Nous examinons une proposition de loi du groupe La France insoumise, qui nous invite à instaurer une garantie d'emploi par l'État employeur, en dernier ressort, afin de tenter d'éradiquer le chômage de masse : l'État s'engagerait à proposer un emploi à tout chômeur de longue durée, et la rémunération ne pourrait être inférieure à ses revenus antérieurs. Ce droit à l'emploi serait opposable en justice, et le chômeur serait libre d'accepter, ou pas, l'offre formulée par l'État.
Si nous vous rejoignons dans la volonté de lutter sans relâche contre le chômage de masse, source de précarité, de pauvreté et d'exclusion sociale, nous n'approuvons pas les moyens proposés ici pour y parvenir.
Le concept de garantie d'emploi que vous proposez n'est pas nouveau : il a été développé par l'économiste post-keynésien Hyman Minsky au début des années 1970. Si ce mécanisme peut sembler séduisant, nous estimons que son application concrète serait inadaptée, inopportune et très risquée. Tout d'abord, le parti pris théorique selon lequel le chômage est étranger à l'employabilité des actifs nous paraît erroné. Nous pensons bien au contraire qu'il est nécessaire de renforcer l'employabilité des travailleurs afin de lutter contre le chômage de masse : cela passe par un investissement substantiel dans les parcours d'insertion et dans la formation, initiale et continue, afin que les compétences des demandeurs d'emploi rejoignent celles qui sont recherchées sur le marché du travail, notamment dans les secteurs d'avenir. C'est le sens de l'action entreprise depuis 2017, et force est de constater que cette stratégie a été payante, puisque le taux de chômage était au plus bas depuis dix ans avant la survenue de la crise de la covid-19.
Nous ne partageons pas la vision véhiculée par cette proposition de loi : si l'État doit être résolument protecteur, il ne doit pas tout décider et tout figer. Un tel dispositif risquerait de polariser un peu plus encore le marché du travail entre ceux qui auraient su préserver leur employabilité par les entreprises et les autres, qui seraient condamnés au moins-disant social.
Nous estimons ensuite que cette proposition de loi n'est pas opportune car nous ne disposons pas d'éléments suffisants pour évaluer l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », que le groupe Agir ensemble soutient. La prolongation de cette expérimentation a été actée par la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ; nous l'avons appuyée avec force et conviction. Il convient, à notre sens, d'attendre une évaluation complète de cette loi avant d'envisager sa généralisation.
Nous considérons en outre que cette proposition de loi ferait peser un risque important sur l'équilibre budgétaire de notre pays.