Avec la proposition gouvernementale, la liste française sera, pour l'essentiel, la liste noire définie au niveau européen. Ce projet conditionne la présence d'une juridiction sur la liste française des États et territoires à sa présence sur la liste noire européenne. Notre liste sera donc conditionnée par l'interprétation que l'Europe fera des critères retenus. Selon nous, il serait préférable d'agir de manière souveraine, et rien ne nous en empêche. Je vous donnerai deux arguments.
D'abord, l'interprétation que l'Union européenne fait des critères pose question : la liste noire ne compte que sept pays ! Certes, il y en a plus d'une soixantaine dans la liste grise, mais pour l'instant, ils sont toujours sur cette liste. Par ailleurs, on sait que c'est l'opacité qui règne à Bruxelles : les considérations diplomatiques ont tendance à faire trembler la main du « groupe du code de conduite » chargé du suivi de ces critères, au détriment d'une interprétation juste et objective de ces derniers. Les plus gros paradis fiscaux se trouvent aujourd'hui hors de cette liste noire, ce qui montre que le renvoi à l'Europe n'est pas satisfaisant, et nous le déplorons. Nous avons également constaté que cette liste s'est réduite comme peau de chagrin. Alors qu'elle comptait dix-sept pays en décembre 2017, elle n'en compte plus que sept aujourd'hui, et il n'est pas certain que cela soit dû à une évolution effective des pratiques fiscales.
Notre proposition est profondément européenne, démocratique et souveraine, au sens noble du terme. Elle est de nature à alimenter le débat public européen sur les paradis fiscaux. Nous comprenons l'idée de coordonner l'échelon européen et l'échelon français, parce qu'il importe d'avoir un socle commun européen et parce que ce qui a été fait au niveau européen constitue une certaine avancée. D'ailleurs, nous ne proposons pas autre chose que de reprendre les critères européens. Mais pourquoi nous contenter de renvoyer à la liste définie par l'Europe ? Rien ne nous empêche de faire autrement. Reprenons les critères européens, prévoyons éventuellement une modulation des sanctions en fonction de la « dommageabilité » des pratiques et donnons le pouvoir à notre gouvernement, sous le contrôle du Parlement, dans l'élaboration de cette liste. Mais ne capitulons pas, comme certains proposent de le faire !