Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 15h00
Motion de rejet préalable (projet de loi organique) — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Le constat, nous partageons avec vous : le fossé se creuse depuis longtemps et toujours un peu plus entre l'institution judiciaire et nos concitoyens. C'est vrai en matière de délais, c'est vrai en matière d'accès de tous à la justice, c'est vrai aussi en matière d'indépendance de celle-ci et c'est encore vrai en ce qui concerne le sens des décisions qui sont parfois prises et qu'un certain nombre de nos concitoyens ne comprennent pas.

Dans ces quatre domaines, les réponses que vous apportez aujourd'hui sont pour le moins partielles. Vous avez fait le choix d'agglomérer des mesures qui sont plus ou moins connectées les unes aux autres. Si certaines vont dans le bon sens, elles touchent essentiellement au champ pénal et, pour le coup, ne concernent qu'environ 25 % de l'activité de l'institution judiciaire, alors même que les critiques les plus fortes qui sont émises par nos concitoyens portent sur la justice du quotidien, qui est essentiellement la justice civile, la justice de la famille, la justice des contrats ou la justice commerciale. Les projets de loi que nous examinons aujourd'hui ne s'intéressent pas à ces questions mais à la justice que l'on pourrait qualifier de « noble », c'est-à-dire la justice pénale.

Parmi les bonnes mesures, nous saluons la réduction des délais d'enquête préliminaire à moins de deux ans, mais, comme l'a dit Philippe Gomès, cela ne concerne que très peu de procédures. Peut-être aurait-il fallu envisager une réforme plus globale de l'enquête, en replaçant le parquet au centre de celle-ci ou en redéfinissant le rôle et les moyens du juge des libertés et de la détention, bref, là encore, prendre le temps d'une réflexion plus complète.

Les contrats de travail en milieu pénitentiaire sont également une bonne chose mais, on l'a dit, ils ne concernent que 30 % des détenus. La question centrale est en effet de savoir comment permettre, avec les moyens donnés à l'institution pénitentiaire, aux entreprises de mieux y « entrer » afin qu'elles puissent offrir des travaux aux détenus qui le souhaitent.

Ensuite, plusieurs dispositions nous préoccupent ou nous laissent dubitatifs. Je pense à la généralisation des cours criminelles départementales. J'entends vos arguments : vous affirmez que tout le monde s'accorde pour considérer que ce dispositif fonctionne et vous demandez donc pourquoi attendre la fin des expérimentations. Mais c'est agir dans la précipitation parce que vous nous soumettez dans l'urgence un projet que vous voulez faire adopter au plus vite.

Je pense également à diffusion audiovisuelle des audiences. On en comprend l'objectif mais on en perçoit très vite les dérives potentielles. Et vous pourrez imaginer tous les dispositifs d'encadrement, la justice spectacle, cette sorte de téléréalité, adviendra en raison de la nature même des médias, faite d'immédiateté – qu'on en juge par l'essor des chaînes d'information continue. On le mesure bien avec la politique spectacle. Un ministre candidat doit gravir un terril pour faire une demi-journée d'audience sur ces mêmes chaînes de télévision – vous n'y êtes pour rien, monsieur le ministre, c'est le système qui veut cela.

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