Nous voterons la motion de rejet préalable pour plusieurs raisons. Comme tout le monde ici, nous considérons qu'il est légitime de protéger nos entreprises contre l'espionnage industriel. Notre droit comporte d'ailleurs déjà de nombreux dispositifs qui permettent de préserver la création, l'innovation, et les brevets. Mais le texte dont nous discutons aujourd'hui est bien autre chose – cela a été dit. Rédigé largement sous la pression des lobbies, il pousse très loin le secret des affaires au détriment manifeste de l'intérêt général, de la liberté d'expression et du droit à l'information.
Ce texte érige le secret des affaires au rang de principe fondamental au détriment de la transparence et des aspirations démocratiques à la défendre, qui sont de plus en plus fortes. Il propose une définition bien trop large du secret des affaires et accorde ainsi aux entreprises une protection exorbitante. Ce faisant, il met les critiques sous l'éteignoir et expose ceux qui les expriment à des procédures judiciaires longues et coûteuses. Les dérogations prévues dans le texte sont maigres – si limitées qu'elles nuiront inévitablement aux salariés, aux syndicalistes, aux journalistes, aux lanceurs d'alerte et, à travers eux, à l'intérêt général.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable, en ayant une pensée – on ne peut pas élaborer une loi en les ignorant à ce point – pour les centaines de milliers de personnes qui ont signé l'appel lancé par Élise Lucet, pour les professionnels de la presse qui ont signé il y a quelques jours une tribune sur ce sujet dans Le Monde, pour tous ceux, enfin, qui disent tout le mal qu'ils pensent de cette loi et mettent en garde contre les dangers qu'elle comporte.