Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues, la question de l'application des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage, abordée par la présente proposition de loi, ne saurait être balayée d'un revers de main sans en considérer les aspects concrets. Mais elle ne doit pas davantage être l'objet de polémiques inutiles et démagogiques qui ne servent qu'à jeter en pâture celles et ceux qui vivent une vie nomade.
Nous regrettons de ce point de vue l'attitude irresponsable du groupe Les Républicains, qui a cru bon, en commission, de défendre la présence dans le texte d'articles qui n'avaient aucun lien avec l'application des schémas départementaux ou avec l'aménagement de zones d'accueil – qui est, rappelons-le, une obligation légale depuis 2000.
L'article 3 bis était particulièrement abject. Il prévoyait le passage de la taxe sur les caravanes de 150 à 200 euros. Frapper les plus pauvres et les montrer du doigt, c'est, nous le savons bien, une seconde nature pour certains de nos collègues qui siègent à la droite de cette assemblée. Ils mettent toujours plus d'empressement à attaquer les faibles qu'à remettre en cause les privilèges des puissants. Ce n'est pas nouveau.
La commission a rejeté cet article et ceux qui, dans le même esprit, privilégiaient la répression plutôt que les propositions constructives. Mais le texte reste insatisfaisant en l'état. Il ne répond pas à l'urgence. Que la loi Besson, adoptée en 2000, ne soit toujours pas appliquée, devrait alarmer les représentants de la nation que nous sommes. Faudrait-il vingt ans pour qu'une loi votée exerce sa pleine force sur l'ensemble du territoire ?
Il faut y regarder de plus près. Les objectifs fixés par ces schémas départementaux sont appliqués dans seulement un cinquième des départements. C'est donc qu'il y a, en France, une application inégale des dispositions prévues par la loi.
Les baisses de dotation de l'État aux collectivités territoriales, pratiquées avec ferveur sur les bancs où siègent ceux qui ont déposé cette proposition de loi – mais dont je remarque qu'ils sont absents ce soir, à l'exception de la rapporteure – , n'y sont évidemment pas pour rien. Il n'est parfois pas possible pour les collectivités territoriales de respecter leurs obligations ; mais c'est surtout le cas de celles qui s'emploient avec énergie à échouer. C'est une tautologie de le dire, mais l'impossibilité la plus définitive est produite par ceux qui n'essaient rien. Faut-il rappeler ici qu'appliquer la loi n'est pas une question de goût ou d'humeur, mais une obligation républicaine ?
Les cas où les communes ne ménagent pas les zones d'accueil pour les populations nomades ont un air de famille avec ceux que le groupe parlementaire proposant le présent texte connaît bien, parfois d'expérience personnelle : la non-application de la loi SRU, qui oblige les communes de plus de 50 000 habitants à compter au moins 25 % de HLM parmi les résidences principales d'ici à 2025. Si je fais ce rapprochement, c'est que le refus d'aménager des zones d'accueil et celui de construire des logements HLM trouvent leur origine dans la même haine – la haine des pauvres. Il est clair qu'une carte croisant les manquements à la loi relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage et à la loi SRU montrerait d'étranges similitudes.
Quant à l'irresponsabilité qui fonde ces manquements, il est facile de se faire une idée de sa couleur politique ! Parmi les plus mauvais élèves se trouvent neuf grandes villes ; six d'entre elles sont dirigées par des maires LR, deux par des maires divers droite et une par un maire UDI. Aussi peu de respect pour la loi de la part d'un parti qui s'est arrogé notre nom commun, la République, est inacceptable.
La proposition de loi discutée en commission prévoyait l'intégration des zones d'accueil dans ces 25 % de HLM. Voilà qui en dit long sur le cynisme de certains.
L'article 4 de cette loi est l'exact contraire de ce qu'il faudrait faire. Il prévoit qu'une commune qui a rempli ses obligations peut interdire le stationnement en dehors des aires aménagées, quand bien même l'intercommunalité n'aurait pas, elle, respecté les obligations qui lui sont faites. C'est le principe de solidarité qui doit selon nous prévaloir, et pas ce type d'arrangements hasardeux.
Mais je veux aussi souligner la bonne volonté de certaines collectivités. Un ensemble de collectivités franciliennes, parmi lesquelles le département où je suis élue, le Val-de-Marne, a ainsi proposé des solutions concrètes pour qu'une politique régionale prenne en charge les 132 bidonvilles du territoire francilien. Car le vrai problème est là : comment accepter qu'aujourd'hui il y ait des bidonvilles en France ?
À Ivry-sur-Seine, dans ma circonscription, deux collectifs citoyens ont mené un travail formidable avant le démantèlement de l'un de ces bidonvilles ; un partenariat entre État, département et commune a permis par la suite de lancer un vaste programme d'intégration au logement pour trente-deux familles. Je salue ces efforts de collectivités territoriales qui ont fait preuve d'humanité. Je note qu'il s'agit là d'un modèle de coopération entre État et collectivités territoriales. Il faut généraliser ce type de stratégie pour que la loi existante soit effectivement appliquée, au lieu d'essayer, à l'occasion d'une niche parlementaire, de la détricoter.
Il faut prendre en considération les parcours de vie des personnes – la scolarisation des enfants, le suivi médical, les relations familiales et sociales brisées par des déplacements incessants. Tous les territoires doivent participer. Je ne voudrais pas que Les Républicains, puisqu'ils s'appellent ainsi, oublient le troisième principe de notre devise : la fraternité !