J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur la proposition de loi de nos collègues du groupe La France insoumise. Si elle ne recueille pas mon approbation pour les raisons que je vais exposer, elle a le mérite d'appeler notre attention sur des problématiques déjà identifiées, dont nous avons récemment débattu. Un véritable travail sociétal et politique doit en effet s'engager sur la place et l'impact de la publicité dans notre pays, notamment sur la publicité à destination des publics les plus fragiles, mais c'est sur la méthode que nous divergeons, chers collègues.
À votre approche coercitive et infantilisante, nous avons préféré, dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, des mesures concrètes et pragmatiques, visant à responsabiliser les acteurs plutôt qu'à leur forcer la main. À l'interdiction, nous préférons donc la régulation et le renforcement du contrôle. À l'infantilisation, nous préférons la responsabilisation. Nous l'avons démontré dans le projet de loi climat et résilience, adopté cette semaine par l'Assemblée à une très large majorité, mais aussi dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dont je suis extrêmement fière des ambitions et des réalisations.
Votre texte propose un éventail d'interdictions, qui portent sur le fond – l'atteinte à l'environnement, la santé humaine, le remplacement des produits fonctionnels – et sur la forme – l'interdiction dans les transports publics. Votre volonté d'interdire va jusqu'à cibler les publicités sur les téléphones portables ou l'eau en bouteille. Pourquoi ne pas aller alors vers une interdiction pure et simple de la publicité ? Au-delà de détruire tout l'écosystème économique commercial de notre pays et les emplois qui y sont attachés, sans parler des médias qui verraient leurs revenus fondre, les mesures que vous proposez n'auraient pas le moindre effet puisque chacun a la possibilité d'accéder, de n'importe où, à n'importe quel contenu numérique. Le coup porté à notre économie, qui subit actuellement une crise inédite, n'en serait que plus fort.
Je m'étonne finalement que vous n'ayez pas soutenu le projet de loi climat et résilience puisque les mesures qu'il contient rejoignent en tous points certaines de vos propositions. Nous avons interdit la publicité pour les énergies fossiles et l'écoblanchiment. Nous avons rendu obligatoire l'étiquette environnementale sur les publicités. Nous avons responsabilisé les maires en leur transférant les pouvoirs de police de la publicité. Nous avons encadré l'utilisation des publicités et des enseignes lumineuses. Nous avons lancé l'expérimentation du consentement à la publicité dans les boîtes aux lettres. Enfin, nous avons étendu le verdissement de la commande publique aux concessions.
Sur la forme, votre proposition de loi contient des expressions qui entretiennent un flou juridique dangereux pour les consommateurs, l'administration et les professionnels.
Reste, je le dis avec force, que le secteur de la publicité doit continuer de se transformer en profondeur. Lors des débats sur le projet de loi climat et résilience, nous avons fait le choix de la responsabilisation et de l'engagement volontaire. Une mission a d'ailleurs été confiée à Agathe Bousquet et à Arnaud Leroy afin de garantir la mise en œuvre de la loi et de suivre les transformations du secteur de la publicité.
Depuis le début de notre mandat, nous misons sur la coopération et la capacité à se réformer plutôt que sur la coercition et l'interdiction. Rappelons que si les engagements pris par le secteur de la publicité ne sont pas tenus, rien ne nous empêchera de légiférer à nouveau. Parce que nous privilégions le débat parlementaire et la responsabilité de chacun quant aux textes qu'il soutient, nous avons décidé de repousser les amendements de suppression initialement proposés. Néanmoins, le groupe La République en marche votera contre la proposition de loi pour les raisons que j'ai développées, mais aussi à cause d'une divergence philosophique majeure sur la liberté individuelle et celle d'entreprendre.
Permettez-moi, enfin, de conclure par une note d'humour et de légèreté. La publicité non sollicitée et sauvage semble importuner les députés du groupe La France insoumise sauf quand elle consiste à placarder des autocollants « Jean-Luc Mélenchon président, nous sommes pour ! » sur du mobilier urbain, rappelant ainsi leurs priorités politiques.