Intervention de Hubert Wulfranc

Séance en hémicycle du mardi 6 juillet 2021 à 15h00
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine des transports de l'environnement de l'économie et des finances — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Wulfranc :

Certaines mesures du projet de loi vont dans le bon sens, comme celles relatives à la prise en compte des périodes d'activité partielle dans la validation des droits à pension des marins ou encore celles concernant les conducteurs routiers.

Cependant, ce texte comporte des mesures tout à fait contestables comme, entre autres, l'allégement des informations fournies par les sociétés d'investissement lors de la création de nouveaux instruments financiers, qui s'apparente à nos yeux à une nouvelle libéralisation et à une déréglementation des marchés financiers – nous y reviendrons.

Je souhaite centrer mon intervention sur le sujet des minerais « de conflit » : derrière cette terminologie un peu obscure, il s'agit de légiférer sur un commerce qui tue, qui engraisse des mafias et qui engendre misère et oppression, d'une part, luxe et profits, d'autre part : je veux parler du commerce de l'or, du tantale, du tungstène et de l'étain.

En la matière, il est question d'intégrer dans notre droit un devoir de vigilance, de mentionner les risques à identifier et de préciser les obligations relevant de la responsabilité des entreprises importatrices – elles seraient une cinquantaine en France, nous dit-on, mais nous aurions aimé obtenir plus de précisions à ce sujet. En outre, nous n'avons à légiférer que sur l'organisation des procédures de contrôle des entreprises et les règles applicables aux infractions.

S'il franchit un pas nécessaire dans la lutte contre les fléaux entourant trop souvent le commerce des métaux rares, le texte reste largement insuffisant au vu des secteurs d'activité concernés – produits chimiques, métallurgie, industrie du luxe –, où nous avons sans aucun doute affaire à des groupes tout-puissants. Il fait entièrement reposer le système de limitation des risques, dans la chaîne d'approvisionnement, sur la responsabilisation des entreprises et leur incitation à produire leurs propres normes et modalités d'application : cela nous paraît bien trop laxiste. Certes, des contrôles seront effectués par des agents de l'État, mais ces derniers ne sont pas désignés à ce jour, et leur efficacité peut être mise en doute : de quelle capacité d'intervention disposeront-ils sur le terrain, dès lors qu'ils auront été désignés ? Qui plus est, l'encadrement des contrôles va très loin, puisque même les modalités de visite des locaux des entreprises sont ordonnancées – ce qui nous interroge tout autant. En cas d'infraction, les sociétés ne seront exposées qu'à la notification de mesures correctives, et à des astreintes journalières si lesdites corrections ne sont pas appliquées : ces dispositions ne sont pas à la mesure des enjeux. Le rejet de possibles sanctions à une date ultérieure traduit un manque d'ambition.

Le commerce des minerais rares donne pourtant lieu à une guerre économique féroce, qui s'amplifiera de manière exponentielle au gré, notamment, de l'électrification de nombreux usages et des changements de systèmes techniques dictés par le régime capitaliste. D'un côté, il y a du travail forcé, de l'extorsion de salaires, des violences à l'égard des civils, des femmes et des enfants, des pouvoirs autocratiques et des groupes armés âpres au gain ; de l'autre, nous avons des conseils d'administration de multinationales bien policés, propres sur eux, mais l'œil vissé sur leur cote en bourse : voilà qui, au-delà de ce qui nous est vendu comme une vigilance accrue, aurait mérité une exigence, voire une intransigeance vis-à-vis du commerce international des métaux rares.

Pour ces raisons, et dans un contexte de libéralisation croissante des marchés, nous nous abstiendrons, afin de ne pas faire obstacle aux mesures sociales que contient le texte, qui vont dans le bon sens.

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