Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 18 septembre 2018 à 15h00
Lutte contre la fraude — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Madame la rapporteure, vous savez que j'estime votre travail. Ne nous accusez pas de méconnaître la procédure du plaider-coupable, car tel n'est pas le cas. Nous avons des divergences, qui concernent peut-être notre perception du niveau de la menace que constitue la fraude fiscale, et qui se traduisent justement dans cet article 9. Vous pouvez me dire ce que vous voulez, mais cette procédure de reconnaissance de culpabilité est susceptible d'aboutir à une sentence moins sévère.

Dès lors que nous appliquons cette procédure aux délits de fraude fiscale, les prévenus risquent une peine d'emprisonnement ne pouvant excéder un an. Or, dans le cadre d'une procédure classique, la peine encourue peut atteindre sept ans d'emprisonnement en cas de fraude en bande organisée, ou cinq ans lorsque la fraude n'a pas été commise en bande. Le risque n'est pas le même !

Par ailleurs, on nous dit que la procédure du plaider-coupable est publique, mais les discussions et négociations avec le procureur ne le sont pas. Cela nous pose donc un deuxième problème.

Il y a un troisième souci. Les procureurs sont comme tout le monde : leur activité donne lieu à des statistiques. Dans un contexte d'engorgement des tribunaux, ils doivent remplir des objectifs, qui concernent notamment le nombre d'affaires réglées en amont et n'étant pas portées devant les tribunaux. Ils sont sous pression et peuvent donc être tentés, puisqu'on leur en donne la possibilité, d'avoir davantage recours à des procédures anticipées.

Nous avons convenu de considérer la fraude comme du banditisme, comme une « atteinte à la démocratie », pour reprendre l'expression de M. Darmanin. Ce n'est pas rien ! Dès lors, nous ne pouvons pas mettre en place une procédure dégradée par rapport à la procédure normale. C'est pourquoi l'article 9 est contradictoire avec le fait de faire sauter, en partie, le verrou de Bercy, et avec la philosophie de ce projet de loi tel que vous nous le vendez. Si cet article est maintenu, nous ne pourrons pas voter ce texte.

Mes chers collègues, nous allons demander un scrutin public sur l'article 9. Je vous demande de réagir et de bien réfléchir à nos arguments. Vous avez l'occasion de voter une loi très intéressante sur la fraude fiscale : saisissez-la ! N'introduisez pas dans le texte que vous vous apprêtez à voter des mesures qui le dégradent !

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