

D'autre part, ce texte prévoit d'ouvrir la procédure de surendettement des particuliers aux dettes professionnelles de l'associé exploitant en société agricole, en les traitant moins favorablement que les dettes professionnelles des exploitants en nom propre. Nous n'avons pas déposé d'amendement à ce sujet aujourd'hui mais ce sera fait en séance si la commission spéciale ne prévoit pas d'exception pour les exploitants agricoles dans le texte.

Mon second sujet d'inquiétude concerne les indépendants. L'instauration d'un droit de gage sur les biens qui servent à l'entrepreneur individuel pour son activité professionnelle peut créer un flou juridique entre les biens personnels et les biens professionnels, qui contreviendrait à l'intention initiale et louable de protéger les biens personnels. Ainsi, une pièce qui sert de bureau, un garage qui abrite des matériels ou des véhicules professionnels pourraient être gagés. De surcroît, donner la possibilité de renoncer à la protection que confère le principe d'insaisissabilité est dangereuse. L'indépendant cherchera, coûte que coûte, à sauver son activité, ce qui le conduira à faire des choix dont les conséquences pourraient être dramatiques.

Enfin, la réunion des patrimoines professionnel et personnel en cas de cessation d'activité peut conduire à dilapider les biens personnels. Ainsi, lors du décès de l'entrepreneur, l'ensemble de l'actif net, patrimoine professionnel et personnel, sera soumis aux créanciers.

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