La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, l'insécurité n'est pas qu'un sentiment, mais une réalité qui nous explose au visage.
Les féminicides découlent de cette situation d'ultraviolence. À nouveau, vendredi dernier à Bordeaux, une femme a été mortellement poignardée par son ex-compagnon. Sandra avait pourtant tout fait pour se protéger, écrivant au procureur à de multiples reprises et déposant deux plaintes pour harcèlement et violence psychologique. Elle se sentait toujours traquée par cet homme au comportement obsessionnel qui la harcelait de messages ; cet homme qui, condamné à huit reprises pour des infractions routières et l'usage de stupéfiants, ne l'a pourtant jamais été pour violences conjugales.
Monsieur le Premier ministre, il y a encore trop de trous dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Ce n'est pas faute d'avoir légiféré. Notre famille politique a toujours été à l'initiative s'agissant de la lutte contre les violences conjugales…
…notamment avec la proposition de loi adoptée en octobre 2019, défendue par mon collègue Aurélien Pradié, qui permet une meilleure prise en charge des femmes, ainsi que des accès facilités aux ordonnances de protection et au port des bracelets antirapprochement.
Nous continuons aussi de formuler des propositions : la création – sur le modèle de l'Espagne – de tribunaux spécialisés qui raccourcissent les délais de jugement à soixante-douze heures ; le doublement du nombre de places d'hébergement d'urgence ; de nouvelles expérimentations, comme la création d'appartements pour conjoints violents, afin que les victimes ne subissent pas de double peine en devant quitter leur logement.
Le constat est clair : la chaîne pénale ne fonctionne pas.
Elle manque de réactivité et de moyens, que ce soit face aux violences faites aux femmes ou à toute forme de violence. Monsieur le Premier ministre, comment expliquer aujourd'hui ces dysfonctionnements et surtout, comment mettre fin à ce scandale ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Il y a des combats qui méritent d'être abordés avec gravité, qui nécessitent de dépasser les clivages partisans et de s'unir.
C'est ce que vous faites et je vous en remercie. La lutte contre les violences faites aux femmes est l'un de ces combats.
La semaine dernière, le Président de la République a réuni à Paris le forum Génération Égalité. Nous avons pu constater qu'en 2021, aucun pays n'a réussi à enrayer le fléau des violences conjugales.
Protestations sur les bancs des groupes LR et GDR.
Vous avez cité l'exemple de l'Espagne : c'est un bon exemple, puisque ce pays a commencé à lutter contre les violences conjugales en 2003, mais déplore cette semaine encore cinq féminicides. C'est vous dire à quel point c'est un travail de longue haleine. C'est pour cela qu'en quatre ans, avec l'ensemble de la majorité et les parlementaires de cette assemblée…
…le Gouvernement a fait adopter quatre lois ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs des groupes LR et GDR. – Mme Marie-George Buffet proteste très vivement
…
…a instauré les bracelets antirapprochement, a créé des centres de prise en charge des auteurs de violence pour protéger les victimes, s'est engagé en augmentant mon budget de 40 % pour accompagner toutes les associations qui aident au quotidien les femmes et leurs enfants qui sont victimes.
Ce travail ne sera jamais fini tant que toute la société ne se saisira pas de cette question.
C'est tous ensemble – l'État, les collectivités locales, les entreprises et les associations – que nous arriverons à enrayer ce fléau.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, depuis 2017, notre majorité a placé la lutte pour le climat au cœur de son action politique : fermeture des centrales à charbon, verdissement du parc automobile, lutte contre l'artificialisation des sols, arrêt des projets comme l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, EuropaCity ou la Montagne d'or. Les exemples ne manquent pas.
À la suite de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) lancée par le Président de la République, nous avons décidé d'accélérer encore notre engagement pour la lutte contre le dérèglement climatique.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
L'une des propositions de la CCC, la modification de l'article 1er de la Constitution pour y intégrer la lutte pour le climat, a besoin de l'accord des deux chambres du Parlement pour être adoptée et donner aux Français la possibilité de trancher par référendum.
Le Président de la République a souhaité cette modification ; nous l'avons soutenue avec notre groupe et nos partenaires de la majorité à l'Assemblée nationale. Après un premier rejet du Sénat, alors que nous avions voté en première lecture, mot pour mot, le texte issu de la Convention citoyenne, nous avons fait un pas vers le Sénat pour que le dialogue se poursuive. Hier, lors de la seconde lecture et malgré l'appel lancé par le groupe La République en marche et son président Christophe Castaner pour que les sénateurs ne détournent pas le regard de l'enjeu crucial de la lutte pour le climat, la majorité sénatoriale a de nouveau fait le choix de s'opposer à la proposition citoyenne et à la consultation des Français sur ce sujet.
En fermant ainsi la porte au référendum ,
Vives protestations sur les bancs du groupe LR
elle sacrifie l'urgence climatique sur l'autel d'intérêts partisans et politiciens. En s'opposant une nouvelle fois dans ce quinquennat à une réforme constitutionnelle d'ampleur, la droite sénatoriale montre qu'elle aura tout fait depuis quatre ans pour entraver la marche du pays.
Mêmes mouvements.
Cette volonté délibérée d'empêcher la tenue du référendum n'est évidemment pas à la hauteur de l'attente de nos compatriotes. Elle n'est pas non plus à la hauteur de la volonté du Président de la République de faire de la France le premier pays européen à inscrire la lutte pour le climat dans sa Constitution. Elle n'est surtout pas à la hauteur du défi climatique qui concerne notre avenir à tous.
Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : constatant le refus du Sénat de saisir la main tendue par la majorité et de soumettre la modification de l'article 1er de la Constitution aux Français par référendum…
Merci monsieur le député.
Chers collègues, nous n'allons pas commencer cette séance comme ça ! Tout le monde garde son calme, écoute les collègues qui posent les questions et les réponses données.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Comme vous, le Gouvernement regrette, tout en le respectant, le vote émis hier par le Sénat sur ce sujet extrêmement important, visant à introduire la protection climatique dans la Constitution.
Je le regrette d'autant que votre assemblée avait décidé en deuxième lecture de faire un pas, à partir du texte délibéré en conseil des ministres, qui résultait d'une proposition cardinale de la Convention citoyenne pour le climat – vous l'avez rappelé.
Cette main tendue, en fait, en faveur de la protection du climat n'a pas été saisie par le Sénat.
Mon deuxième regret, c'est que compte tenu de ce que prévoit l'article 89 de la Constitution, ce vote met, hélas, un terme au processus de révision constitutionnelle dont nous continuons à penser qu'il était indispensable pour notre pays.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
C'est profondément regrettable.
Mais je vous le dis, mesdames et messieurs les députés, le combat continue et la majorité prend ses responsabilités : celles d'une écologie exigeante et responsable, d'une écologie de la croissance, d'une transition écologique négociée les yeux ouverts ,
Mêmes mouvements
soucieuse d'accompagner et d'aider nos concitoyens et non pas de les punir ou de les contraindre.
Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, défendu par la ministre, en est la traduction concrète et opérationnelle. Je suis sûr que vous lui réserverez un sort à la hauteur de ses ambitions.
Le plan de relance, que vous avez également voté, avec près d'un tiers des crédits destinés à la transition écologique, témoigne de notre volonté d'accompagner tous nos concitoyens et tous les secteurs professionnels.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Certains refusent de voir la réalité en face, d'autres privilégient une approche idéologique maximaliste qui ne pourra avoir, en matière d'accessibilité, que des résultats contraires aux objectifs recherchés.
Nous faisons, en même temps, le choix de l'ambition et le choix du pragmatisme, c'est-à-dire le choix de l'efficacité !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le Premier ministre a consulté les chefs de groupes de l'Assemblée sur la question de l'extension du pass sanitaire et d'une éventuelle obligation vaccinale pour les soignants. Comme à son habitude, notre présidente Valérie Rabault a répondu point par point, avec précision et propositions. La réponse implique méthode, concertation – notamment avec les partenaires sociaux –, évaluation des incidences et un calendrier précis, ce dont nous ne disposons pas pour le moment.
Avant de contraindre les soignants et d'envisager des mesures de sanction en cas de manquement, pourquoi ne pas leur proposer un test sérologique dans les plus brefs délais pour les dépister et faire de la pédagogie ? Si le test est négatif à la covid-19, une vaccination pourrait alors être proposée. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a fait ce midi des recommandations transpartisanes pour anticiper et maîtriser une nouvelle vague du variant delta.
Pour un suivi efficace du virus, il faudrait maintenir une politique ambitieuse de séquençage, promouvoir un réseau de surveillance dans les pays en développement, qui n'ont pas ces capacités et dans lesquels le virus circule toujours.
Je me concentrerai simplement sur la politique de prévention et de dépistage. Il faut d'abord assurer le déploiement d'une campagne de communication claire et pédagogique à destination du grand public, pour informer de l'utilité des campagnes de dépistage, que ce soit en milieu professionnel, universitaire ou scolaire. C'est d'ailleurs ce que nous demandons depuis maintenant plusieurs semaines : que prévoyez-vous à ce sujet ?
Enfin, il faut anticiper la stratégie de déploiement des autotests en prévision de la rentrée scolaire prochaine ; c'est maintenant qu'il faut agir, suffisamment en avance pour que les industriels puissent honorer les commandes et que tous les établissements scolaires soient en mesure de proposer les tests aux élèves. Avez-vous travaillé à ce sujet avec le ministre de l'éducation nationale ? Les commandes sont-elles déjà passées ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
S'agissant de la vaccination des soignants, les dernières données dont je dispose montrent que le taux de primo-injection chez les soignants en EHPAD est passé en un mois de 52 % à 60 % ; c'est donc mieux. Il y a un progrès, mais ce n'est pas suffisant pour assurer la protection des résidents.
Quatre vaccins sont déjà obligatoires si vous voulez travailler à l'hôpital ou dans un EHPAD : contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et l'hépatite B. Si la vaccination obligatoire était décidée à l'issue de la concertation menée par le Premier ministre, ce ne serait donc pas une nouveauté en matière de mécanismes de couverture vaccinale.
Vous parlez des tests sérologiques. Sachez qu'un soignant en EHPAD peut, s'il le souhaite, avoir un test sérologique avant la vaccination, comme n'importe quel Français ; c'est disponible dans tous les centres. Mais si le test est positif, cela n'ôte pas la nécessité de réaliser une injection de vaccin. Si la sérologie est positive, une dose suffit ; si elle est négative, deux doses sont nécessaires.
Nous en restons donc au même mécanisme de vaccination.
Je recevrai demain les conférences hospitalières d'EHPAD et les ordres professionnels dans le champ de la santé, pour participer à la concertation menée par le Premier ministre. Celui-ci recevra les groupes parlementaires et politiques jeudi, pour avancer sur le sujet de la vaccination obligatoire des soignants.
Vous posez la question du dépistage massif : nous avons le taux de dépistage qui reste le plus élevé d'Europe, avec plus de deux millions de tests réalisés par semaine. Nous testons dans plus de 12 000 points, ainsi que dans les pharmacies, chez les médecins, chez les kinés ; le dépistage massif continue.
Enfin, vous m'interrogez sur le déploiement des autotests : plusieurs millions d'autotests sont rendus disponibles pour les collectivités, les universités et les établissements scolaires. Évidemment, il est question d'un plan de préparation de la rentrée scolaire et universitaire, pour poursuivre nos efforts, afin d'enrayer pour de bon cette épidémie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Même si la vaccination est obligatoire, vous ne pourrez pas avoir un profil autoritaire. Il faut donc développer la concertation, notamment avec l'ensemble des partenaires sociaux des établissements.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale. Comme chaque année à pareille époque, les élus des outre-mer sont très sollicités par de nombreux jeunes qui ont pris le risque de réussir aux concours de recrutement des enseignants du second degré. Car pour ces lauréats, réussir le concours signifie bien souvent un départ à des milliers de kilomètres de leur domicile. Pour celles et ceux qui ont déjà fondé une famille, ce succès implique divorce géographique et séparation douloureuse d'avec les enfants. Il veut dire double installation, double loyer, doubles dépenses. Sans oublier ces parents malades, souvent dépendants, qu'ils laissent derrière eux.
Bien sûr, aucun candidat à La Réunion ou aux Antilles n'ignore qu'il s'agit d'un concours national et tous se présentent aux épreuves en connaissant les règles qui régissent les affectations. Mais ils sont toujours aussi désemparés lorsque cela se traduit par le choix qu'ils doivent faire entre leur vie familiale et leur vie professionnelle. Cette équation impossible devient insupportable lorsque dans le même temps des postes sont vacants dans leur discipline et dans leur académie. C'est la réalité vécue cette année encore par nombre de jeunes Réunionnais qui, pour combler le déficit de certaines académies, sont affectés dans le désormais célèbre PCV – Paris-Créteil-Versailles – alors qu'ils pourraient enseigner et vivre à La Réunion, île dont ils connaissent la langue et les difficultés liées à l'illettrisme.
Postes vacants pourvus par des contractuels, mais aussi chassé-croisé entre des jeunes ultramarins affectés en France continentale tandis que des professeurs hexagonaux sont mutés dans les académies d'outre-mer : ces scénarios récurrents suscitent de plus en plus d'incompréhensions.
Ces vastes mouvements de personnels, aux conséquences parfois dramatiques, méritent davantage de transparence et montrent que la logique des centres des intérêts matériels et moraux (CIMM), dont le bien-fondé est reconnu, a besoin d'être approfondie. Monsieur le ministre, nous attendons votre feu vert pour ouvrir ces deux chantiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Les académies ultramarines présentent en effet une situation contrastée en matière d'attractivité, dans le premier degré comme dans le second. Ainsi, si la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion présentent une attractivité supérieure à la moyenne nationale, il en va autrement en Guyane ou à Mayotte. Cette situation hétérogène appelle des réponses différenciées.
Afin de réguler les affectations en outre-mer, la prise en compte du CIMM est une priorité légale d'affectation pour les fonctionnaires de l'État. Il leur permet de justifier, par des éléments objectifs, l'existence d'attaches particulières à un territoire ultramarin. Le classement des personnels candidats à une mobilité traduit le volontarisme de l'éducation nationale dans la concrétisation de ce droit posé par la loi. Nous sommes conscients, madame la députée, de l'enjeu humain que représentent ces situations, c'est la raison pour laquelle le ministre Jean-Michel Blanquer a souhaité inscrire ce centre comme priorité légale dans le cadre du mouvement national en 2018.
Des affectations à titre provisoire permettent également de traiter bon nombre de situations personnelles en tenant compte des spécificités individuelles. Pour rappel, près de la moitié des demandes de mutation de titulaires ou de néo-titulaires vers une académie ultramarine sont bonifiées au titre du centre. Toutefois, nous le savons et les chiffres de l'attractivité le démontrent, tous les enseignants originaires des académies ultramarines ne peuvent trouver aussi vite qu'ils le souhaiteraient une affectation dans leur département d'origine. Cela vaut notamment pour le second degré dont le mode de recrutement est national et vise en effet à pourvoir des postes sur l'ensemble du territoire en fonction des besoins des élèves.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Le début des vacances d'été marque la fin d'une année scolaire qui s'est déroulée sous le signe de la pandémie. La sortie de crise est l'occasion de tourner notre regard vers l'avenir. Ce nouveau souffle coïncide avec le lancement de la Conférence sur l'avenir de l'Europe.
Pour parler de l'avenir de notre continent, nul doute que nous devons inviter les jeunes à s'exprimer. Ainsi, dans le cadre de cette Conférence, l'Union européenne a mis en place un portail numérique qui permet aux citoyens de partager leurs idées. Cette plateforme propose à tous les internautes d'échanger sur différentes thématiques qui interpellent prioritairement notre jeunesse, comme le changement climatique, la mobilité ou l'éducation.
La plateforme en ligne de la Conférence sur l'avenir est un formidable outil pour renforcer la démocratie participative au niveau européen. Il faut donc faire connaître la Conférence sur l'avenir auprès de nos jeunes, qui ont besoin de perspectives. Par ailleurs, à l'occasion de la prochaine présidence française de l'Union, le Gouvernement a décidé de faire de la notion d'appartenance l'un des fils conducteurs de sa politique européenne. C'est également auprès des élèves, et sans attendre la classe de troisième, que nous devons développer ce sentiment d'appartenance à l'Europe auquel, au-delà du groupe MODEM, une grande majorité d'entre nous est attachée. Il est donc nécessaire de réfléchir, en amont de la prochaine rentrée scolaire, à un plan d'action pour faire vivre l'Europe à l'école, car celle-ci est la fabrique des citoyens, français et européens, de demain.
Comment allez-vous sensibiliser les enseignants et les élèves à plus et mieux d'Europe ? Prévoyez-vous, au moins, de mettre à la disposition des établissements scolaires des matériels d'information sur la Conférence sur l'avenir de l'Europe ? Comment envisagez-vous de créer ce sentiment d'appartenance dès l'école primaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Jean-Michel Blanquer, Clément Beaune et moi-même avons réuni les recteurs et les ambassadeurs la semaine dernière afin de préparer la présidence française de l'Union européenne. Et je souhaite, comme vous m'y invitez, évoquer plus précisément ce qu'il en sera pour notre ministère – l'école étant plus que jamais attentive à l'Europe.
Le ministère se mobilisera dès la rentrée prochaine avec un double objectif, le premier étant celui de la mobilité pour tous – élèves et futurs professeurs. Nous souhaitons que les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE) se mettent définitivement à l'heure de l'Europe. Nous avons mené une réforme en profondeur de la formation des futurs professeurs. Comme vous le savez, cette demande a d'ailleurs largement émergé dans le cadre du Grenelle de l'éducation.
Notre deuxième objectif est de faire vivre, dans toutes les écoles et dans tous les établissements, le sujet européen. Plus de la moitié des établissements du second degré ont un partenaire étranger. Eh bien, nous souhaitons que toutes les écoles soient marquées à l'heure de l'Europe.
La présidence française de l'Union européenne sera également une magnifique occasion de rendre visible le modèle français de l'éducation nationale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le sentiment d'appartenance à l'Europe doit être développé très tôt à l'école.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur, alors que sont parus ce matin les résultats du bac, je souhaiterais vous interroger sur les dysfonctionnements de Parcoursup .
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Comme nombre de mes collègues, j'en suis sûr, j'ai été interpellé par des parents désespérés qui ont vu leurs enfants obtenir des affectations très loin de leurs attentes.
Elle va dire que ce n'est pas vrai ! Que cela ne concerne que 0,5 % des lycéens !
Ils s'appellent Léo, Ilona, Clara ou Bertille, ils ont 18 ans et comme 95 % de leurs camarades, ils viennent d'obtenir leur bac, souvent avec une mention. Bons élèves, ces jeunes ambitionnaient de rentrer dans des filières aussi diverses que la médecine, les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ou le droit. Pourtant, le 27 mai, le logiciel Parcoursup leur a proposé deux choix qui ne correspondaient à aucun de leurs dix vœux. Pour ne prendre ici qu'un exemple, Bertille, qui souhaitait intégrer une première année de médecine, s'est vu proposer un brevet de technicien supérieur (BTS) agricole ou un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'esthéticienne.
Ces exemples ne sont pas isolés. Sur le tableau de bord du suivi de la phase d'admission de Parcoursup publié quotidiennement par le ministère de l'éducation nationale, 75 729 lycéens sur les 634 587 inscrits sur la plateforme n'ont pas reçu encore de proposition tandis que 13 626 lycéens ont quitté la plateforme avant d'avoir reçu une proposition d'admission. Aussi, certains élèves qui n'avaient pas obtenu de place dans leurs filières l'année dernière ont tenté à nouveau leur chance cette année, après une première année d'étude supérieure très fructueuse, et se retrouvent pourtant plus loin dans la liste d'attente que l'année précédente. Une telle situation ne peut continuer.
Madame la ministre, les étudiants qui souhaitent tenter leur chance dans certaines filières, même si celles-ci sont en tension, devraient légitimement pouvoir le faire car l'objectif de l'université est de donner sa chance à tous. Ainsi, comment comptez-vous résoudre le problème de ces lycéens prometteurs qui n'ont pourtant pas encore reçu d'affectation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
La plateforme Parcoursup traite l'ensemble des demandes des bacheliers. J'adresse d'ailleurs mes félicitations les plus chaleureuses à tous les jeunes qui viennent d'obtenir leur baccalauréat .
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Or elle ne peut faire de propositions différentes des vœux renseignés par les lycéens eux-mêmes. Si une formation leur est proposée, elle s'inscrit toujours dans la liste des choix qu'ils ont eux-mêmes validés. L'algorithme est conçu ainsi et ne présente à ma connaissance aucun dysfonctionnement majeur.
Je regarderai néanmoins avec attention les cas particuliers que vous évoquez. Il reste que 560 000 acheliers ont reçu, le jour des résultats du baccalauréat, une affectation dans la liste qu'ils avaient choisie.
Par ailleurs, comme l'actualité récente, qui se répète en réalité année après année, le montre, nous avons remis de l'humain dans l'affectation dans l'enseignement supérieur.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Nous venons de créer 19 000 places supplémentaires dans les filières les plus en tension : plus de 5 000 en BTS, plus de 3 000 dans les formations en soins infirmiers. Nous en avons créé également en première année de licence dans les disciplines en tension que vous évoquiez. L'enjeu est de continuer à accompagner chaque bachelier. C'est ce que font les milliers de professionnels qui, en ce moment même, sont en train de les contacter afin de déterminer, parmi les centaines de milliers de places encore disponibles dans l'enseignement supérieur, lesquelles pourraient le mieux leur convenir.
C'est cela qu'a rendu possible la suppression du tirage au sort ! C'est cela, remettre de l'humain ! C'est cela qu'a fait cette majorité !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, lors de la récente campagne électorale, j'ai été frappé par la volonté de beaucoup de nos concitoyens de voir enfin revalorisée la valeur travail.
Je souhaite vous relayer aujourd'hui leur attente légitime. En effet, beaucoup d'entre eux vivent mal le fait de travailler pour un salaire peu gratifiant alors qu'ils sont parfois entourés d'allocataires qui pourraient travailler.
De même, j'ai rencontré des retraités vivant difficilement de leur petite retraite alors qu'ils ont travaillé toute leur vie. Cela suscite un profond sentiment d'injustice.
J'ai rencontré aussi dans ma circonscription de nombreux chefs d'entreprise qui aimeraient embaucher et qui ne trouvent pas de personnes à employer.
Certains ont fait des investissements lourds qu'ils ne peuvent optimiser faute de main-d'œuvre. Ils pourraient produire davantage en France mais ils manquent de candidats au travail. C'est fortement dommageable.
Notre pays souffre donc d'un déphasage entre le nombre de chômeurs qui reste trop important et ces milliers d'emplois qui ne sont pas pourvus. Ce phénomène n'est pas inédit, mais il semble s'aggraver.
Et nos concitoyens ne voient pas d'amélioration à cette situation. Le candidat Macron avait soi-disant fait de la valeur travail un de ses thèmes favoris, lors de sa campagne et après la crise des gilets jaunes.
Mais les résultats ne sont pas là. Je suis persuadé que cet échec participe à la désillusion de nos concitoyens qui se sont massivement abstenus.
…pour assurer une meilleure reconnaissance à ceux qui acceptent de se lever tôt ?
Approbations sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Que fait le Gouvernement pour inciter vraiment, les bénéficiaires du RSA qui le peuvent à trouver et accepter un emploi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Je vous le confirme, l'émancipation par le travail est au cœur du projet du Président de la République et de l'action du Gouvernement depuis le début du quinquennat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est aussi au cœur de l'agenda social que nous partageons avec les partenaires sociaux depuis un an pour répondre à la crise et, au-delà, aux enjeux structurels qui se présentent en matière de travail, d'emploi et de formation.
Vous pourriez vous en réjouir, monsieur Bazin, messieurs les députés, car notre politique de protection de l'emploi pendant la crise sanitaire a fonctionné !
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
L'impact de la crise sur l'emploi a pu être contenu grâce aux mesures d'urgence, en particulier à l'activité partielle. Fin mai, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A a augmenté de moins de 6 % par rapport à décembre 2019, contre une hausse de 25 % au bout d'un an durant la crise de 2008-2009. La reprise a en outre été très dynamique, les embauches étaient en mai au plus haut depuis quinze ans. On recense ainsi 785 000 déclarations d'embauche au cours du mois de mai.
M. Pierre Cordier et M. Jean-Marie Sermier protestent.
Au-delà des mesures d'urgence, le Premier ministre a dressé ce matin, devant les partenaires sociaux, le bilan de l'agenda social. Ce dernier a permis des avancées importantes, en particulier la réforme de l'assurance chômage entrée en vigueur le 1er juillet. Adossée à un investissement sans précédent dans la formation des demandeurs d'emploi, elle devrait résoudre le paradoxe français d'un chômage de haut niveau coexistant avec des difficultés de recrutement dans de nombreuses entreprises. Notre objectif est bien d'accompagner la relance de l'économie, de rejoindre la trajectoire de baisse du chômage engagée avant la crise et de veiller au développement d'emplois de qualité, comme le préconise le rapport d'Olivier Blanchard et de Jean Tirole, récemment remis au Président de la République.
Ainsi, pour le Gouvernement, promouvoir la valeur travail n'est pas un slogan, mais l'objet de notre engagement quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
À vous entendre, tout va bien. Allez sur le terrain écouter les acteurs économiques ! Vous multipliez les discours, or il faut agir : c'est une question de justice sociale !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, nous avons célébré jeudi le 120
Depuis quatre ans, le Gouvernement et la majorité déploient une stratégie ambitieuse pour construire une véritable société de l'engagement, pour accompagner les mutations des associations et pour faciliter le développement associatif dans tous les territoires.
La crise a révélé aux yeux de tous la grande solidarité des Français et le rôle considérable que jouent les associations. Au nom de la représentation nationale, je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour soutenir les plus fragiles d'entre nous, toutes celles et tous ceux qui se sont démenés pour garder un lien avec leurs adhérents et leurs bénévoles.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Grâce à leurs actions de solidarité – sociales, sportives, éducatives, culturelles, humanitaires, environnementales –, les associations sont incontournables pour réussir la relance.
La sortie de crise qui s'annonce suscite beaucoup d'espoirs, mais aussi des inquiétudes. Les associations doivent adapter leurs activités et craignent une baisse du nombre de leurs adhérents. Elles redoutent également de devoir annuler certains événements à cause de la situation sanitaire.
Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire que l'État et les collectivités territoriales leur réaffirment leur soutien, afin que vive la dynamique associative, si précieuse aux yeux de tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.
Le 1er juillet, à la demande du Premier ministre, nous avons célébré les 120 ans de la grande loi de 1901. Nous avons réuni à Matignon 120 associations, qui se sont notamment battues pendant la crise liée au covid-19. À travers elles, nous avons honoré et célébré les 20 millions de bénévoles, le 1,5 million d'associations et le 1,8 million de salariés du monde associatif, présent dans tout le territoire.
Grâce aux échanges avec les représentants de ce secteur, nous avons identifié deux grands besoins. Il fallait d'abord apporter une réponse économique à la crise sanitaire. Avec Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, nous avons déployé le fonds d'urgence ESS, dédié aux associations et entreprises de l'économie sociale et solidaire, et nous avons abondé le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) de 30 puis de 15 millions d'euros.
En outre, la composition du FDVA évolue, puisque le Premier ministre a promulgué le 1er juillet deux lois d'initiative parlementaire visant à accompagner et promouvoir l'engagement associatif. La loi en faveur de l'engagement associatif tend à encourager l'engagement bénévole, notamment en reconnaissant le statut non professionnel des dirigeants ; elle a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et par le Sénat. La loi visant à améliorer la trésorerie des associations répondait à une envie exprimée sur tous les bancs de cette assemblée : les parlementaires ont une connaissance approfondie de leur territoire et accompagnent les associations qui s'y trouvent. Grâce à cette loi, ils siégeront au collège départemental consultatif de la commission régionale du fonds, auquel nous tenons.
Outre ces soutiens financiers dans une période de crise, nous nous engageons dans le domaine éducatif, avec le service civique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Le 27 juin, avec un taux de participation de près de 60 %, les électeurs de Corse ont accordé, à près de 70 %, leurs suffrages à une liste autonomiste ou nationaliste, tout particulièrement à la liste Fà populu inseme, conduite par le président sortant Gilles Simeoni, qui a obtenu la majorité absolue en sièges, recueillant près de 41 % des votes exprimés.
Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, c'est donc honoré d'une double légitimité démocratique, parlementaire et élu de l'Assemblée de Corse, que je m'adresse à vous. Pour la troisième fois depuis 2015, les insulaires adhèrent pleinement à la démarche engagée par le courant d'idées auquel j'appartiens : une démarche de paix, de démocratie et d'émancipation politique, économique, sociale et culturelle de la Corse.
Le projet auquel les Corses se sont ralliés est clair : créer, dans les années à venir, les conditions de l'avènement d'un statut d'autonomie de plein droit et de plein exercice, au sein de la République, à l'instar de la quasi-totalité des îles de Méditerranée. Depuis 2015, et encore plus depuis 2017, le président Gilles Simeoni et nous-mêmes, parlementaires, n'avons cessé d'appeler au dialogue.
Il s'en est suivi une succession de rendez-vous manqués, à laquelle il faut mettre un terme. Une nouvelle page doit s'écrire ; nous devons l'écrire ensemble. Il faut engager le dialogue selon les aspirations des insulaires, qui veulent suivre un chemin apaisé vers une solution politique globale. Cela nécessite de définir un cadre de discussions, un calendrier et une méthode partagée, qui associe l'ensemble de la société et des forces politiques de l'île. Voilà notre souhait.
Nous en appelons aussi solennellement à la représentation nationale et à vous, monsieur le président Ferrand, conformément à votre attachement à la tradition démocratique et républicaine de cette Assemblée, pour créer les conditions de l'apaisement et faire sauter les derniers verrous d'un blocage politique que nous n'avons que trop subi.
Madame la ministre, êtes-vous enfin prête à changer de braquet et à engager un tel processus de dialogue politique pour la Corse ?
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Je vous renouvelle les félicitations pour votre élection que j'ai adressées personnellement au président Gilles Simeoni. Comme vous le soulignez, nous ne pouvons que nous féliciter du taux de participation aux élections territoriales de Corse.
Vous appelez au dialogue et au partenariat. Je crois que nous sommes déjà, depuis quatre ans, dans une logique de dialogue et de partenariat. Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement nourrit pour la Corse une ambition forte : reconnaître sa spécificité d'île montagne, ses richesses historiques et culturelles et sa situation de porte d'entrée en Méditerranée ; s'y ajoute l'ambition d'accompagner le quotidien de ses habitants. Pour ce faire, nous avons déployé des politiques, comme le plan de transformation et d'investissement en Corse (PTIC) et les contrats de relance et de transition écologique que nous venons de présenter. Lors de mon dernier voyage en Corse, au mois d'avril – vous étiez là, monsieur Acquaviva –, nous avons déjà concrétisé ces politiques de partenariat entre l'État et la Corse.
L'élaboration du PTIC est déterminant pour l'avenir de la Corse et de sa population. Nous sommes toujours prêts à discuter plus, à définir des calendriers de rencontres et à travailler avec toutes les forces politiques de l'île. Naturellement, je vous le dis à cœur ouvert, c'est ce que je souhaite pour la Corse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Depuis plusieurs jours, on nous explique que vous étudiez le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Est-il vrai que le candidat Macron a écrit en 2017 : « L'enjeu n'est pas de repousser l'âge ou d'augmenter la durée de cotisation » ? Oui ! Est-il vrai que le Président Macron a répété, en avril 2019 : « Est-ce qu'il faut reculer l'âge légal […] ? […] je me suis engagé à ne pas le faire » ? Oui ! Alors, si ces annonces se confirment, est-il vrai que la parole d'Emmanuel Macron ne vaut rien ? Oui !
À partir de 60 ans, on est plus fragile. Le covid nous l'a prouvé : les gens âgés de 60 à 64 ans ont deux fois plus de risques d'être hospitalisés. On a aussi appris que reculer l'âge de départ à la retraite revient à faire reculer l'espérance de vie en bonne santé.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
En partant à partir de 60 ans, on peut encore profiter un peu de la vie en bonne santé.
Ce ne sont pas que des chiffres. Vous ruineriez des moments de vie : je vous parle de s'adonner à des passions, à des loisirs, à sa famille, à ses petits-enfants, au monde associatif, après une vie de labeur. Pourquoi priver les Français de ces moments de bonheur mérités ?
Le Conseil d'orientation des retraites explique pourtant qu'à long terme, nous n'avions pas de problème de financement du système de retraites ! Le déficit vient des pertes d'emploi et des exonérations de cotisations.
C'est le résultat du transfert de la dette covid sur la dette sociale. Le problème n'est donc pas lié aux dépenses ; il ne faut pas retarder l'âge du départ à la retraite. Le problème, ce sont les recettes !
Les richesses explosent en France. La productivité n'a jamais cessé d'augmenter. Pourquoi ne pas répartir autrement les richesses gagnées par la productivité, plutôt que d'enfermer les gens toujours plus longtemps dans leur travail ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Alors que le chômage explose, nous devrions plutôt ambitionner le plein emploi en commençant par partager le temps de travail, par ramener l'âge légal de la retraite à 60 ans, comme notre programme « L'Avenir en commun » le propose.
Mêmes mouvements.
Pourquoi faire cette réforme à quelques mois de l'élection présidentielle ? Pour répondre aux ordres de la Commission européenne ? Nous ne lui devons rien ! Je vous le demande : faites cesser ces bruits insupportables, ne faites pas payer la crise au monde du travail, ne mettez pas le pays sur une poudrière !
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Votre opposition de principe à toute réforme des retraites ne me surprend pas vraiment ;…
…pourtant pérenniser et rendre plus juste notre système de retraites par répartition constitue un enjeu majeur pour notre pays. En période de sortie de crise, les questions qui se posaient concernant notre système de retraites restent d'actualité. Comment peut-on défendre un système éclaté en quarante-deux régimes, ce qui est source d'iniquités et correspond de moins en moins au parcours professionnel des Français ?
Ils sont de plus en plus nombreux à changer de métier au cours de leur vie professionnelle ; comment peut-on défendre un système qui pénalise autant les carrières hachées et les temps partiels, souvent subis – je pense particulièrement au parcours professionnel des femmes ? Comment peut-on ignorer les déséquilibres structurels de notre système de retraite ? La question du financement n'a pas l'air de vous intéresser ,
Vives protestations sur les bancs des groupes FI et GDR
c'est pourtant fondamental pour assurer la pérennité du régime par répartition. À ce sujet, je vous invite à relire le rapport du Conseil d'orientation des retraites, qui annonce un déficit supplémentaire de 100 milliards d'euros sur les dix prochaines années.
Une réforme des retraites est donc nécessaire pour faire évoluer notre système vers plus d'universalité, d'équité et de soutenabilité. Aussi devrons-nous travailler un peu plus longtemps dans les années qui viennent. C'est en échangeant avec les Français, les organisations syndicales et patronales et les forces politiques que nous trouverons les bonnes réponses.
Ma question s'adresse au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Résultat d'une lutte acharnée des vignerons, n'est champagne que le vin de Champagne. Depuis 2015, la Champagne, ses coteaux, maisons et caves sont classés au patrimoine mondial de l'UNESCO. Pour protéger ce patrimoine, l'appellation d'origine contrôlée (AOC) lie un produit à son origine géographique et le soumet à des règles de production et d'élaboration strictes.
Vendredi, la France et la Champagne découvraient avec stupeur que la législation russe évoluait pour intégrer de nouvelles dispositions concernant l'étiquetage des bouteilles de vin. Ces dispositions législatives sont de nature à porter une atteinte grave à l'appellation champagne et plus généralement à la filière. La nouvelle législation prévoit que les vins de Champagne conservent le droit exclusif d'utiliser le nom « champagne » en caractères latins sur l'étiquette principale mais les oblige à renoncer à « champanskoe », traduction de « champagne » en russe, et à se présenter comme « vin mousseux », en caractères cyrilliques, sur la contre-étiquette. Seuls les vins effervescents russes ont désormais le droit d'utiliser le nom « champanskoe ».
Cette loi remet en cause plus de vingt ans de discussions bilatérales entre l'Union européenne et la Russie sur la protection des appellations d'origine. Alors que l'appellation « champagne » est aujourd'hui protégée dans plus de 120 pays, nous avons le devoir de poursuivre les discussions avec les autorités russes pour obtenir l'usage exclusif de ce nom sur le territoire russe.
À l'heure de la relance, comment le Gouvernement entend-il aider les interprofessions à protéger les produits de nos terroirs qui font rayonner la France et ses savoir-faire partout dans le monde ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Vous avez raison de nous alerter sur les conséquences de cette nouvelle loi russe, promulguée vendredi dernier après un examen vraiment très rapide par le Parlement russe, et qui fixe des règles nouvelles en matière de dénomination de produits et d'étiquetage : elle pourrait porter préjudice aux entreprises françaises qui exportent des vins et des spiritueux vers la Russie.
La France n'est pas explicitement visée, mais une analyse montre que certains produits d'origine française, notamment le champagne, sont particulièrement concernés. Cette loi s'inscrit dans la logique de mesures protectionnistes prises, depuis un certain temps, dans le domaine vitivinicole, par la Russie. Nous avons d'ailleurs déjà soulevé cette question de la remise en cause des indications géographiques devant l'Organisation mondiale du commerce.
Je comprends les inquiétudes des producteurs de champagne. Julien Denormandie, Franck Riester et moi-même sommes très vigilants sur les conséquences que pourrait avoir ce texte, que nous sommes en train d'analyser – il vient de sortir et nous n'en mesurons pas encore tous les effets.
Nous agirons dans les jours qui viennent auprès des autorités russes, de manière bilatérale mais aussi au niveau européen, pour défendre les intérêts de nos producteurs et de nos indications géographiques protégées.
Si, d'aventure, des violations des règles de l'OMC étaient avérées, nous engagerions des poursuites, comme nous avons déjà envisagé de le faire. Mais j'espère que le dialogue permettra de résoudre ces difficultés.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Avant de lui donner la parole, j'adresse toutes nos félicitations à M. Arnaud Viala, qui vient d'être élu président du conseil départemental de l'Aveyron – mon département natal .
Sourires
J'adresse les mêmes félicitations à nos collègues Jean-François Parigi, élu président du conseil départemental de Seine-et-Marne, et Martial Saddier, élu président du conseil départemental de Haute-Savoie.
Applaudissements sur tous les bancs.
Merci, monsieur le président. Votre message aveyronnais me touche particulièrement.
Tout au long de la crise sanitaire que nous avons traversée, les acteurs et institutions locaux ont montré leur pertinence et leur efficacité dans la gestion des besoins de nos concitoyens et des services dont ils bénéficient. À bien des égards, la France a redécouvert les talents et le dévouement de ses collectivités territoriales, de leurs élus, de leurs agents et de leurs politiques.
L'agenda parlementaire très chargé de ce début de session extraordinaire les concerne à plusieurs titres : le Sénat entame l'examen de la loi 4D – déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification –, dont les territoires attendent qu'elle leur donne de la respiration dans leurs projets ; vous avez annoncé que le débat sur la loi relative au grand âge et à la dépendance, moult fois reporté, aurait lieu prochainement ; enfin, notre assemblée examine à partir de cet après-midi un projet de loi relatif à la protection des enfants. Ce dernier texte est indispensable pour de nombreuses raisons mais il est aussi, à ce stade, très imprécis. Gageons que son examen va lever doutes et ambiguïtés.
Ma question porte sur les moyens que le Gouvernement entend accorder aux collectivités, à commencer par les conseils départementaux, pour faire face à ces lourdes charges. Accompagner le vieillissement, prendre en charge les nombreux mineurs isolés ou en difficulté : ces missions engendrent des coûts exponentiels pour les conseils départementaux. Les Français doivent être égaux face à ces défis et il n'est pas envisageable que les contribuables locaux soient seuls pour les relever, alors qu'ils subissent déjà des inégalités territoriales. L'État doit donner les moyens d'une solidarité active et uniforme.
Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire ?
Je voudrais être sûr de répondre correctement à votre question et donc de l'avoir parfaitement comprise. Vous avez parlé de l'aide qu'apportait l'État aux collectivités, vous avez parlé des soignants, des encadrants de la petite enfance.
Si vous voulez parler de l'engagement des collectivités au service des soignants, il est évidemment réel ; d'ailleurs, Brigitte Bourguignon, Adrien Taquet et moi-même encourageons les départements à accompagner les hausses de salaires. Je pense aux aides à domicile, par exemple, parmi d'autres professions très fortement mobilisées pendant la crise sanitaire et pour la vaccination.
Je vais peut-être vous laisser du temps pour poser à nouveau la fin de votre question, si jamais je ne vous avais pas bien répondu…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Eh oui, quand on n'est pas sûr de bien comprendre une question, il vaut mieux prendre un peu de son temps pour qu'elle soit posée à nouveau plutôt de répondre à côté !
Je suis confus de vous prendre au dépourvu, monsieur le ministre, mais ma question ne portait pas sur les soignants, mais sur les moyens que l'État entend confier aux conseils départementaux pour assumer les charges nouvelles que les lois débattues en ce moment vont faire reposer sur eux.
La loi 4D est en cours d'examen au Parlement, et Jacqueline Gourault et Adrien Taquet vous répondraient bien mieux que moi sur l'accompagnement des mesures nouvelles. Je suis sûr que les questions que vous soulevez feront partie du débat à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Vous avez effectivement évoqué de nombreux sujets qui n'entrent pas dans le champ social, mais croyez à l'engagement de l'État aux côtés des collectivités, pour les accompagner dans toutes leurs missions.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, le Ségur de la santé a ouvert une nouvelle ère pour le secteur hospitalier et les EHPAD. Nous nous en félicitons. C'était à la fois attendu, nécessaire et tellement mérité. Mais il a oublié le secteur du handicap ; la consultation a écarté, de manière totalement injuste, les acteurs qui œuvrent sous statut privé à but non lucratif pour le soin et l'accompagnement des personnes handicapées.
À la fin de l'année 2020, le Gouvernement a chargé Michel Laforcade d'une mission destinée à compléter les actes du Ségur, mais la revalorisation salariale n'a été étendue au secteur privé à but non lucratif que de manière très limitée. Les établissements du champ du handicap en étaient toujours exclus.
Ainsi, le Ségur de la santé a exacerbé les difficultés et déstabilisé les organisations œuvrant dans le champ du handicap. Elles tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme ! Rupture d'équité, concurrence déloyale, démissions, difficultés de recrutement, baisse d'attractivité du secteur, paupérisation des salariés, rivalité entre les métiers de la santé et de l'accompagnement... Autant d'effets délétères du Ségur qui ont un impact dans le champ social et le secteur du handicap.
À titre d'exemple, un aide-soignant en début de carrière dans un même établissement percevra avec un niveau de diplôme inférieur un meilleur salaire qu'un éducateur spécialisé.
Le point de rupture est proche, voire déjà atteint dans certains cas, avec une mise en danger des usagers et des professionnels.
Le Gouvernement s'est récemment illustré de façon négative en refusant la déconjugalisation de l'AAH – allocation adulte handicapé.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Quelles mesures entend-il prendre pour une meilleure prise en considération du handicap ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Je crois avoir entendu, à propos du Ségur, qu'il fallait arrêter le massacre. Je ne suis pas sûr que ce soit bien ce que vous avez dit !
Si vous parlez des 9 milliards d'euros par an de hausses de salaire pour près de 2 millions de salariés dans notre pays, changez de banc, et changez radicalement !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Vives protestations sur les bancs des groupes LR et SOC. – M. Alain David reste debout et proteste avec véhémence.
Si vous parlez de la mesure qui entraîne la plus forte réduction de l'écart salarial entre hommes et femmes de toute l'histoire de notre pays en y voyant un gâchis, quittez les bancs de votre groupe ! Les socialistes que j'ai connus se battaient pour obtenir des hausses de salaire pour les soignants, pour les aides à domicile, pour les petits salaires, pour les femmes. Ils auraient applaudi debout une hausse d'un dixième de ce que nous avons réussi avec le Ségur !
Vives protestations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.
Cette majorité a voté ces hausses de salaires, et elle le revendique ! Nous avons, avec le Ségur, augmenté les revenus de près de 2 millions de salariés, dont 85 % de femmes.
Mêmes mouvements.
Vous avez raison, certains qui ne sont pas forcément dans le champ de la santé n'ont pas bénéficié de ces revalorisations : nous n'avons pas augmenté les salaires de 50 millions de Français à hauteur de 200 euros nets par mois. Mais nous l'avons fait pour 2 millions d'entre eux : qu'avez-vous fait, vous ? Qu'avez-vous à proposer ?
La mission de Michel Laforcade a planché sur l'élargissement du périmètre du Ségur de la santé au secteur médico-social. Avec Brigitte Bourguignon, avec Sophie Cluzel, nous avons travaillé et signé des accords majoritaires avec les syndicats. Force ouvrière a signé, la CFDT a signé, l'UNSA a signé, à trois reprises. J'entends que ça ne suffit pas aux socialistes ; j'ai hâte de voir ce que vous ferez la prochaine fois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.
Madame la ministre de la transformation et de la fonction publiques, depuis 2017, notre majorité mène une politique ambitieuse de rénovation de la rémunération des fonctionnaires civils et militaires qui ne reçoit pas l'attention médiatique qu'elle mérite.
Avec le Ségur de la santé, nous avons augmenté le traitement indiciaire des soignants de 183 euros par mois ; le Grenelle de l'éducation a accordé une prime d'activité de 100 euros aux enseignants en début de carrière ; les gardiens de la paix ont eux aussi vu leurs salaires revalorisés de 120 euros par mois. La loi de programmation militaire a également entériné une nouvelle politique de rémunération de nos soldats.
Toutes ces mesures sont concrètes. Elles manifestent une volonté sincère d'améliorer le quotidien et de renforcer le pouvoir d'achat de nos fonctionnaires.
J'ai moi-même été durant douze ans fonctionnaire de catégorie C, une de ces « petites mains » de notre fonction publique. Aujourd'hui en disponibilité pour exercer mon mandat de députée, je demeure particulièrement attentive aux mesures prises en faveur de ces agents. En contact permanent avec les citoyens, ces fonctionnaires sont des rouages aussi discrets qu'essentiels pour permettre à notre société de fonctionner. Ils sont les agents de notre quotidien. Ce sont eux qui font vivre nos centres communaux d'action sociale (CCAS), nos cantines publiques, et nos écoles. Ils nous accueillent et nous accompagnent dans chacune de nos démarches en mairie. Ils entretiennent nos espaces verts et nos voiries.
Alors qu'elles représentent 80 % de la fonction publique territoriale, ces chevilles ouvrières de l'État méritent elles aussi une pleine reconnaissance de notre part.
Je crois savoir, madame la ministre, que vous prévoyez en faveur de ces fonctionnaires de catégorie C une importante revalorisation salariale, et non une prime. Sauriez-vous nous en dire plus sur cette mesure tant attendue ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Merci de rappeler dans le débat public le rôle essentiel de ces hommes et des femmes qui exercent des métiers parfois oubliés, parfois négligés. Ils étaient en deuxième ligne pendant la crise sanitaire, mais ils étaient la première ligne de la continuité des services publics.
Oui, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous avons fait un choix pour 2022 : au-delà des augmentations de salaires que vous avez citées pour les soignants, pour les forces de l'ordre, pour les enseignants, nous avons décidé, non pas d'augmenter le point d'indice de 1 %, ce qui aurait accordé à ces agents de catégorie C une augmentation de 14 euros au maximum, mais de concentrer nos efforts en revoyant en profondeur la grille salariale de 1,2 million d'agents de catégorie C, qu'ils travaillent dans les hôpitaux, dans les collectivités locales, dans les services de l'État…
D'ici à l'année prochaine, les agents de l'État de catégorie C verront sur leur feuille de paye une hausse de 40 à 100 euros par mois, avec une prise en charge de 15 euros pour la mutuelle santé que ces agents payent aujourd'hui entièrement de leur poche. C'est là une inégalité que nous voulons résorber.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ainsi, ce matin, nous sommes allés plus loin avec les organisations syndicales : nous avons parlé des promotions et des inégalités de salaires entre les ministères, à travail égal ; nous nous sommes également penchés sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je me suis engagée à ce que nous ouvrions, à compter d'aujourd'hui et pour six mois, jusqu'en février 2022, un chantier sur les perspectives de salaires et de carrière,…
…car nous devons à ces femmes et à ces hommes très engagés, dont je suis fière d'être la ministre, des perspectives d'avenir, de valorisation et de reconnaissance. Je vous remercie pour votre soutien.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, pour vous être agréable, je commencerai par une citation du Président de la République relative à la production des équipements de protection contre le covid, notamment des masques et des liquides désinfectants. Le 31 mars 2020, le président déclarait : « […] il nous faut aussi […] produire davantage en France, sur notre sol. Produire parce que cette crise nous enseigne que sur […] certains matériaux, le caractère stratégique impose d'avoir une souveraineté européenne. Produire plus sur le sol national pour réduire notre dépendance et donc nous équiper dans la durée. »
Cet appel a été entendu puisqu'en France, la capacité de production de masques est passée de 3,5 millions par semaine en janvier 2020 à 100 millions au premier trimestre 2021, selon les chiffres fournis par le ministère de l'économie, des finances et de la relance. Encore faut-il que quelqu'un achète ces masques, produits en France, à commencer par l'État pour ses propres besoins. Ainsi, monsieur le Premier ministre, comment expliquez-vous que le ministère de l'intérieur ait récemment acheté 40 millions de masques – je dis bien 40 millions – fabriqués en Chine plutôt que des masques « made in France » ?
« Ouh ! » sur les bancs du groupe GDR.
Vous l'avez dit vous-même, lorsque la crise s'est abattue sur notre pays, la production hebdomadaire de masques était limitée à 3,5 millions d'unités ; elle est aujourd'hui de 100 millions d'unités. Nous pouvons toutes et tous saluer les performances de l'industrie française qui permettent d'atteindre ce niveau de production.
Cela ne s'est pas fait tout seul, mais grâce au soutien de l'État puisque dès le mois d'avril 2020, nous avons lancé, avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie, un appel à manifestation d'intérêt. Dix projets ont été retenus, auxquels l'État apporte un soutien financier à hauteur de 18 millions d'euros. Ils permettent de créer près de 250 emplois sur le territoire.
Par ailleurs, de manière plus générale,…
…nous accompagnons, dans le cadre du plan de relance, 87 projets portant sur des produits de santé, subventionnés à hauteur de 83 millions d'euros, afin de reconquérir notre souveraineté dans le domaine de la production de matériels médicaux et d'équipement. L'État a passé une série de marchés pour reconstituer son stock stratégique et équiper ses agents publics. Dans certains cas, nous avons fait le choix de la rapidité et de la capacité à fournir très rapidement des volumes importants de masques. Nous avons acheté plus de 5 milliards de masques,…
…tout en veillant systématiquement à faire en sorte que les règles de marchés publics soient respectées. C'est un impératif qui s'impose à tous, au Gouvernement comme aux collectivités locales.
Près d'un tiers des marchés de production de masques ont été attribués à des entreprises françaises. De même, pas plus tard que la semaine dernière, nous avons notifié des projets d'achats de gants à des entreprises françaises.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre délégué, votre réponse est indigente. Rien n'empêchait l'État de passer commande de masques fabriqués en France. Le code des marchés publics n'est pas un obstacle : il prévoit déjà des dérogations et une préférence nationale ou européenne pour les armements et les équipements de sécurité. Rien ne vous empêchait de le modifier et le Parlement vous aurait soutenus !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je répète : lors du déclenchement de la crise, avec mes collègues compétents sur ces questions au ministère de l'économie, des finances et de la relance, nous avons fait le choix de la rapidité et avons privilégié les clauses d'intérêt et de sauvegarde.
Monsieur le Premier ministre, la Nouvelle-Calédonie est engagée depuis 1998 dans l'accord de Nouméa, processus irréversible d'émancipation et de décolonisation. Le pays est entré dans la phase critique de ce processus avec le cycle référendaire dont la séquence finale coïncidera avec la troisième consultation sur l'accession de Kanaky Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.
L'État est signataire de cet accord moderne et innovant. À ce titre, il doit accompagner cette île mélanésienne du Pacifique vers son émancipation, afin de répondre aux défis géostratégiques globaux et de permettre à l'ensemble des parties prenantes de sortir gagnantes de ce cycle – historique pour le peuple de Kanaky Nouvelle-Calédonie.
L'idée de l'indépendance politique a fait son chemin : le concours du parti l'Éveil océanien a permis, en février dernier, aux indépendantistes de remporter la majorité au gouvernement, une première depuis le gouvernement de Jean-Marie Tjibaou en 1982. De plus, une dynamique positive s'est développée autour du projet politique du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), lui permettant d'atteindre des scores plus qu'honorables en novembre 2018 et en octobre 2020.
Néanmoins, plusieurs dossiers restent en attente de clarification, dont certains pourraient porter atteinte à la sincérité et à l'éthique de la République des droits de l'homme. L'engagement de l'État sera observé durant la période de transition, eu égard à la résolution 1514 de l'Assemblée générale de l'ONU relative à l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Le bouleversement des équilibres du corps électoral, de même que la poursuite d'une politique propice à une fuite massive des capitaux viendraient bousculer fondamentalement l'émergence d'un peuple en devenir. Les inégalités sociales augmentent de façon importante, ce qui est contraire à l'esprit de l'accord de Nouméa, alors que de nombreux chantiers restent à mener, notamment relatifs à la jeunesse, à la valorisation d'une biodiversité exceptionnelle et à la prise en compte des effets du dérèglement climatique.
Les missions de visite du Comité spécial de décolonisation et la mission d'observation électorale du département des affaires politiques des Nations unies rappellent les droits et les devoirs de la puissance administrante et pointent les manquements de l'État dans l'établissement des listes électorales ou dans l'exploitation des ressources naturelles.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre des outre-mer, que je félicite aussi pour son élection à la tête du conseil départemental de l'Eure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous avez raison, nous entrons dans une phase critique et décisive de l'application de l'accord de Nouméa. Je crois comprendre que votre question était de savoir si l'État serait au rendez-vous et prendrait ses responsabilités en tant que partenaire et signataire de cet accord. Bien évidemment, la réponse est oui. C'est durant ce quinquennat et la XV
Votre intervention contenait beaucoup de questions, auxquelles j'essaierai de répondre le plus brièvement possible, sachant que je me tiens à la disposition de la représentation nationale dans le cadre de son contrôle du Gouvernement.
Premièrement, la date du référendum est une prérogative du Gouvernement et de l'État ; c'est l'esprit de l'accord. Après consultation, nous avons choisi le 12 décembre. Cette date n'est pas consensuelle mais la décision est respectée par les partenaires car il revient au Gouvernement de convoquer les électeurs par voie de décret. C'est chose faite.
Deuxièmement, la consultation sera organisée sur le modèle du deuxième référendum qui a été, vous le savez, salué par les Nations unies. Nous reprenons exactement la même question et le même dispositif en matière de propagande électorale. C'est aussi comme cela que l'on s'assure d'un niveau d'adhésion le plus important possible de la part des partenaires, à défaut d'un consensus.
Les nouveautés portent sur d'autres sujets. Le document sur les conséquences du oui et du non à l'indépendance – je n'ai pas le temps de le détailler ici – représente la grande innovation ; les Nations unies et l'ensemble des partenaires indépendantistes nous le demandaient depuis de nombreuses années. Surtout, lors des dernières rencontres parisiennes, nous avons consolidé la phase de transition, à laquelle vous avez fait référence dans votre question et qui n'existait pas, en précisant ce qui se passera jusqu'en 2023, en cas de oui comme en cas de non au référendum du 12 décembre prochain.
Le chemin est encore long : dans ce pays largement autonome, beaucoup de questions relatives à l'environnement et aux inégalités sociales sont sur la table. Mais j'ai bon espoir, cette semaine, de voir le gouvernement de Nouvelle-Calédonie constitué, ce qui nous permettra d'avancer.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique.
Par une décision du 1er juillet dernier, le Conseil d'État a enjoint au Gouvernement, dans un délai de neuf mois, de prendre des mesures supplémentaires pour atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d'ici à 2030. Cette décision met en exergue un constat indéniable : nous devons renforcer nos actions pour le climat et accélérer la transition écologique.
Respecter nos engagements issus de l'accord de Paris et de la stratégie nationale bas-carbone est non négociable. Toutefois, la décision du Conseil d'État nous laisse perplexe. Elle fixe un ultimatum mais n'apporte aucune précision relative aux moyens à employer pour atteindre les objectifs. Cela est révélateur d'une défaillance plus générale de nos méthodes d'élaboration des politiques publiques en matière climatique. Dès 2019, le Haut Conseil pour le climat – HCC – soulignait que l'évaluation des effets sur le climat ne concernait que 3 % des articles de loi. Dans son rapport du 30 juin dernier, le même HCC note que la situation n'a pas évolué et préconise de systématiser l'évaluation climatique des lois.
Nous le savons, des mécanismes d'évaluation des politiques publiques existent, par exemple, en matière budgétaire. Il est urgent de créer de tels dispositifs en matière climatique pour orienter notre action publique et nos lois vers la neutralité carbone. Nous devons disposer d'un mécanisme régulier d'évaluation des politiques publiques ainsi que d'études scientifiques chiffrées sur leur impact. Comment pourrions-nous gravir l'Everest de la transition écologique sans feuille de route ni GPS ?
Avec trente députés de tous bords, nous avons déposé trois propositions de loi visant à mettre en place une véritable évaluation climatique des lois. Madame la ministre, inscrirez-vous ces propositions de loi à l'ordre du jour ? Donnerez-vous les moyens à la France de faire de la transition écologique la boussole de nos politiques publiques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La décision du Conseil d'État pose une question qui m'est très chère, ainsi qu'à vous, celle de l'évaluation environnementale des politiques publiques, quelles qu'elles soient. C'est un point très important et je me réjouis que l'Assemblée nationale s'en saisisse. Je félicite les cosignataires des propositions de loi, qui se sont investis dans leur rédaction. Nous verrons comment les choses peuvent évoluer puisque je ne veux pas empiéter sur l'ordre du jour du Parlement.
Néanmoins, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets comporte déjà une avancée importante. Votre contribution comme le travail de Laurence Maillart-Méhaignerie, la présidente de la commission spéciale, du rapporteur général Jean-René Cazeneuve et des autres députés, ont conduit à instaurer un titre VII qui permettra enfin de disposer d'une évaluation complète des effets environnementaux des lois. C'est une avancée absolument essentielle, une première – qui, j'espère, ne sera pas la dernière – dans un texte environnemental.
Par ailleurs, nous disposons d'autres outils, vous l'avez dit. Le HCC nous aide et nous oriente. D'ailleurs, nous lui devons des comptes : le Gouvernement lui soumettra incessamment son évaluation de la loi d'orientation des mobilités, une loi très importante dont nous avons besoin de connaître les effets. Nous évaluons également l'impact environnemental des dépenses fiscales et des politiques publiques grâce au budget vert. Le premier a été présenté devant le Parlement l'année dernière ; il faudra améliorer cette procédure.
Vous voyez, nous sommes mobilisés. J'espère que nous pourrons continuer à avancer ensemble ; en tout cas, vous pouvez compter sur moi pour agir au plus vite.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Madame la ministre de la transition écologique, la mission fondamentale de l'État est de préserver l'intégrité du territoire. Aujourd'hui, vous le savez, celle-ci est menacée par les effets du dérèglement climatique.
Dans la commune de Grande-Synthe, dans une région qui m'est chère, mise en péril par la hausse du niveau de la mer, les acteurs locaux ont décidé d'agir en déposant un recours auprès du Conseil d'État pour inaction climatique. Dans L'Art d'être grand-père, Victor Hugo écrit : « Le néant des géants m'importune ». Ce silence, votre refus de répondre laissent un vide abyssal. N'est-il pas absurde que des élus en soient réduits à saisir le Conseil d'État pour obliger le Gouvernement à respecter ses propres engagements ?
Le 30 juin dernier, le HCC a relevé l'insuffisance des efforts accomplis pour lutter contre le dérèglement climatique. Le lendemain, le Conseil d'État rappelait l'exécutif à l'ordre et lui donnait neuf mois pour prendre toutes les mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre. Le Gouvernement continue de repousser les échéances. Le projet de loi « climat et résilience », la grande loi du quinquennat, représente une occasion manquée.
Le Gouvernement n'est pas au rendez-vous. La résignation est un suicide quotidien, elle condamne nos enfants à des jours sans avenir. La question de la sécurité sera bien au cœur du débat présidentiel, mais il s'agira d'abord de celle de nos concitoyens face au changement climatique.
Alors que débute le Forum politique de haut niveau des Nations unies sur le développement durable, comment rester crédibles sur la scène européenne et internationale s'agissant de la réalisation de l'agenda 2030 ? Quels moyens concrets comptez-vous mobiliser pour répondre à l'ultimatum du Conseil d'État ? La lutte contre le changement climatique étant désormais un enjeu de défense nationale, êtes-vous prête à l'inscrire dans la loi ?
Vous pouvez compter sur moi pour que la transition écologique demeure à l'agenda politique pendant encore longtemps.
À cet égard, je suis plutôt satisfaite de constater que des juridictions, des juges français prennent des décisions en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique.
C'est pour cette raison que je prends acte avec consternation du vote du Sénat ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR
qui nous empêchera de procéder à une modification très importante de la Constitution, qui visait à placer la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité au fronton de l'édifice de la République.
On attend des actions ! Car, sinon, la Constitution mentionne aussi le droit, pour chacun, d'obtenir un emploi.
S'agissant de l'affaire de Grande-Synthe, la décision du juge s'inscrit dans une logique un peu différente. Le Conseil d'État ne dit pas que nous n'agissons pas assez : il nous demande de consacrer les moyens suffisants pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il nous incite à appliquer de manière complète ce que nous avons engagé, estimant d'ailleurs qu'il n'y a pas d'oublis dans les thématiques couvertes. Le Conseil d'État nous demande d'aller plus vite et d'utiliser les 30 milliards d'euros prévus dans le plan de relance – ce que nous faisons, je puis vous l'assurer. Enfin, il nous presse de réaliser tout ce qui est inscrit dans le projet de loi « climat et résilience », lequel, une fois promulgué, fera l'objet de textes d'application très précis – sur ce point également, vous pouvez compter sur toute mon implication.
N'oublions pas que si les grands objectifs sont importants, leur application concrète est plus difficile. Les votes à l'unanimité concernent d'ailleurs souvent les grands principes, et non leur réalisation. En la matière, j'estime qu'un point absolument essentiel est l'accompagnement, afin que les Français eux-mêmes puissent participer à la transition écologique. C'est pourquoi nous allons appliquer et renforcer des dispositifs comme MaPrimeRénov' – 220 000 logements ont été rénovés depuis le 1er janvier – ou l'aide à l'acquisition d'un véhicule propre, qui nous permettent d'avancer au niveau national.
Je n'aurai qu'une simple question : comment allez-vous faire alors que les moyens du ministère de la transition écologique ne cessent de baisser ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, et j'y associe mon collègue Thierry Michels, ainsi que l'ensemble des députés engagés pour les personnes en situation de handicap.
Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, l'inclusion est la priorité du quinquennat.
Comme vous l'avez affirmé hier, monsieur le Premier ministre, à l'occasion du cinquième comité interministériel du handicap (CIH), « quand les enjeux du handicap progressent, c'est la société qui avance ». Ce comité interministériel est la concrétisation de la volonté du Président de la République de transformer notre modèle social en vue de la réalisation d'une société plus inclusive.
Depuis quatre ans, le Parlement et vous-même, madame la secrétaire d'État, avons œuvré pour que chacun puisse choisir et vivre pleinement sa vie et sa citoyenneté.
Je pense aux efforts réalisés en faveur de l'intégration dans le monde du travail, avec l'initiative du DuoDay, destinée à sensibiliser entreprises, ou le dispositif de référent unique – job coach –, devant garantir un suivi des projets professionnels.
Nous avons également amélioré l'accès aux droits, grâce à la simplification des démarches.
Quant à l'école inclusive, le chemin est long, les enfants devant tous avoir les mêmes droits. À cet égard, j'ai rencontré hier le directeur de l'école maternelle de la Bottière, située dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, à Nantes. À la rentrée prochaine, cette école comptera 10 % d'enfants porteurs d'un handicap et son directeur se dit inquiet quant à la réussite de leur accompagnement.
L'effort pour diagnostiquer au plus tôt certains handicaps nous permet de prendre en charge davantage d'enfants, de les faire évoluer et de lutter contre leur exclusion. Cependant, soutenir ces élèves nécessite un investissement fort en faveur de nos écoles : il faut dispenser plus de formations aux enseignants et aux AESH – accompagnants d'élèves en situation de handicap – et prévoir davantage d'unités intégrées directement dans les établissements.
Pouvez-vous nous décliner les mesures prévues par le Gouvernement pour hâter l'avènement d'une société plus inclusive, depuis le plus jeune âge, à l'école, jusqu'à l'âge adulte, au travail ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Oui, sous l'égide du Premier ministre, le Gouvernement a réaffirmé hier la priorité du quinquennat et la nécessité de sécuriser et de simplifier l'accès aux droits et d'assurer l'autonomie des personnes en situation de handicap. Voilà quel a été le sujet principal des discussions du CIH, lesquelles ont été ouvertes aux associations à la demande du Premier ministre. En effet, la construction d'une politique est beaucoup plus rapide lorsque l'on mobilise l'expertise des acteurs concernés.
Cette politique passe bien sûr par l'école. Plus de 3 milliards d'euros ont été mobilisés cette année. Depuis le début du quinquennat, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés a augmenté de 20 % et celui d'AESH, de 35 % ; 4 000 accompagnants supplémentaires doivent être recrutés pour la rentrée prochaine, Jean-Michel Blanquer s'y est engagé.
Parce que l'autonomie passe aussi par l'accès à l'emploi, le Premier ministre a annoncé la prolongation de la prime à l'embauche de 4 000 euros. Elle fonctionne : 15 000 contrats ont été signés, dont 66 % en CDI. De plus, nous travaillons avec les associations afin de sécuriser les parcours professionnels, en favorisant les allers-retours entre les ESAT – établissements et services d'aide par le travail – et les entreprises ordinaires, et en permettant le travail à temps partiel. Ce chantier est très attendu par les associations et nous nous y employons.
J'ajoute que nous disposons d'un État exemplaire et je salue à cet égard l'engagement d'Amélie de Montchalin pour favoriser l'embauche d'apprentis et de travailleurs en situation de handicap dans la fonction publique, ainsi que l'évolution de leurs carrières. Notons que la plateforme « Mon parcours handicap » nous permettra d'évaluer le caractère inclusif des pratiques des employeurs privés et publics en matière de ressources humaines.
Nous avons également une grande ambition et une feuille de route très précise en matière de santé sexuelle, laquelle se concrétise par la création de centres de ressources pour la vie intime, affective et sexuelle. Ceux-ci doivent permettre aux personnes en situation de handicap de vivre comme les autres citoyens.
Enfin, nous travaillons sur une grande campagne de sensibilisation, prévue pour l'automne, visant à changer le regard sur le handicap.
Le Gouvernement est donc mobilisé pour que nous construisions ensemble une société inclusive.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre déléguée chargée du logement, lors de votre venue à La Réunion la semaine dernière, vous avez constaté la nécessité criante de construire de nouveaux logements sociaux et de réhabiliter les plus anciens. Cet état de fait résulte des politiques menées depuis 2013, marquées par la baisse constante de la LBU – ligne budgétaire unique – et aggravées par la suppression progressive des outils de défiscalisation du logement social en outre-mer.
Si le rythme actuel se poursuit, nous ne parviendrons pas à atteindre l'objectif fixé par le plan logement outre-mer. En effet, moins de 2 000 logements par an ont été construits ces dernières années, et avec la crise du covid-19, les chiffres demeureront médiocres. En 2019, seuls 649 logements ont été rénovés, alors que plus de 17 000 sont recensés comme indignes. Plus de 20 000 familles sont donc toujours en attente d'un logement social, sans compter les 100 000 Réunionnais en situation de mal-logement.
En dépit des effets d'annonce et des chiffres faramineux qui ont été communiqués – 180 millions d'euros pour les opérations de rénovation urbaine et 50 millions d'euros pour la LBU –, rien n'indique que les services de l'État et les opérateurs concernés sont en ordre de marche pour rattraper ces retards persistants, devenus inadmissibles.
Quelles réformes comptez-vous engager pour mettre fin aux lenteurs administratives qui freinent la chaîne de production du logement social à La Réunion et plus généralement dans les DOM – départements d'outre-mer ? En ce qui me concerne, je demanderai la création d'une commission d'enquête parlementaire visant à faire la lumière sur ces dysfonctionnements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous prie d'excuser l'absence de la ministre déléguée chargée du logement, qui était effectivement à vos côtés à La Réunion la semaine dernière pour évoquer ces questions.
Je ne dispose pas exactement des mêmes chiffres que vous, mais nous aurons peut-être l'occasion de les comparer, notamment lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
S'agissant de La Réunion comme de l'ensemble du territoire national, l'objectif est bien de construire des logements neufs et de réhabiliter les plus anciens.
Cela étant, en comparaison avec les départements hexagonaux, l'accès au foncier est parfois beaucoup plus compliqué dans nos territoires d'outre-mer, et singulièrement à La Réunion. Toutes les commissions d'enquêtes pourront l'établir, mais nous le savons déjà. Il nous faut trouver des solutions : j'y reviendrai.
Deuxièmement, La Réunion, les collectivités d'outre-mer dans leur ensemble et les bailleurs sociaux de ces territoires sont plus qu'ailleurs concernés par des problèmes d'ingénierie.
Veuillez m'excuser de le dire, mais il existe également des problèmes de gouvernance locale s'agissant de certains projets. Je ne les nommerai pas, mais les défaillances sont connues.
Enfin, les territoires ultramarins connaissent des difficultés relatives au coût des matériaux, plus élevé qu'ailleurs, qui ne vont malheureusement pas en diminuant – l'enjeu est de taille.
L'État consacre des moyens pour répondre à ces défis. Je l'ai dit, je conteste les chiffres que vous avez avancés. Pour ma part, je ne vous en donnerai qu'un seul – peut-être n'était-il pas public, en tout cas je le communique à la représentation nationale : 4 400 projets sont recensés pour l'année 2021. Sur ce total, 2 350 concernent la construction de nouveaux logements et 2 050, la réhabilitation. Ce nombre est en augmentation de 40 % par rapport à 2020. Nous sommes donc mobilisés pour accomplir des choses concrètes.
Par ailleurs, il convient de ne pas opposer les collectivités locales et l'État, afin de ne pas empiéter sur les compétences des uns et des autres. Il faut respecter le fait que le logement constitue une compétence décentralisée.
J'ajoute qu'il est faux de dire que les crédits de la LBU sont en baisse : je l'ai expliqué pendant des heures lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 et le ferai à nouveau cette année. Il y a de l'argent en plus grâce au plan de relance. La rénovation urbaine fait l'objet de crédits supplémentaires. Et l'AFD – Agence française de développement – et l'ANCT – Agence nationale de cohésion des territoires – disposent également de fonds additionnels pour l'ingénierie.
Il nous faut maintenant conjuguer ces différents outils et nous appuyer sur une véritable gouvernance locale. Le cycle électoral local étant terminé, j'espère que nous disposerons désormais du bon alignement des planètes pour avancer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est bien ce que j'ai dit : il existe des dysfonctionnements, mais nous ne savons pas s'ils viennent de l'État ou des opérateurs concernés. Voilà pourquoi j'estime qu'il faut mettre la lumière sur cette question. Il n'est pas normal que vous annonciez de tels chiffres et que le nombre de logements diminue.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique.
Le traitement des déchets dangereux est particulièrement réglementé et c'est heureux, mais La Réunion se trouve dans une impasse, car cette réglementation impose une sécurité incendie accrue en cas d'augmentation des volumes stockés. C'est actuellement le cas : les conteneurs ne sont plus embarqués et s'accumulent sur l'île, conséquence de la dérégulation du trafic maritime.
Il s'agit là d'un réel danger, en premier lieu pour les travailleurs en contact avec ces déchets, mais aussi pour l'ensemble de la population et la biodiversité. En effet, les conditions de stockage n'étant pas optimales, les matières dangereuses risquent de fuir dans l'environnement. Par exemple, les batteries non traitées peuvent sécréter des polluants contaminant les sols et donc les nappes phréatiques.
Comme d'autres territoires insulaires, La Réunion n'est pas équipée pour le traitement des déchets dangereux et dépend entièrement des territoires extérieurs. Du fait de l'instabilité du transport maritime, la crise sanitaire met une nouvelle fois en évidence les failles de notre modèle.
Face à cette situation, vous devez apporter une solution d'urgence, même si nous ne pourrons faire l'économie d'un plan pérenne pour notre île, pour ses habitants et plus largement pour la préservation de notre planète et de ses océans. À l'initiative de mes collègues David Lorion, du groupe LR, et Philippe Naillet, du groupe SOC, un courrier cosigné par d'autres parlementaires vous demandant audience vous a été transmis. Cette initiative est donc transpartisane et devrait retenir votre attention. Le problème évoqué étant préoccupant pour notre environnement fragile et unique, répondrez-vous favorablement à notre sollicitation ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Vous avez raison, les déchets dangereux nécessitent par nature une attention particulière, justifiant que leur transport soit réglementé et que leur stockage soit réalisé dans des conditions aussi maîtrisées que possible, afin de prévenir les risques de fuites, de pollution des sols ou des cours d'eau, de départs d'incendie et de dépôts sauvages.
Vous le savez, la Convention de Bâle prévoit que les déchets dangereux produits à La Réunion doivent être obligatoirement transférés vers les territoires métropolitains des pays de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques. Or il est vrai que le seul opérateur de transport assurant actuellement ces transferts a annulé les derniers chargements.
Nous devons d'urgence trouver une solution pour le stockage des déchets. Suez est en contact étroit avec la compagnie maritime concernée, la MSC, pour trouver une solution d'acheminement dans le délai le plus court possible ; le problème n'est d'ailleurs pas lié à Suez, mais à cette compagnie.
Les services de la DEAL – direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement – Réunion ont procédé, avec Suez, à des échanges et à des visites de terrain en vue de la prise d'un arrêté préfectoral d'urgence permettant d'augmenter provisoirement la capacité de stockage de la plateforme. Toutes les solutions sont explorées pour augmenter celles de Suez, mais aussi celles de sites intermédiaires de transbordement pouvant jouer un rôle de tampon. Nous envisageons par ailleurs d'autres zones de stockage, notamment sur le grand port maritime de La Réunion, dans le respect des règles de sécurité.
Toutes ces mesures sont des mesures d'urgence ; la première leçon que nous devons tirer collectivement de cet épisode, c'est qu'il faut prévenir la production de déchets en amont et mettre en place des infrastructures pérennes. J'ai bien reçu votre courrier et j'y donnerai suite.
Merci pour votre réponse, madame la ministre. Nous sommes effectivement dans une situation d'urgence, mais augmenter le volume de stockage ne réglera pas le problème. Il faut réfléchir à des solutions pérennes.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Depuis le 1er juillet, le congé de paternité est passé de quatorze à vingt-huit jours, dont sept sont obligatoires. C'est un nouvel acquis social majeur à inscrire au bilan de la majorité, qui traduit dans les faits l'engagement du Président de la République. De nombreux gouvernements ont annoncé qu'ils allaient prolonger ce congé, mais force est de constater que c'est bien sous le quinquennat d'Emmanuel Macron que la mesure a été votée et rendue effective.
Cette disposition, rendue possible grâce aux négociations avec les partenaires sociaux, est un marqueur de la politique familiale que nous menons et dont nous pouvons être collectivement fiers. C'est un acte concret qui va changer la vie quotidienne des futurs parents et assurer un meilleur développement des enfants. Il permettra, j'en suis sûre, un changement de mentalité plus que nécessaire, amenant les pères à oser prendre leur congé, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui puisque seuls sept pères sur dix font valoir ce droit. En même temps, le fait de rendre sept jours de congé obligatoires forcera les entreprises à les prévoir, et donc à s'organiser. Il s'agit bien de concilier le droit des pères à prendre leur congé et la bonne organisation de l'entreprise.
Ce capital temps supplémentaire donné au père lui permet d'apporter un soutien à la mère au moment où celle-ci en a le plus besoin. Il lui donne aussi la possibilité de développer des liens avec le nourrisson. L'entrée en vigueur de cette mesure est donc une nouvelle avancée en faveur de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui est la grande cause nationale du quinquennat. Enfin, il est important de rappeler que ce droit s'applique désormais à toutes les catégories de travailleurs, qu'ils soient salariés, travailleurs indépendants ou exploitants agricoles.
Madame la ministre, comment envisagez-vous concrètement l'application effective de ce droit dans les entreprises ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Vous l'avez dit : depuis le 1er juillet dernier, tous les Français qui deviennent pères peuvent bénéficier d'un congé de paternité de vingt-huit jours, contre quatorze jours jusqu'à présent. C'était un engagement du Président de la République. Le Parlement l'a voté l'an dernier.
Elisabeth Moreno, Adrien Taquet et moi-même sommes fiers d'avoir défendu cette mesure de progrès pour l'égalité entre les femmes et les hommes. L'objectif est d'encourager les pères à passer davantage de temps avec leur enfant durant les mille premiers jours, dont nous savons qu'ils sont déterminants. Il s'agit aussi d'un enjeu d'égalité entre les femmes et les hommes : personne ne peut se satisfaire d'une situation dans laquelle seuls deux pères sur trois recourent effectivement au congé paternité. Ainsi, pour rendre ce droit plus effectif, les pères doivent désormais obligatoirement prendre une période de repos de sept jours à la naissance de l'enfant, le solde du congé devant être pris dans les six mois suivants.
Attaché au dialogue social, le Gouvernement a associé étroitement les partenaires sociaux à la décision pour parvenir à cet équilibre, l'enjeu étant de concilier le droit des pères à prendre ce congé et les besoins liés à la bonne organisation de l'entreprise, en particulier lorsque le salarié souhaite prendre son congé en plusieurs fois. Un délai de prévenance d'un mois doit ainsi être appliqué pour chaque période de fractionnement. Les services de l'État sont pleinement mobilisés pour accompagner les entreprises et permettre la mise en œuvre effective de ce nouveau droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, en mars 2020, à la suite d'une forte mobilisation sociale marquée par des grèves et des manifestations d'ampleur, à l'issue d'un passage en force avec le recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution et à l'aube d'une pandémie, le projet de loi instituant un système universel de retraite a été suspendu. Il a cristallisé, à juste titre, l'opposition des Français, des syndicats et de nombreuses forces politiques.
Alors que l'exécutif entend réamorcer cette réforme, il envisagerait de reporter l'âge de départ légal à la retraite à 64 ans, pour maîtriser les dépenses publiques dans un contexte de « quoi qu'il en coûte ». Cette éventualité crée le doute et suscite des inquiétudes légitimes dans la population active, d'autant plus vives que le projet de loi pourrait s'appliquer à des travailleurs qui s'apprêtent à prendre leur retraite.
Nous pouvons tout d'abord nous interroger sur le calendrier retenu, alors que la menace d'une reprise épidémique est réelle. Nous pouvons, ensuite, nous interroger sur la méthode employée, car la réforme des retraites est un enjeu tel qu'il nécessite une négociation – et non une concertation – avec les partenaires sociaux ainsi qu'un débat approfondi au Parlement ; par ailleurs, une réforme qui touche la vie de chacun d'entre nous ne peut pas faire l'économie d'une véritable étude d'impact. Enfin, nous pouvons nous interroger sur le contenu du projet de loi : un report unilatéral de l'âge de départ à la retraite à 64 ans, sans mesures de justice sociale remédiant aux inégalités en matière d'espérance de vie et de pénibilité au travail, apparaît brutal. Il constituerait une atteinte aux droits des travailleurs à qui l'on a demandé tant d'efforts.
Notre pays a plus que jamais besoin d'apaisement. « Nous ne toucherons pas à l'âge de départ à la retraite » : c'était l'engagement du candidat Emmanuel Macron devenu Président de la République. Pouvez-vous nous confirmer votre volonté de tenir cette promesse, ou d'y renoncer ? Au-delà des mots, il y a les actes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Notre priorité absolue est de sortir de la crise sanitaire, d'accompagner le rebond de l'économie et de répondre aux tensions dans le recrutement, qui sont déjà visibles. Cependant, comme le Président de la République l'a indiqué ce matin aux partenaires sociaux, une réforme des retraites est indispensable. Notre système de retraite doit évoluer vers plus d'universalité et plus d'équité.
Nous avons entendu les inquiétudes suscitées par la réforme entreprise en 2020. Il s'agit de les dépasser pour trouver les voies et moyens d'un système plus juste, plus lisible et plus soutenable. La crise que nous traversons depuis un an a eu un impact massif sur les comptes sociaux ; si nous voulons préserver le système de retraite par répartition sans augmenter les impôts, nous devrons travailler un peu plus longtemps à l'avenir.
Cela pose la question du maintien dans l'emploi des seniors, lequel passe par la formation tout au long de la vie, par des reconversions lorsqu'elles sont nécessaires et par la prévention de l'usure professionnelle.
Ce sujet est inscrit à l'agenda social partagé avec les partenaires sociaux depuis le mois de juillet dernier. Dans ce contexte, le Président de la République a voulu entendre les Français, les organisations syndicales et patronales, et les forces politiques. C'était un des enjeux de la réunion de ce matin. Sur ce sujet, comme pour tous les défis qui nous sont posés aujourd'hui, les prochains mois devront être des mois utiles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre, vous n'avez pas réellement répondu : allez-vous repousser l'âge de départ à la retraite ? On annonce déjà à ceux qui sont nés en 1961 qu'ils devront travailler six mois de plus ! C'est scandaleux.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.
Monsieur le Premier ministre, lundi dernier, le village de Caumont, situé dans ma circonscription, a connu un orage terrible au cours duquel pas moins de 600 000 mètres cubes d'eau se sont abattus sur la commune en vingt minutes. Et ce n'est pas le seul : il y a eu aussi Fillièvres, Galametz, Saint-Georges, Le Touquet, pour n'en citer que quelques-uns. Les coulées de boue ont causé d'énormes dégâts sur les infrastructures. Hélas, ce type de catastrophe se produit de plus en plus souvent sur tout le territoire. Nous nous souvenons tous du martyre des habitants de la vallée de la Roya.
Qui faut-il incriminer ? Le réchauffement climatique ? Des aménagements humains intempestifs ? Le manque de bassins de rétention ? Il est difficile de répondre à toutes ces questions. En revanche, nous nous devons de répondre à la détresse de ceux qui sont touchés par ces aléas.
Les maires sont consternés, désolés et bien souvent impuissants, puisque pratiquement sans moyens. Si les particuliers peuvent bénéficier d'aides dès lors qu'est décrété l'état de catastrophe naturelle, les communes sont, quant à elles, démunies face à des dégâts dont elles ne peuvent bien souvent pas assumer le coût financier. N'oublions pas qu'elles ne peuvent pas s'assurer contre ces événements dramatiques. Les départements, quant à eux, interviennent sur les routes dont ils ont la responsabilité, mais ils ne viennent pas automatiquement en aide aux centres-bourgs, alors que les coulées de boue proviennent bien souvent de l'amont des routes.
Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais savoir ce que vous envisagez pour soutenir les communes touchées par de tels dégâts. N'est-il pas envisageable de créer un fonds de réserve disponible immédiatement dans chaque département, pour assurer le nettoyage et la réparation des infrastructures ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je tiens à exprimer mon soutien aux habitants des communes du Pas-de-Calais situées dans votre circonscription et de tous les territoires touchés par les inondations ces dernières semaines, comme la Somme, l'Oise, l'Aisne et l'Île-de-France, qui ont connu des coulées de boue et des inondations. Les drames matériels ne sont rien à côté des drames humains, et je m'associe à la douleur de la famille du jeune homme qui a succombé à ces inondations et que pleure la ville de Beauvais.
Dans tous les territoires que j'ai cités, Barbara Pompili et moi-même avons très rapidement réuni les commissions qui permettent la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et les dossiers des communes qui n'ont pas été considérées comme particulièrement touchées par Météo France pourront être réexaminés. Soyez assuré que le ministère de l'intérieur et celui de la transition écologique sont attentifs. Je veux également dire aux assurances que le ministère de l'économie, des finances et de la relance surveille la célérité du remboursement, pour les ménages comme pour les entreprises.
Mme Maud Petit applaudit.
La question qui se pose maintenant est celle des infrastructures publiques : celles qui appartiennent aux collectivités territoriales, mais aussi celles de l'État, puisque les intempéries ont touché des préfectures, des sous-préfectures, des gendarmeries et même des hôpitaux, comme dans l'Oise et dans le Pas-de-Calais. Je vais discuter, avec M. le ministre délégué chargé des comptes publics, des moyens à prendre pour intervenir.
Je sais également que Jacqueline Gourault a déjà donné des consignes aux préfets, y compris à celui du Pas-de-Calais, pour que la DETR – dotation d'équipement des territoires ruraux – et la DSIL – dotation de soutien à l'investissement local – soient plus particulièrement mobilisées pour proposer aux maires de votre circonscription la reconstruction des bâtiments publics. Tout comme Mme Gourault, qui a sous son autorité la direction générale des collectivités locales, je suis prêt à venir dans votre beau département pour voir s'il y a lieu de faire un peu plus que ce qui est déjà prévu par les responsables de l'État.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Alors qu'à l'Assemblée nationale vient d'être remis le prix des députés du livre politique, le Président de la République a annoncé, il y a quinze jours, que la lecture serait la grande cause nationale de la dernière année du quinquennat.
Je l'ai constaté ces dernières années : la lecture est mal maîtrisée par de nombreux Français. C'est un mal insidieux qu'il s'agit de contrer. Les élèves ont perdu, dans l'ensemble, en capacité de compréhension du vocabulaire, d'attention et de concentration. « Lequel, dans une classe de sixième, comprend aujourd'hui ce qu'est le "frêle esquif" d'une bulle d'Astérix ? », me faisait remarquer une maman il y a quelques jours. Assurément, le rythme du quotidien et les sollicitations diverses, permanentes et faciles de l'image ne facilitent guère une pratique qui demande à l'individu de prendre le temps de se poser, le temps du dialogue et des mots échangés.
Pourtant, la lecture est la première pierre des apprentissages sans laquelle rien ne se bâtit. Elle représente une possibilité d'ascension sociale trop souvent méconnue, sauf de ceux qui n'en ont nul besoin. Elle est aussi un remède remarquable au vieillissement cérébral et, par là, un vecteur essentiel de prévention pour la santé. Elle est enfin un miroir permettant de mieux se comprendre, de traverser les épreuves et de canaliser sa violence. Axel Kahn, dont on relira avec bonheur les ouvrages, la qualifiait de « fonction vitale ».
Les bénévoles de tout le pays qui œuvrent à la promotion de la lecture – écrivains, simples citoyens, enseignants, amoureux des livres, lecteurs de la presse – se félicitent avec moi de cette annonce du 17 juin à Villers-Cotterêts, ville qui accueillera la Cité internationale de la langue française.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous revenir sur l'annonce du Président de la République et éclairer la représentation nationale sur cette ambition remarquable pour la France et nos concitoyens ? « Il est bon de parler et meilleur de se taire », dit Jean de La Fontaine ; je vous laisse donc la parole.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Madame Bannier, comme vous l'avez indiqué, le Président de la République a récemment annoncé que la lecture serait consacrée grande cause nationale pour la dernière année du quinquennat. Ce sera également l'occasion, pour le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de porter loin et fort les nombreuses actions engagées par Jean-Michel Blanquer, notamment le dédoublement des classes de CP et de CE1, pour développer les compétences de lecture de nos élèves.
C'est un enjeu considérable, vous l'avez dit. Nous l'avons pris à bras-le-corps, en faisant de la lecture l'un des savoirs fondamentaux du premier degré ; en proposant régulièrement des ressources pour les enseignants ; en clarifiant les programmes ; en améliorant continuellement les évaluations en ce domaine – je pense par exemple aux tests de fluence, proposés aux élèves de sixième dès cette année, qui seront généralisés l'année prochaine ; en engageant un plan de formation continue, le plan français, dont tous les professeurs des écoles bénéficieront dans les six prochaines années.
Nous le savons, la lecture est la clé de voûte de tous les apprentissages ; elle est la plus belle porte d'entrée vers l'imaginaire. Nous n'avons donc cessé de la promouvoir dans le premier et le second degré. Avec la consécration de la lecture comme grande cause nationale, nous pourrons aller encore plus loin. Une série d'initiatives sera ainsi proposée prochainement aux professeurs des écoles, des collèges et des lycées, parmi lesquelles la généralisation du quart d'heure de lecture, l'implication accrue des familles dans l'apprentissage de la lecture, des actions visant à faire partager aux élèves le goût de la lecture, sans oublier le déploiement du pass culture, grâce auquel les élèves seront incités à s'acheter des livres.
Soyez donc assurée, madame la députée, que le Gouvernement est pleinement engagé pour que chaque élève acquière toutes les compétences et découvre la magie incomparable de la lecture.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Sylvain Waserman.
Le droit français s'enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres. La création d'un cadre européen unifié sur de nombreux sujets permet de mieux protéger et de mieux accompagner nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens partout en Europe. C'est l'enjeu du projet de loi qui sera examiné ce soir, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances. Les quarante-deux articles initiaux permettent de transposer douze directives. Nous aurons ainsi la satisfaction, à partir du 1er janvier 2022, de ne plus présenter aucun déficit de transposition.
Certaines mesures sont de portée générale et s'inscrivent dans la continuité des règlements passés, tandis que d'autres permettent d'ancrer de réelles avancées qui ont été initiées, depuis 2017, par le Gouvernement.
Le texte contient d'abord de nombreuses dispositions relatives au secteur des transports, visant à accompagner l'innovation et à mieux protéger les professionnels – routiers, personnels navigants ou marins – au travers d'une meilleure régulation de ces filières. Cette ambition, incarnée par le Président de la République depuis 2017 et déclinée par le ministre délégué chargé des transports, est une de nos priorités. De nouvelles avancées sont à prévoir durant la présidence française de l'Union européenne. Le renforcement du cadre social du transport routier constitue l'une des avancées majeures du texte, notamment grâce à la transposition de l'une des trois parties du paquet « mobilité » adopté l'an dernier par le Parlement européen.
Ces mesures sont très attendues et auront des implications concrètes : interdiction de la rémunération des conducteurs routiers en fonction de la rapidité de la livraison, pour privilégier la distance parcourue ; amélioration des conditions de travail des conducteurs, avec de nouvelles sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas le droit au retour et le durcissement des sanctions en cas de non-respect des conditions de repos ; renforcement de la lutte contre la concurrence déloyale avec la limitation du cabotage par les transporteurs étrangers et l'instauration d'une période de carence de quatre jours entre deux périodes de cabotage. Je connais votre engagement sur ces sujets, monsieur le rapporteur. L'un des amendements que vous proposez permettra d'adapter ces dispositions au Brexit ; il était particulièrement nécessaire.
Le secteur maritime est également concerné. Le texte prévoit ainsi des évolutions dans les domaines de la formation et du temps de travail, et réforme la prise en compte des périodes d'activité partielle pour les droits à la pension des marins. C'est une mesure essentielle à la signature d'accords relatifs à l'activité partielle de longue durée dans ces filières, que le Gouvernement propose d'enrichir avec un amendement visant à adapter ces accords à la période post-covid, en concertation avec les acteurs du secteur.
Le texte rendra également possibles plusieurs avancées techniques, environnementales et innovantes dans le domaine des transports. C'est l'enjeu de la refondation de la réglementation sur le service européen de télépéage, qui doit permettre de fluidifier le trafic, d'améliorer l'interopérabilité technique des dispositifs de télépéage européens et de renforcer la lutte contre la fraude en facilitant l'échange transfrontalier d'informations sur les véhicules et propriétaires fraudeurs. Des clarifications ont été adoptées en commission, que le Gouvernement soutient pleinement.
L'Europe et la France doivent aussi être à la pointe de l'innovation. C'est l'objectif visé par l'amélioration de la régulation de la teneur en soufre dans les combustibles marins, à l'article 16. Il s'agit d'une évolution essentielle à la transition écologique du secteur, à laquelle contribue également le nouvel article 15 bis : celui-ci vise à clarifier le code des transports, s'agissant de l'interdiction de la conclusion de contrats à un prix inférieur au coût de la prestation de service dans le domaine du transport fluvial de marchandises, ce qui favorisera la consolidation de la filière.
Le texte règle également quelques enjeux territoriaux, liés en particulier au secteur aérien et au Brexit : il entérine ainsi l'achèvement de la transposition de la directive sur les redevances aéroportuaires, tout comme le maintien de la compétence de l'Autorité de régulation des transports (ART) sur les principaux aéroports du pays. En effet, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) avait confié la compétence d'homologation des tarifs à l'ART, en dépit de la baisse de trafic en 2020. Il conviendra aussi de prévoir l'extension possible des délégations de service public pour des lignes aériennes reliant la France à un autre pays européen. En matière de sûreté aérienne, le texte propose un régime approprié de sanctions pénales en cas d'intrusion en zone côté piste, susceptible d'assurer le respect de la réglementation européenne. Enfin, il régularise le cas particulier de plusieurs aménagements liés au Brexit aux abords du tunnel sous la Manche.
Parmi les adaptations au droit européen en matière de transports, le texte prévoit un renforcement du droit environnemental. L'article 25 met ainsi en conformité le régime de sanctions applicable aux violations des règles européennes en matière de mercure, et l'article 26 fait de même pour les fluides frigorigènes. L'article 28 revêt une importance particulière puisqu'il traduit des mesures relatives au devoir de vigilance des importateurs de métaux et minerais. Le but est de lutter contre l'importation de ces substances, susceptible de financer des conflits armés ou de causer des atteintes aux droits humains. L'article 31 transpose la directive « habitats » relative au suivi des captures et des mises à mort accidentelles de certaines espèces protégées. L'article 32, également très important à mes yeux, met en adéquation le droit français avec le droit européen en ce qui concerne l'information environnementale.
Enfin, l'article 41 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue d'adapter les dispositions du code monétaire et financier au régime européen de financement participatif qui entrera en application le 10 novembre prochain. Il est essentiel que l'ensemble des acteurs du financement participatif disposent à cette date d'un cadre juridique clair et complet leur permettant de poursuivre et de développer leurs activités dans toute l'Union européenne. Si cette habilitation se dessine grâce aux travaux parlementaires, elle devra encore être précisée, comme le propose un amendement de Mme la rapporteure pour avis.
À l'occasion de l'examen de cette habilitation, les parlementaires ont exprimé une demande forte de clarification et d'assouplissement des dispositions relatives au financement participatif au bénéfice des collectivités territoriales. En préambule de la discussion sur ces dispositions, je souhaite rappeler que le financement participatif de tout projet soutenu par une collectivité territoriale sous quelque forme que ce soit – don, prêt ou émission obligataire – est d'ores et déjà permis dans le respect des règles de la comptabilité publique, qui exigent la création d'une régie de recettes. Comme vous le savez, depuis six ans et par dérogation, cette collecte était cependant autorisée sans création d'une régie pour le financement de projets dans certains secteurs tels que la culture, l'éducation, le social et la solidarité. La demande qui s'est exprimée a pour objet d'élargir cette dérogation à tous les secteurs et à tous les moyens de financement participatif, y compris l'émission obligataire. Le Gouvernement, qui peut comprendre cette volonté, ne souhaite pas ouvrir à la dérogation les secteurs régaliens comme la sécurité ou l'ordre public. Il demeure par ailleurs attaché au caractère protecteur des régies de recettes pour les responsables des collectivités dans les situations qui présentent le plus de risques, comme l'émission obligataire, eu égard notamment au montant élevé pouvant être collecté – jusqu'à 8 millions d'euros. Il tient également au renforcement des obligations des plateformes en matière de prévention des risques pénaux encourus par les élus et les responsables des collectivités territoriales, et donc à une plus grande protection de ces derniers.
La dernière partie du texte propose des dispositions relatives à la directive « solvabilité 2 » ainsi qu'au secteur financier et à la protection des consommateurs.
Ainsi, le projet de loi transpose des dispositions essentielles sur lesquelles le Gouvernement s'était fortement engagé. Il renforce notre droit et nos exigences sur des thématiques qui seront au cœur de la prochaine présidence française de l'Union européenne. Cette présidence se travaille et se dessine d'ores et déjà, et je sais que les parlementaires y sont très attachés.
La parole est à M. Damien Pichereau, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Dans notre travail de législateur, nous voyons chaque jour combien le droit européen est présent et important. Ce projet de loi nous donne l'occasion de rappeler ce qui peut paraître une évidence : les deux systèmes juridiques, national et européen, sont étroitement imbriqués. Ce texte vise à transposer ou à achever la transposition de douze directives, à mettre le droit interne en conformité avec quinze règlements européens et à procéder aux modifications nécessaires, liées en grande partie à la réglementation des transports.
En modifiant les règles d'accès à la profession et en traitant la question du détachement des travailleurs dans le transport terrestre, autrement dit le cabotage, ce projet de loi permet de finaliser la transposition du paquet « mobilité 1 ». J'ai eu la chance de participer à ce travail, à travers la rédaction d'un rapport et le vote d'une proposition de résolution à la quasi-unanimité des bancs de l'Assemblée. Je m'inscris aujourd'hui dans la continuité de ce travail et défends les ambitions qui sont toujours les nôtres.
Les premiers articles ont trait à un transport international par excellence, l'aviation civile. Dans le but de garantir une sécurité maximale et de renforcer les droits des passagers, plusieurs articles adaptent le code des transports aux nouvelles dispositions des règlements européens et suppriment des références obsolètes ; ils prévoient notamment la condamnation des comportements de passagers indisciplinés ainsi que des intrusions sur les pistes.
L'article 6 du projet de loi aborde un sujet important, la régulation des redevances aéroportuaires, et par ce biais les rapports entre les compagnies aériennes et les gestionnaires d'aéroports. Cet article modifié et complété par les sénateurs, puis discuté en commission à l'Assemblée nationale, renforce les pouvoirs et les compétences de l'Autorité de régulation des transports afin de la doter de tous les moyens nécessaires pour évaluer la pertinence du montant des redevances, en toute indépendance. Ayant une pleine confiance en l'ART, nous ne pouvons qu'être favorables à l'affirmation de ses compétences dans le secteur aérien, qui seront désormais proches de celles dont elle dispose s'agissant des autres modes de transport.
Le chapitre II traite des transports terrestres et maritimes et comporte deux articles qui procèdent à la transposition de la directive du 19 mars 2020 relative à l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier, avancée majeure pour nos concitoyens, usagers des autoroutes. Ces évolutions concernent les obligations qui pèsent sur les prestataires du service européen de télépéage, les percepteurs de péage et la transmission d'informations entre États membres pour lutter contre la fraude. Une fois encore, nous avons souhaité faire confiance à l'ART dans sa mission de médiation et de régulation. Je considère, à ce stade, que nous avons trouvé de bons équilibres, à la suite des échanges intervenus devant le Sénat et de nos travaux au sein de la commission du développement durable.
Le même chapitre apporte de nombreuses modifications concernant le secteur maritime. Il accompagne celui-ci vers une consommation plus propre et durable en actualisant le régime de sanctions en cas de violation, par les navires, de la réglementation relative à la teneur maximale en soufre des combustibles marins et en clarifiant le régime dérogatoire applicable aux navires qui prennent des mesures pour réduire leurs émissions. Il comprend aussi des dispositions portant sur le travail de nuit des jeunes travailleurs de moins de 18 ans à bord des navires, destinées à mieux adapter le droit à la réalité du travail en mer. Enfin, il comporte des mesures visant à mieux valoriser les droits à pension des marins afin d'intégrer les périodes d'activité partielle dans le calcul des annuités et d'éviter que les crises n'aient un impact trop fort sur le niveau de leurs pensions.
Ce projet de loi transpose des dispositions importantes du paquet « mobilité » qui bénéficient au secteur routier et à ses salariés. Il en va ainsi pour les articles 22 et 23 qui transposent la directive relative au détachement des conducteurs routiers. Notre objectif est clair : traduire en droit national les avancées du paquet « mobilité » pour garantir aux conducteurs routiers des conditions de travail dignes qui respectent les impératifs de sécurité et de santé, et éviter les distorsions de concurrence entre pays. Ces articles ne sont pas anodins car ils organisent ce que nous appelons de nos vœux : la création d'une Europe qui protège ses travailleurs en leur conférant un statut unique et harmonisé. C'est bien ici d'une Europe sociale que nous parlons, une Europe qui harmonise la protection apportée par le droit du travail et qui propose une réponse pertinente à la concurrence déloyale.
Le chapitre II bis est principalement consacré à la prévention des risques. Les articles 25 à 27 actualisent le droit national en garantissant le respect des régimes de sanctions relatifs au mercure, aux fluides frigorigènes et aux polluants organiques persistants, les POP. Ils sont en adéquation totale avec le projet de loi « climat et résilience » en ce qui concerne la lutte contre la pollution et confortent notre position en faveur d'une Europe plus durable, que nous aurons l'occasion de défendre lors des futurs débats qui interviendront dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Enfin, le chapitre IV traite du contrôle des captures accidentelles d'espèces protégées et modifie la définition de ce qu'est une information environnementale.
Ce texte illustre parfaitement l'ambition européenne qu'avec le Président de la République et le Gouvernement, nous avons toujours mise en avant. Il ne s'agit pas de transposer des dispositions sorties de tiroirs obscurs mais bien de défendre une vision, celle d'une Europe écologique, sociale et protectrice.
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
C'est en tant que rapporteure pour avis du chapitre V de ce projet de loi que je vais m'exprimer à cette tribune pour vous présenter les principales avancées en matière économique et financière qu'il comporte.
Les compétences des autorités européennes sont renforcées. Ainsi, l'article 35 crée la possibilité pour l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) de solliciter l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) lorsqu'une société d'assurance apporte une modification majeure à l'un de ses modèles internes. Par ailleurs, il encourage la collaboration entre les autorités nationales de supervision.
L'article 34 acte le transfert des compétences d'agrément et de supervision des prestataires de services de communication des données aujourd'hui exercées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) vers l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), transfert justifié par le caractère transnational de ces activités. Quant aux compétences de l'AMF, elles sont élargies et précisées. Deux articles additionnels, adoptés par la commission des finances puis par la commission du développement durable, ont pour objectif d'améliorer la supervision qu'elle assure. L'article 34 bis renforce les obligations d'information auxquelles sont soumis les commissaires aux comptes s'agissant des sociétés qu'ils contrôlent tandis que l'article 34 ter élargit le spectre des informations que l'AMF peut leur demander au sujet des sociétés de gestion de portefeuille.
Deux articles concernent les compétences de contrôle et de surveillance exercées par l'AMF. L'article 42 déroge, comme le droit européen l'autorise, aux dispositions instaurant une liste d'initiés restreinte pour les sociétés cotées sur les marchés de croissance des PME, l'AMF ayant souhaité conserver la possibilité d'accéder à l'identité des tiers ayant agi pour le compte d'émetteurs. L'article 38, quant à lui, différencie le contrôle opéré par l'AMF sur les dépositaires centraux de titres selon leur pays d'implantation. Ceux dont le siège social est établi à l'étranger doivent pouvoir exercer leur activité librement dans l'ensemble de l'Union européenne après avoir été agréés, conformément au règlement européen CSDR concernant l'amélioration du règlement de titres dans l'Union européenne et les dépositaires centraux de titres.
Le chapitre V comprend par ailleurs deux autorisations à légiférer par ordonnance.
Celle de l'article 36 concerne la directive visant à mobiliser le marché pour accompagner la reprise à la suite de la crise sanitaire. Le Gouvernement est appelé à prendre plusieurs mesures de simplification, notamment s'agissant des obligations d'information pesant sur certains prestataires de services d'investissement vis-à-vis de leurs clients professionnels.
L'article 41 habilite le Gouvernement à adapter et à moderniser les dispositions nationales encadrant le financement participatif pour se conformer au règlement européen du 7 octobre 2020. Le Sénat a apporté des modifications afin de préciser le champ d'habilitation et d'ouvrir davantage le financement participatif aux collectivités territoriales. Il a ainsi proposé qu'elles puissent y recourir pour l'ensemble des services publics, ce qui implique qu'elles n'auront plus à constituer une régie de recettes, procédure souvent lourde pour elles. Après de longs débats avec les services de Bercy, j'ai souhaité que cet élargissement soit maintenu, sauf pour le financement des missions régaliennes. Un de mes amendements viendra proposer cette restriction ainsi que l'ouverture aux personnes morales de la possibilité de consentir des prêts aux collectivités pour des projets de financement participatif les concernant directement. Un autre amendement vise à sécuriser les élus face au risque de prise illégale d'intérêts qu'impliquent les projets de financement participatif. J'ai conservé les précisions du Sénat concernant le champ d'habilitation et laissé au Gouvernement le soin de présenter les éventuels élargissements nécessaires.
Le droit du consommateur est renforcé à travers deux articles. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est chargée de sanctionner les manquements aux règles européennes relatives aux prélèvements et virements transfrontaliers – article 39 – ainsi que les prestataires de services qui présenteraient abusivement leurs offres d'envoi comme une lettre recommandée électronique sans avoir reçu l'agrément de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) prévu à cet effet – article 40.
Ce texte répond donc parfaitement aux obligations liées à la transposition du droit européen en droit interne tout en améliorant la protection des consommateurs et les projets de financement participatif des collectivités territoriales.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Le 1er janvier prochain, la présidence du Conseil de l'Union européenne reviendra à la France, quatorze ans après celle qu'a assurée, avec panache, Nicolas Sarkozy. Pour notre pays, pour l'Europe, je souhaite que le Président de la République actuel remporte autant de succès que lui et exerce un leadership aussi marqué, car à bien des égards, ces deux moments se font écho.
Hier comme aujourd'hui, une crise sans précédent traverse notre continent ; hier comme aujourd'hui, le climat, les migrations, l'agriculture, la sécurité apparaissent comme des priorités pour l'Union. C'est seulement si elle protège que l'Europe pourra redonner confiance aux peuples qui la composent et leur montrer son utilité.
La France doit se montrer exemplaire si elle veut occuper le tout premier plan de la scène européenne. C'est bien l'objet de ce texte que de préparer cette échéance et de faire montre de cohérence. Au début des années 2000, notre pays était l'une des lanternes rouges de la transposition du droit européen : pas moins de 176 directives connaissaient un retard d'intégration. La situation s'améliore, même si la France a été mise en demeure récemment par la Commission pour non-transposition.
Dresser un panorama complet du projet de loi n'est pas chose facile tant les sujets qu'il aborde sont techniques, spécifiques et nombreux : ses cinq chapitres couvrent des domaines aussi divers que les transports aériens, terrestres et maritimes, les minerais de conflit, la protection de l'environnement, l'économie et les finances.
Sur le fond, il y a peu de choses à dire : le texte a été bien accueilli au Sénat mais aussi en commission. Beaucoup s'accordent à dire que les évolutions auxquelles il procède étaient nécessaires et attendues, voire qu'elles sont déjà mises en œuvre dans la pratique. S'agissant de l'élargissement des prérogatives de l'ART, le va-et-vient entre majorité et Gouvernement laisse toutefois penser à une forme d'indécision à laquelle il faudra mettre un terme dans cet hémicycle. De notre côté, nous considérons qu'il y a lieu de maintenir l'article 6 dans sa rédaction issue du travail en commission du développement durable afin de donner à l'ART l'ensemble des pouvoirs dont elle a besoin pour assurer la régulation des tarifs des redevances aéroportuaires en toute indépendance. Les évolutions souhaitées par le Gouvernement seraient en outre contraires aux objectifs de la directive sur les redevances aéroportuaires.
Sur la forme, il y a en revanche beaucoup de choses à dire, ce qui est trop souvent le cas. Le recours aux ordonnances interroge car il est quasiment systématique dans les textes gouvernementaux. Ce procédé peut paraître disproportionné et abusif à l'échelle de la législature : aucun autre gouvernement n'en aura autant usé. Voilà qui est symptomatique à la fois du peu de crédit que le Gouvernement accorde aux compétences de sa propre majorité et du peu de cas qu'il fait du Parlement et donc, in fine, de la démocratie représentative. Est-il encore utile de rappeler, quatre ans après le renouvellement de notre assemblée, que la souveraineté nationale s'exerce dans cet hémicycle et non dans les bureaux des ministères ? Notons par ailleurs que les modifications proposées par l'Union européenne ne laissent finalement que peu de marges de manœuvre au Parlement : que risquez-vous, dès lors, à le laisser faire ce pour quoi il est responsable devant le peuple ?
Soulignons ensuite le caractère trop serré du calendrier. Vous avez pris l'habitude de légiférer dans l'urgence et la précipitation en attendant la toute dernière minute pour prendre en compte de nécessaires évolutions. Il est indéniable qu'il est plus aisé de regrouper toutes les modifications qu'elles appellent dans un seul et même texte et d'exiger, de surcroît, de légiférer par ordonnance. Cependant, pensez-vous réellement que notre démocratie sort gagnante de telles méthodes appliquées inlassablement ? Est-ce ainsi que vous inciterez nos concitoyens à retourner aux urnes et que vous lutterez efficacement contre la défiance que leur inspirent les institutions européennes ? Vous semblez oublier que les parlements nationaux jouent un rôle majeur dans le processus législatif européen, notamment parce qu'ils contrôlent l'application du principe de subsidiarité. Ce contrôle doit s'exercer avant toute transposition dans notre droit interne, ce que, d'une certaine manière, vous nous refusez.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, si le groupe Les Républicains ne peut que souscrire à l'objectif de ce texte, en faveur duquel il se prononcera, il dénonce une fois de plus la méthode employée par le Gouvernement qui devient, mois après mois, sa signature.
Certains ont la plume, la larme ou la critique faciles ; vous, chers collègues de la majorité, c'est la criminalisation que vous avez facile. Des militants de Greenpeace s'introduisent dans une centrale nucléaire pour alerter l'opinion sur la sûreté nucléaire : une loi ! Des militants s'introduisent dans un champ pour dénoncer l'agrobusiness : une loi et, en prime, une cellule Déméter pour espionner et réprimer tous ceux qui s'opposent au lobby agro-industriel ! Des militants s'introduisent dans des élevages pour dénoncer la maltraitance animale : une mission d'information et, pourquoi pas, bientôt une loi !
Quelques militants écologistes vous suffisent pour remplir l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et quand ce ne sont pas des lois dont l'objectif premier est de museler ou de matraquer la population, vous avez à cœur d'introduire la petite touche de répression qui fait votre signature. C'est le cas ici.
Initialement, ce projet de loi avait pour but d'adapter notre droit à celui de l'Union européenne, mais que s'est-il passé ? Comme des militants écologistes ont occupé la piste d'un aéroport pour alerter sur les émissions de gaz à effet de serre, vous avez ajouté un article pour durcir la sanction pénale alors que ces dispositions n'avaient rien à faire dans un tel texte. Faute d'avoir réussi à placer votre article dans la loi « sécurité globale », vous le faites revenir en le faisant passer à l'article 10.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Désormais, un délit d'intrusion sur les pistes d'aéroport sera puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, peine aggravée – un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende – si l'intrusion est commise en réunion ou si elle s'accompagne d'un acte de dégradation. Même tarif s'il s'agit d'une tentative !
Pour justifier cette inflation répressive, vous m'expliquez qu'il est dangereux de s'introduire sur la piste d'un aéroport. Je vous remercie de me livrer cette information et de vous soucier de la sécurité des militants écologistes, mais des sanctions lourdes et sévères existent déjà pour répondre à ce type d'actions, vous le savez bien.
Ainsi, les actes de malveillance sont sanctionnés dans le code des transports d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 18 000 euros d'amende. C'est d'ailleurs à ce titre que les militants bordelais ont été poursuivis à la suite de leur action à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.
Cependant, selon vous, l'article 10 n'aurait aucunement pour objectif de les viser directement. Vous m'avez même dit en commission qu'il ne s'agissait pas du tout d'empêcher les militants écologistes, mais qu'ils peuvent aussi faire passer leurs messages en se tenant de l'autre côté de la piste, devant l'aéroport.
Bien sûr ! Et ils peuvent aussi rester chez eux, n'est-ce pas ? Le mouvement écologiste se passera de vos conseils.
Le plus risible, c'est que vous prétendez que la création de ce délit ne fait pas suite aux dernières mobilisations dans les aéroports et n'a rien à voir avec l'actualité récente. Mais il faudrait, monsieur le rapporteur, vous coordonner davantage avec les rédacteurs de l'étude d'impact sur le projet de loi ou, peut-être, commencer par la lire, parce qu'elle fait explicitement référence au mouvement « Marchons sur les aéroports » et évoque les dates des diverses mobilisations récentes, comme celles de Greenpeace ou d'Alternatiba. Il est ainsi écrit : « Ce type d'événements pour des motifs revendicatifs tend à se multiplier, phénomène rendu possible par le fait que les sanctions actuellement pratiquées pour une telle intrusion en zone "côté piste" ne s'avèrent pas dissuasives. »
Tiens donc ! Ce serait ainsi le manque de sanctions dissuasives qui inciterait les militants écologistes à réaliser de telles actions. Il ne vous a pas effleuré l'esprit que ce phénomène puisse être rendu possible par votre inaction climatique. Collègues, madame la secrétaire d'État, il est pourtant simple de dissuader les militants écologistes de s'introduire dans les aéroports : il suffit de prendre au sérieux la question écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Réduisez drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, enclenchez la bifurcation écologique et solidaire et, croyez-moi, personne ne viendra plus vous embêter.
Sinon, vous pouvez procéder comme vous en avez l'habitude et réprimer celles et ceux qui lancent l'alerte en matière d'urgence climatique ; mais vous foncez droit dans le mur ! Vous pourrez, madame la secrétaire d'État, créer toutes les infractions du monde, il y aura toujours des militants écologistes pour vous rappeler à vos responsabilités.
Pour conclure mon propos, notre groupe parlementaire sera présent le 7 octobre 2021 au procès des militants poursuivis en justice pour s'être opposés au projet d'extension de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et de construction du terminal 4. C'est grâce à eux que vous avez finalement abandonné ce projet inutile et climaticide. C'est bien la preuve que vous devriez écouter les militants écologistes plutôt que de les réprimer.
Alors que la France s'apprête à assurer la présidence du Conseil de l'Union européenne, au 1er janvier prochain, le Gouvernement entend se montrer exemplaire en matière de transposition du droit communautaire. Si nous partageons sa volonté d'être à jour de ses obligations européennes, nous regrettons que cet impératif se traduise par un texte fourre-tout, aux sujets aussi multiples que techniques. Nous examinerons ainsi quarante-sept articles, qui transposent pas moins de douze directives et de quinze règlements européens. Cela rend notre travail d'appropriation et de compréhension des questions techniques abordées dans le projet de loi particulièrement difficile.
Le Gouvernement a, une nouvelle fois, choisi de recourir largement aux ordonnances – elles sont au nombre de quatre rien qu'au chapitre Ier relatif au transport aérien –, ce qui marginalise un peu plus le travail parlementaire.
Je déplore également que certaines consultations aient été réalisées trop tardivement pour être correctement prises en considération, ce que n'a d'ailleurs pas manqué de relever le Conseil d'État. La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), pour ne citer qu'elles, ont ainsi été saisies dans l'urgence.
Sur le fond, une grande partie des mesures sont cosmétiques ou sans grandes conséquences – la plupart sont déjà appliquées en pratique –, quand elles ne se bornent pas à mieux coordonner juridiquement notre droit avec le droit communautaire, voire à supprimer des dispositions redondantes.
C'est pourquoi je me contenterai d'évoquer les dispositions les plus importantes et, en tout premier lieu, celles relatives aux transports routiers. En modifiant les règles d'accès à la profession et en traitant de la question du cabotage, ce projet de loi permet d'achever la transposition du paquet « mobilité 1 ». Mon groupe est bien évidemment favorable à une plus grande harmonisation au niveau européen ; nous redoutons toutefois que les mesures proposées ne soient trop faibles pour faire face à la concurrence déloyale de certaines entreprises non résidentes. En l'absence de moyens suffisants, les services compétents rencontreront des difficultés pour faire respecter la réglementation en vigueur.
Je souhaite également dire un mot sur l'article 21, qui vise à soumettre au versement de cotisations vieillesse les périodes d'activité partielle des marins. La crise sanitaire et le Brexit ont particulièrement éprouvé la profession, contrainte de recourir à l'activité partielle de longue durée et cette mesure était nécessaire pour assurer une retraite décente aux personnes concernées.
Pour ce qui est des mesures relatives à l'environnement, nous regrettons que la France ait attendu de faire l'objet d'une procédure d'infraction pour se conformer aux exigences européennes de transposition en matière d'information environnementale. À l'heure où nos concitoyens sont en demande de davantage de transparence, l'accès à l'information est une dimension essentielle de la démocratie environnementale. Le même constat peut être fait s'agissant des dispositions relatives aux réglementations sur le mercure et les fluides frigorigènes ou sur la préservation des espèces animales protégées, dispositions qui font l'objet d'une mise en conformité tardive.
En outre, nous sommes favorables à l'article introduisant un plafond de teneur en soufre pour les navires. En ma qualité d'élu de Corse, je sais le fléau que représente pour les habitants des territoires maritimes la pollution engendrée par les bateaux.
Enfin, les dispositions qui tirent les conséquences du Brexit nous semblent aussi nécessaires, en particulier celles relatives à la pérennisation des installations douanières et au rétablissement des contrôles aux frontières.
Je terminerai en mentionnant l'article 41 qui vise non seulement à mettre le droit national en conformité avec le nouveau règlement européen du 7 octobre 2020 sur le financement participatif, mais également à adapter et à encadrer les activités de financement participatif ne relevant pas du droit de l'Union européenne. Mon groupe s'inquiète du recours excessif du Gouvernement à légiférer par ordonnances. C'est pourquoi nous proposerons de revenir à la version du Sénat qui restreignait le champ de l'habilitation, tout en accordant aux collectivités locales un accès facilité au financement participatif, qui répond à une demande de longue date des élus locaux. Cette forme de financement permet en effet de fédérer et de rassembler les citoyens autour d'enjeux locaux et de renforcer les dynamiques territoriales.
Je veux aussi redire que rien de profond ni de définitif ne se fera en Europe sans une harmonisation fiscale, condition sine qua non d'un système de juste concurrence pour nos entreprises et nos artisans, et de la fin d'une désescalade sociale.
Nonobstant ces quelques remarques et étant attaché aux questions européennes, mon groupe est conscient de la nécessité d'être à jour de nos obligations communautaires. C'est pourquoi nous voterons en faveur du présent projet de loi.
Le texte que nous examinons aujourd'hui cible trois enjeux principaux. Il s'agit tout d'abord, à la veille de la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui débutera le 1er janvier prochain, de rattraper le retard pris dans la transposition de plusieurs réglementations européennes – pas moins de douze directives et de quinze règlements – dans notre droit national. Dès lors, ce projet de loi, il faut bien l'avouer, ressemble à un fourre-tout regroupant des objectifs aussi divers que variés, allant de l'aviation civile aux transports terrestres et maritimes, en passant par la prévention des risques, l'information environnementale et d'autres dispositions financières. C'est quelque peu désarçonnant sur le plan de la technicité et de la cohérence du texte.
Sans doute serait-il préférable, à l'avenir, de mettre plus régulièrement et systématiquement notre droit en adéquation avec les textes européens : cela nous éviterait des rappels à l'ordre réguliers de la part de la Commission européenne, ce qui dessert la France en matière d'exemplarité environnementale. J'appuierai mon propos par un autre exemple : le retard pris dans la mise en conformité avec la directive relative à l'évaluation des incidences sur l'environnement, qui fait l'objet de nombreux débats, notamment dans le cadre du développement de l'éolien qui suscite en France encore beaucoup d'interrogations et d'inquiétudes.
Pour revenir au présent projet de loi, le groupe UDI et indépendants se félicite des mesures concernant le renforcement de la sécurité dans le domaine du transport aérien ; des dispositions de l'article 7 qui élargit aux liaisons européennes – et non plus aux seules liaisons intérieures – la possibilité, pour les collectivités, de se voir déléguer l'organisation de services de transport aérien soumis à des obligations de service public ; ou encore des avancées apportées par le Sénat en matière d'assouplissement des conditions d'accès des collectivités locales au financement participatif ou de renforcement des pouvoirs de l'ART.
Le second enjeu du projet de loi concerne les réponses que nous devons apporter, dans plusieurs secteurs, au contexte socio-économique particulièrement chamboulé, ces derniers mois, par la crise sanitaire et le Brexit. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des amendements relatifs à Eurotunnel. Les mesures prises en faveur des marins, notamment la prise en considération des périodes d'activité partielle pour la validation de leurs droits à pension, nous semblent plus que bienvenues. Nous notons également avec satisfaction les adaptations du droit français sur les questions du cabotage, d'une concurrence équitable et de l'amélioration des conditions de travail des conducteurs routiers.
Enfin, le troisième enjeu, et non des moindres, revoie à la nécessité d'être mieux en adéquation avec nos engagements environnementaux, ce qui devrait renforcer notre crédibilité lors de la présidence du Conseil de l'Union européenne.
Je voudrais citer une autre excellente avancée qui fait suite, elle aussi, à une mise en demeure de la France : la création d'un système de contrôle des captures et des mises à mort accidentelles des espèces animales.
Enfin, nous nous félicitons bien sûr de l'ensemble des transpositions et clarifications importantes relatives au bon état des eaux et à la prévention des risques liés à la pollution au mercure, au soufre ou aux fluides frigorigènes.
Pour conclure, le groupe UDI et indépendants, particulièrement proeuropéen et soucieux de voir la France incarner le meilleur message possible lors de sa prochaine présidence du Conseil de l'Union, votera évidemment le texte. Néanmoins, nous souhaitons profiter de l'examen de ce projet de loi pour redire que l'exemplarité de la France, notamment en matière environnementale, ne peut se limiter à une série de transpositions, qui plus est bien tardives pour plusieurs d'entre elles.
La loi « climat et résilience » en cours d'examen est bien trop en deçà des enjeux du changement climatique. Le rapport annuel du Haut Conseil pour le climat (HCC) a encore enfoncé le clou en soulignant, la semaine dernière, les retards accumulés par la France en matière environnementale et en indiquant que, malgré des progrès, les efforts actuels restent insuffisants pour atteindre les objectifs climatiques fixés pour 2030. Le Conseil d'État lui-même – et c'est une première – vient de poser un ultimatum en vous donnant neuf mois pour prendre enfin des mesures utiles, à même d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre.
Espérons donc qu'au niveau européen au moins, lors de sa future présidence, la France saura proposer et soutenir des moyens à la hauteur des grands défis climatiques qui sont plus que jamais devant nous !
Certaines mesures du projet de loi vont dans le bon sens, comme celles relatives à la prise en compte des périodes d'activité partielle dans la validation des droits à pension des marins ou encore celles concernant les conducteurs routiers.
Cependant, ce texte comporte des mesures tout à fait contestables comme, entre autres, l'allégement des informations fournies par les sociétés d'investissement lors de la création de nouveaux instruments financiers, qui s'apparente à nos yeux à une nouvelle libéralisation et à une déréglementation des marchés financiers – nous y reviendrons.
Je souhaite centrer mon intervention sur le sujet des minerais « de conflit » : derrière cette terminologie un peu obscure, il s'agit de légiférer sur un commerce qui tue, qui engraisse des mafias et qui engendre misère et oppression, d'une part, luxe et profits, d'autre part : je veux parler du commerce de l'or, du tantale, du tungstène et de l'étain.
En la matière, il est question d'intégrer dans notre droit un devoir de vigilance, de mentionner les risques à identifier et de préciser les obligations relevant de la responsabilité des entreprises importatrices – elles seraient une cinquantaine en France, nous dit-on, mais nous aurions aimé obtenir plus de précisions à ce sujet. En outre, nous n'avons à légiférer que sur l'organisation des procédures de contrôle des entreprises et les règles applicables aux infractions.
S'il franchit un pas nécessaire dans la lutte contre les fléaux entourant trop souvent le commerce des métaux rares, le texte reste largement insuffisant au vu des secteurs d'activité concernés – produits chimiques, métallurgie, industrie du luxe –, où nous avons sans aucun doute affaire à des groupes tout-puissants. Il fait entièrement reposer le système de limitation des risques, dans la chaîne d'approvisionnement, sur la responsabilisation des entreprises et leur incitation à produire leurs propres normes et modalités d'application : cela nous paraît bien trop laxiste. Certes, des contrôles seront effectués par des agents de l'État, mais ces derniers ne sont pas désignés à ce jour, et leur efficacité peut être mise en doute : de quelle capacité d'intervention disposeront-ils sur le terrain, dès lors qu'ils auront été désignés ? Qui plus est, l'encadrement des contrôles va très loin, puisque même les modalités de visite des locaux des entreprises sont ordonnancées – ce qui nous interroge tout autant. En cas d'infraction, les sociétés ne seront exposées qu'à la notification de mesures correctives, et à des astreintes journalières si lesdites corrections ne sont pas appliquées : ces dispositions ne sont pas à la mesure des enjeux. Le rejet de possibles sanctions à une date ultérieure traduit un manque d'ambition.
Le commerce des minerais rares donne pourtant lieu à une guerre économique féroce, qui s'amplifiera de manière exponentielle au gré, notamment, de l'électrification de nombreux usages et des changements de systèmes techniques dictés par le régime capitaliste. D'un côté, il y a du travail forcé, de l'extorsion de salaires, des violences à l'égard des civils, des femmes et des enfants, des pouvoirs autocratiques et des groupes armés âpres au gain ; de l'autre, nous avons des conseils d'administration de multinationales bien policés, propres sur eux, mais l'œil vissé sur leur cote en bourse : voilà qui, au-delà de ce qui nous est vendu comme une vigilance accrue, aurait mérité une exigence, voire une intransigeance vis-à-vis du commerce international des métaux rares.
Pour ces raisons, et dans un contexte de libéralisation croissante des marchés, nous nous abstiendrons, afin de ne pas faire obstacle aux mesures sociales que contient le texte, qui vont dans le bon sens.
Depuis 2017, la majorité parlementaire est résolument proeuropéenne. Cet engagement fait partie de notre ADN : oui, nous croyons que face aux grands défis du siècle, en étant unie, l'Union européenne est capable d'apporter les solutions qu'attendent nos concitoyens. Pour ce faire, la France doit être force de proposition et conserver un rôle moteur au sein de l'Europe. C'est dans cette perspective que nous examinons le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union, qui transpose près de douze directives et quinze règlements européens dans le droit français en matière de transport, d'environnement, d'économie et de finances. Certains de ces textes dataient de 2008 : il était grand temps de s'en saisir !
Une fois de plus, la majorité et le Gouvernement prennent les engagements et impulsent les grands changements que notre pays attend depuis tant d'années. Depuis le début de la législature, nous réformons, et nous honorons nos engagements. Depuis quatre ans, le Gouvernement, soutenu par la majorité, a œuvré pour redonner à la France son leadership européen, grâce à des propositions ambitieuses et à des avancées concrètes concernant la transition écologique, la convergence sociale, le défi migratoire ou encore la démocratie participative. Nous avons également défendu la vision de la France au niveau européen à l'occasion de mesures fortes – citons l'adoption du Pacte vert visant une neutralité carbone à l'horizon de 2050, ou encore le paquet « mobilité » devant mettre fin au dumping social dans le transport routier et garantir des conditions de travail égales pour tous les conducteurs.
Nos engagements, qu'ils soient nationaux ou européens, ne sont pas que des mots ; nous les appliquons. Avec le projet de loi DDADUE, nous sommes au rendez-vous pour nous mettre en cohérence avec le droit européen. À compter du 1er janvier 2022, lorsqu'elle présidera le Conseil de l'Union européenne, la France jouera un rôle central dans la coordination de l'action des États membres. Cette perspective nous offre dès à présent l'occasion d'inscrire à l'agenda européen les sujets qui nous semblent prioritaires : c'est une chance historique pour la France de défendre sa vision d'une Europe sociale, plus durable, plus résiliente et plus protectrice. Lors de ce moment exceptionnel, la France endossera une responsabilité importante à deux égards : d'un point de vue institutionnel, elle portera la voix du Conseil et sera chargée de défendre sa position vis-à-vis des autres organes de l'Union européenne et des États membres ; d'un point de vue politique, elle aura pour mission d'inscrire les sujets prioritaires à l'ordre du jour et de définir l'agenda stratégique européen. La lutte contre le réchauffement climatique et la souveraineté européenne en sont des illustrations.
Avec le projet de loi DDADUE, la France réaffirme sa volonté d'être au rendez-vous d'une Europe qui protège et qui innove. Une Europe qui protège est celle qui renforce les contrôles de la consommation d'alcool et d'autres substances, afin d'assurer la sûreté de l'aviation civile ; c'est aussi une Europe sociale, qui se préoccupe de ceux qui se lèvent chaque jour pour construire l'Europe du quotidien – je pense à la prise en compte du travail de nuit et du repos quotidien des jeunes travailleurs à bord des navires, ou à l'application du paquet « mobilité », qui garantit aux conducteurs de poids lourds un droit au retour à domicile. Cette Europe protège également l'environnement, avec le contrôle des émissions de soufre sur l'ensemble de notre territoire. Elle nous protège enfin en répondant aux grands défis contemporains, comme le Brexit et ses nombreuses répercussions.
Relevons ensemble les défis qui s'annoncent, chers collègues, car ils nécessitent une voix progressiste. Mobilisée depuis le début de la législature sur ces questions, notre majorité, plus particulièrement le groupe La République en marche, votera résolument ce texte.
Mme la rapporteure pour avis et M. le rapporteur applaudissent.
Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances a pour objet de mettre notre législation interne en conformité avec la réglementation européenne. Ce texte assez technique vise à transposer ou à achever la transposition de douze directives et de quinze règlements européens très hétéroclites, aux effets concrets dans le quotidien des Français. Nous comprenons aisément les motivations pour lesquelles il est soumis, aujourd'hui, à l'examen du Parlement : dans six mois, la France se trouvera au cœur du processus législatif européen et de la coordination de l'action des États membres, puisque, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, elle exercera la présidence du Conseil de l'Union européenne. Ce moment important nous permettra d'inscrire de nombreux sujets à l'agenda européen.
Au-delà, le présent projet de loi s'inscrit dans le contexte très particulier du Brexit, de la crise sanitaire et de la crise climatique. L'Europe a connu de profonds bouleversements durant cette législature ; les crises qu'elle a traversées doivent être l'occasion de renforcer les actions communes et les aides aux territoires les plus vulnérables, comme le fait le plan de relance européen de 750 milliards d'euros – chance unique de transformer l'Europe de demain autour du triptyque annoncé par le Gouvernement, et sur lequel la présidence française se fondera : relance, puissance et appartenance.
Pour des questions d'exemplarité et de cohérence, l'échéance du 1er janvier 2022 nous oblige à ne présenter aucun déficit de transposition, de sorte que notre droit soit en totale conformité avec les récentes évolutions législatives de l'Union européenne. Composé, à l'origine, de quarante-deux articles, le projet de loi permet d'effectuer des ajustements nécessaires, mais aussi des avancées majeures dans de nombreux domaines.
Dans le secteur du transport terrestre et maritime, l'adaptation de nos normes permettra de mieux garantir les droits sociaux ; nous instaurons ainsi un droit de pause pour les marins stagiaires âgés de 16 à 18 ans, la prise en compte des activités partielles pour valider les droits à pension des marins, l'interdiction de rémunérer les conducteurs routiers en fonction de la rapidité de la livraison, ou encore des mesures issues du paquet « mobilité 1 » qui garantit un droit de retour à domicile pour les conducteurs de poids lourds. D'autres dispositions, comme celles de l'article 24, permettent de pérenniser les installations douanières et de rétablir les contrôles aux frontières dans le cadre du Brexit. Ces exemples traduisent la volonté d'une Europe plus soudée, qui protège ses travailleurs et ses citoyens.
En matière environnementale, le texte s'inscrit dans la continuité du projet de loi « climat et résilience » à travers six articles relatifs à la prévention des risques liés à la pollution et à la protection de l'environnement. Nous saluons ces avancées. Je me réjouis de la transposition du régime des sanctions applicables aux violations du règlement sur le mercure, les fluides frigorigènes et les POP, ainsi que du contrôle des émissions de soufre des navires. Nous sommes convaincus que ces sujets doivent être traités collectivement par les États membres, afin d'inverser la tendance climatique.
Dans ses articles 31 et 32, le chapitre IV va encore plus loin, en améliorant la protection et l'information environnementales et en instaurant un contrôle des captures et des mises à mort accidentelles de spécimens d'espèces animales protégées. Il était important d'agir dans ces domaines, au sujet desquels la France a été mise en demeure par la Commission européenne.
Ces dispositions constitueront un socle essentiel pour la présidence française, lorsqu'il sera nécessaire d'avancer pour bâtir une Europe plus sociale, verte, durable et résiliente. Grâce à ce texte, nous nous donnons des bases communes avec chaque pays membre pour mieux accompagner nos concitoyens et nos entreprises face aux défis de demain ; nous savons que le Président de la République se consacrera pleinement à cette tâche. Ce projet de loi permettra à la France d'incarner une ambition claire et la ligne que nous devons – et souhaitons – suivre. Aussi le groupe Agir ensemble votera-t-il en faveur de ce texte aux implications très concrètes et attendues.
M. Jean-Marc Zulesi applaudit.
Le texte que nous nous apprêtons à examiner a pour objectif de conformer notre droit aux exigences et aux évolutions de la réglementation européenne dans les domaines des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances. Il intervient à un moment singulier, six mois avant que la France n'accède à la présidence de l'Union européenne, le 1er janvier 2022. Cette échéance nous impose d'être exemplaires en matière de conformité de notre droit avec celui de l'Union. Pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en 2009, notre pays prendra la tête du Conseil ; il sera au cœur même du processus législatif européen et de la coordination de l'action des États membres. Il s'agira donc d'un moment exceptionnel, durant lequel la France endossera une responsabilité élevée à deux égards : d'un point de vue institutionnel, d'abord, elle relayera la voix du Conseil et sera chargée de défendre sa position vis-à-vis des autres organes de l'Union européenne et des États membres ; d'un point de vue politique, ensuite, elle aura pour mission d'inscrire des sujets prioritaires à l'ordre du jour et de définir l'agenda stratégique européen.
L'enjeu du présent projet de loi est ainsi de permettre à la France d'incarner légitimement cette ambition avec cohérence, volontarisme et exemplarité. En outre, c'est dans un contexte sensible qu'intervient ce projet de loi, celui du retrait du Royaume-Uni de l'Union et de la crise sanitaire et climatique.
Ce texte propose donc la transposition de douze directives, afin d'entrer en conformité avec quinze règlements européens. Notons que certains articles sont de nature essentiellement technique et parfois directement applicables. Nous saluons particulièrement les deux articles qu'il était urgent d'appliquer avec rigueur, afin d'éviter l'engagement de procédures contentieuses contre la France. Ils interviennent tous deux dans un domaine qui m'est particulièrement cher en qualité de présidente du groupe d'études eau et biodiversité, à savoir l'article 31, qui introduit un système de suivi des captures et morts accidentelles d'espèces protégées causées par certaines activités humaines, et l'article 32, élargissant l'accès au public des informations relatives à l'environnement. La France avait fait l'objet de mises en demeure. Il fallait réagir : c'est chose faite.
Toujours dans le domaine environnemental, mais s'agissant de l'article 29 et du bon état des eaux auquel la France s'est engagée en application de la directive-cadre sur l'eau, nous ressentons un petit pincement au cœur, car il s'agit cette fois de prendre acte d'un point de vue rédactionnel de la non-atteinte des objectifs fixés pour 2015 à l'article L. 212-1 de notre code de l'environnement. Face à ce constat d'échec, nous pourrions être attristés si nous n'avions pas réagi. Au contraire, nous pouvons nous féliciter de voir que, loin d'abdiquer, nous poursuivons d'un nouvel élan avec, d'une part la récente fixation par voie réglementaire des nouvelles valeurs limites de prélèvements d'eau lors des épisodes de sécheresse, et d'autre part avec le Varenne de l'eau copiloté par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et par vous-même, madame la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Dans le domaine environnemental encore, nous saluons le fait que ce texte complète utilement la transposition de la directive de 2016 relative à la teneur en soufre des combustibles liquides utilisés par les navires. Il s'agit ici de veiller à protéger la qualité de l'air, tout en ne déplaçant pas la pollution sur l'eau et les fonds marins. À ce titre, je me permets d'insister sur la rédaction qui prévoit que les méthodes de réduction des émissions de soufre ne doivent pas « avoir d'incidence négative notable sur l'environnement ». Cela doit nous amener à ne plus tolérer ce qu'on appelle des scrubbers, les systèmes de filtration en circuit ouvert qui rejettent des polluants filtrés dans la mer au profit de scrubbers en circuit fermé. Or, à ce jour, les scrubbers en circuit ouvert représentent 72 % de ceux qui sont installés, ce qui peut nous inquiéter. En cohérence, ce texte organise l'extension de l'application de cette législation à nos outre-mer et à l'océan Austral, réaffirmant ainsi notre volonté de protéger l'Antarctique.
Nous nous félicitons également de la transposition dans notre droit du régime de sanctions applicables aux violations du règlement sur le mercure, sur les fluides frigorigènes, ainsi que sur les polluants organiques.
Enfin, d'un point de vue social, nous voulons aussi souligner des ajustements rendus nécessaires pour mieux garantir les droits sociaux. Il s'agit notamment, concernant le transport maritime, de la mise en conformité d'un droit de pause pour les travailleurs âgés de 16 à 18 ans effectuant un stage à bord, ainsi que de l'interdiction de la rémunération des conducteurs routiers en fonction de la rapidité de livraison, ou encore du fait d'imposer aux transporteurs d'organiser le retour du conducteur à son domicile.
La crise sanitaire a également accéléré la nécessité de la mise en conformité de certains dispositifs tels que la prise en compte de l'activité partielle pour la validation des droits à pension des marins.
Pour toutes ces raisons majeures, le groupe Dem votera ce texte qui permettra à la France d'endosser avec exigence, cohérence et fierté ses responsabilités vis-à-vis de l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme la rapporteure pour avis Aude Bono-Vandorme et M. le rapporteur Damien Pichereau applaudissent également.
La France défend, parmi ses valeurs et en raison de la place qu'elle occupe aujourd'hui dans le monde, les avancées acquises grâce à la construction européenne. Notre histoire commune nous oblige notamment à poursuivre notre travail, pour renforcer la solidarité qui devrait être la pierre angulaire du projet européen. En janvier 2022, la France assumera pour la treizième fois la présidence du Conseil de l'Union européenne, et pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce qui nous oblige en matière de responsabilité et de cohérence. La cohérence doit avant tout se concrétiser par un droit français conforme à la réglementation européenne. Il n'est pas logique de défendre de nouveaux projets tout en laissant les décisions précédentes s'empiler, sans même avoir pris le temps de les mettre en place. C'est aussi comme cela que l'Union européenne devient concrète pour tous.
Le texte transpose donc douze directives au travers d'une quarantaine d'articles. Je souhaite souligner que ces questions complexes sont aujourd'hui traitées dans des délais trop courts qui ne facilitent ni leur examen, ni leur appropriation par les parlementaires. Comme je l'avais indiqué en commission, ces limites ont aussi été observées par le Conseil d'État.
Janvier 2022 sera donc un moment important pour notre pays : celui d'affirmer sa vision de l'Union. Redonner confiance dans le projet européen sur le long terme est un exercice complexe mais nécessaire. Les succès de l'Europe de demain sont aujourd'hui conditionnés au temps long. Pour atteindre ce but, le Gouvernement a appelé à la structuration d'une Europe plus solidaire et plus souveraine. Nous nous retrouvons derrière ces deux idées, si elles mettent au cœur de notre action des politiques européennes en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique et de l'aide aux territoires et aux populations les plus en difficulté. Un grand nombre de citoyens européens sont d'ores et déjà confrontés à une crise économique et sociale particulièrement éprouvante, découlant de la crise sanitaire. C'est pourquoi les politiques européennes à venir se doivent d'accompagner la reprise économique et de soutenir les plus faibles. Il est donc inenvisageable que des règles budgétaires datées et inadaptées soient réintroduites et viennent freiner la sortie de crise. Par l'investissement public, les États doivent saisir l'occasion que représente ce moment de crise pour engager la transition écologique, réorienter nos choix économiques et stratégiques et soutenir dans des proportions inédites les plus modestes. Le plan de relance européen est un premier pas, bien que les montants mobilisés témoignent d'une ambition restreinte et que les débats lors de son adoption rappellent les divergences entre les Vingt-Sept.
Les piliers fondant la présidence française – relance, puissance, appartenance – doivent se traduire concrètement en faveur des progrès sociaux, économiques et humains. La puissance de l'Union européenne ne doit pas uniquement se matérialiser dans une propension à faire bloc face aux autres puissances : elle doit résider dans sa capacité à œuvrer avec force en faveur des 446 millions d'Européens.
La dynamique sociale, soutenue par le sommet de Porto en 2021, initie peu à peu une perspective favorable aux travailleurs européens, tout en exhumant une nouvelle fois ce serpent de mer que représente l'Europe sociale. Pourtant, les citoyens se reconnaîtront certainement davantage dans l'Europe solidaire qui aide et qui protège, que dans celle des marchés et des capitaux, celle qui dérégule et met en compétition les peuples. L'action de la France doit signer le combat pour un changement de paradigme. Le salaire minimum adapté, l'impôt minimum commun sur les sociétés, l'assouplissement des règles du déficit sont des avancées à conquérir, non seulement pour chaque Européen, mais aussi pour l'Union européenne comme projet politique et social.
Sur le fond, je souhaite souligner et saluer la prise en considération de l'impératif écologique. En revanche, je regrette la suppression de l'article 41. L'exclusion de la possibilité pour les collectivités territoriales de recourir à un financement obligataire, via une plateforme de financement participatif, amputera le budget de ces acteurs au moment où leur est demandé de diversifier leurs sources de financement et où l'État coupe toujours plus dans les dotations. Cette décision portera atteinte au développement participatif en bloquant l'utilisation d'un instrument financier particulièrement prisé et avantageux. L'Association des maires de France s'est d'ailleurs exprimée en faveur du maintien de cet instrument. Il est toujours temps d'écouter les élus de terrain.
Le groupe Socialistes et apparentés aborde l'examen de façon constructive.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Je vous rappelle que les articles 2, 3, 4, 8, 11, 15, 18, 25, 27, 30, 33, 34, 35, 37, 38, 39, 40 et 42 sont soumis à la procédure de législation en commission. Ils feront donc l'objet d'un vote d'ensemble, après la discussion, dans les conditions de droit commun, des autres articles du projet de loi.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Il vise l'évaluation psychologique des membres de l'équipage de conduite. Après discussion avec les représentants des aéroclubs de ma circonscription, plusieurs questions se posent. Comment cette évaluation psychologique des membres de l'équipage de conduite aura-t-elle lieu et par qui sera-t-elle effectuée ? Il ressort des discussions avec les professionnels qu'il serait plus simple de compléter la visite médicale annuelle, ou bisannuelle selon l'âge du pilote, et, si le médecin le juge utile, par un examen complémentaire par un psychologue ou un psychiatre, plutôt que de procéder à une surveillance vol par vol.
Je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement car vous souhaitez supprimer un élément qui fait partie du titre du règlement de la Commission du 23 juillet 2018 modifiant le règlement (UE) n° 965/2012. Celui-ci prévoit bien l'introduction de programmes de soutien et d'évaluation psychologique, comme vous le souhaitez. Les modalités de ces programmes ne sont pas encore définies en France, mais ce sont les compagnies aériennes qui, par définition car c'est leur compétence, introduiront ces programmes, éventuellement comme vous le suggérez via la médecine du travail. Dans tous les cas, il est impossible de modifier le titre de ce règlement.
Même avis, pour les mêmes raisons. Modifier en le tronquant l'intitulé du règlement européen n° 2018/1042 ne concerne pas cet article 1er en ce qu'il n'aborde pas les évaluations psychologiques des personnels navigants.
Oui, monsieur le président, même si je comprends les arguments techniques qui me sont donnés. Les contrôles psychologiques des pilotes font l'objet de grands débats depuis le crash de l'avion de la Germanwings, cet accident intervenu lorsque le copilote a volontairement précipité son avion contre les Alpes, alors que le commandant de bord était sorti du cockpit pour quelques minutes. Depuis le début de l'aviation, ces cas sont très rares, puisqu'on n'en compte pas plus de cinq dans le monde. Mais depuis cet accident, tout le monde ouvre un peu le parapluie. Un psychiatre est-il en mesure de dire en quelques minutes si un pilote a un problème ? En réalité, avec des contrôles aussi rapides, un pilote peut, s'il en a la volonté, cacher notamment son état dépressif, et ainsi passer à travers les mailles du filet, si j'ose dire.
Cela pose aussi un autre problème : les dénonciations, par les dirigeants de compagnie, des gêneurs qui refusent, par exemple, de partir avec des avions en panne, risquent de se multiplier et de constituer un moyen d'éliminer ceux que l'on ne veut plus.
Je me suis permis de présenter cet amendement pour appeler votre attention sur ces différents problèmes.
L'amendement n° 13 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
L'article 5 est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 30 .
Il s'agit de préciser et de compléter l'équilibre qui a été trouvé, à juste titre, en commission, en revenant sur la notion de « modalités d'application », qui était trop floue et exposait à des fragilités.
L'amendement n° 30 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 35 .
L'article introduit par le Sénat permet à l'Autorité de régulation des transports de collecter régulièrement des données économiques et financières auprès des aéroports relevant de son champ de compétence. Cette proposition est toutefois redondante avec l'article L. 1264-2 du code des transports qui lui octroie d'ores et déjà un droit d'accès à toutes les informations utiles pour l'exercice de ses missions auprès des exploitants d'aérodromes. C'est pourquoi je demande la suppression de l'alinéa 9 de l'article 6.
Par cet amendement, le Gouvernement propose donc de supprimer l'alinéa 9 permettant à l'Autorité de régulation des transports, chargée entre autres d'homologuer le tarif des redevances aéroportuaires proposé par les aéroports entrant dans son champ de régulation, d'obtenir la transmission régulière d'informations – on parle évidemment ici de la fréquence. Si l'ART dispose du pouvoir d'obtenir des informations pour l'exercice de ses missions, sur le fondement de l'article L-1264-2 du code des transports, elle ne peut pas, toutefois, demander par des décisions motivées d'obtenir régulièrement des informations sur les activités des transports.
Le sujet n'ayant pas été discuté en commission, je m'en remets aujourd'hui à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 35 est adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
Les articles 7 et 9 sont successivement adoptés.
Passer d'une amende administrative d'un montant maximal de 750 euros à une peine de prison pouvant aller jusqu'à six mois, assortie d'une amende de 7500 euros, nous paraît totalement disproportionné, d'autant que c'est ouvrir la porte à une criminalisation des actions militantes qui peuvent intervenir dans le cadre d'un contentieux aéroportuaire. Tout cela justifie cet amendement de suppression.
Lors de la discussion générale, Mathilde Panot a consacré la plus grande part de son intervention à son opposition à cet article 10 qui crée un nouveau délit. Ne croyez pas que vous empêcherez les militants associatifs ou politiques de mener des actions revendicatives en les criminalisant : vous allez simplement encombrer les tribunaux, tant que vous refuserez d'entendre la raison pour laquelle ils se mobilisent, à savoir l'absence d'un vrai dialogue dans ce pays, depuis que le président de la République a rejeté tous les corps intermédiaires, réputés inutiles, prétendant établir une relation directe avec le peuple, relation qui me semble un peu écornée depuis le début du mandat.
Ce n'est pas ainsi que vous résoudrez le problème politique auquel vous êtes confrontés sous prétexte que les moyens utilisés pour mener des actions revendicatives ne vous conviennent pas. Alors qu'il existe déjà une peine d'amende, comme le collègue Wulfranc l'a rappelé, vous osez y ajouter une peine de prison. Mais dans quel pays vit-on ? Nous avons l'impression que vous êtes incapables de proposer un texte de loi sans créer un nouveau délit. C'était déjà le cas de la loi sur la recherche à l'université : il a fallu que vous y introduisiez un nouveau délit d'intrusion dans les universités, déjà sanctionné par le code pénal.
Il en va de même ici : le fait d'empêcher un aéronef de décoller constitue déjà un délit, puisque c'est sur ce fondement que des procès sont intentés à Greenpeace. Pourquoi en rajouter une couche ? Voulez-vous définitivement endosser des habits autoritaires ?
Ce sera un avis défavorable, vous vous en doutez.
Je voudrais simplement rappeler que, si l'intrusion sur une piste d'aéroport est punie d'une amende de 135 euros, le même délit commis dans une zone portuaire protégée est puni de 3 750 euros et de six mois d'emprisonnement maximum. À partir du 1er janvier 2022, ce sera 7 500 euros, soit cinquante fois plus, alors que, dans les deux cas, les dangers existent, ainsi que le risque de bloquer l'activité de 100 000 de nos concitoyens. Il faut donc un minimum d'équité.
Vous me demandez dans quel pays nous vivons. Je vous rappelle qu'en Espagne, l'intrusion dans un aéroport côté piste est sanctionnée d'une amende qui peut aller de 90 000 euros à 225 000 euros. En Allemagne, elle est sanctionnée d'une peine de six mois à dix ans de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à 30 000 euros. En France, nous restons donc raisonnables, mais nous ne laissons pas non plus tout faire : il faut un minimum de loi et de droit. Il s'agit non pas d'interdire toutes les manifestations, mais simplement d'introduire une forme d'équité.
Entendons-nous bien, au-delà des effets de tribune : nous parlons d'équipements, d'infrastructures. Les citoyens ne doivent évidemment pas se voir contester le droit de manifester. Il s'agit simplement de prévenir la commission d'infractions susceptibles de causer des accidents graves pour les personnes, d'abord pour les auteurs eux-mêmes.
Ces sanctions graduées visent à dissuader ce type d'intrusion et à permettre, par ailleurs, aux forces de sécurité des aéroports de se concentrer sur leurs missions, notamment face aux menaces terroristes, et de protéger les aéronefs, leurs passagers et les membres d'équipage. C'est donc un avis tout à fait défavorable.
On voit le sens des priorités du Gouvernement. Cet après-midi, lors de la séance des questions, le Premier ministre nous annonce qu'il abandonne la réforme constitutionnelle relative au climat.
La faute autant à LaREM qu'aux Républicains, vous le savez très bien, chère collègue.
Le même jour où on abandonne, au détour d'une réponse à une question au Gouvernement, une réforme lancée en grande pompe par le président de la République il y a huit mois, le Gouvernement et la majorité créent ce nouveau délit, qui vise – c'est écrit dans l'étude d'impact –, à contrer les activistes du climat. Qu'on aime ou pas ces actions, ne faudrait-il pas plutôt se demander pourquoi un nombre croissant de militants ont recours à des actions de ce type ? Cet article illustre parfaitement le sens des priorités qui est le vôtre et qui ne me paraît pas être le bon : il n'y a aucune urgence à créer un nouveau délit.
Le jour où il y aura un mort…
Vous dites qu'ailleurs c'est pire : j'espère qu'aucun des pays voisins ne va passer au châtiment du fouet, sinon vous serez capable de nous expliquer qu'une peine de dix coups de fouet, ce n'est rien, puisqu'on en donne vingt ailleurs.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Je ne vous conteste pas le droit de faire des comparaisons internationales.
Vous faites par ailleurs une comparaison avec les zones portuaires, mais si on m'avait demandé mon avis sur les zones portuaires, je vous aurais dit la même chose : je ne suis pas favorable à une pénalisation outrancière. Après, on vient se plaindre ici qu'il y a trop de gens en prison qui n'ont rien à y faire et qui devraient être pris en charge différemment.
Voilà pourquoi nous ne participerons pas plus aujourd'hui que demain à votre surenchère sécuritaire et à votre pénalisation outrancière.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Penser régler un problème en créant un délit ou une infraction, c'est une vue de l'esprit. Ce n'est pas ainsi que vous mettrez en échec les militants. Regardez ce qui se passe pour les décrocheurs de portraits, qui sont relaxés alors qu'ils encourent théoriquement jusqu'à un an d'emprisonnement pour vol. Que fait votre gouvernement, que fait le ministère de la justice ? Il poursuit le magistrat, qui a prononcé la relaxe, l'accusant de complaisance envers les militants. On croit rêver ! Heureusement, cinq autres relaxes ont été prononcées depuis par d'autres magistrats du siège, statutairement indépendants.
Je l'ai dit : le fait d'entraver la circulation des aéronefs est déjà un délit passible d'une amende de 18 000 euros et d'une peine de trois ou cinq ans d'emprisonnement, ce qui équivaut aux peines existant à l'étranger. Vous comparez des choses qui n'ont rien à voir en réalité.
J'espère donc que nous n'adopterons pas cet article ou, à tout le moins, qu'il sera rendu inopérant par les juges qui auront le bon sens de comprendre ce qui se passe. Je vous invite à prendre connaissance de la jurisprudence de la Cour de cassation qui met en avant, fort heureusement, la liberté d'expression dans ces affaires, pour ne pas pénaliser les militants politiques, contrairement à vous.
L'amendement n° 21 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
L'article 12 est adopté.
L'amendement n° 20 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 13, amendé, est adopté.
Les articles 14, 15 bis, 16, 17, 18 bis, 19 et 20 sont successivement adoptés.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 33 .
Par cet amendement, nous répondons à une demande forte de la profession et de nombreux parlementaires, que je remercie ici, notamment la députée Panonacle, qui s'est beaucoup mobilisée sur ce sujet.
Il vise à prendre en compte les indemnités d'activité partielle dans le salaire de référence retenu pour le calcul de la pension des marins de manière rétroactive, dès le 1er janvier 2021, et non à compter du 1er mai 2021. Nous mettons ainsi en cohérence la mesure avec celle de la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale qui, dans son article 8, a modifié le 8
L'amendement n° 33 , accepté par la commission, est adopté.
L'article 21, amendé, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 17 , deuxième rectification.
Les modifications apportées à l'article 22 du projet de loi visent à prendre en compte les dispositifs de l'accord relatif au Brexit, signé le 30 décembre 2020, en ce qui concerne l'accès au marché des services de transport public par route des entreprises établies au Royaume-Uni, et à prévoir les infractions et sanctions en cas de non-respect de ces dispositions.
Le présent amendement modifie notamment le 3° de l'article 22 du projet de loi afin de compléter et d'adapter la section 3 pour prendre en compte, s'agissant des États tiers à l'Union européenne et à l'Espace économique européen, le cas particulier de l'accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, ainsi que les autres traités internationaux, qu'il s'agisse d'accords bilatéraux ou multilatéraux, signés en matière de transport routier.
C'est un avis tout à fait favorable à cet amendement, qui vise à introduire un dispositif de sanctions relatif à la mise en œuvre de l'accord du Brexit. Elles concernent le non-respect des règles d'accès au marché européen par les entreprises de transport, notamment britanniques – on pense au cabotage et aux opérations de transport entre États membres de l'Union. Ces dispositions devraient entrer en vigueur dès que possible.
L'amendement n° 17 , deuxième rectification est adopté.
L'article 22, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 34 .
Il concerne les modalités d'application du détachement aux conducteurs routiers effectuant des missions de transport de marchandises ou de voyageurs qui constituent une prestation de service international. Il vise à rétablir la rédaction initiale du projet de loi, par souci de cohérence avec l'article 1er de la directive n° 2020/1057 du 15 juillet 2020, qui ne prévoit qu'une faculté et non une obligation de communication des informations aux partenaires sociaux, ainsi qu'avec les règles relatives aux détachements de travailleurs réalisés hors du secteur du transport routier, lesquelles ne comprennent aucune obligation similaire de communication à ces mêmes partenaires sociaux.
La rédaction du Sénat me semblait plutôt positive, mais il est vrai qu'elle va un peu au-delà de la transposition de la directive stricto sensu. Pour la même raison que tout à l'heure, cette question n'ayant pas été étudiée en commission du développement durable, j'émets un avis de sagesse.
Nous sommes opposés à l'amendement proposé par le Gouvernement car, en ne donnant qu'une faculté là où la rédaction du Sénat permet un accès, il amoindrit cette disposition. Nous le contestons, car l'amélioration du dialogue social suppose une possibilité entière, et non pas seulement une faculté.
L'amendement n° 34 est adopté.
L'article 23, amendé, est adopté.
J'ai déjà interpellé sur cette question M. Djebbari, ministre délégué chargé des transports, lors de la séance des questions au Gouvernement de la semaine dernière. L'article 24 vise à régulariser l'autorisation des installations douanières et sanitaires mises en place en urgence dans la perspective du Brexit et du rétablissement des contrôles aux frontières, car ces installations, situées sur la commune de Calais, ont été construites en 2019 et 2020 de manière dérogatoire à la loi littoral.
Il s'agit cependant d'une disposition ponctuelle, qui n'a pas vocation à s'appliquer pour d'éventuelles futures installations et qui fait perdurer une importante distorsion de concurrence entre deux infrastructures similaires : le port maritime de Calais et le port sec Eurotunnel. Ces deux infrastructures assurent toutes deux le passage de clients entre la France et le Royaume-Uni et remplissent une mission d'intérêt général.
À la différence des installations portuaires, les infrastructures d'Eurotunnel, même si elles sont susceptibles d'être situées sur une commune du littoral, sont implantées à environ deux kilomètres du rivage, invisibles depuis la plage et encerclées par une autoroute et deux zones commerciales, ce qui limite la dérogation qui pourrait être accordée à la loi littoral, notamment pour ce qui concerne l'aspect paysager.
Notre amendement tend donc à compléter l'article 24 afin de permettre à la liaison fixe transmanche, non seulement de régulariser les installations, mais aussi de pouvoir réaliser celles qui sont rendues nécessaires par le renforcement des mesures de contrôle et de sûreté résultant de la réglementation européenne du système d'entrée/de sortie, ainsi que par l'adaptation du système de transport aux nouvelles mobilités promues au niveau européen. Anticipons ces évolutions, au lieu de les régulariser a posteriori.
Madame Six, votre amendement propose d'étendre la dérogation aux dispositions du code de l'urbanisme prévues à l'article 24 afin de permettre à Eurotunnel de déposer un permis de construire de régularisation des seules infrastructures de contrôle frontalier construites dans le cadre notamment du Brexit. Je ne suis pas favorable à l'extension que vous proposez, qui irait, selon moi, au-delà de ce qui est souhaitable compte tenu des difficiles équilibres de la loi « littoral ». Avis défavorable, donc.
Même avis que M. le rapporteur. En effet, cette possibilité de déroger à la loi « littoral » s'entend, dans votre amendement, pour toute construction future, alors même que notre article 24 ne vise qu'à régulariser des installations existantes rendues nécessaires par le Brexit.
Permettez-moi de compléter mes propos pour tenter de vous persuader : le lien transmanche n'est pas délocalisable, car des véhicules et des marchandises arrivent sur ce site. Il me semble inconcevable de ne pas avoir la possibilité d'opérer ce contrôle à la sortie d'Eurotunnel puisque, de toute façon, il sera nécessaire de contrôler a posteriori.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
L'article 24 est adopté.
Sur l'article 36, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l'amendement n° 14 , portant article additionnel après l'article 24.
Il a le même objet que mon amendement précédent, mais il vise à inclure le lien fixe transmanche à l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme. D'un point de vue plus global, le Brexit et ce projet de loi soulèvent la question du statut juridique du tunnel sous la Manche, aujourd'hui assimilé à une infrastructure ferroviaire, et non à un port ou un aéroport. Ses marges d'aménagement en sont d'autant réduites car, contrairement aux ports ou aéroports, il est soumis aux impératifs de la loi littoral, et c'est ce qu'il faut faire évoluer, car ce tunnel n'est à l'évidence pas seulement une infrastructure ferroviaire, c'est également le plus grand passage sous-marin au monde, une formidable prouesse technique et, pour certains, le chantier du XX
Le raisonnement est le même que pour l'amendement précédent. Cette mesure est quasiment similaire et j'émettrai donc le même avis défavorable.
Nous ne souhaitons pas davantage codifier ces dispositions. Il s'agit ici de créer un cadre pour des bureaux qui doivent rester une exception. Avis défavorable, donc.
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 29 .
Il vise deux ordonnances destinées à préciser les dispositions de la LOM, ou loi d'orientation des mobilités, les ordonnances 2021-443 du 14 avril 2021, et 2021-487 du 21 avril 2021 – cette dernière relative à l'exercice des activités des plateformes d'intermédiation numérique. Il s'agit donc d'un amendement de précision.
L'amendement n° 29 , accepté par la commission, est adopté.
Il tend à la ratification de l'ordonnance relative à la fusion du port autonome de Paris et des grands ports maritimes du Havre et de Rouen en un établissement public unique dénommé HAROPA. Avec cette fusion, nous nous inscrivons pleinement dans la nouvelle stratégie nationale portuaire engagée par le Gouvernement. Nous permettrons ainsi de renforcer la compétitivité de nos ports et de reconquérir des parts de marché sur les ports de la rangée nord-européenne, tout en développant des solutions innovantes en matière de logistique et de transition écologique et numérique. Afin de ratifier l'ordonnance du 19 mai 2021 prise sur le fondement de la loi d'orientation des mobilités et qui a créé les grands ports fluviaux maritimes de l'Axe Seine, je vous remercie de voter cet amendement.
Ce sous-amendement est proposé par ma collègue Agnès Firmin Le Bodo. Comme vous le rappelez, madame la secrétaire d'État, le 1er juin 2021, le port autonome de Paris et les grands ports maritimes du Havre et de Rouen ont fusionné en un établissement public unique. La gouvernance de cet ensemble portuaire fluviomaritime nommé HAROPA est déterminée par l'ordonnance 2021-614 du 19 mai 2021. Ce texte a cependant fait disparaître de la gouvernance la représentation des entreprises présentes jusqu'alors au port de Paris, alors même que la présence d'une organisation patronale permettrait d'enrichir l'analyse stratégique du développement des places portuaires. Le sous-amendement tend donc à réintroduire un représentant d'une fédération professionnelle maritime et portuaire à l'Axe Seine.
La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir le sous-amendement identique n° 27 .
Je compléterai les propos de M. Christophe en précisant que le supposé risque de conflit d'intérêts qui a pu être évoqué n'existe pas, car les organisations représentent et fédèrent des professions multiples et, dans toutes les instances où elles siègent, les organisations professionnelles se prémunissent des risques de conflit d'intérêts. Par ailleurs, de nombreuses grandes infrastructures nationales associent le secteur privé à leur gestion. Il apparaît donc très important d'intégrer au conseil de surveillance d'HAROPA au moins un représentant d'une fédération professionnelle maritime et portuaire implantée sur l'ensemble du territoire du nouveau port fluviomaritime.
Comme vous savez, la gouvernance d'HAROPA a précisément fait l'objet de nombreux échanges avec les acteurs portuaires et les élus. Les représentants de fédérations professionnelles ne sont pas intégrés dans cette gouvernance, du fait de potentiels conflits d'intérêts. En fait, nous suivons en cela la recommandation de la Cour des comptes, qui avait relevé le risque de conflit d'intérêts en cas d'intégration des fédérations professionnelles.
Vous noterez néanmoins que l'enjeu du développement économique est bien pris en compte, car quatre personnalités qualifiées ont été intégrées au comité de surveillance afin précisément d'éclairer les décisions qui pourront y être prises. L'une d'entre elle aura, par ailleurs, vocation à présider HAROPA. En outre modifier maintenant la gouvernance reviendrait aussi à retarder le lancement, ce qui serait dommageable à un si beau projet.
Ces dispositions ont fait l'objet d'un point de vigilance de part de la Cour des comptes. Le risque de conflit d'intérêts a été relevé et le modèle que nous adoptons aujourd'hui a été établi à l'équilibre et a fait l'objet de nombreux échanges avec les acteurs portuaires et les élus. Ce modèle est identique à celui de la composition des instances dans les grands ports maritimes. En rouvrant ce débat, nous risquerions de retarder la mise en œuvre du projet. Avis défavorable, donc, sur les deux sous-amendements.
L'amendement n° 28 est adopté.
L'article 24 bis, amendé, est adopté.
Les articles 26 et 28 sont successivement adoptés.
Vous noterez la profondeur politique de cet amendement : l'année 2015 étant passée, une date butoir actualisée serait plus judicieuse. L'amendement a pour but de la fixer.
Monsieur Chenu, votre amendement propose de modifier la première phrase du V de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, qui fait référence à la date du 22 décembre 2015 comme date butoir pour atteindre le bon état des masses d'eau fixé à l'article 4.1 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Cependant, les objectifs ne doivent pas être atteints tous les ans, mais devaient l'être à la date de 2015. Ainsi, même si je comprends l'objectif de votre amendement, il n'est pas prévu par la directive et il ne peut donc pas apparaître dans le code que l'atteinte de l'objectif de bon état des eaux doive être évaluée tous les ans. Votre amendement ne correspondant pas au cadre ni au calendrier des obligations imposées par la directive, j'émettrai un avis défavorable.
La directive-cadre sur l'eau fixe en effet des objectifs et des méthodes pour les atteindre : ce bon état des eaux, avec une obligation de résultat et des échéances échelonnées selon trois dates butoirs en 2015, 2021 et 2027, 2015 étant la première année où le bon état écologique était attendu, avec une possibilité de dérogation à cette échéance et un report à un délai ultérieur pour l'atteinte ou l'assouplissement des objectifs, à condition notamment que des exemptions soient justifiées – ce qui peut, par exemple, être le cas pour des raisons de faisabilité technique, de conditions naturelles ou de coûts disproportionnés. Les échéances restent donc bien fixées à 2015, 2021 et 2027. Avis défavorable, donc.
L'amendement n° 8 n'est pas adopté.
L'article 29 est adopté.
L'amendement n° 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 22 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 31, amendé, est adopté.
L'article 32 est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 32 , portant article additionnel après l'article 32.
La directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, impose de nouvelles obligations, en particulier en matière de gestion préventive des risques, de la protection de la ressource en eau jusqu'au robinet des consommateurs. Nous devons donc introduire des dispositions législatives dans le code de la santé publique et, le cas échéant, dans d'autres codes, avant l'expiration du délai de transposition, soit avant le 12 janvier 2023.
Les eaux destinées à la consommation humaine, parce qu'elles ont, et sont susceptibles d'avoir, pour origine tout type de masses d'eau, ont un lien direct avec l'environnement et la qualité de celui-ci. L'amendement vise donc à introduire un nouvel article au sein du chapitre IV du projet de loi, qui porte sur les dispositions relatives à la protection et à l'information environnementales. Cet article dispose que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi qui ont pour objet de transposer la directive du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, y compris ses actes délégués et d'exécution. L'article précise également que l'ordonnance doit être prise dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi.
L'amendement n° 32 , accepté par la commission, est adopté.
Les articles 34 bis et 34 ter sont successivement adoptés.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement n° 1 , tendant à supprimer l'article.
L'article 36 tend à assouplir les obligations d'information des sociétés d'investissement lors de la création de nouveaux instruments financiers et, partant, à assouplir les règles encadrant les instruments dérivés, notamment sur les matières premières. La logique de l'article, qui vise un champ important, semble être de libéraliser plus avant les facultés du marché afin de relancer l'économie, en levant les contraintes légales qui existent actuellement. Cette logique n'est d'ailleurs pas nouvelle, puisqu'elle est assumée depuis les années 1980.
Pour notre part, nous considérons – et ce n'est pas nouveau non plus – que l'accroissement de l'activité financière n'entraîne pas un accroissement et un déploiement de l'économie réelle. Bien au contraire, selon nous, la déréglementation provoque une hausse de l'instabilité financière, qui peut violemment pénaliser l'économie réelle – la crise de 2008 l'a d'ailleurs démontré.
À travers les dispositions prévues à l'article 36, vous semblez retomber – si tant est que vous vous en soyez extraits un jour – dans les travers qui ont conduit au krach de 2008. Vous proposez en effet de prendre par ordonnance des mesures incitant à la création de nouveaux produits dérivés incontrôlables, impossibles à réguler : nous proposons d'écarter cette possibilité. En outre, le refus du recours aux ordonnances est un marqueur.
Votre amendement vise à supprimer l'article 36, et il me semble que vous vous opposez à cet article à deux titres.
Tout d'abord, comme vous venez de le dire, vous êtes contre le recours aux ordonnances. Pourtant, en l'espèce, il est nécessaire car le délai de transposition laissé aux États membres est particulièrement court : en effet, s'il est en moyenne de deux ans, il n'est ici que de neuf mois.
Par ailleurs, vous êtes opposé au fond de la directive, car vous considérez qu'elle risque de déréglementer les marchés financiers. Sur ce point, laissez-moi vous rassurer : l'objectif n'est absolument pas de réduire les informations transmises aux superviseurs nationaux et européens mais, alors que l'Europe essaie de relancer son économie, de simplifier certaines procédures pour faciliter la mobilisation des marchés.
Je citerai deux exemples : tout d'abord, la directive prévoit d'alléger les obligations d'information qui pèsent sur certains prestataires de services. Ainsi, au lieu de présenter systématiquement une analyse des coûts et avantages à chaque changement d'instrument financier, ces prestataires ne seraient tenus de le faire qu'à la demande de leurs clients. Néanmoins, ce changement serait limité aux clients professionnels, et ne concernerait donc pas les investisseurs particuliers. Ainsi, une obligation devient une simple possibilité. Ensuite, la directive prévoit de simplifier certaines règles pesant sur les prestataires en matière de recherche d'entreprises émettrices, si cette dernière concerne des entreprises dont la capitalisation est inférieure à 1 milliard d'euros. L'objectif est alors de faciliter l'accès des PME aux marchés de capitaux.
Comme vous pouvez le constater, il n'est donc pas question de déréglementer, mais bien de simplifier certaines procédures. À ce titre, j'émettrai un avis défavorable.
En effet, si la directive 2021/338 du 16 février 2021 se contente de procéder à des ajustements techniques de la directive de 2014 relative aux marchés d'instruments financiers pour faciliter la mobilisation de capitaux au service du financement, contrairement à ce que vous craignez, elle ne constitue pas un véhicule de déréglementation du marché : elle vise simplement à recalibrer certaines obligations applicables aux acteurs financiers, qui se sont révélées coûteuses sans apporter pour autant un surcroît de protection aux épargnants.
Par ailleurs, le calendrier rappelé par Mme la rapporteure pour avis nous oblige effectivement à prendre ces dispositions sans tarder. Par conséquent, avis défavorable.
Madame la secrétaire d'État, j'aimerais vous interroger sur la volonté de légiférer par ordonnance. J'ai bien compris qu'il fallait aller vite, mais puisque la procédure accélérée a été enclenchée sur ce texte, pourquoi ne pas inscrire directement dans la loi les dispositifs d'ajustements techniques que vous évoquez ? Cela nous rassurerait, car nous ne savons jamais jusqu'où peut aller la législation par ordonnance.
Je m'interroge donc plus sur la forme que sur le fond : adopter une loi pour codifier les dispositifs demandés, plutôt que de légiférer par ordonnance, rassurerait nos collègues.
Je voudrais tout d'abord remercier Mme la rapporteure pour avis, Mme la secrétaire d'État et notre collègue Bazin de vouloir nous rassurer : c'est toujours bienvenu !
Sourires.
Pourquoi ? Je ne suis pas un gars méchant et je ne cherche pas à tout prix la contradiction mais, lorsque l'on me parle de produits financiers dérivés, d'assouplissement, de simplification – le champ lexical est toujours très fourni en la matière ! –, je ne peux m'empêcher, comme d'autres collègues, de mettre en avant les risques que cela comporte, et qui se sont d'ailleurs déjà vérifiés, puisque ce sont bien des produits dérivés qui ont déclenché la crise de 2008 – ce n'est pas un reproche, mais seulement un état des lieux. Or, nous nous sommes à peine relevés de cette première crise, avant de sombrer à nouveau dans celle que nous connaissons aujourd'hui. Si j'entends vos explications et comprends votre logique, ce n'est pas la nôtre : par conséquent, nous maintenons cet amendement de suppression.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 57
Contre 9
L'article 36 est adopté.
Il vise à rétablir une disposition adoptée au Sénat, supprimée en commission à l'Assemblée nationale, qui permettait pourtant d'assouplir les conditions d'accès des collectivités territoriales au financement participatif.
En effet, si le code général des collectivités territoriales prévoit qu'elles peuvent bénéficier de revenus tirés d'un projet de financement participatif au profit d'un service public culturel, éducatif, social ou solidaire, ce champ apparaît trop limité au regard de la variété des projets susceptibles d'être financés, qui peuvent toucher des domaines comme la transition énergétique, le médico-social, le sport ou l'habitat. En comparaison, les acteurs bancaires peuvent, eux, opérer dans l'ensemble des domaines de compétence des collectivités territoriales.
En outre, une interprétation restrictive de l'administration crée un doute sur la possibilité de lever des fonds en émettant des obligations, alors même que les investisseurs institutionnels font preuve d'un intérêt nouveau pour ce type d'instruments, dans un contexte où les obligations d'État sont émises à des taux voisins de zéro.
Afin de faciliter la diversification des sources de financement des collectivités territoriales, il nous paraît donc nécessaire de rétablir cette mesure et d'ouvrir le financement obligataire pour des projets finançables à l'ensemble des services publics.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l'amendement n° 4 .
Il vise à rétablir l'alinéa 2 dans la rédaction issue du Sénat. En effet, dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 2 exclut la possibilité, pour les collectivités territoriales, de recourir à un financement obligataire via une plateforme de financement participatif. En adoptant cette rédaction, la commission est ainsi revenue sur une avancée obtenue lors de l'examen du texte au Sénat. Alors que les investisseurs institutionnels font preuve d'un intérêt nouveau pour le financement participatif et que les élus locaux réclament la possibilité d'y recourir, le Sénat avait en effet jugé utile de lever une incertitude juridique pour confirmer la possibilité, pour les collectivités, de recourir aux obligations dans le cadre d'un financement participatif.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement n° 7 .
Il est identique au précédent. Que la même idée soit défendue sur différents bancs, notamment ceux de la majorité, doit d'ailleurs nous interpeller : il existe bien un problème et, pour le résoudre, une volonté commune d'aller plus loin que ce que propose le Gouvernement en modifiant la rédaction adoptée en commission pour revenir au texte issu des travaux du Sénat. Je rappelle que la chambre haute représente les collectivités territoriales, qui font directement l'objet de la disposition que nous souhaitons rétablir.
Notre proposition s'inscrit dans l'esprit de celles du candidat Emmanuel Macron qui, en 2017, voulait libérer la France des carcans de l'administration. Le ministre Macron avait beaucoup travaillé à une loi qui porte aujourd'hui son nom, qui n'aurait d'ailleurs pas supporté les contraintes que souhaite aujourd'hui imposer l'administration du désormais Président.
Nous devons faire confiance aux Français, aux entrepreneurs, aux élus locaux : tel est le sens de mon amendement. Il s'agit tout d'abord de mobiliser avec intelligence les moyens financiers accrus de nos compatriotes – selon certaines estimations, 200 milliards supplémentaires dormiraient dans leurs bas de laine –, de les orienter efficacement, notamment vers les territoires. Il s'agit ensuite de tirer les leçons de la crise sanitaire, au cours de laquelle c'est dans les territoires, par les élus locaux, que des dispositifs immédiatement opérationnels ont été déployés, mais non à la hauteur de ce qui aurait pu être – en raison du carcan, du pilotage vertical de notre République, loin d'être véritablement décentralisée. Il s'agit enfin d'une mesure simple, efficace, qui répondra au souhait des élus locaux de disposer de moyens proportionnés aux enjeux, au souhait des Français de s'investir à l'échelon local. Retrouvons l'esprit du Sénat, c'est-à-dire de la chambre haute, et adoptons ces amendements identiques !
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Ils visent à ouvrir à l'obligataire le financement des projets participatifs des collectivités territoriales : en d'autres termes, celles-ci pourraient émettre des obligations, par l'intermédiaire de plateformes, sans contrôle du comptable public. Vous l'avez dit : cette ouverture présenterait l'avantage de donner accès à une autre source de financement que le secteur bancaire. Je conçois donc son intérêt, même si les taux proposés aux collectivités par les banques sont actuellement très bas.
Avant toute chose, il convient de rappeler que le financement participatif obligataire se trouve déjà ouvert aux collectivités, à une seule condition : qu'elles passent par une régie de recettes. Ce mécanisme est particulièrement lourd pour les projets de petite taille, financés par des prêts et des dons ; pour les projets d'ampleur, qui nécessitent une structuration financière plus ambitieuse, la régie de recettes peut au contraire constituer un garde-fou utile. La question se pose cependant de la possibilité pour une plateforme de ne pas gérer les flux financiers par l'intermédiaire de ses prestataires de service de paiement, lorsqu'une régie de recettes s'en charge. Il faut s'en assurer : j'espère que les échanges pourront continuer sur ce sujet entre les plateformes, les équipes de Bercy et l'Autorité des marchés financiers.
Au-delà de ces aspects techniques se dessine une vraie interrogation d'ordre politique. Par ce recours à l'obligataire, ce ne sont plus les administrés ou les entreprises implantées sur le territoire de la collectivité qui se trouveraient appelés à financer des projets, mais les fonds institutionnels. Nous parlons ici de projets représentant plusieurs millions d'euros, où le soutien des territoires ne représenterait plus qu'une part infime des fonds levés par la collectivité. Est-ce le sens que nous souhaitons donner aux projets de financement participatif des collectivités ? Encore une fois, ne doivent-ils pas être soutenus en premier lieu par les habitants, par les entreprises du territoire, par ceux qu'un tel projet concerne directement et qui y croient ?
Par ailleurs, les fonds institutionnels iront-ils investir partout en France, y compris dans les territoires enclavés, peu attractifs, en difficulté ? Je peux me tromper, mais je crains l'émergence d'inégalités entre les collectivités qui pourraient bénéficier de ces financements et celles, notamment en zone rurale, qui ne le pourraient pas. En revanche, il est important d'ouvrir aux personnes morales la possibilité d'accorder des prêts aux collectivités, mesure que je défendrai dans quelques instants, car elle constitue l'objet de mon amendement n° 24 : en répondant à une véritable attente des collectivités, elle permettra de mobiliser les entreprises d'un territoire dans le cadre de projets qui le concernent directement.
Enfin, les projets de financement participatifs dérogent à un principe fondamental des finances publiques : la non-affectation des recettes aux dépenses. Les investisseurs financeraient un projet précis et recevraient un engagement précis de la collectivité en cause. Que se passera-t-il si un tel projet, représentant des millions, et dont la réalisation s'étale sur des années, est dévié voire abandonné à la suite de difficultés techniques ou d'un changement de majorité politique ? Ils pourraient se retourner contre les élus. Le financement bancaire ne présente pas cet inconvénient. Pour toutes ces raisons, les conditions dans lesquelles l'obligataire répondrait à la finalité des projets participatifs ne se trouvent pas réunies. Avis défavorable à tous ces amendements.
Certains de ces amendements laissent entendre qu'une collectivité territoriale ne pourrait actuellement recourir que de manière partielle au financement participatif. En l'état du droit, c'est faux : si elle crée une régie de recettes, il lui est tout à fait possible de souscrire à un prêt participatif ou à une obligation participative. J'ai évoqué dans mon propos liminaire les quelques exceptions à cette règle : depuis six ans, par dérogation, cette collecte est autorisée sans création d'une régie lorsque le projet qu'elle vise à financer relève des secteurs culturel, éducatif, social ou de la solidarité.
Quant à la demande d'élargir cette dérogation à tous les secteurs, elle exprime un souci que le Gouvernement peut entendre, mais il faudrait commencer par en exclure les secteurs régaliens. En outre, nous demeurons attachés au caractère protecteur des régies de recettes. La mesure proposée ferait courir un risque réel aux responsables des collectivités : dans des situations comme celle d'une émission obligataire, qui permet de collecter jusqu'à 8 millions d'euros, ils s'exposent. Leur donner la possibilité de levées obligataires ne serait donc pas pertinent. Au contraire, la régie comptable constitue un mode de gestion largement répandu dans le secteur public. Il ne faut pour la créer qu'un acte constitutif et un acte nominatif. En plus de cette simplicité, elle offre des garanties, puisque le régisseur se trouve personnellement et pécuniairement responsable de la garde, de la conservation et du maniement de ces fonds publics – précaution à laquelle on peut le croire sensible.
Ce mécanisme protecteur est donc dans l'intérêt des collectivités. Par ailleurs, le levier obligataire ne résoudrait pas leurs difficultés d'ordre financier : il ne présente pas d'intérêt flagrant s'agissant du financement participatif, pour lequel les taux seraient supérieurs à ceux que pratiquent les établissements bancaires. Par conséquent, avis défavorable à tous ces amendements.
Ces amendements ont tout de même le mérite d'engager le débat sur le financement participatif, aujourd'hui en plein essor, et alors que se dessine un enjeu en matière de financement de projets dans des secteurs qui ne sont guère aidés, guère soutenus. Dans ces conditions, les modes de financement innovants ne manquent pas d'intérêt. Vous dites qu'il vaudrait mieux conserver le contrôle qu'opère une régie de recettes : en revanche, vous n'avez pas mentionné les inconvénients de celle-ci, ni les avantages du financement participatif. Vous dites que les organismes bancaires proposent des taux bas : c'est vrai, mais cela ne sera peut-être plus le cas dans quelques années.
S'agissant du lien avec les entreprises et les habitants du territoire concerné, il existe en France des endroits qui, par ruissellement, bénéficieraient du développement de leur voisinage : on ne peut s'opposer à un financement participatif permettant à une collectivité de voir prospérer celles qui l'entourent, car elle peut avoir intérêt à la création de foyers non plus épidémiques, pour une fois, mais économiques. Encore une fois, la mesure prévue par ces amendements présente un intérêt pour de telles stratégies.
La sagesse sénatoriale avait ménagé une place à l'audace : vous qui nous proposez souvent des expérimentations, pourquoi n'en tenteriez-vous pas une en la matière, afin de réguler positivement le dispositif ?
Avec tout le respect que je dois à Mme la rapporteure pour avis et à Mme la secrétaire d'État, je voudrais revenir sur plusieurs points qu'elles ont abordés. J'ai commencé à travailler sur le financement participatif il y a plus de cinq ans, sous la précédente législature : la première proposition de loi que j'ai déposée – d'ailleurs cosignée par de nombreux collègues, dont Mme la rapporteure pour avis, si je me souviens bien – lui était consacrée.
Il faudrait commencer par souligner l'extrême difficulté du dialogue des représentants, que ce soit avec l'administration de Bercy ou avec Financement participatif France (FPF), l'association des professionnels du secteur : nos échanges se trouvent au point mort. Ensuite, vous parlez de limites, notamment concernant la régie : encore une fois, il conviendrait plutôt de revenir à l'esprit d'un temps déjà lointain, celui de la campagne présidentielle de 2017, où était prônée une France agile, libérée, mise en confiance. Ce n'est pas cet esprit qui a inspiré vos avis. Pourtant, la Cour des comptes a exprimé la nécessité d'une diversité des sources de financement au niveau local : elle nous attend sur ce point, et nous ne serons pas en mesure de répondre à son appel si nous ne rétablissons pas la rédaction du Sénat.
Madame la rapporteure pour avis, vous évoquez l'inégalité des territoires : il est certain que la mobilisation serait plus importante dans certains que dans d'autres, mais cette inégalité existe déjà, et ne doit pas empêcher ceux qui le peuvent d'aller de l'avant. Vous évoquez le risque qu'un projet ne soit dévié de son objectif par un changement de majorité politique, mais le prochain budget que nous adopterons, et surtout les financements et emprunts lancés par l'État au début de l'année 2022, seront honorés par la nouvelle majorité qui vous succédera peut-être : loin d'être inédite, cette situation se présente régulièrement. Vous parlez, comme Mme la secrétaire d'État, de montants élevés, c'est-à-dire de quelques millions : j'ose rappeler que le surplus d'épargne réalisé par les Français en raison de la crise s'élève à 200 milliards, que nous aimerions pouvoir mobiliser au service des territoires, de la reconstruction, d'un nouveau modèle de développement !
Je vais conclure, monsieur le président. Enfin, vous dites que les taux actuels sont bas. Il faut sortir de la technicité bancaire, bien que je la maîtrise moins que d'autres domaines, et plus généralement de ce discours technique qui nous est offert en permanence. Ce que je ressens, c'est la mobilisation des citoyens à l'échelon local.
Les dispositions que nous proposons permettraient à nos concitoyens, s'ils le souhaitent, d'abandonner leurs titres de créance à une collectivité, ce que ne fera jamais une banque.
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 23
Contre 54
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Cet amendement, auquel j'ai déjà fait référence, vise à ouvrir aux personnes morales la possibilité de concourir au financement participatif des projets des collectivités territoriales. Il prévoit également d'exclure les missions régaliennes du champ de ces projets lorsqu'ils sont financés par l'intermédiaire d'une plateforme, sans régie de recettes.
Concernant le premier point, j'avais indiqué en commission des finances l'intérêt que je portais à l'élargissement proposé par le Sénat. Les projets de la plupart des services publics devraient être concernés par cette possibilité de financement grâce aux prêts et aux dons sans passer par une régie de recettes.
Nous avons obtenu le maintien de cet élargissement, ce dont je me réjouis. En revanche, j'ai bien compris les réticences concernant les missions régaliennes, notamment les fonctions de police et de maintien de l'ordre public, que nous écartons du champ ouvert. C'est une mesure de bon sens : ces missions fondamentales doivent être assurées par les collectivités en toutes circonstances, sans faire appel au soutien des administrés.
Actuellement seuls les dons peuvent être accordés par des personnes morales. L'ensemble des acteurs – personnes, associations, entreprises, collectivités – ne peuvent recevoir des prêts que de la part de personnes physiques. Or il me semble crucial que les entreprises du territoire puissent participer à des projets qui ont du sens pour elles, comme ils en ont pour l'ensemble des habitants. Cela serait particulièrement vrai dans certains domaines comme le tourisme et le développement économique. C'est une demande forte des collectivités. Bien évidemment, cela permettra d'augmenter, dans une certaine mesure, les montants de financement des projets.
Je vous remercie, madame la rapporteure pour avis, d'avoir entendu la vigilance du Gouvernement sur les missions régaliennes. Nous sommes évidemment favorables à l'assouplissement dans ce cadre. S'agissant de la possibilité pour les personnes morales de financer des projets de financement participatif des collectivités territoriales au moyen de prêts, l'ouverture du financement participatif concernera prochainement tous les acteurs, grâce à l'entrée en application du règlement européen le concernant en novembre prochain. Cette ouverture ne concernera que les activités commerciales.
L'ajustement du droit national français à ces nouvelles règles à l'automne prochain sera l'occasion d'examiner l'ouverture des prêts participatifs des personnes morales, y compris pour les activités non commerciales. Dans la mesure où le vote de l'amendement conduirait à ouvrir cette possibilité au bénéfice des collectivités territoriales de manière anticipée par rapport à une révision de la réglementation à venir très prochainement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Ma réaction est à chaud : en matière de gestion, on m'a appris la règle suivante : « Qui paie, décide. »
Dans cette faculté donnée aux personnes morales et aux entreprises de pouvoir abonder, par le biais de prêts importants, je vois un fil à la patte des élus locaux et des collectivités !
Il faudrait remonter à l'assassinat, non pas d'Henri IV, mais du Crédit local de France, et à l'affaiblissement successif des structures publiques permettant aux collectivités territoriales d'assumer leurs responsabilités en matière d'investissements et de réalisation de projets, pour trouver de telles propositions, qui reviennent selon moi à passer les menottes aux élus sur les orientations de projets et sur les projets eux-mêmes.
L'amendement n'apporte pas la réponse aux besoins exprimés, dans la mesure où le prêt en financement participatif est un instrument dont les limites réglementaires – investissement maximal de 2 000 euros par personne, durée maximale de l'emprunt de sept ans, montant maximal de 1 million – ne sont pas à la hauteur de nombre de projets de collectivités ni de la pratique du marché – plusieurs millions d'euros pour une durée de quinze à vingt ans. On va donc continuer à laisser le financement participatif jouer dans le petit bassin, quand les banques, en situation monopolistique, joueront dans la piscine olympique sans être gênées par un engagement des citoyens.
L'amendement exprime également le souhait d'écarter les plateformes du marché de la dette des collectivités, au mépris de l'ordonnance n° 2014- 559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, dont l'objet était justement de créer une dérogation au monopole bancaire et aux principes français et européens de libre concurrence. La majorité défend la libre concurrence, sauf quand elle vient précisément à l'encontre des monopoles bancaires, par le biais des citoyens.
Enfin, il paraît inopportun de prévoir qu'un décret fixe les principales caractéristiques de ces prêts. Lorsqu'il est question de collectivités territoriales et concernant des éléments aussi pointus et techniques, je le répète, je préfère la rédaction originelle, celle du Sénat.
L'amendement n° 24 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 25 .
Il vise à rappeler et préciser les obligations des intermédiaires en financement participatif en matière de lutte conte les prises illégales d'intérêts des élus.
L'élargissement du recours au financement participatif sans intervention du comptable public – ce que nous venons de voter et je m'en réjouis – peut conduire à des situations de prises illégales d'intérêts des élus, et ce, à leur insu. Tel pourrait être le cas d'un proche d'un élu souscrivant auprès de la collectivité un prêt participatif portant intérêt : il acquerrait là un avantage financier de la part de la collectivité, dont on peut considérer qu'il constituerait un avantage indirect pour l'élu, sans aucune volonté maligne de sa part.
En l'état du droit, les plateformes de financement participatif sont d'ores et déjà soumises à des obligations en matière de prévention des conflits d'intérêts. L'amendement vise uniquement à préciser et à rappeler les obligations de vigilance et de prévention des plateformes à cet égard, en vue de protéger les élus.
Le Gouvernement est très favorable à un renforcement des obligations de vigilance des plateformes de financement participatif, concernant notamment ces risques de nature pénale, spécifiques au maniement de fonds publics et qui sont encourus par les élus et les responsables des collectivités territoriales.
Cette obligation existe déjà à l'endroit des plateformes de financement participatif, mais je crois qu'elle nécessite et mérite d'être soulignée, au moment où le droit va permettre aux collectivités territoriales de recourir au financement participatif de manière plus souple, et ce, sans création de régie de recettes, mais avec une simple convention de mandat donnée aux plateformes de financement. Cette disposition est donc de nature à les sensibiliser et reçoit un avis très favorable.
L'amendement n° 25 est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 39 .
Il a pour objectif d'ancrer l'explication donnée tout à l'heure sur le calendrier, qui est très resserré. Nous souhaitons élargir le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter le cadre juridique national applicable au financement participatif, en bénéficiant d'un encadrement juridique complet et lisible à partir de novembre prochain, date à laquelle entrera en application le règlement européen sur le sujet.
Le Gouvernement conserve donc la rédaction de l'habilitation telle qu'elle a été modifiée par le Sénat, mais la complète, afin d'être en mesure de procéder à l'ensemble des adaptations, des simplifications et des mises en cohérence qui sont rendues nécessaires par cette entrée en application.
Outre les modifications nécessaires à l'application du nouveau régime, il y a lieu de modifier le cadre juridique du régime national qui va subsister, afin de maintenir, au bénéfice des acteurs du financement participatif, des emprunteurs et autres prêteurs et plateformes, un environnement juridique propre à leur permettre la poursuite et le développement de leurs activités.
Dans le projet de loi déposé par le Gouvernement devant le Sénat, le champ d'habilitation de l'ordonnance était particulièrement vaste. En toute honnêteté, on peut franchement comprendre la volonté du Sénat de le restreindre. Les trois axes précisés par le Sénat sont d'ailleurs pertinents : ils sont par conséquent conservés, qu'il s'agisse de la supervision des activités de financement participatif, de la possibilité de rendre les sociétés civiles agricoles éligibles aux projets de financement participatif ou de la soumission des cagnottes en ligne aux mesures de prévention du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Le Gouvernement a souhaité aller au-delà, sans revenir au champ initial particulièrement large. Les trois axes d'habilitation supplémentaires sont précis et permettent de transposer complètement le règlement européen. Avis favorable.
Je ne vais pas lire le texte explicatif et assez technique que j'avais préparé : je tiens juste à appeler l'attention de mes collègues qui voteront sur l'amendement. Si vous votez pour, vous confierez au Gouvernement, par le biais des ordonnances, la possibilité de resserrer, et non pas d'ouvrir le financement participatif en lui donnant une respiration. Tel est le grand enjeu !
Cet amendement n'avait pas lieu d'être : il est très éloigné de la confiance que nous devons avoir dans les élus locaux et que nous devons donner aux territoires, et en premier lieu aux Français qui sont dans ces territoires et qui veulent investir dans des projets concernant leur quotidien. Dans l'esprit du projet de loi 3DS, si je ne me trompe pas d'acronyme, relatif à la différenciation, à la décentralisation, à la différenciation et à la simplification – ex-4D –, vous devez aussi penser que nous n'avons pas à passer par des ordonnances lorsque nous traitons de sujets qui libèrent – ou non – les collectivités et les élus locaux, en l'occurrence sur le financement participatif. Voilà pourquoi j'appelle à voter contre l'amendement.
L'amendement n° 39 est adopté.
L'article 41, amendé, est adopté.
Nous en venons aux articles 2 à 4, 8, 11, 15, 18, 25, 27, 30, 33, 34, 35, 37 à 40 et 42 qui ont fait l'objet de la procédure de législation en commission. Conformément à l'article 107-3, alinéa 4, de notre règlement, je mets aux voix l'ensemble des articles adoptés selon cette procédure.
Les articles 2, 3, 4, 8, 11, 15, 18, 25, 27, 30, 33, 34, 35, 37, 38, 39, 40 et 42 sont adoptés.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour une explication de vote.
Dans tout projet de loi, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Le groupe Libertés et territoires voit le verre à moitié plein et votera en faveur du projet de loi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 81
Contre 1
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
« On est de son enfance comme on est d'un pays. » Ces mots d'Antoine de Saint-Exupéry résonnent en chacun de nous. L'enfance est ce pays qui nous a vus naître et grandir, qui nous forge et nous construit, cette terre empreinte de nos joies et de nos souffrances qui ne nous quittera plus jamais totalement et sera le compagnon de nos vieux jours. Elle est « ce sol sur lequel nous marcherons toute notre vie », nous dit la poète Lya Luft. Mais ces mots ne décèlent-ils pas autre chose ? Ne laissent-ils pas entendre aussi qu'un pays se définit par le sort qu'il réserve à son enfance, à ses enfants ?
Le texte que nous examinons n'aborde pas toutes les facettes que présente l'enfance dans notre pays. Mais il ne se contente pas non plus d'aborder uniquement, comme le pensent certains qui appréhendent encore mal ce sujet complexe, l'enfance protégée. Il est important pour au moins trois raisons : tout d'abord parce qu'il s'inscrit dans une histoire. Cette histoire est celle de la construction progressive d'un système de protection institutionnelle des enfants, qui débute par la loi du 24 juillet 1889 sur les enfants maltraités ou moralement abandonnés, laquelle, pour la première fois, imaginait un dispositif visant à priver de droits des parents ayant abusé de la puissance paternelle. Depuis, et encore jusqu'aux lois de 2007 et de 2016, notre système de protection de l'enfance, s'il s'est progressivement renforcé, épouse autant qu'il traduit la perception que la société a de la famille, des liens qui la régissent et de la place et du statut que l'enfant occupe en son sein – et donc, en réalité, au sein de la société tout entière.
D'abord objet d'attention, l'enfant a progressivement conquis son autonomie, pour sortir de son statut d'adulte en devenir, au sein d'une famille qui a évolué alors qu'évoluait la société autour d'elle. Ce texte revendique sa filiation avec les dernières lois de protection de l'enfance que ce siècle a connues, et entend creuser plus profond encore le sillon tracé par elles deux : faire de l'enfant un sujet de droit.
Ce texte est important ensuite parce qu'il s'inscrit dans une dynamique plus contemporaine encore, engagée depuis 2019 et la création, pour la première fois dans l'histoire, d'un ministère dédié à la protection de l'enfance. Cette dynamique est celle d'un investissement renouvelé et massif de la puissance publique dans cette politique, mais est surtout l'affirmation d'un investissement qui se doit d'être partagé entre les différents acteurs responsables de ces questions – départements et État –, chacun dans ses responsabilités.
La vie d'un enfant, quel qu'il soit, et probablement plus que la vie de tout autre, n'a pas à subir les subtilités de notre organisation administrative et politique. C'est à cette aune qu'il faut juger de l'ambition du texte. Cette ambition dépasse bien largement son seul cadre, qui n'en est qu'une facette. En trois ans, l'État aura investi plus de 600 millions d'euros, via la contractualisation avec les départements, pour renforcer la politique sociale départementale. L'État aura investi massivement dans la pédopsychiatrie pour rattraper vingt ans d'abandon de cette discipline, des enfants, et des professionnels qui s'en occupent. L'État aura mobilisé de façon prioritaire pour les enfants sortant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) l'ensemble des dispositifs de droit commun afin de les accompagner progressivement vers l'autonomie.
En définitive, ce texte est la facette législative d'une politique qui se déploie depuis trois ans et dont les effets commencent à se faire sentir dans les territoires pour qui veut bien y regarder d'un peu plus près. Ainsi, parce qu'il s'inscrit dans une histoire qui épouse la vision que la société a de l'enfant, et dans une vision de ce que doit être l'organisation des pouvoirs publics pour mieux le protéger, ce texte finit de dessiner une vision politique de ce qu'est la protection de l'enfance de notre pays et dont les fondamentaux dépassent largement ses seize articles. Là est son importance capitale. Cette vision part de l'enfant, de ses besoins fondamentaux. Elle ne part pas des structures, de notre organisation, ni des compétences des uns ou des autres. Elle part de l'enfant, elle est globale, et elle revendique son besoin de protection en tant qu'être intrinsèquement fragile, et en tant que sujet de droit pour garantir son développement et son épanouissement.
Cette protection n'est pas forcément institutionnelle mais, quand elle l'est, elle doit l'être sans faille. Elle doit garantir à l'enfant sa sécurité affective, physique, matérielle – ce méta-besoin sans lequel rien d'autre ne peut se construire, sans lequel aucun autre besoin ne peut être satisfait, sans lequel l'accès de l'enfant à l'autonomie pleine et entière est impossible et sans lequel demeurera friable ce sol sur lequel on marche toute sa vie.
Mais cette protection ne peut pas être exclusivement institutionnelle. Méfions-nous au contraire d'une approche trop mécaniquement institutionnelle, qui ne donnerait aux enfants que la perspective d'être protégés par des murs. Méfions-nous, par la même occasion, des effets de loupe par lesquels certains voudraient nous contraindre. La protection de l'enfance n'est pas seulement l'aide sociale à l'enfance. Ce ne sont pas les murs qui protègent. Parfois même, c'est quand les murs sont trop épais ou trop hauts que le danger rôde et revient. Ce ne sont pas les murs qui protègent, ce sont les gens qui vous entourent et qui prennent soin de vous. Ce sont ces liens qui vous sécurisent sur les plans physique et affectif.
Ces liens auront parfois le visage d'un travailleur social. Pour d'autres, ils auront celui d'un assistant familial. Ils auront la figure du juge des enfants, dans son office si singulier. Mais avant d'en arriver à devoir renouer ces liens rompus ou distendus, il existe le lien premier de l'enfant avec ses parents et sa famille. Plus encore, entre les parents et l'institution, il y a la frontière extérieure de la famille, où des liens d'attachement peuvent parfois se nouer pour l'enfant et constituer en cela une ressource protectrice mobilisable.
La vision de la protection de l'enfance qui est la mienne depuis deux ans et demi consiste ainsi à renforcer, à mobiliser davantage et à sécuriser ces trois cercles de protection qui entourent l'enfant – en sortant d'une approche parfois encore trop institutionnelle, comme cela a pu être le cas pour d'autres fragilités comme le handicap ou la dépendance.
Le premier cercle de protection est donc celui de la famille. C'est la première membrane de protection de l'enfant – dès le projet parental, lorsqu'il y en a un. Cette membrane agit aussi durant toute la grossesse de la mère et, particulièrement, pendant les 1 000 premiers jours, mais bien au-delà évidemment. La famille est le lieu premier et naturel du développement de l'enfant, sur les plans émotionnel, cognitif et physique – le lieu de son épanouissement. C'est une cellule sécurisante pour l'enfant, mais qui peut aussi être un lieu de brutalité et d'exil, lorsqu'il est victime de violences. La famille est aussi parfois le lieu où se reproduisent, chez de jeunes parents, des carences affectives ou éducatives qu'eux-mêmes ont vécues dans leur propre enfance. Ce cercle vicieux, cette spirale reproductive n'est plus supportable. Elle exige que nous adoptions enfin une politique qui permette de repérer plus tôt les fragilités, pour mieux accompagner les parents face à ces difficultés et ainsi renforcer les liens entre parents et enfants.
Bien qu'investis de l'autorité du même nom, tous les parents ne disposent pas forcément de compétences parentales innées. Mais en chacun peuvent sommeiller des ressources que nous nous devons de chercher à identifier, à stimuler et à étayer au bénéfice de l'enfant. C'est évidemment tout le sens de la politique que nous menons en prévention primaire sur les 1 000 premiers jours de l'enfant : en rendant obligatoire l'entretien prénatal précoce, en créant des parcours pour les couples fragiles, en luttant contre la dépression post-partum ou en investissant dans la psychiatrie périnatale. C'est tout le sens de l'investissement de l'État dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI), matérialisé par 100 millions d'euros injectés en trois ans – renforcement que vous allez amplifier encore par l'adoption de l'article 12 de ce texte. C'est tout le sens de notre politique en prévention secondaire, qui passe par la création de centres parentaux, déjà prévus dans la loi de 2016, pour l'accueil des enfants à naître ou de moins de trois mois accompagnés de leurs parents. Nous créons en outre vingt centres supplémentaires via la contractualisation.
C'est tout le sens des amendements à ce texte, défendus par le Gouvernement ou par des parlementaires, qu'ils cherchent à renforcer l'étayage parental, visent le renforcement des mesures d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), facilitent le prononcé de mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial ou, encore, renforcent des initiatives comme la médiation familiale.
Il n'est pas question de revenir à une vision trop familialiste ou parentaliste de la protection de l'enfance. L'intérêt supérieur de l'enfant est la boussole unique qui guide chacun de nos pas, chacune de nos décisions, de façon responsable. Et notre main de législateur, de juge, de travailleur social, de personnel de santé, ne doit pas trembler lorsque la sécurité de l'enfant est en danger. Mais il n'est pas de protection efficace sans prévention, et nous devons tout faire pour repérer précocement, pour accompagner intensivement, pour éviter que ne se dégradent les situations. Dans un monde idéal, la protection institutionnelle de l'enfance n'existerait pas.
Le second cercle de protection de l'enfant, c'est celui de celles et ceux avec qui il a pu nouer des liens d'attachement suffisamment forts pour pouvoir compléter, voire se substituer de façon temporaire ou pérenne à ceux que les parents ne peuvent pas, ou plus, ou ne veulent pas nouer. J'ai eu l'occasion de le souligner lors de nos débats sur la loi de bioéthique, un enfant, quel qu'il soit se développe, se construit, au travers de multiples liens d'attachement qui ne se limitent pas à sa mère et à son père, mais peuvent s'élargir à un grand-père, une tante, un cousin, un parrain, un voisin. Ce second cercle de protection est insuffisamment mobilisé dans notre pays – contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne, par exemple –, alors qu'il joue un rôle fondamental et ce, même en cas de présence parentale. On fait famille bien au-delà du lien biologique et cela peut avoir d'autant plus de sens, voire de nécessité, pour un enfant qui souffre de carence ou d'absence parentale.
Il existe un espace, des liens, entre la cellule familiale protectrice et la protection institutionnelle qui peuvent servir de repère, de refuge, pour l'enfant en souffrance ou en danger, et lui offrir la sécurité et la stabilité nécessaires à son développement et à son épanouissement. C'était déjà le sens de la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental introduite par la loi de 2016, visant à favoriser l'adoption simple pour créer de nouveaux liens d'attachement plus solides, sans forcément rompre définitivement la filiation avec les parents biologiques.
C'est dans le même objectif que la proposition de loi de la députée Monique Limon facilite l'adoption par les familles d'accueil, les dispensant de la procédure classique quand la fameuse « tata » est devenue famille à part entière.
La stratégie de prévention et de protection de l'enfance prévoit déjà le financement de 10 000 parrains ; un député de la majorité défendra un amendement visant à introduire le parrainage dans le code de l'action sociale et des familles, conformément au souhait des associations qui interviennent dans ce champ. Cette mesure contribuera au développement de liens multiples, garants de repères et de stabilité pour l'enfant.
Ce deuxième cercle donne tout son sens et toute sa puissance à l'article 1er . Il s'agit de rendre l'institutionnalisation moins systématique, lors même que, dans d'autres champs de la protection, se déploie un vaste mouvement vers l'inclusion, le retour à domicile, où l'on est davantage à l'écoute des personnes, de leurs besoins, de leurs envies.
Les deux premiers cercles de protection parfois ne suffisent pas, ou plus, pour répondre à l'intérêt supérieur de l'enfant et lui garantir la sécurité affective et matérielle nécessaire à son épanouissement. Par voie administrative ou judiciaire – les deux parfois se complétant –, le système de protection institutionnelle intervient alors : il constitue le troisième cercle de protection.
Grâce à ses 100 000 travailleurs sociaux engagés, à ses 40 000 assistants familiaux, à l'ensemble des professionnels médicaux et paramédicaux et aux 486 juges des enfants, l'aide sociale à l'enfance protège chaque année 340 000 enfants, dont la moitié environ lui sont confiés. Quand l'institution recouvre les enfants de son voile protecteur, elle ne peut qu'être bienveillante, sécurisante, rassurante et enveloppante. Elle doit leur permettre d'avoir la vie d'un enfant comme les autres, ni plus ni moins, ce qui est à la fois très simple et très compliqué : ce peut être partir à l'étranger avec les copains de sa classe ou vivre avec ses frères et sœurs. Je défendrai ainsi un amendement qui vise à interdire la séparation des fratries confiées, sauf si elle est dans l'intérêt des enfants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – M. Alain Ramadier applaudit également.
L'institution, par ailleurs, ne peut souffrir le moindre interstice susceptible de laisser entrer une quelconque forme de violence commise par les adultes, tout comme elle doit parfois veiller à protéger les enfants d'autres enfants, voire d'eux-mêmes. On ne peut pas davantage tolérer que l'institution engendre elle-même de la maltraitance et de la violence, ce qui est pire encore, notamment en imposant de multiples ruptures à des enfants déjà marqués par une séparation, souvent traumatisante, dans leur jeune existence.
Notre système protège, je l'ai dit, chaque jour 340 000 enfants. Il faut s'en réjouir et le dire, il faut saluer le travail des milliers de professionnels et d'assistants familiaux, des juges des enfants et de leurs greffiers. Cependant chacun de nous sait que l'impératif de sécurité affective et physique n'est pas satisfait partout et pour tous, que c'est une faillite collective de notre devoir partagé de protéger ces enfants qui ont remis, parfois sans rien demander, leur sécurité entre les mains de la collectivité.
C'est la raison pour laquelle, depuis deux ans et demi, j'ai érigé en priorité le contrôle des antécédents judiciaires de toutes les personnes travaillant au contact d'enfants, qu'elles interviennent dans une crèche, dans un club de sport ou dans un établissement de la protection de l'enfance, avec le souci de garantir l'effectivité de ce contrôle. Le texte vise à élargir encore le dispositif. Avec le même objectif, il établit pour la première fois une base nationale des agréments délivrés aux assistants familiaux.
Le projet de loi tend également à responsabiliser départements, associations et État, chacun à son niveau, afin de garantir la sécurité physique des enfants, notamment par la nomination d'un référent extérieur auquel ils pourront s'adresser en cas de violence subie ou constatée. Parallèlement à la navette parlementaire, dans la continuité des travaux déjà effectués par le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), nous travaillerons avec les acteurs du secteur à définir des normes et des taux d'encadrement, afin que les décrets soient publiés avant la fin de l'année.
Le texte vise également à interdire le placement d'enfants dans des hôtels qui, par principe, ne constituent pas un lieu sécurisant pour eux. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a évoqué ce sujet pour la première fois en 2013 : tout le monde avait plus ou moins conscience du problème, en espérant probablement que celui-ci se résolve de lui-même. Sans céder au dogmatisme, je vous propose d'interdire ce type de prise en charge inadaptée et d'encadrer strictement les exceptions.
Enfin, j'évoquais à l'instant les ruptures encore trop nombreuses que vivent certains enfants au sein de notre système institutionnel de protection. La rupture que certains jeunes connaissent en sortant du dispositif de l'aide sociale à l'enfance est particulièrement dramatique, parce qu'elle met à bas tout l'investissement consenti auparavant. Depuis l'application de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté en 2018, et plus encore depuis deux ans et demi, nous faisons tout pour éviter ces ruptures, en mobilisant l'ensemble des dispositifs de droit commun en priorité pour les jeunes qui quittent l'aide sociale à l'enfance : accompagnement, bourse étudiante, logement étudiant, bientôt logement social.
Je vous propose de poursuivre ce mouvement en adoptant l'amendement n° 765 défendu par le Gouvernement, afin de nous fixer un principe simple : aucun jeune sortant de l'aide sociale à l'enfance ne doit être laissé sans solution. Je vous demanderai ainsi d'inscrire dans la loi que la garantie jeune est systématiquement proposée à tout jeune majeur issu de l'aide sociale à l'enfance. Dans le même mouvement, les départements proposeront un contrat jeune majeur à ceux qui ne disposent d'aucune autre solution : cela aussi sera explicitement écrit dans la loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Agir ens.
L'État – et, avec lui, tous les acteurs qui entourent les jeunes – prend ses responsabilités pour mettre un point final aux sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance. Les inégalités de destin que vivent ces enfants ne sont pas une fatalité.
Ce texte constitue donc une nouvelle étape d'un processus engagé il y a deux ans et demi par une large concertation avec l'ensemble des acteurs – départements, associations, enfants protégés, ministères –, concertation dont il est par conséquent le fruit.
La protection de l'enfance est une question trop complexe pour autoriser les raisonnements simplistes ou les solutions toutes faites. Ce n'est pas ce qui est blanc ou noir, ce sont les nombreuses nuances de gris, qui soulèvent le plus de difficultés et qui nous conduisent à nous interroger sur nos pratiques, qui nous mettent au défi. Méfions-nous d'ailleurs des discours exclusivement négatifs, qui finissent par faire le lit des complotistes de tous bords. Dans ce qui parfois s'apparente à un brouillard épais, notre boussole est la même que celle des professionnels qui, à leur place, dans leur rôle, protègent les enfants au quotidien : l'intérêt supérieur de l'enfant.
Notre responsabilité de législateurs est de les aider et de les guider dans cette tâche, avec l'humilité de celui qui n'éprouve pas dans son quotidien, dans sa conscience, dans sa chair, la difficulté que cela représente de décider avec l'enfant, pour l'enfant. Je remercie tout particulièrement les parlementaires qui, par leurs contributions, dans cet esprit, ont accompli cette œuvre utile en commission, au travers des soixante-deux amendements adoptés. Et je remercie par avance ceux qui feront de même au cours des débats qui s'annoncent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Mme Karine Lebon applaudit également.
La parole est à Mme Bénédicte Pételle, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Je suis très heureuse d'évoquer, aux côtés de ma corapporteure Michèle Peyron, un sujet qui me tient profondément à cœur : la protection de l'enfance. Tout d'abord, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de présenter ce projet de loi si attendu. Ces dernières années, Gouvernement et Parlement se sont saisis des sujets relatifs à ce domaine. Parmi les différents travaux, je veux citer le rapport de la riche mission d'information présidée par Alain Ramadier, dont j'étais membre. Présenté par Perrine Goulet, il formulait des propositions qui ont déjà permis d'enrichir ce texte lors de son examen en commission.
Je remercie les éducateurs, les assistants familiaux, les cadres de l'aide sociale à l'enfance et les juges, et je leur exprime toute mon admiration. J'ai rencontré des personnes engagées, passionnées par leur travail, qui s'interrogent, cherchent et inventent des solutions.
Je m'adresse enfin directement à ceux qui sont au cœur de ce texte – à vous, chers enfants. En tant que mère et qu'ancienne enseignante en réseau d'éducation prioritaire (REP), c'est avec humilité que j'ai voulu prendre ma part, en tant que rapporteure, pour réparer les inégalités de destin. Tout au long de nos travaux, j'ai ainsi été guidée par deux boussoles : l'intérêt supérieur de l'enfant et la nécessité d'adopter une démarche pragmatique, dans un domaine où nous ne pouvons avancer qu'avec l'ensemble des partenaires, en conciliant toujours souci de l'égalité dans le territoire et respect de la compétence décentralisée.
Sans céder à la tentation de la surenchère, il faut aussi légiférer pour déverrouiller une situation bloquée, offrir aux acteurs de nouvelles possibilités d'agir. En commission, nous avons adopté des articles importants du projet de loi initial pour faire avancer la cause des enfants au quotidien, qu'il s'agisse de les confier à leurs proches en priorité – article 1er ; de surmonter des blocages liés aux questions d'autorité parentale – article 2 ; de définir un cadre concernant les lieux susceptibles d'héberger les enfants protégés – article 3 ; d'assurer un meilleur contrôle des antécédents judiciaires des professionnels – article 4 – ou une véritable stratégie des établissements et des services de l'aide sociale à l'enfance en matière de prévention des violences – article 5 ; ou de créer un référentiel national d'évaluation des situations de risque pour la protection de l'enfance – article 6.
Je suis fière des progrès accomplis pendant l'examen en commission. Ainsi, nous avons prévu que l'enfant sera systématiquement entendu lorsqu'un accueil institutionnel sera envisagé. Le recours exceptionnel à l'hôtel ne pourra pas excéder deux mois et sera subordonné à l'existence de garanties d'encadrement suffisantes, lesquelles seront définies par voie réglementaire. Un référent indépendant, interlocuteur en matière de maltraitance, sera également institué.
Nous avons aussi collectivement œuvré pour améliorer l'organisation de la justice autour de ces mineurs. Le Gouvernement a avancé deux grands principes : le recours à la collégialité quand elle est justifiée, à l'article 7, et la meilleure information du juge dans des moments aussi cruciaux que la modification du lieu de placement, à l'article 8. La commission a précisé les modalités du recours à la collégialité et renforcé les obligations d'information du juge.
Prendre soin de ceux, surtout de celles, qui s'occupent de ces enfants au quotidien permet de faire avancer leur cause. Ainsi, le texte revalorise le statut et la rémunération des assistantes familiales. Je leur adresse une pensée solennelle depuis cette tribune. Nous connaissons non seulement l'importance mais aussi les difficultés des tâches qu'elles assument au quotidien, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce beau métier mérite d'être davantage valorisé et connu.
Deux articles du projet de loi initial concernent les mineurs non accompagnés. Ils visent à mieux soutenir les départements dans leur évaluation et à assurer la prise en charge par la protection de l'enfance. En commission, à mon initiative et à celle de plusieurs parlementaires, nous avons adopté un article 14 bis très important à mes yeux. Il vise à interdire que la minorité soit réévaluée par certains départements, dans lesquels les enfants sont orientés après avoir été reconnus mineurs dans un autre département. De nombreuses associations dénoncent ces pratiques délétères pour des jeunes qui ont déjà tant enduré.
Je souhaite que ce projet de loi constitue une nouvelle étape de la construction d'une protection de l'enfance qui, pour se perfectionner, doit évoluer sur les plans législatif et réglementaire. Ce texte, après celui de 2016, trace un chemin : il nous appartiendra collectivement – État, parlementaires, départements, professionnels de terrain – de nous assurer qu'il soit suivi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de l'examen du projet de loi relatif à la protection des enfants.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra