La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Madame la présidente, pour pouvoir examiner plus sereinement les amendements, je suis contraint de demander une suspension de séance.
Non ! À chaque fois vous nous faites le coup ! C'est la sixième fois ! Vous demandez une suspension parce que votre majorité est en nombre insuffisant ! Y en marre de vos âneries !
Il est vingt et une heures trente et ils ne sont pas encore réveillés ou n'ont pas encore digéré !
Mouvements divers.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt et une heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 105 à l'article 9 bis.
Sur l'article 9 bis, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Rappels au règlement
Sur le fondement de l'article 58, alinéa 1, madame la présidente. Les années passent et malgré tout les mauvaises habitudes perdurent : à chaque fois, les gens impliqués sur les textes, qui font l'effort de reprendre les débats à vingt et une heures trente comme il se doit, sont confrontés, dans une institution comme la nôtre où on vote la loi au nom du peuple français, à des suspensions de convenance parce que Mmes et MM. de la majorité n'ont pas daigné finir à temps de dîner et qu'ils se retrouvent à presque un seul député à l'heure de commencer les débats. Ce n'est pas faire preuve du respect que nous devons à nos concitoyens ! Ce n'est pas à la hauteur de notre fonction ! Ce n'est pas à la hauteur de toute l'exigence qui pèse sur notre mission !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En plus, vous vous payez de mots sur l'importance de tout ce que vous voulez révolutionner en France et dans le monde ! Commencez déjà par être là pour des débats que vous prétendez aussi importants.
Mêmes mouvements – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Mon rappel au règlement se fonde également sur l'article 58, alinéa 1, madame la présidente. Comme l'a dit mon collègue, cela commence à devenir pénible d'avoir à reprendre les séances avec cinq minutes de retard parce que la digestion de certains députés est peut-être un plus longue que celle d'autres... On nous dit très régulièrement que nous ne connaissons pas le règlement, mais je peux vous dire à tous qu'à La France insoumise, nous sommes toujours à l'heure pour défendre nos amendements et débattre des textes. J'aimerais bien que ces retards ne perdurent pas toute cette nouvelle session parce que cela devient réellement d'autant plus pénible que nous représentons tous le peuple français.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Au-delà de la manoeuvre grossière qui vient d'être effectuée par la majorité, je tiens à faire un rappel au règlement sur le même fondement car il touche à la bonne tenue des débats, notamment à leur sincérité. Nous, membres du groupe La France insoumise, souhaiterions une explication de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur l'article 9 bis puisqu'il se trouve que ce même ministre avait donné un avis favorable aux deux amendements de suppression présentés au Sénat, expliquant, très brillamment pour une fois, les raisons de sa position : « La nouvelle extension aux faits de fraude fiscale emporte deux conséquences. D'une part, elle permet de contourner le verrou, puisqu'il s'agit d'une forme de transaction judiciaire qui ne constitue pas une poursuite. D'autre part, en l'absence de jugement de condamnation, la répression pénale est susceptible de perdre toute sa spécificité, puisqu'elle se rapprocherait du mode de règlement transactionnel effectué par l'administration fiscale. Il pourrait être alors paradoxal de vouloir que l'autorité judiciaire puisse se saisir du dossier de fraude fiscale si c'est pour lui réserver par ailleurs un traitement similaire à celui qui est mis en oeuvre par l'administration. Je vous renvoie au débat que nous avons eu tout à l'heure et à celui que nous aurons, je l'imagine, en fin de discussion. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements qui tendent à la suppression de cette mesure. » Nous avons donc un ministre qui, au Sénat, a approuvé des amendements identiques à ceux auxquels il s'est opposé cet après-midi. Nous avons joué le jeu, encore une fois, en approuvant des amendements que nous pensions positifs et en prenant au mot les collègues de la majorité sur les bonnes intentions qu'ils affichent, mais nous demandons maintenant la présence de M. Darmanin pour essayer d'y croire encore un tant soit peu – à moins que M. Dussopt puisse nous expliquer lui-même pourquoi cette volte-face en quelques semaines... Mais nous voulons savoir : Que s'est-il passé ? Quelles en sont les raisons ? Nous demandons avec insistance la présence de M. Darmanin, y compris par respect pour le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 105 .
Mouvements divers.
Bien que le Gouvernement ait déjà précisé quel sort il réserverait à cet amendement, je vais le défendre puisqu'il propose la suppression du dispositif « convention judiciaire d'intérêt public » – la CJIP. Instauré par la loi Sapin 2 de décembre 2016, que l'article vise par ailleurs à étendre à l'ensemble de la fraude fiscale, il permet la conclusion d'une transaction entre le procureur de la République et une personne morale dans des affaires de blanchiment de fraude fiscale. Cette transaction conduit au versement, par la personne morale, d'une amende d'intérêt public au Trésor, mais n'implique aucunement une reconnaissance de culpabilité. Ainsi, en l'échange du versement d'une amende, le préjudice causé à la société dans son ensemble est effacé, mettant à mal la nécessaire exemplarité des sanctions qui doivent s'appliquer à la délinquance financière. La première CJIP, homologuée en novembre 2017, portait sur une affaire de grande ampleur, cela a été rappelé tout à l'heure : l'affaire de blanchiment de fraude fiscale dont HSBC était responsable. En acceptant de régler une amende de 300 millions d'euros, soit environ 20 % des avoirs des clients soustraits à l'impôt, qui s'élevait à 1,6 milliard d'euros, cette banque a pu échapper à un procès ; elle a pu, in fine, échapper à toute reconnaissance de culpabilité. Comme l'a dit Fabien Roussel, cette procédure alimente le sentiment d'un deux poids, deux mesures : clémence, traitement de faveur voire sentiment d'impunité pour les uns, sévérité et peines bien plus lourdes pour les autres… La suppression de cette disposition du code de procédure pénale s'impose donc.
La parole est à Mme Émilie Cariou, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Par cohérence avec ce que j'ai expliqué lors de la séance de cet après-midi, nous y sommes défavorables.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
Défavorable.
L'amendement no 105 n'est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour présenter l'amendement no 303 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à corriger une erreur qui s'est glissée dans le texte du Sénat.
L'amendement no 303 , accepté par la commission, est adopté.
Rappels au règlement
Sur le fondement de l'article 58, alinéa 1, et toujours sur la question de la sincérité de nos débats avant le vote sur l'article 9 bis. Nous avons demandé en début de séance pourquoi M. Darmanin, vu ses propos contradictoire, n'était pas ici pour éclairer le choix de chacun ; nous avons demandé à M. Dussopt de s'exprimer, mais nous ne l'avons pas entendu. Par conséquent et en l'attente d'une réponse, le groupe La France insoumise demande une suspension de séance.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Madame la présidente, je fais ce rappel au titre de l'article 58, alinéa 1, de notre règlement, pour la bonne tenue de nos débats.
M. Dussopt n'a pas l'air très enclin à apporter des réponses à la question – pourtant claire – que nous lui avons posée : comment notre vote peut-il être éclairé alors que la volte-face du ministre est tout de même assez extraordinaire ?
Nous avons demandé à ce que le ministre soit présent, mais visiblement il ne viendra pas. Le minimum de respect que vous devez, tant aux députés qu'à l'institution exige, monsieur Dussopt, que vous répondiez à la question que l'on vous a posée. Il faut que vous puissiez argumenter sur cette volte-face intervenue entre les débats au Sénat et ceux à l'Assemblée nationale.
Je réponds en deux points : premièrement, je rappelle aux différents intervenants que le Gouvernement désigne celui de ses membres qui le représente au banc des ministres.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Deuxièmement, si la position du Gouvernement a évolué entre l'examen du projet de loi au Sénat et devant votre assemblée, cela n'est dû qu'à une seule raison : le travail de conviction de votre rapporteure...
.. et le travail de co-construction du texte avec la majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Cela explique que le rapport d'Émilie Cariou, qui est un travail d'une très grande qualité, ait été adopté à l'unanimité – donc par l'ensemble des groupes – par la commission des finances qui l'a examiné.
Il nous a en effet permis, en cheminant et en examinant le projet de loi, c'est-à-dire en travaillant avec toutes celles et tous ceux qui, au sein de la majorité, veulent qu'il constitue une réussite, de faire évoluer la position du Gouvernement en vue d'obtenir le texte le plus efficace possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Article 9 bis
À l'occasion de mon intervention en discussion générale, j'ai souligné le travail extrêmement approfondi, qui a fait l'objet d'une large concertation, mené sur ce projet de loi entre le Gouvernement et le Parlement.
J'ai indiqué que nous avions tenu compte des avis du Conseil d'État ainsi que des recommandations de la mission d'information de Bénédicte Peyrol relative à l'évasion fiscale internationale des entreprises, mais aussi, grâce à l'écoute du Gouvernement, des recommandations de la mission d'information sur le verrou de Bercy.
J'ai donc déjà évoqué ces points et remercié le ministre de sa capacité d'écoute, qui a débouché sur ce travail extrêmement collaboratif qui nous a permis d'évoluer.
Nous avons donc fait, les uns et les autres, preuve d'intelligence collective. Je ne veux bien évidemment pas me substituer au ministre M. Darmanin et le secrétaire d'État M. Dussopt l'a très bien expliqué : nous avons mené sur ce projet de loi un travail de co-construction.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai écouté attentivement votre réponse. Permettez-moi donc de vous faire part de mon étonnement.
En effet, vous êtes en train de nous expliquer à propos de cet article 9 bis, introduit par le Sénat et auquel le Gouvernement que vous représentez était opposé, que ce sont les débats en première lecture au Sénat puis en commission des finances à l'Assemblée nationale qui ont permis à Mme la rapporteure de vous influencer.
Cette explication m'interpelle. La nuance n'est en effet pas totalement anodine : la loi Sapin 2 prévoyait déjà une telle convention dans les cas de trafic d'influence, de corruption, de trafic d'influence, de blanchiment, de blanchiment aggravé et de blanchiment de fraude fiscale.
Le fait d'ajouter cette notion de fraude fiscale pure est tout sauf anodin. Deux cas de figure me semblent possibles : soit Mme la rapporteure jouit d'une influence considérable, et dans ce cas l'on peut imaginer qu'il subsiste encore l'influence de l'école de Bercy...
... ou alors vous avez, monsieur le secrétaire d'État, un réel et urgent besoin d'argent. Cet article vous offrirait alors la possibilité de trouver facilement des recettes fiscales, et ce très rapidement, sans que vous nous ayez d'ailleurs dit à quel niveau vous les estimez.
Cela pose une vraie question quant aux motivations sous-jacentes à cet article 9 bis.
Je n'aurais peut-être pas le temps de refaire, de façon à vérifier ce que nous dit M. Dussopt, le cheminement chronologique qui a mené à cet article 9 bis. Je vous le dis très franchement : je ne crois pas à ses propos. Je ne crois en effet pas que le ministre ait été convaincu par les arguments de la rapporteure.
Si Émilie Cariou a, je le sais, de forts arguments, ils ont jusqu'à présent plus pesé dans le sens d'en finir ou d'atténuer le verrou de Bercy. Il existe donc, à mon sens, une autre raison, que j'aimerais comprendre un jour : ce n'est pas le projet de loi qui a changé, mais bien l'avis du ministre, son propos a été très clair.
Sourires.
J'ai un peu de mal à penser que, partant d'un propos clair et structuré expliquant en quoi il était contradictoire précisément avec le fait de vouloir en même temps en finir avec le verrou de Bercy, il ait pu changer du tout au tout.
Mais dans le même temps, Mme la rapporteure, je m'adresse à vous ainsi qu'à tous les députés que vous influencez : je ne comprends pas votre logique selon laquelle nous nous apprêtons en même temps à en finir en partie avec le verrou de Bercy – bien que je note qu'un compromis ait déjà été trouvé, puisque, si nous allons examiner un peu plus tard certains amendements, nous étions déjà, avec nombre de collègues d'autres groupes, favorables à aller plus loin – et à nous donner les moyens, avec l'élargissement de la CJIP, d'annuler en réalité une partie de ce résultat.
Il y a là quelque chose de totalement contradictoire. Mais peut-être s'agit-il d'une logique donnant-donnant : on vous accorde l'assouplissement partiel du verrou de Bercy, à condition qu'en réalité l'on élargisse la CJIP, ce qui aura pour effet que nombre de dossiers n'iront pas devant le tribunal.
Telle est, très sincèrement, la question que je me pose. Votre volte-face est en effet surréaliste.
Nous appellerons évidemment à voter contre l'article 9 bis. Très franchement, avec l'article 9, et maintenant l'article 9 bis, vous êtes en réalité en train de vider de sa substance tout le projet de loi que vous nous proposez afin de lutter contre la fraude fiscale.
Comme je crois totalement à vos convictions, chère collègue rapporteure, il me semble que cela ne peut servir le combat dans lequel vous vous êtes engagée. Les articles 9 et 9 bis rendent en effet quasiment inutiles l'assouplissement du verrou de Bercy que nous voterons à l'article 13.
Telle est la réalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je vous l'ai dit, il s'agit en l'occurrence d'une convention passée avec la personne morale : son dirigeant peut parfaitement, lui, être traduit au pénal au cours d'un procès public auquel vous tenez tant.
Nous disposons en outre de la liste de toutes les CJIP qui ont été conclues jusqu'à présent : lorsque vous consultez les décisions rendues en la matière, qui sont aujourd'hui publiques, elles sont bien plus détaillées que n'importe quelle décision de justice. Y figure même tout le détail des modalités de calcul de l'amende, que tout le monde peut consulter. Il est donc possible de mettre en cause publiquement lesdites décisions.
En outre, le ministre s'est exprimé : je vous renvoie aux pages 253 et 254 du rapport qui a fait suite à l'examen du projet de loi en commission des finances. M. Darmanin avait clairement mentionné que, finalement, il soutenait cette procédure car il estimait effectivement qu'elle permettrait d'améliorer non seulement le prononcé des peines, mais encore la fluidité de la justice.
Il indiquait par ailleurs qu'il ne s'agissait pas du tout d'un verrou, qu'en l'occurrence c'était le monde judiciaire qui était à la manoeuvre et que les conventions seraient homologuées par le juge. Il explique donc tout cela dans ledit rapport, à la page 254.
Je ne comprends donc pas votre question.
Le ministre s'est expliqué, et vous voulez savoir pourquoi. Il s'est exprimé : c'est tout ce que j'ai à vous apporter comme précision.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 52
Contre 20
L'article 9 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 108 .
Il vise à interpeller l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'ACPR : nous proposons en effet de la doter de la faculté de prononcer le retrait de l'agrément bancaire, en cas d'agissements frauduleux en matière fiscale.
En ce qui nous concerne, cette faculté offerte à l'ACPR serait à la fois adéquate, compte tenu de la faute ; utile, compte tenu de l'affichage nécessaire de ladite faute ; efficace, compte tenu de la suite qui serait réservée aux agissements de la banque concernée.
Il s'agit véritablement de cerner ce secteur bancaire ainsi que de mettre fin à une situation dans laquelle les banques peuvent sans coup férir revenir à leurs activités après une telle procédure. Tel est le sens de cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Nous nous apprêtons, à l'article 13, à élargir les modalités d'ouverture des procédures de plainte pour fraude fiscale. Nous venons, à l'article 8, d'alourdir les peines encourues en cas de fraude fiscale. La commission est par conséquent défavorable à cet amendement.
Même avis.
L'amendement no 108 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 132 .
Dans le même esprit, cet amendement propose d'interdire pendant cinq ans l'accès aux marchés publics à toutes les entreprises ayant conclu une convention judiciaire d'intérêt public.
En effet, compte tenu de l'absence de culpabilité et du fait que l'ardoise desdites entreprises s'en trouverait effacée, nous considérons qu'il y a nécessité à équilibrer cette conclusion, que nous estimons injuste en la matière et qui sera, pour un certain nombre d'acteurs et de décideurs, notamment publics, source d'insincérité dans les rapports économiques.
Il faut donc selon nous, a minima, que la signature d'une telle convention s'accompagne d'une interdiction, c'est-à-dire d'une exclusion pendant cinq ans de la procédure de passation des marchés publics.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Il est également défavorable.
Madame la rapporteure, nous avons tellement travaillé toutes ces questions que vous ne pouvez-vous exonérer d'une réponse. Vous nous avez en outre, tout à l'heure, tellement vendu les conventions judiciaires d'intérêt public en nous disant : ne vous inquiétez pas, elles vont permettre de donner lieu à des condamnations.
Nous vous avons pour notre part expliqué qu'avec ces mêmes conventions, aucune condamnation ne serait prononcée, puisque n'est proposée qu'une amende. Les entreprises concernées ne s'en sortiront donc qu'avec une seule amende.
Nous vous proposons qu'il y ait au moins cette condamnation, c'est-à-dire que ces banques prises la main dans le pot de confiture encourent une peine supérieure à une simple amende, c'est-à-dire qu'elles se voient privées de la possibilité de participer aux appels d'offres publics.
Le refuser reviendrait à reconnaître qu'effectivement, les entreprises concernées ne subiront aucune condamnation, ce qui serait la démonstration que cet article n'est pas efficace pour lutter contre la fraude.
Vous voyez, monsieur Roussel : je ne peux pas m'empêcher de vous répondre lorsque vous m'interpellez !
Sourires.
De manière générale, les peines automatiques sont censurées par le Conseil constitutionnel – je pensais qu'il était superflu de vous le rappeler.
En outre, vous proposez de créer une peine spécifique. Or la peine complémentaire d'exclusion des marchés publics existe déjà pour certains délits financiers, mais pas pour la fraude fiscale. Cette peine ne serait pas applicable en cas de fraude fiscale, mais elle le serait en cas de conclusion d'une CJIP en raison d'une fraude fiscale ? Tout cela ne paraît guère cohérent. D'où l'avis défavorable.
Je voudrais conclure cet échange de vues en vous donnant mon sentiment, qui n'est pas celui d'un juriste ni même celui d'un élu d'une quelconque sensibilité partisane.
Sourires.
Vous comprendrez bien que le sentiment qui se dégage, c'est qu'on va vers une justice à l'américaine. En gros : il n'y a plus de justice ; on ne juge plus, on transige. Mais qu'est-ce que c'est que ce mot ainsi introduit dans notre justice, concernant l'un des délits les plus attentatoires à l'intérêt public ? La terminologie de « convention judiciaire d'intérêt public » en devient caduque ! On n'est plus dans le jugement, on transige ; on n'est plus coupable, on est juste vaguement responsable – tiens, j'ai déjà entendu cela quelque part. Bref : cette CJIP, ce n'est pas de la justice, ce sont ni plus ni moins de petits arrangements entre amis !
L'amendement no 132 n'est pas adopté.
L'article 10 du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude vise à renforcer les sanctions douanières en cas d'injures, de maltraitance, de troubles à l'exercice des fonctions des agents des douanes ou de refus de communication des documents demandés.
Si cette évolution est louable, nous proposons d'augmenter le montant de l'amende jusqu'au maximum possible pour une contravention douanière. L'objectif est de rendre cette contravention plus dissuasive, sans pour autant requalifier l'infraction en délit.
Cet amendement vise à augmenter de 3 000 à 3 700 euros le montant maximum de l'amende en cas de refus de coopérer avec les agents des douanes.
Le groupe Socialistes et apparentés a retenu le montant de 3 700 euros sur la base des propos tenus en commission par le ministre de l'action et des comptes publics : « Si vous proposez, en séance, de porter le montant maximal à 3 700 euros seulement, je donnerai un avis favorable », avait-il dit.
L'article 10 renforce les sanctions douanières en cas d'injures, de maltraitance, de troubles à l'exercice des fonctions des agents des douanes ou de refus de communication des documents demandés, notamment en faisant passer le montant maximal de l'amende de 450 à 3 000 euros.
En commission, nous avions proposé de renforcer les sanctions, en fixant ce montant à 5 000 euros, qui est le montant prévu dans le code général des impôts pour un refus de communiquer des documents à l'administration fiscale. Le ministre Darmanin était défavorable à notre amendement, mais il avait indiqué qu'il serait d'accord pour fixer ce montant à 3 500 euros. Nous revenons donc avec cette nouvelle proposition, qui devrait convenir à la majorité. Peut-être pourrons-nous cette fois croire en la parole du ministre Darmanin ?
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Avec l'honnêteté intellectuelle qui nous caractérise, nous acceptons bien évidemment les deux amendements identiques.
L'amendement qui avait été déposé par le groupe La France insoumise en commission des finances aurait fait passer l'infraction de la contravention au délit, alors que les amendements nos 148 et 271 , qui visent à porter le montant de l'amende à 3 700 euros, permettent de rester dans la même catégorie de sanctions. En revanche, l'amendement no 229 pose le même problème que l'amendement défendu en commission. Avis défavorable au no 229, donc.
Il s'agit pour le Gouvernement de solliciter auprès du groupe du Mouvement démocrate et apparentés le retrait de l'amendement no 229 , puisque, comme l'a dit Mme la rapporteure, fixer une amende à 3 750 euros ferait relever l'instruction du tribunal correctionnel plutôt que du tribunal de police, ce qui entraînerait une certaine lourdeur. Fixer, comme le proposent les deux autres amendements, l'amende à 3 700 euros permet de rester dans le champ de compétence du tribunal de police, donnant aux douaniers une capacité à agir plus rapidement.
Demande de retrait de l'amendement du groupe du Mouvement démocrate et apparentés au profit des amendements des groupes Socialistes et apparentés et La France insoumise : à cinquante euros près, l'objectif est atteint pour tout le monde.
Le renforcement de la sanction est nécessaire, même si, dans la rédaction de l'article, on met dans le même sac des choses qui relèvent de l'injure envers des agents et des problèmes de communication de documents. J'aurais souhaité savoir, Mme la rapporteure, M. le secrétaire d'État, si l'aggravation de la sanction financière vous semble aussi juste s'agissant de l'un ou de l'autre. D'excellents amendements seront en effet ultérieurement déposés par mes collègues, afin de revoir la rédaction de l'article.
Nous jugeons très satisfaisantes les explications de la rapporteure et du secrétaire d'État et nous estimons que, globalement, nous avons gain de cause. Vous avez ainsi l'assurance, Mme la rapporteure, que nous ne défendons pas simplement les droits des avocats, mais aussi ceux des agents des douanes !
Sourires.
Si je comprends bien, monsieur Bourlanges, vous retirez l'amendement no 229 que M. Laqhila avait défendu ?
L'amendement no 229 est retiré.
L'article 10 renforce les sanctions douanières applicables en cas de refus de communication des documents demandés, notamment par les agents des douanes. L'article prévoit que cette amende est portée à 3 000 euros, en lieu et place de l'amende actuelle fixée entre 90 et 450 euros, et qu'elle s'applique dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités ne sont pas communiqués.
Or ces documents sont souvent demandés dans un délai assez court, trop court pour que les entreprises puissent les réunir à temps, notamment lorsqu'il s'agit d'opérations de commerce international qui mobilisent plusieurs entités.
L'article ne fait pas référence au délai accordé aux entreprises pour fournir ces documents. Au regard de la rédaction actuelle, l'amende s'appliquerait sans distinction aux opérateurs de bonne foi qui demandent du temps pour réunir tous les documents et aux opérateurs ayant des intentions frauduleuses. Il serait intéressant de laisser un peu de temps. Cela irait d'ailleurs dans le sens de la loi pour un État au service d'une société de confiance, au cours de l'examen de laquelle nous avons beaucoup discuté des délais devant être accordés aux citoyens. À travers ces amendements, il vous est proposé un délai raisonnable, de sorte que les opérateurs de bonne foi puissent disposer de temps pour réunir les documents.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 52 .
Je ne remets pas en cause le fondement de cet article, mais il faudrait à mon sens prendre en considération la notion de bonne foi. Certes, on ne l'écrira pas ainsi dans la loi – encore moins dans une loi à caractère fiscal et qui traite de la fraude. Toutefois, ne pourrait-on pas ajouter, à l'alinéa 5, après « Cette amende s'applique par demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités ne sont pas communiqués », « dans les délais raisonnables exigés » pour leur transmission ? Il faut aussi tenir compte des délais nécessaires pour rassembler l'ensemble des documents dans le cadre d'une procédure de ce type !
Je pense que ce serait une avancée. Ce serait au procureur et aux services fiscaux de déterminer si les délais raisonnables ont été ou non respectés. Vous savez comme moi que la transmission par courrier depuis l'étranger prend un certain temps ; quand un courrier est envoyé depuis certains pays, on ne le reçoit pas le lendemain. Ne pourrait-on pas prévoir une application un peu plus souple de la mesure, qui prévoit légitimement une amende, en établissant un lien entre la bonne foi et le délai raisonnable ? Dans la rédaction actuelle, tout le monde est considéré comme fraudeur !
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 53 .
On s'inscrit là dans la même optique, mais en abandonnant la notion de bonne foi au profit de celle de refus de communication : on considère, en cas de refus de communication, que la sanction prévue s'applique de plein droit. Je crois qu'il est important de le préciser. En revanche, il ne s'agit plus d'un délai imposé par l'administration et qui ne serait pas compatible avec la production de documents. Il s'agit donc de deux amendements qui sont assez proches, mais qui établissent une distinction entre une notion technique et une notion d'intentionnalité, de mauvaise foi.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous avions déjà eu cette discussion en commission. Je trouve que votre proposition apporte une solution équilibrée, un bon compromis entre la nécessaire efficacité du contrôle douanier et la prise en compte des contraintes auxquelles sont confrontées les entreprises. Cela étant, je trouve la rédaction que vous proposez trop imprécise. Je pense en particulier que le « délai raisonnable » sera difficile à caractériser. En outre, la loi pour un État au service d'une société de confiance consacre le principe d'un droit à l'erreur. Ce que les douaniers nous disent, c'est que dans les faits, ils appliquent et appliqueront les sanctions de manière raisonnable.
D'ailleurs, certains documents peuvent faire l'objet de relances, d'autres non.
Quoi qu'il en soit, la rédaction des amendements est trop imprécise. Avis défavorable à l'ensemble d'entre eux.
L'avis du Gouvernement est défavorable sur les trois amendements, pour les mêmes raisons que celles exposées par Mme la rapporteure.
Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour répondre à la question posée tout à l'heure par M. Julien Aubert. L'amende prévue par les deux amendements qui ont été adoptés correspond à un montant maximal, ce qui permettra de varier la sanction infligée en fonction de la gravité des faits, donc de la diversité des situations que vous avez évoquées tout à l'heure.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Vous citiez, madame la rapporteure, la loi pour un État au service d'une société de confiance. Avant l'été, nous avons en effet examiné un texte qui avait pour vocation d'essayer de créer une relation de confiance entre l'administration et les administrés ; mais quand on regarde ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'était un peu l'administration racontée aux enfants ! L'administration, telle qu'elle est décrite dans le texte que nous examinons, que ce soit dans l'article 6, dans l'article 7 ou dans ceux qui suivent, est une administration qui sanctionne extrêmement durement et qui obtient de nouvelles possibilités pour le faire concrètement, avec des pouvoirs d'une violence parfois extrême. Cela interroge.
Il me semble donc que les amendements permettent aux intéressés de réagir aux contraintes qui leur sont imposées.
C'est la notion de « délais raisonnables exigés », madame la rapporteure, qui vous conduit à qualifier nos amendements d'imprécis. Mais vous me permettrez de penser que l'article, muet sur la question des délais, est plus imprécis encore !
D'autre part, pour rebondir sur ce que disait le président Woerth, vos raisonnements sont à géométrie variable. On a le sentiment que le sujet de la confiance entre l'État et les citoyens est resté circonscrit au seul projet de loi qui lui fut dédié. Lorsque, dans un autre texte, nous parlons de citoyens ou d'opérateurs de bonne foi, vous refusez d'y intégrer la notion de « délais raisonnables ».
Il n'y a donc aucune cohérence entre les différents textes. L'approche, on le voit bien, est à géométrie variable, et je le regrette.
Je veux soutenir les arguments des deux orateurs précédents. Vous avez, madame la rapporteure, attaqué la notion de « délais raisonnables », la qualifiant de floue. Pourtant, elle est très souvent utilisée. Dans une décision du 31 mars 2017, le Conseil d'État y fait ainsi référence au sujet d'une réclamation dans le domaine fiscal.
Cette notion, même si elle n'a pas été introduite dans notre droit par mes collègues, n'en est donc pas moins utilisée dans la jurisprudence administrative, mais aussi fiscale. On la retrouve également dans la Convention européenne des droits de l'homme. Bref, elle est assez récurrente.
De deux choses l'une. Soit on fixe un nombre de jours, ce qui se heurterait à la diversité des situations auxquelles l'administration peut être confrontée avec les entreprises ; soit on introduit une notion à laquelle il est donc très souvent fait usage, quitte à la préciser dans le cadre d'un éventuel contentieux. En tout état de cause, on ne peut attaquer la rédaction des amendements, qui s'appuient sur une expression usuelle dans la jurisprudence administrative.
Je comprends mal l'objection du secrétaire d'État et de la rapporteure relativement à la loi pour un État au service d'une société de confiance. En réalité, le délai raisonnable est précisément ce qui permet de mesurer la bonne foi. La notion n'est pas précise, bien sûr, dans la mesure où le délai de présentation des documents ou des pièces varie beaucoup selon leur nature. Mais le terme « raisonnable » permet d'apprécier la bonne foi. Or toute notre législation vise à privilégier la relation de confiance et à sanctionner la mauvaise foi. Faute de mentionner des « délais raisonnables », vous empêchez que l'on puisse distinguer entre la bonne et la mauvaise foi du contribuable. Aussi les amendements complètent-ils d'autres dispositions précédemment votées, bien plus qu'ils ne s'y opposent.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'amendement no 53 n'est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 217 .
Il s'agit d'un amendement de cohérence rédactionnelle.
L'amendement no 217 est adopté.
Cet amendement est de cohérence avec l'amendement no 204 qui, adopté hier à l'article 2, visait lui aussi à remplacer les mots : « monnaie locale » par les mots : « franc CFP ».
Tel qu'il est actuellement rédigé, le projet de loi permet l'application des sanctions prévues en francs pacifiques. Je suggère donc le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
J'avoue ne pas comprendre, monsieur le secrétaire d'État. Hier, votre collègue M. Darmanin avait accédé sans difficulté à la demande de notre collègue Dunoyer, en précisant que la référence au franc CFP ne portait nullement à conséquence. Un accord avait même été trouvé pour vérifier, d'ici à la deuxième lecture, que tel est bien le cas.
Je confirme les propos de ma collègue Magnier sur nos débats d'hier. Il semble bien que la seule monnaie locale soit le franc CFP.
Je vous prie de bien vouloir m'excuser, madame la députée. Je suis allé un peu vite car j'avais en tête les échanges avec M. Dunoyer sur les exceptions en Nouvelle-Calédonie et dans le Pacifique. Si vous le permettez, madame la présidente, je corrige donc l'avis du Gouvernement, qui est favorable.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Sourires.
L'amendement no 205 est adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 43 , portant article additionnel après l'article 10.
Cet amendement vise à lutter contre le trafic de tabac auquel se livrent des étrangers en France. Il concerne tous nos territoires, mais plus particulièrement encore les frontaliers : nous avions eu l'occasion d'en discuter avec les députés qui en sont élus.
Le commerce illicite de tabac représente un manque à gagner considérable, en termes de recettes, pour l'État, les produits trafiqués échappant aux taxes et alimentant l'économie grise. Il vous est donc ici proposé de renforcer la lutte contre le phénomène des « mules », ces passeurs qui effectuent un grand nombre d'allers-retours entre les pays, transportant chaque fois de petites quantités de produits à des fins de contrebande. L'amendement prévoit des mesures fortes contre ce fléau qui, de surcroît, détruit le tissu des buralistes sans rien rapporter aux caisses de l'État.
Les forces de l'ordre, avec lesquelles j'ai pu échanger sur ces questions, se déclarent souvent impuissantes face à ce type de délinquance qui croît dans notre pays. Il n'est pas rare, d'ailleurs, que des policiers interpellent un même revendeur plusieurs fois par semaine. Aussi l'amendement vise-t-il à interdire du territoire français les personnes qui se seraient rendues coupables de l'une des infractions visées à l'article 10.
Nous avons déjà eu l'occasion de le dire, l'objectif du texte est de renforcer nos capacités administratives de détection et de lutte contre la fraude. Vous proposez ici, ma chère collègue, un alourdissement de peine assez important. Je ne suis pas sûre, au reste, que les peines visées à l'article 415 du code des douanes aient trait à ce que vous indiquez dans l'exposé sommaire.
Nous débattrons, dans le cadre du projet de loi relatif à la justice, des questions de politique pénale et d'échelle des sanctions. À ce stade, l'avis est donc défavorable.
Le Gouvernement partage l'avis de la rapporteure : l'avis est donc défavorable, pour les mêmes raisons.
Pour faire écho aux débats qui se sont tenus au Sénat et à la présentation que Mme Louwagie a faite de son amendement, je rappelle que le texte initial du Gouvernement ne comportait pas de dispositions explicites en matière de lutte contre le trafic ou la contrebande de tabac, non plus que sur le tabac en général. À la suite d'un travail approfondi mené par Gérald Darmanin et la Confédération des buralistes, des dispositions ont été introduites au Sénat pour donner aux forces douanières des moyens de lutter plus efficacement contre la contrebande.
Vous avez dit, madame Louwagie, que cette contrebande mettait à mal les recettes de l'État. C'est vrai. Elle met aussi à mal, vous l'avez dit également, les recettes des buralistes. En coordination avec la Confédération des buralistes, nous avons donc, disais-je, introduit certaines mesures dans le texte, comme celle qui fixe les quantités de tabac transportées par un individu à partir desquelles est établie une présomption de possession à usage commercial.
Beaucoup de dispositions ont ainsi été intégrées ; au-delà de votre amendement, auquel je suis défavorable pour les mêmes raisons que la rapporteure, nous partageons tous l'objectif de punir plus sévèrement la contrebande de tabac, d'être plus efficace dans la poursuite de ses auteurs et dans son démantèlement. Il ne se passe pas une semaine sans que les forces de douane ne démantèlent des réseaux et ne saisissent des quantités de tabac exorbitantes. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de saluer leur travail.
Les moyens restent très insuffisants dans les départements frontaliers !
Pour en revenir à votre amendement, le débat sur l'échelle des peines doit avoir lieu ultérieurement. En tout cas, je le répète, nous partageons tous l'objectif de lutter contre la contrebande de tabac.
Vous visez essentiellement le nouvel article 10 bis, monsieur le secrétaire d'État. Or, à travers l'amendement de Mme Louwagie, nous vous parlions de l'article 10. Vous avez adopté un plan pour les buralistes, j'entends bien. S'il pouvait sauver 10 % d'entre eux, quand tant d'autres baissent le pavillon de leur établissement chaque année, ce serait formidable.
Mais, même si j'aimerais y croire, ce ne sera malheureusement pas le cas.
Que ce soit dans le département du Jura, du Doubs, des Ardennes ou de la Savoie, l'existence d'une frontière suscite ces phénomènes récurrents de trafic. S'ils ne s'opèrent pas à une grande échelle, ils pénalisent ces territoires bien plus que les autres, en plus des buralistes. Ils contribuent aussi à alimenter une petite criminalité et une grosse délinquance au niveau local. C'est de cela que traite cet amendement, dont je ne comprends pas que vous le balayiez d'un revers de main en invoquant un simple plan pour les buralistes. Ce n'est pas acceptable.
J'ai été interpellée sur la lutte contre le commerce illicite de tabac. Le protocole de l'Organisation mondiale de la santé signé le 20 novembre 2015 avait précisément vocation à éliminer le commerce illicite de tabac, ce fléau, notamment pour les jeunes, qui représente aussi, à en croire les estimations, un manque à gagner de 3 milliards d'euros pour l'État.
Ce protocole entrera officiellement en vigueur le 30 septembre prochain ; mais, à ce jour, les pouvoirs publics n'ont pris aucune mesure pour en assurer la bonne exécution. Pire, le Gouvernement a approuvé la décision de la Commission européenne de confier aux fabricants de tabac le soin d'assurer eux-mêmes la traçabilité de leurs produits, en contravention manifeste avec l'article 8 du protocole, aux termes duquel les parties doivent instaurer des systèmes de suivi indépendants, fondés sur les meilleurs pratiques existantes. Comment peut-on ainsi confier aux fabricants de tabac le contrôle de leurs propres activités ?
Croyez-vous, monsieur le secrétaire d'État, qu'avec de telles mesures, la lutte contre le tabac sera réelle ? J'aimerais donc vous entendre sur ce sujet et savoir quand le Gouvernement entend garantir la bonne application de ce protocole.
L'amendement no 43 n'est pas adopté.
Qu'il s'agisse de cet article ou du suivant, je ne puis qu'y être favorable. En effet, comme de nombreux collègues, je suis confronté à la colère bien légitime des buralistes de ma circonscription contre le commerce illicite de tabac. Or je n'apprendrai à personne ici le rôle que jouent nos buralistes dans de nombreuses communes rurales : les bureaux de tabac sont très souvent le dernier commerce, le dernier point de rencontre des habitants, le dernier rempart contre la fin de toute activité dans nos communes. Ils doivent faire face à une concurrence déloyale, que personne ne conteste : je me félicite donc de cet alourdissement des sanctions, à l'heure où un paquet sur quatre n'est pas acheté chez un buraliste. Je rejoins l'amendement de notre collègue Véronique Louwagie, qui s'attaque aux acheteurs. Mais soyez assuré, monsieur le secrétaire d'État, de ma très grande vigilance quant à la mise en oeuvre de ces dispositions.
Permettez-moi de faire une dernière remarque : sans homogénéité à l'échelle européenne du prix du paquet et des politiques de lutte contre la fraude, ces mesures ne sont qu'une surenchère, dont la portée restera sûrement limitée.
L'amendement no 104 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 128 .
La rédaction actuelle du texte institue une présomption de fraude dès lors qu'une personne transporte 800 cigarettes. Ce seuil nous semble vraiment faible ; nous pensons même que relever ledit seuil à 1 000 cigarettes entrerait tout à fait dans le cadre d'une consommation personnelle et non d'une fraude. Tel est donc l'objet du présent amendement. Je m'empresse d'ajouter que cet amendement ne remet nullement en cause la nécessité de freiner la consommation de tabac : ce sont deux domaines différents. En l'occurrence, l'adoption de cet amendement ne changerait strictement rien au nombre de cigarettes fumées.
Les seuils proposés à l'article 10 bis résultent de la mise en conformité du droit français avec le droit de l'Union européenne. Ils figurent à l'article 32 de la directive 2008118CE de la Commission européenne relative au régime général d'accise. La France n'ayant pas correctement transposé cette directive, la Cour de justice de l'Union européenne nous a sanctionnés le 14 mars 2013. Il s'agit ici de nous conformer à nos obligations européennes ; avis défavorable.
L'amendement no 128 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 bis, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 42 portant article additionnel après l'article 10 bis.
Cet amendement entend lutter contre les ventes illicites de tabac en proposant de créer une nouvelle contravention en cas d'achat d'une faible quantité de produits de tabac dans le cadre d'une vente à la sauvette. Souvent mineurs, insolvables, les revendeurs ne sont que très peu souvent sanctionnés et peuvent continuer leurs activités de vente sans être trop inquiétés par la justice. Il vous est proposé de changer de logique en sanctionnant bien sûr les vendeurs, au travers d'un certain nombre de dispositifs qui ont été actés, mais pas uniquement : il convient également de sanctionner l'acheteur, qui se verrait contraint de payer une amende, dont le montant serait fixé par un décret en Conseil d'État. Il serait intéressant d'instaurer une répression, même symbolique, à l'égard de ces consommateurs. C'est un moyen de dissuasion efficace pour mettre fin à une situation nuisible.
Vous m'avez répondu sur l'amendement précédent en avançant un certain nombre d'arguments : en vous écoutant, j'ai eu le sentiment que vous étiez totalement favorable à cette lutte à engager contre le commerce illicite de tabac ; pourtant, vous avez émis un avis défavorable. Nous vous proposons là des outils supplémentaires pour aller encore plus loin. Il y a de vrais enjeux, notamment dans les territoires transfrontaliers : vous devriez nous entendre sur ces sujets.
La vente à la sauvette fait déjà l'objet d'une contravention et est passible d'une amende de 3 750 euros. Par ailleurs, la Constitution dispose que le pouvoir réglementaire est compétent pour créer de nouvelles contraventions, sans qu'il soit nécessaire que le législateur intervienne. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Ce rappel, excellent, aux articles 34 et 37 de la Constitution vous honore. Il serait d'ailleurs très intéressant, dans d'autres débats, que l'on se souvienne des prérogatives du Parlement et de l'administration – ce n'est pas toujours le cas puisqu'il arrive parfois que le Gouvernement déborde. Il n'en reste pas moins que l'amendement proposé par Mme Louwagie était l'occasion d'ouvrir un débat sur le fond : faut-il changer le fusil d'épaule pour combattre la vente illégale de tabac, en sanctionnant non seulement le vendeur, mais aussi l'acheteur, c'est-à-dire en s'attaquant non seulement à l'offre mais aussi à la demande ? Ce débat serait intéressant car même si vous ne suivez pas les recommandations faites par ma collègue Louwagie, il vous est tout à fait possible ensuite, dans l'épure des articles 34 et 37, de réorienter la politique. Il serait donc intéressant de connaître l'opinion du secrétaire d'État sur cette question : puisque nous parlons de lutte contre la fraude, pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État, qu'il faille sanctionner les acheteurs de tabac à la sauvette ?
Puisqu'il s'agit de pouvoir réglementaire, je veux aller dans le sens de mon collègue Julien Aubert : allez-vous le faire ? C'est une question assez simple puisque la réponse dépend de vous !
Dire que nous allons prendre soit le décret, soit l'arrêté nécessaire dans les heures qui viennent serait certainement présomptueux de ma part ; je m'en garderai donc. En revanche, je rappelais tout à l'heure que nous étions en discussion sur ce sujet, en séance de travail ; Gérald Darmanin travaille régulièrement avec la Confédération nationale des buralistes. Il faudra donc étudier ce sujet pour voir comment, au-delà de la vente, l'achat pourrait être également sanctionné.
L'amendement no 42 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 289 .
Le code général des impôts fixe le régime et la quotité des amendes fiscales en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicites de tabac. L'objet du présent amendement est d'augmenter très fortement le niveau des amendes fiscales en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport frauduleux de tabac. Il s'agit évidemment de promouvoir la lutte contre les pratiques illicites mais également de défendre la santé publique et de mieux protéger les intérêts des buralistes.
Nous avons eu ce débat en commission. Vous proposez d'augmenter considérablement les sanctions relatives aux activités illicites concernant le tabac, en multipliant par cinquante ou cent le montant de l'amende prévue à l'article 1791 du code général des impôts, et par vingt les montants applicables aux infractions commises en bande organisée. Cela nous paraît déraisonnable et pourrait être considéré comme manifestement disproportionné. Par ailleurs, je rappelle que ces pénalités s'ajoutent aux amendes. Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
Même avis.
L'amendement no 20 est retiré.
Il est vrai que multiplier par vingt, c'est beaucoup. Mais le Gouvernement pourrait-il tout de même être favorable à une réévaluation ? Souvent, en effet, on fixe ces sommes puis on les oublie pendant dix ans, vingt ans, trente ans, et l'on se retrouve des années plus tard avec des amendes qui sont déraisonnables dans l'autre sens. Seriez-vous ouvert à une réévaluation ?
Je signale à M. le député de Courson que les dispositions adoptées au Sénat permettent un doublement, soit une augmentation de 100 %, des pénalités infligées, ce qui montre que nous avons avancé en la matière. En l'état, nous pensons que cela peut être efficace. Évidemment, comme pour chaque disposition adoptée par votre assemblée, tout cela sera soumis à évaluation.
L'amendement no 289 n'est pas adopté.
L'article 10 ter est adopté.
Même avis.
L'amendement no 19 est retiré.
L'article 10 quater est adopté.
L'amendement no 88 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 89 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 215 .
J'épargnerai à l'Assemblée la lecture de tout l'argumentaire. Il s'agit d'une réécriture d'un amendement parlementaire, introduit au Sénat, visant à améliorer la transposition de la directive du 3 avril 2014 et du règlement du 15 décembre 2017. Cet amendement a donc pour objet de rendre la rédaction plus efficace par rapport à l'objectif recherché.
L'amendement no 215 , accepté par la commission, est adopté.
L'article 10 quinquies, amendé, est adopté.
Luxleaks, Panama's papers, Paradise papers et tout récemment Dubaï papers : les scandales financiers continuent de s'accumuler et de grever la base d'imposition des États à travers le monde. Nous ne pourrons pas combattre ce fléau seuls. Alors que nous renforçons notre arsenal juridique contre la fraude, la coopération entre les États demeure indispensable pour mener des politiques de prévention, de dissuasion et de répression efficaces.
La lutte contre la fraude est aussi un combat international. en inscrivant formellement dans notre droit interne la liste noire des États et territoires non coopératifs, les ETNC, adoptée par le Conseil européen, nous entérinons le caractère inacceptable des comportements liés à la fraude.
Mais nous allons plus loin en nous appropriant pleinement cette liste au travers de cet article. Nous prévoyons la possibilité de la modifier, ce qui nous permettra de rester attentifs aux comportements et à la coopération des autres pays en matière de lutte contre la fraude fiscale. En outre, la nouvelle obligation du Gouvernement d'informer chaque année les commissions permanentes du Parlement compétentes en matière de finance et d'affaires étrangères de l'évolution de cette liste renforce le rôle de contrôle et de vigie du Parlement sur ce point.
Aussi nous apportons à cette liste une véritable substance en ce que nous assortissons sa sanctuarisation de mesures fiscales concrètes et véritablement dissuasives et d'obligations déclaratives renforcées qui décourageront les opérations frauduleuses en les rendant plus compliquées.
Enfin, je me réjouis de la proposition qui est faite de débattre de cette liste au moment de l'examen du projet de loi de finances et d'y adjoindre une discussion sur les analyses de la Commission européenne concernant entre autres la situation économique et sociale des États membres. À l'heure où il nous faut parler d'Europe, nous devons aussi montrer que les apports de l'Union européenne à la conduite efficace de politiques publiques ont leur place dans le débat parlementaire et dans notre politique nationale.
On touche ici enfin au coeur de la fraude fiscale. Je dirais : « les paradis fiscaux : comment sortir de cet enfer ? »
les paradis fiscaux, ce sont 7 000 milliards de bénéfices non imposés ; 35 à 40 pays identifiés abritant des fortunes, des bénéfices, mais aussi l'argent sale de la drogue, de la prostitution, du trafic d'organes. Dans cette compétition générale à qui attirera le plus l'argent, l'argent sale comme l'argent propre, il y a des champions du monde : la Suisse, le Luxembourg, Hong Kong, les îles Caïman, les Bermudes, les Pays-Bas, l'Irlande.
Des banques s'installent dans ces paradis fiscaux pour d'autres raisons que le climat et certaines sont françaises : le Crédit agricole, la BNP et la Société générale, qui a administré pas moins de 1129 structures off shore comme l'ont révélé les Panama's papers.
L'enjeu est énorme pour les États, il est énorme pour la France. L'étude récente de trois économistes, dont Gabriel Zucman, dont l'expertise est reconnue sur ce sujet, révèle que 3250 ménages français parmi les plus riches planquent à peu près 140 milliards d'euros dans les paradis fiscaux.
Alors qu'au vu de cet enjeu nous devrions être intransigeants, vous nous proposez de nous aligner sur la liste européenne, d'où sont absent le Luxembourg, l'Irlande, la Suisse et bien d'autre pays parmi les principaux paradis fiscaux. Vous y trouverez en revanche les Palaos, modeste île de Micronésie comptant 20 000 habitants !
Nous regrettons que vous n'intégriez pas dans la loi française les critères de l'Union européenne. Vous préférez y intégrer la liste européenne. De ce fait, nous resterons soumis au Conseil de l'Union européenne, qui décidera quel pays entrera ou sortira de cette liste. Quelle perte de souveraineté, quel raté face au défi que nous avons à relever !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
En novembre 2017, Gabriel Zucman publiait dans Le Monde une tribune intitulée « 40 % des profits des multinationales sont délocalisés dans les paradis fiscaux ». A la page 302 de votre rapport, madame Cariou, figure la liste des ETNC après l'adoption de l'article 11. En tout et pour tout, au regard des critères français et européens il y aura donc 14 juridictions et parmi les sept entrants, seul Palaos – tout le monde est capable de le situer sur une carte je suppose – relève du critère off shore. Les Bermudes, les Caïmans, les Bahamas, Malte, le Luxembourg, l'Irlande, pour ne citer qu'eux, sont étrangement absents.
L'Europe est la première victime de ces paradis fiscaux, elle qui est privée de 60 milliards par an, dont onze au détriment de la seule France. Les bénéficiaires sont les actionnaires des multinationales. Pourtant jusqu'ici l'Europe n'a pas fait preuve d'une grande détermination à lutter contre ce fléau qui gangrène notre pacte républicain. Ce n'est d'ailleurs qu'en 2017 qu'elle a adopté pour la première fois une liste noire et une liste grise.
Faut-il s'étonner dès lors que de plus en plus de citoyens tournent le dos à l'Europe ? C'est une question que je nous pose à tous à la veille des élections européennes. Ce sujet sera un des sujets principaux des débats qui auront lieu alors et je crois que nous gagnerions à aller un peu plus loin ce soir en adoptant certains amendements présentés par les différents groupes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés.
Dans la lignée des deux amendements précédents, cet amendement a pour objectif de redéfinir des critères pertinents afin d'établir une liste des États et territoires non coopératifs correspondant aux pratiques fiscales réelles des États. Il s'appuie notamment sur les recommandations de l'ONG Oxfam en la matière. En effet, la simple transposition de la liste européenne des paradis fiscaux ne s'attaquera pas aux pratiques d'évasion fiscale puisque cette liste ne comporte plus que sept États, dont aucun paradis fiscal notoire.
Associé aux sanctions pertinentes prévues par le droit français, le dispositif que nous proposons constituerait à l'inverse une avancée majeure dans la lutte contre les pratiques de fraude et d'évasion fiscale.
Les critères proposés reposent sur la transparence fiscale, les normes BEPS, pour base d'imposition et transfert de bénéfices, et l'absence de mise en place d'un régime fiscal dommageable, conformément aux préconisations du Conseil de l'Union européenne et de l'OCDE. Cela permettra d'intégrer à la liste française un certain nombre d'États qui devraient être considérés comme des paradis fiscaux, mais qui actuellement ne figurent pas dans la liste.
Ces pratiques existent également au sein même de l'Union européenne : en 2014, Apple a payé 0,005 % d'impôts sur ses bénéfices du fait de sa domiciliation en Irlande. De même, le scandale des Luxleaks a révélé que 340 entreprises ont passé des accords fiscaux secrets avec le Luxembourg pour supporter un taux d'imposition dérisoire.
Élargir cette liste des paradis fiscaux aura des conséquences bien précises. Selon Oxfam, les entreprises du CAC 40 possèdent actuellement 1 450 filiales dans les paradis fiscaux. Or, seules dix d'entre elles se trouvent dans l'un des paradis fiscaux identifiés comme tels par les listes françaises et européennes. L'élargissement de cette liste permettrait de sanctionner l'ensemble de ces 1 450 filiales.
En outre, cet amendement renforce le poids du Parlement, en lui permettant de débattre de l'application effective des critères et de cette liste, sur la base d'un rapport remis par le Gouvernement.
Enfin, l'amendement prévoit une clause de sauvegarde au bénéfice des pays reconnus comme les moins avancés.
Cet amendement de bon sens devrait recevoir votre approbation.
Par cet amendement, qui reprend l'article 1er de notre proposition de loi examinée en mars dernier, nous vous proposons de dresser une liste de paradis fiscaux selon les critères de l'Union européenne et de les inscrire dans notre droit. Nous avons eu cette discussion et j'avais cru comprendre que vous jugiez cette solution utile et efficace. Contrairement à vous, nous proposons de les intégrer directement dans notre droit, ce qui nous permettrait d'avoir la main sur leur interprétation et d'être souverains dans nos choix.
Parmi ces critères il y a bien sûr le critère off shore qui caractérise bien des paradis fiscaux qui aspirent artificiellement les richesses au travers d'une structure juridique établie dans un autre pays. C'est un grand classique de l'évasion fiscale.
Mais nous ciblons aussi toutes les autres pratiques fiscales dommageables : taux d'imposition faibles ou nuls, opacité juridique, qui ne permet pas de savoir qui détient la structure juridique en cause. Le nombre d'exemptions est réduit au minimum. Il n'y a pas d'exemption a priori des États européens alors qu'il y a un a priori avec votre proposition. La seule exception justifiée est celle au bénéfice des pays en développement, dépourvus de centre financier, comme les Palaos. Il n'y a pas lieu de les cibler au travers de contre-mesures qui s'avéreraient contre-productives.
Transparence, dialogue, débat : le Parlement sera associé au travers d'un débat annuel, qui pourra avoir lieu tant en commission qu'en séance.
Cet amendement s'appuie aussi sur l'ensemble des contre-mesures prévues par notre code général des impôts. C'est le point fort de notre droit. Dotons-nous d'une vraie liste ! Musclons ces deux jambes que sont la liste et les sanctions.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 149 .
Cet amendement réécrit l'article 11 sur la base de la proposition de loi créant une liste française des paradis fiscaux déposée le 24 janvier dernier par notre collègue Fabien Roussel.
Dans sa version actuelle, l'article 11 opère un très faible élargissement de la liste française des États et territoires non coopératifs. Dans les faits, selon les travaux du Sénat, la liste française ne compterait qu'un nouveau pays, Palaos, à l'issue de l'adoption de l'article 11.
Le 8 mars dernier, la majorité LaREM a renvoyé en commission la proposition de loi de Fabien Roussel, en raison de l'examen à venir d'un véhicule législatif plus adéquat, à savoir le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude – nous y sommes. C'est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés propose de réécrire l'article 11 en reprenant les travaux de Fabien Roussel, qui avaient notamment fait l'objet d'un rapport très complet, et en intégrant les amendements qu'il avait déposés en séance.
Cet amendement propose ainsi une rénovation des critères d'identification des paradis fiscaux prévus par le droit français s'inspirant de ceux retenus par l'UE, qui correspondent à la réalité des pratiques de ces juridictions non coopératives, étant entendu que ces critères doivent être objectivement appliqués et sachant qu'ils permettraient d'inclure certains États membres de l'Union européenne. Il propose également une association renforcée du Parlement, afin de faire jouer à l'institution tout son rôle de contrôle et d'évaluation dans une matière extrêmement sensible.
Ces amendements réécrivent l'article 11 en reprenant, avec quelques modifications mineures, le dispositif de la proposition de loi de notre collègue Fabien Roussel, qui avait été renvoyée en commission en mars dernier. Ils ont été rejetés par la commission des finances.
Réécrivant tout l'article, ils suppriment la modulation des sanctions, qui paraissait pourtant utile à notre collègue Fabien Roussel en mars dernier. Par ailleurs les critères proposés sont voisins de ceux de l'Union européenne, que l'article 11 transpose. Les amendements sont donc satisfaits pour l'essentiel.
En revanche, ils prévoient qu'il suffit de remplir un des quatre critères pour être considéré comme un ETNC, le quatrième critère étant quant à lui rempli dès lors qu'un des nombreux sous-critères est satisfait. Il nous semble que cette condition est trop large et risque de toucher des pays tout à fait coopératifs.
Par ailleurs, le critère lié à l'appréciation du Forum mondial peut conduire à ce qu'un pays ne soit pas jugé comme ETNC alors même qu'il peut ne pas coopérer avec la France.
Je vous signale que, si cette liste noire prévoit l'intégration supplémentaire de sept pays – un seul dites-vous mais c'est en application du seul critère off shore –, 65 pays figurent dans la liste grise. Parmi eux on retrouve tous les États que vous avez mentionnés, comme les Bermudes, les îles vierges britanniques, les îles Caïmans, les îles Cook, les Émirats Arabes Unis, Guernesey, la Suisse.
Tous ces États qui figurent sur la liste grise doivent remplir un certain nombre de critères pour en sortir. Dans le cas contraire, ils basculeront automatiquement vers la liste noire. Vous pouvez effectivement douter du dispositif et de la volonté de l'Union européenne mais nous en sommes là.
Quant à l'association du Parlement pour examiner l'évolution de la situation de ces États, rappelez-vous l'amendement adopté en commission des finances. L'alinéa 28 dispose désormais que « Le Gouvernement informe chaque année les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière de finances et d'affaires étrangères de l'évolution de la liste des États et territoires non coopératifs mentionnée à l'article 238-0 A du code général des impôts. Cette évolution peut faire l'objet d'un débat ».
Avis défavorable, donc, à ces amendements.
En complément des propos de Mme la rapporteure, le Gouvernement est défavorable à ces amendements visant à créer une nouvelle liste nationale des États et territoires non-coopératifs sur la base d'une série de quatre critères pour les raisons suivantes.
Tout d'abord, ces amendements pourraient conduire à affaiblir le dispositif français de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. En effet, s'appuyer sur des critères relatifs à l'échange du renseignement, comme la notation positive du Forum mondial et la ratification aux participations à la convention administrative mutuelle en matière fiscale sans prendre en compte l'effectivité des échanges constitueraient un recul par rapport à la liste française actuelle. Ces amendements empêcheraient notamment la France d'inscrire un État qui ne respecte pas ses engagements en matière de coopération fiscale alors que c'est précisément ce point qui, pour nous, garantit l'efficacité du dispositif.
Ensuite, ces amendements auraient pour effet d'induire l'inscription d'États sur la liste nationale en fonction de critères relevant de l'OCDE ou identiques à ceux choisis par l'Union européenne pour l'établissement de sa liste sans pour autant s'appuyer sur les décisions de ces institutions puisqu'il n'est pas fait référence à la liste de cette dernière. La France serait alors contrainte d'apprécier indépendamment de ces instances si les États ou les territoires respectent ou non les critères qu'ils ont définis.
Enfin, votre proposition d'exclure les pays les moins avancés est contestable car certains d'entre eux pourraient être encouragés à adopter des mesures de fiscalité dommageables ou, à tout le moins, être découragés de rejoindre les standards internationaux pour lesquels ils bénéficient de l'assistance technique de l'OCDE.
Pour terminer, je précise que le Gouvernement est évidemment disposé à travailler avec le Parlement et à fournir toutes les informations demandées – comme il le fait déjà en participant à chacune des auditions et en répondant à tous les questionnaires qui lui sont transmis. Les dispositions du II bis nouveau de l'article 11 adopté en commission des finances visent d'ailleurs à renforcer l'information du Parlement quant à l'évolution de la liste.
Je vous invite donc à retirer ces amendements. A défaut, nous en demanderons le rejet.
Pour conforter le propos de Mme la rapporteure, j'ajoute que l'actuelle liste de l'Union européenne peut paraître relativement courte mais il faut avoir en tête que, les démarches européennes étant récentes – comme Mme Pires Beaune l'a rappelé – nous sommes dans une période où il suffit, pour un État, de dire, souscrire et prendre l'engagement de mettre en oeuvre les dispositions nécessaires pour sortir de la liste pour qu'il en sorte.
À compter du 1er janvier, nous entrerons dans une nouvelle période au cours de laquelle l'Union européenne vérifiera l'effectivité des actions mises en oeuvre pour répondre aux standards et évaluer le positionnement d'un État par rapport à la liste noire ou grise. Le durcissement sera bien entendu effectif et l'Union européenne inscrira un plus grand nombre de pays sur la liste.
Je soutiens ces amendements. Il est bien sûr inutile de revenir sur le rôle catastrophique joué par les paradis fiscaux contre la justice fiscale, contre l'esprit civique ou, simplement, par les dégâts provoqués dans les comptes publics.
Il est évident qu'il conviendrait de définir des critères efficaces de définition, de clarification, permettant par conséquent d'identifier, de nommer explicitement ces pays non-coopératifs et, surtout, de prendre des mesures à leur encontre.
On comprend que cela dépasse l'autorité ou la compétence d'un seul pays – par bien des aspects, il serait contre-productif d'agir autrement – mais nous pensons qu'il serait utile de travailler dans le cadre européen pour aller plus loin, ce qui entre tout à fait dans les compétences de l'État et du Gouvernement français.
Deux questions se posent s'agissant des paradis fiscaux.
La première est de savoir si c'est au Parlement français d'établir sa propre liste ou si nous devons garder le dispositif actuel. La seconde est de savoir si les critères proposés dans ces amendements nous conviennent.
À la première question, je réponds oui. Vous avez évoqué tout à l'heure la liste grise, madame la rapporteure, en expliquant qu'elle couvre 65 pays. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de M. Ueli Maurer, ministre des finances de la Confédération suisse – vous savez que la Suisse figure sur cette liste. Lorsqu'on lui a demandé ce que cela changerait, il a répondu que cette liste était négligeable et que cela ne changerait absolument rien...
... pour la Suisse qui, je vous le rappelle, est selon certains classements le premier paradis fiscal du monde. Cette liste grise ressemble à un chien sans griffes ni crocs.
En outre, le système européen présente tout de même un petit défaut : des États non-coopératifs font la liste. Je sais bien que le harem est confié aux eunuques mais j'ai plus confiance dans les pouvoirs du Parlement français pour établir une liste objective des territoires peu coopératifs.
S'agissant maintenant des critères, peut y aurait-il matière à débat. Je ne suis pas convaincu qu'il n'y aurait pas de mélange, parfois, entre ce qui relève de l'optimisation fiscale et ce qui relève de la volonté de créer un paradis fiscal, donc, d'une volonté dommageable pour l'économie française et pour le budget de l'État français. Comme nous défendons ici les intérêts de ce dernier, je voterai pour cet amendement, vînt-il de nos collègues de la gauche...
... parce qu'à un moment donné, face à un tel sujet, il faut être clair : soit on mène une lutte impitoyable contre ceux qui détournent l'argent du contribuable et de l'État, soit on continue à se bercer de sirupeuses illusions en pensant que l'Union européenne changera le système. Or, nous savons que rien n'a changé et, malheureusement, que même après la période transitoire, rien ne changera.
Madame la rapporteure, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire que les critères que nous proposons dans ces amendements soient imprécis et qu'ils aboutiraient à dresser une liste trop vaste : ce sont les critères de l'Union européenne définis dans le cadre du code de bonne conduite de l'Union en 1997. Malheureusement, ils restent dans le droit mou alors qu'ils devraient être inscrits dans le droit dur, c'est-à-dire être effectifs et constituer une véritable liste.
L'Union européenne n'ira pas jusque-là – d'où la liste grise, qui n'a aucune valeur et qui ne fait peur à personne. Il faut inscrire ces critères de l'Union européenne dans le droit dur et dans le droit français. Nous devons mener ce combat souverainement et en être fiers. Vous ne pouvez donc pas dire que ces critères sont imprécis : ce sont ceux de l'Union européenne. Oui, la liste de paradis fiscaux sera importante !
Contrairement à ce que vous avez dit, madame la rapporteure, je suis favorable à la gradation des sanctions à l'encontre des pays qui y figurent en fonction des critères pour lesquels ils y figurent, c'est-à-dire qu'il est tout à fait possible de moduler les sanctions selon que le pays est un paradis fiscal absolu ou relatif. Nous intégrons donc les critères de l'Union européenne, nous adaptons notre volet « sanctions », qui est assez élevé, et nous avons ainsi une position juste, intègre : en la matière, nous devons être incorruptibles, intransigeants.
En élaborant une véritable liste noire des paradis fiscaux, on ne leur donne pas carte blanche !
Il nous semble que la démarche visant à élargir les critères d'inscription sur les listes françaises des ETNC pour y intégrer des juridictions refusant de s'engager dans la voie de la coopération fiscale internationale est bonne.
Cet article prévoit justement d'ajouter à la liste des États et territoires non-coopératifs à des fins fiscales les juridictions figurant sur une liste adoptée par le Conseil de l'Union européenne du 5 décembre 2017. Il a été alors recommandé que les États membres prennent certaines mesures défensives coordonnées dans le domaine fiscal contre les États ou territoires inscrits sur la liste européenne.
Cet article vise donc à se conformer à cette recommandation. Il nous paraît dangereux de se livrer à une « sur-transposition » visant à ajouter de nouveaux critères. C'est pourquoi nous nous associerons à la position défavorable de Mme la rapporteure et de M. le secrétaire d'État sur ces amendements.
Je souhaite réagir aux propos que vient de tenir notre collègue et aux arguments du secrétaire d'État ainsi que de la rapporteure.
Dire que l'élargissement de la liste affaiblirait la lutte contre les paradis fiscaux, c'est un enrobage difficile à faire avaler, pas seulement à l'opposition qui présente ces amendements mais à l'opinion publique, aux citoyens et citoyennes, à toutes celles et tous ceux qui ont révélé l'étendue du mal que représentent ces soustractions à l'impôt qui, au plan français comme européen, entraînent des pertes qui pour les États se chiffrent en milliards.
Je ne crois pas, chers collègues, que l'on puisse aujourd'hui pécher par excès de zèle. Depuis combien de temps ce débat dure-t-il ? Quelles n'ont pas été les promesses ! « En janvier prochain », « Cette fois, le mécanisme inaugurera un suivi et nous irons vérifier... ». Voilà peut-être dix ans, un ancien Président de la République assurait que les paradis fiscaux, c'était fini, que nous avions pris les mesures sur le plan européen... et entre temps sont survenus tous les scandales que vous connaissez.
Je ne crois donc pas que l'on puisse prétendre avoir le temps compte tenu de l'ampleur des infractions commises. Même lorsque la légalité n'est pas contredite, ce II bis constitue une tentative bien trop timide. Nous avons quant à nous proposé des amendements, dont un a été adopté, mais il nous semble que, là encore, on risque de se payer de mots sans répondre à ce problème d'ampleur si on ne structure pas mieux le droit français et si, au plan européen, on ne témoigne pas d'une volonté politique plus forte en donnant l'exemple.
Les arguments du Gouvernement, de la rapporteure et de la majorité sont bien peu convaincants. Encore une fois, ils illustrent le problème de ce projet de loi, qui est juste un effet d'annonce, qui se paie de mots et laisse filer la véritable fraude fiscale.
Après ce large échange de vue, je pense que nous pouvons mettre aux voix cette série d'amendements...
M. Bourlanges demande la parole.
Il y a dix minutes que je la demande ! Vous faites votre liste de courses ?
En écoutant les excellents discours de nos collègues, je pensais au paradoxe de Bossuet : Dieu se moque des hommes qui maudissent les conséquences de ce dont ils chérissent les causes.
En vérité, tout ce que vous dites est juste quant aux objectifs poursuivis mais vous évitez de reconnaître l'évidence : sur un plan national, nous ne pouvons pas efficacement combattre les paradis fiscaux.
L'ensemble de nos industries s'évaderait ! Il faut avoir une réponse européenne.
Messieurs, mesdames, vous n'acceptez pas la seule logique qui soit si vous voulez combattre efficacement les paradis fiscaux : passer à la majorité qualifiée en Europe. Le Parlement européen sera ainsi attaché à la lutte contre les paradis fiscaux
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pour l'instant, ce n'est pas l'Europe qui est en cause, ce sont les Etats nationaux qui, chacun dans leur coin, s'opposent à une action commune. Désignez les vrais coupables, désignez les vrais adversaires et vous sortirez de l'aporie dans laquelle vous êtes !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'entre dans ce débat avec humilité, car je n'ai pas participé à tous vos travaux, mais je voudrais répondre à mon cher collègue Jean-Louis Bourlanges, pour qui j'ai beaucoup d'admiration. Cet argument de l'échelle européenne, nous l'avons entendu pendant quatre ans au sujet du devoir de vigilance des multinationales.
Pendant quatre ans, on nous a dit que si l'Europe dans son ensemble ne demandait pas à ses industries de faire attention aux droits humains et à l'environnement sur leurs chaînes de production situées au bout du monde, on n'y arriverait pas. La France l'a fait et depuis, on ne cesse de faire école, non seulement en Europe, mais dans le monde.
Sur certains sujets, il faut faire preuve d'un peu d'audace, être pionnier pour lancer le mouvement de façon irréversible.
Applaudissements sur les bancs des groupes Socialistes et apparentés et GDR.
L'amendement no 272 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 207 .
Avec la proposition gouvernementale, la liste française sera, pour l'essentiel, la liste noire définie au niveau européen. Ce projet conditionne la présence d'une juridiction sur la liste française des États et territoires à sa présence sur la liste noire européenne. Notre liste sera donc conditionnée par l'interprétation que l'Europe fera des critères retenus. Selon nous, il serait préférable d'agir de manière souveraine, et rien ne nous en empêche. Je vous donnerai deux arguments.
D'abord, l'interprétation que l'Union européenne fait des critères pose question : la liste noire ne compte que sept pays ! Certes, il y en a plus d'une soixantaine dans la liste grise, mais pour l'instant, ils sont toujours sur cette liste. Par ailleurs, on sait que c'est l'opacité qui règne à Bruxelles : les considérations diplomatiques ont tendance à faire trembler la main du « groupe du code de conduite » chargé du suivi de ces critères, au détriment d'une interprétation juste et objective de ces derniers. Les plus gros paradis fiscaux se trouvent aujourd'hui hors de cette liste noire, ce qui montre que le renvoi à l'Europe n'est pas satisfaisant, et nous le déplorons. Nous avons également constaté que cette liste s'est réduite comme peau de chagrin. Alors qu'elle comptait dix-sept pays en décembre 2017, elle n'en compte plus que sept aujourd'hui, et il n'est pas certain que cela soit dû à une évolution effective des pratiques fiscales.
Notre proposition est profondément européenne, démocratique et souveraine, au sens noble du terme. Elle est de nature à alimenter le débat public européen sur les paradis fiscaux. Nous comprenons l'idée de coordonner l'échelon européen et l'échelon français, parce qu'il importe d'avoir un socle commun européen et parce que ce qui a été fait au niveau européen constitue une certaine avancée. D'ailleurs, nous ne proposons pas autre chose que de reprendre les critères européens. Mais pourquoi nous contenter de renvoyer à la liste définie par l'Europe ? Rien ne nous empêche de faire autrement. Reprenons les critères européens, prévoyons éventuellement une modulation des sanctions en fonction de la « dommageabilité » des pratiques et donnons le pouvoir à notre gouvernement, sous le contrôle du Parlement, dans l'élaboration de cette liste. Mais ne capitulons pas, comme certains proposent de le faire !
Cet amendement donnerait davantage de latitude à la France dans son analyse de la situation fiscale mondiale.
Votre amendement vise à intégrer directement les critères dans notre législation. Pour ma part, je suis totalement en phase avec M. Jean-Louis Bourlanges sur ce sujet: je pense que cette liste tire sa force du fait qu'elle a été adoptée au niveau de l'Union européenne. Il me semble qu'il vaut mieux intégrer la liste noire de l'Union.
Regardez ce qu'il en est de la liste grise : on prendra les pays qui ne respectent pas les critères de conformité.
Je répète par ailleurs, comme je l'ai déjà indiqué en commission, que le code général des impôts contient déjà toute une série de dispositifs anti-abus qui peuvent d'ores et déjà s'appliquer à tous les pays dits « à fiscalité privilégiée ». Or il peut tout à fait s'agir de pays européens : dès lors que le taux d'imposition y est très faible, on peut considérer qu'il s'agit d'un pays à fiscalité privilégiée. Dans ce cas, on peut appliquer des dispositions en matière de prix de transfert, au titre de l'article 57 ; on peut également appliquer l'article 209 B, qui permet d'imposer en France les résultats d'une filiale installée dans un pays à fiscalité privilégiée ; on peut aussi taxer les redevances et intérêts qui partent vers ces pays à régime fiscal privilégié, au titre de l'article 238 A du code général des impôts.
Si je vous dis tout cela, ce n'est pas pour vous faire perdre votre temps, mais pour vous rappeler que la liste n'est pas l'alpha et l'oméga de l'attirail juridique dont dispose l'administration fiscale pour lutter contre les flux qui partent vers des pays à fiscalité privilégiée. J'aimerais au moins que vous l'admettiez, parce qu'on se demande parfois si vous connaissez le code général des impôts !
Vous vous trompez, monsieur Dufrègne. On peut tout à fait appliquer ce dispositif à des pays européens.
Les listes que vous nous proposons sont un renfort. La liste grise compte soixante-cinq pays. Vous vérifierez avec nous, l'année prochaine, si ces pays respectent les engagements qu'ils ont pris. S'ils ne les respectent pas, nous les inscrirons dans notre liste noire. Avis défavorable.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer Mme la rapporteure. J'ajoute que le Gouvernement considère comme beaucoup plus efficace le travail que la France mène avec l'Union européenne pour donner la plus grande force possible à cette liste. Procéder à l'établissement d'une liste nationale serait un signal de divergence, qui ne nous paraît pas opportun.
Madame la rapporteuse, vous êtes certainement une spécialiste de la question, mais il se trouve que nous avons un peu travaillé le dossier, avant de déposer nos amendements. Vous donnez l'impression de méconnaître l'ampleur de la fraude fiscale.
Mais non ! Nous disons que tout marche mal, parce qu'il n'y a pas d'Europe !
Mais, si tout fonctionnait bien, nous n'aurions pas 60 à 80 milliards de fraude fiscale ! Franchement, ce genre d'argument n'est absolument pas convaincant. Par ailleurs, monsieur Bourlanges, je crois que vous ne rendez pas service à la cause européenne que vous défendez, et avec laquelle je peux être d'accord, quand vous expliquez qu'on ne peut rien faire parce qu'il y a un blocage au niveau européen...
... et qu'il ne faut surtout pas essayer de convaincre nos partenaires européens en adoptant un projet de loi qui nous donnerait des outils efficaces.
Il faut agir au niveau européen en nous adressant aux États, parce que ce sont les États qui décident, en définitive. Si nous nous armions dans ce texte, notre pays aurait une plus grande capacité de négociation. L'ampleur de la fraude fiscale en France et en Europe nécessiterait de prendre ce genre d'initiative et d'être à l'offensive, de manière claire et constructive. C'est malheureusement ce que votre majorité a choisi de ne pas faire, et cela fait du tort à l'Europe – l'Europe, que nous pouvons défendre ensemble.
Chère collègue, je ne peux pas vous laisser dire que notre rapporteure méconnaîtrait l'ampleur de la fraude. On ne peut certainement pas lui faire ce reproche.
Pour que cette liste soit efficace, elle doit être défendue au niveau de l'Union européenne : voilà ce que nous pensons. En effet, on est bien content que l'Union européenne ait adopté la directive Atad, par exemple, dont nous avons déjà transposé une bonne partie, ou la directive DAC 6, que Mme la rapporteure a évoquée tout à l'heure, qui va nous permettre de sanctionner la transmission des schémas fiscaux.
Et comment ne pas penser à la sanction qui a été imposée à Apple, qui doit plus de 13 milliards d'euros à l'Union européenne, sur la base du principe de la concurrence ? Un article paru dans Les Échos aujourd'hui explique qu'Apple va enfin payer. On est bien content de trouver l'Union européenne quand elle agit de cette manière, à travers ses commissaires européens !
Je pense donc que notre action doit être menée, avant tout, au niveau européen. Ce que nous essayons d'expliquer, c'est que nous sommes plus puissants au niveau de l'Union européenne que seuls dans notre coin.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
L'amendement no 207 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 195 .
Cet amendement devrait nous mettre tous d'accord. Nous avons parlé de la liste grise européenne, de la qualité de cette liste et des critères qui ont présidé à son élaboration. Ce que nous vous proposons, avec cet amendement, c'est d'intégrer cette liste grise à notre droit français.
Puisque l'article 11 propose de transposer la liste noire européenne, il n'y a aucune raison de ne pas transposer également la liste grise. Cela nous permettra de débattre, d'échanger et d'avoir un droit de regard sur les engagements pris et sur la composition de cette liste. Les membres de la commission des affaires étrangères ont eu un petit sursaut cette année à propos de la Tunisie, qui a été classée un temps parmi les paradis fiscaux. Il a fallu réagir rapidement, mais nous avons tout de même perdu un peu de temps alors qu'avec le dispositif que nous proposons, nous pourrions être très opérationnels.
Enfin, cela nous permettrait à nous, parlementaires, d'être pleinement informés de ce qui se discute au niveau européen en matière de fiscalité. Ce point fait déjà l'objet de l'une des recommandations du dernier rapport de Mme Peyrol. En effet, nous sommes généralement informés trop tardivement des négociations européennes sur les sujets financiers et budgétaires. Cet amendement remédie donc à cette situation sur le point spécifique des paradis fiscaux.
L'ambition de cet amendement est modeste, puisqu'aucune contre-mesure n'est prévue à l'égard des États présents sur la liste grise, quand bien même ils continueraient de participer à la grande évasion fiscale. Il y a donc tout lieu d'adopter cet amendement, qui pourrait tous nous rassembler.
L'amendement no 195 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 216 .
L'amendement no 216 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 194 .
Cet amendement propose une procédure de suivi à l'égard des États et des territoires qui sortent de la liste noire française. Le Gouvernement remettrait, dans un délai de douze mois, un rapport dressant un état des lieux des évolutions mises en place par l'État concerné au regard du critère pour lequel il était inscrit sur la liste noire. En clair, nous voulons pouvoir nous assurer qu'un État « x » qui était inscrit sur notre liste noire au regard du critère « y » respecte de manière effective le critère « y » dans la durée.
Dans un premier temps, ce pays sortira de notre liste, en vertu de l'arrêté motivé qu'auront à publier les ministres. Chaque année, un débat parlementaire aura lieu sur la composition de la liste. Cet amendement complète le dispositif. Suivre les engagements nous paraît essentiel si nous voulons que les pratiques fiscales les plus dommageables disparaissent.
Je partage d'autant plus votre avis qu'un amendement a été adopté à mon initiative, qui instaure cette clause de revoyure. Je l'ai déjà mentionné et je vous rappelle qu'il figure au 2 bis de l'article. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis, d'autant plus que le rapport annuel sur le réseau conventionnel de la France en matière d'échange de renseignements, annexé au projet de loi de finances, dresse déjà un bilan de l'échange de renseignements et de la coopération administrative entre États et dresse la liste des États et territoires non coopératifs. Associé aux dispositions mentionnées par Mme la rapporteure, cela nous semble satisfaire la demande des auteurs de l'amendement. Je vous invite donc moi aussi à retirer cet amendement. À défaut, avis défavorable.
Sourires.
L'amendement no 194 est retiré.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 193 .
L'article 11 prévoit une modulation des contre-mesures à l'égard des États inscrits sur la liste noire européenne : pour le critère offshore, l'intégralité des vingt-quatre contre-mesures de notre droit s'appliquerait mais pour tous les autres critères, seules six des vingt-quatre contre-mesures s'appliqueraient.
Le principe d'une modulation des sanctions en fonction de la gravité du critère qui préside à l'inscription d'un État sur la liste noire ne nous pose pas de problème. Qu'il faille sanctionner plus durement des pratiques fiscales plus dommageables que d'autres ne nous gêne pas non plus. En revanche, la modulation proposée par le Gouvernement est truffée de limites, et nous le déplorons. Certes, les vingt-quatre contre-mesures s'appliquent au critère offshore, ce qui est une bonne chose, mais le problème, c'est qu'en l'état, seuls les Palaos sont concernés.
Sélectionner seulement six contre-mesures sur les vingt-quatre nous semble très restrictif. Pourquoi pas davantage ? Selon quels critères l'exécutif a-t-il décidé de retenir ces contre-mesures ? Ainsi, celles relatives à l'exclusion du régime mère-fille, à la niche Copé, aux majorations de taux pour les retenues à la source ne s'appliqueraient pas, ce qui pose problème.
Nous proposons par conséquent que seize contre-mesures, et non pas six, s'appliquent aux États inscrits sur notre liste noire pour un autre critère que le critère offshore.
Votre amendement tend à modifier de manière assez importante la modulation prévue, qui permet d'appliquer à tous les ETNC de nombreuses autres contre-mesures. Son adoption bouleverserait l'équilibre de l'article 11, qui consistait à appliquer aux ETNC qui n'étaient inscrits ni au titre des critères français, ni à celui du critère offshore les contre-mesures qui facilitent l'application d'autres dispositifs anti-abus très puissants. Je pense en particulier à l'article 57 du code général des impôts sur la pratique des prix de transfert, ou encore à l'article 238 dont nous avons parlé.
Il convient de préserver cet équilibre pertinent. Demande de retrait, ou avis défavorable.
Même avis.
Sourires.
L'amendement no 193 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 11, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 174 .
L'amendement no 174 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement tend à placer l'élaboration de la liste des ETNC sous le regard des parlementaires. En effet, il résulte de la loi du 26 juillet 2013 que devrait se tenir chaque année un débat devant les commissions des finances et des affaires étrangères de chacune des deux assemblées. Hélas, ce débat n'a jamais eu lieu. Les conditions d'un échange démocratique sur cette question qui, nous le voyons bien, fait débat, ne sont pas réunies.
En commission un amendement, sous-amendé, a été adopté, prévoyant que l'évolution de la liste des ETNC pourrait faire l'objet d'un débat. Comment ? Selon quelles modalités ? Avec qui ? À quelle fréquence ? Où ? Devant quelle instance ? Ces interrogations n'ont pas de réponses, et il faut donc consolider les choses. C'est l'objet de notre amendement, qui ne fait d'ailleurs de ce débat qu'une possibilité, pas une obligation, ce qui évite tout problème de constitutionnalité, comme l'a reconnu le ministre en commission.
Je propose que l'on s'en tienne à la rédaction issue des travaux en commission. Avis défavorable.
L'amendement no 66 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 175 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 54
Contre 10
L'article 11, amendé, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 11.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 36 .
Cet amendement est issu de la proposition de loi relative aux paradis fiscaux, dont vous avez déjà entendu parler ce soir. Il tend à enrichir l'arsenal des sanctions françaises en y ajoutant l'interdiction faite aux établissements de crédit français d'y exercer leurs activités.
Selon un récent rapport d'Oxfam, les vingt plus grandes banques européennes déclarent le quart de leurs bénéfices dans des paradis fiscaux. Or, pour les seules banques françaises considérées par l'étude, le manque à gagner s'élève à 5,5 milliards d'euros.
La France se doit de montrer l'exemple dans cette lutte. Pour autant, il n'est pas question de nous tirer une balle dans le pied en nuisant aux activités de nos banques. C'est pourquoi cet amendement subordonne l'interdiction d'exercice dans les paradis fiscaux au fait que cet exercice n'a qu'une seule finalité : échapper à l'impôt.
Certaines activités peuvent être légitimes, comme le financement de projets de développement ou la fourniture aux populations locales de services bancaires.
L'amendement vise par ailleurs à imposer aux banques françaises s'établissant dans des paradis fiscaux reconnus de choisir une forme juridique les soumettant aux lois françaises en matière de déclaration des comptes et information bancaire. Ces obligations permettent non seulement d'identifier les vrais bénéficiaires de comptes mais aussi de connaître l'état réel des positions des établissements bancaires et de leur exposition aux risques systémiques.
Enfin, le dispositif de l'article 2, au-delà de la seule question fiscale, participe à la lutte indispensable contre le blanchiment d'argent issu d'activités criminelles, blanchiment qui repose en très grande partie sur les facilités offertes par les paradis fiscaux et la présence d'établissements bancaires peu regardants sur l'origine des fonds qui y circulent.
Vous proposez d'interdire l'activité des établissements de crédit dans les ETNC ou les pays à régimes fiscaux privilégiés lorsque ces opérations relèvent de schémas constitutifs d'abus de droit. Je comprends votre objectif, mais cette mesure pourrait se heurter à divers obstacles juridiques.
Certes, vous avez pris la précaution d'inclure une clause de sauvegarde pour ne cibler que des opérations relevant de l'abus de droit, mais cela reste insuffisant pour assurer au dispositif sa conformité à la Constitution mais aussi au droit de l'Union européenne, dont certains pays à régime fiscal privilégié sont des États membres.
L'abus de droit conduit, en tant que tel, à une sanction lourde – redressement assorti d'une majoration de 80 % – mais il ne pourra pas conduire, en revanche, à une interdiction d'activité car ce serait contraire à la liberté d'entreprendre ou la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux, principes qui s'imposent au niveau de l'Union. Vous aviez d'ailleurs vous-même reconnu que la difficulté que pose ce dispositif au regard du droit européen lors de l'examen de la proposition de loi de M. Roussel en commission.
Avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Vous connaissez nos réserves quant au principe de libre circulation des capitaux, inscrit dans différents traités européens et dont nous constatons, là encore, la nocivité. Nous devons nous doter des moyens d'agir contre ces pratiques. Les chiffres que j'ai cités parlent d'eux-mêmes.
Nous maintenons cet amendement qui devra alimenter le débat autour de la fraude fiscale et nous permettre de prendre des mesures à la hauteur des enjeux.
L'amendement no 36 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 38 .
Cet amendement est particulièrement important et nous ne comprendrions pas qu'il ne suscite pas l'adhésion sur tous les bancs de cette assemblée.
Sourires.
Nous proposons d'adjoindre au Parlement une structure dédiée pour traiter les questions d'évitement fiscal et d'échanges de renseignements.
Ces questions sont si complexes qu'elles justifient le recours à des experts indépendants et objectifs. Ceux que nous avons rencontrés pour préparer notre proposition de loi relative aux paradis fiscaux sont d'ailleurs enchantés par cette perspective. La mise en place d'un tel organisme permettrait de surcroît de mieux associer les citoyens et les associations qui travaillent depuis des années sur ces pratiques et qui les dénoncent avec force.
Un observatoire indépendant, rattaché au Parlement, serait une formule particulièrement intéressante. Elle pourrait s'inspirer du modèle de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Bicaméral, il est composé à nombre égal de députés et de sénateurs et se trouve assisté d'un conseil scientifique de vingt-quatre personnalités de haut niveau.
L'observatoire pourrait ainsi reprendre cette formule bicamérale associant également des experts en questions fiscales, financières et économiques, au nombre de dix-huit, pour apprécier en toute sérénité les problématiques liées à l'évitement fiscal et les progrès ou reculs enregistrés. Il pourrait assister les parlementaires dans la tenue du débat sur la liste des paradis fiscaux élaborée selon les critères définis au code général des impôts.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Cet amendement a été rejeté par la commission. Il ne nous semble pas opportun de créer un office parlementaire spécifique. Les commissions disposent déjà des prérogatives nécessaires.
Par ailleurs, nous avons le projet de renforcer les moyens de contrôle et d'évaluation du Parlement en créant une agence en son sein qui permette de récupérer des données. Plutôt que de créer un office ad hoc, renforçons nos moyens pour aboutir aux mêmes résultats. Je vous invite à retirer votre amendement, sinon j'y serai défavorable.
Retrait ou avis défavorable, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure. Ajoutons que la création d'un office parlementaire relève davantage du règlement de l'Assemblée nationale que d'une loi, ce qui explique que le Gouvernement n'ait pas à juger de son opportunité.
Par ailleurs, jeudi dernier, Gérald Darmanin a annoncé la création d'un observatoire de la fraude fiscale qui associera les ONG, des experts, des statisticiens mais aussi des parlementaires. Par cet observatoire, à la composition plus diverse et aux compétences particulières, l'objectif que vous poursuivez nous semble atteint, dans un périmètre quelque peu différent.
En effet, le ministre a bien annoncé la création d'un observatoire indépendant. Réclamé depuis longtemps par les ONG ou des économistes, nous l'avions évoqué lors de l'étude de la proposition de loi relative aux paradis fiscaux que j'ai déposée. Je me souviens encore du ministre nous appelant à travailler en ce sens et à proposer la création d'un tel observatoire. Tel est l'objet de cet amendement ! Le ministre a soulevé l'idée, un député communiste dépose l'amendement : travaillons de pair ! C'est très bien, tout cela.
Avec la même courtoisie que mes collègues, je tiens à déclarer que, par respect pour eux comme pour le ministre Darmanin, qui a ouvert la voie à cet amendement, je le maintiens.
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
Monsieur Bourlanges, monsieur de Courson, vous avez expliqué en commission des finances que le combat contre les paradis fiscaux ne se mène pas à l'échelle d'un pays, que c'est un combat international, qu'il ne peut être mené qu'à l'échelle de l'Union européenne, parce qu'à l'échelle de la France il n'est pas possible d'avancer étant donné les lois et le contexte internationaux...
Mais voyez-vous, la difficulté du combat contre les paradis fiscaux, c'est que lorsque nous proposons des initiatives à l'échelle nationale, on nous répond que le combat se mène à l'international, et que lorsque nous faisons des propositions de combat à l'échelle internationale, on nous répond que c'est impossible, beaucoup trop compliqué, parce qu'on ne peut jamais mettre tout le monde d'accord... Bref, on n'avance pas.
Je prends pour exemple cet amendement : il demande au Gouvernement de remettre tous les ans un rapport au Parlement sur les initiatives qu'il a prises pour travailler, à l'échelle de l'ONU, à une COP – conférence des parties – de la finance mondiale, sur le modèle de la COP environnementale.
Cet amendement reprend une proposition de résolution européenne « pour une Conférence des parties (COP) de la finance mondiale, l'harmonisation et la justice fiscales », qui a été adoptée à l'unanimité sous la précédente législature à l'initiative d'Alain Bocquet, le 2 février 2017, et qui vise à ce que le Gouvernement se batte pour obtenir une COP fiscale en vue de promouvoir la justice fiscale. Voilà comment il est possible de mener le combat à l'échelle internationale que vous appelez de vos voeux.
Je compte donc sur vous pour soutenir cet amendement, et sur la rapporteure et le ministre de l'action et des comptes publics pour que le Gouvernement nous remette chaque année un rapport nous informant de toutes les initiatives qu'il aura prises pour obtenir une COP fiscale.
Sans préjuger de l'opportunité d'une COP fiscale en tant que telle, je vous rappelle que des débats internationaux nourris sont menés par l'OCDE depuis des années. L'OCDE a même largement ouvert le club des pays invités à ces débats, notamment depuis 2012 sur le plan d'action BEPS – sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices – qui a réuni, outre les pays membres de l'OCDE, tous les pays en voie de développement pour réfléchir à l'impact de l'optimisation fiscale sur eux.
Aujourd'hui les travaux associent 117 pays. Demander au Gouvernement de prévoir une instance parallèle à tous ces travaux en cours risquerait, me semble-t-il, de créer du chaos plus qu'autre chose.
Ce que je pense, c'est qu'il faut investir lourdement dans nos négociations à l'OCDE. C'est le bon niveau, parce que c'est celui des conventions bilatérales. L'impôt sur les sociétés, contrairement à la TVA, n'est pas un impôt européen ! Seules certaines mesures en matière d'impôt sur les sociétés sont régies par des directives européennes. Leur nombre a augmenté récemment, mais pendant longtemps, il n'y en a eu que trois : la directive intérêts et redevances, la directive mère fille et la directive sur les fusions transfrontalières, bref des sujets très précis.
La manière dont le partage du bénéfice d'une multinationale s'effectue au niveau mondial se décide dans des conventions bilatérales d'État à État, dont la plupart sont sur le modèle OCDE. C'est la raison pour laquelle l'OCDE est le bon interlocuteur : une experte de l'OCDE ici présente, Bénédicte Peyrol, pourra vous le confirmer. Enrichissons notre débat à l'OCDE, continuons de soutenir les travaux de Pascal Saint-Amans : ce sera plus profitable que de faire du symbole pour du symbole en demandant la création d'instances. C'est le moyen efficace pour aboutir à des décisions qui seront inscrites dans le droit. L'OCDE l'a déjà fait, avec la convention multilatérale qui a modifié les conventions bilatérales et que nous avons transposée. C'est cela le bon outil pour changer le droit. Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis.
Monsieur Roussel, ce que vous dites est sympathique ! Mais vous demandez un rapport. Or je constate que vos propositions contiennent trois formes reconnues de l'impuissance : la demande de rapport, la demande de débat et la demande d'observatoire indépendant. C'est le prêt-à-porter du parlementaire impuissant.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
Nous serions évidemment très heureux d'avoir un tel rapport, mais ce n'est pas le problème. Pourquoi toujours demander des choses qui n'apportent rien ? Nous n'aurons même plus le temps de les lire tous, tellement vous en demandez ! Reconnaissez-le !
Je suis tout à fait d'accord avec vous pour reconnaître que nous sommes globalement nuls, au plan européen et au plan national, dans la lutte contre les paradis fiscaux. Seulement, vous ne voyez pas le maillon faible, qui est, pour l'Union européenne, de ne pas disposer du pouvoir institutionnel de prendre les décisions qui s'imposent. Quand elle l'a, elle agit ! Voyez ce que fait Mme Vestager Hansen, la commissaire danoise à la concurrence : le droit de la concurrence lui donne les moyens de faire plier des États !
Vous ne reconnaissez pas le caractère institutionnel fondamental de notre impuissance, et vous êtes dans la contradiction idéologique. Les jours pairs, vous demandez la souveraineté des États, et les jours impairs vous demandez la soumission des États. C'est ça, votre problème. Nous sommes d'accords sur le fond, nous ne le sommes pas sur les moyens, tout simplement parce que vous refusez d'envisager les vrais moyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir.
Monsieur Roussel, vous avez évoqué la COP environnement : êtes-vous au courant de ce qui lui est arrivé ? Pour ma part, j'aurais plutôt peur de la prendre pour référence. Et avez-vous entendu parler d'un certain M. Trump ? Pensez-vous que vous trouverez un accord avec lui ? La seule solution est de continuer dans le cadre de l'OCDE, car c'est grâce à elle qu'on avancera.
Pas du tout, écoutez-moi jusqu'au bout ! Autrefois, vous étiez pour l'internationalisme prolétarien. Vous vous êtes recroquevillés sur une conception nationale. Ouvrez les fenêtres ! Vive l'internationalisme fiscal ! C'est la seule solution.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.
Ce que nous demandons réellement, ce n'est pas un rapport : nous demandons au gouvernement français d'agir fortement contre les paradis fiscaux en utilisant tous les moyens, c'est-à-dire en allant jusqu'à la réunion d'une COP « paradis fiscal » s'il le faut. Et nous demandons au gouvernement français de rendre compte de son action dans ce domaine au Parlement, ce qui implique souvent la remise d'un rapport. Si vous le souhaitez, nous accepterons n'importe quel sous-amendement qui supprime le rapport et qui demande au Gouvernement de rendre compte au Parlement. Si cela suffit à le faire accepter sur tous les bancs...
C'est tout de même la moindre des choses que le Parlement, notamment l'Assemblée nationale, demande au Gouvernement de rendre compte de son action contre les paradis fiscaux ! Il doit préciser les actions qu'il a menées à l'OCDE, à l'ONU, au sein de l'Union européenne, au plan bilatéral. Tel est le sens de cet amendement, qu'il est possible de sous-amender afin de mettre tout le monde d'accord.
M. Lecoq a évoqué l'idée de rendre compte : j'ai déposé un amendement en commission des finances afin que, lors d'un débat sur les ETNC, le Gouvernement rende compte à l'Assemblée nationale de son action sur le sujet. Il a été adopté en commission, créant l'article 11 bis C. Je crois que votre groupe a déposé un amendement à cet article pour une question de temporalité, mais il me semble que votre demande est satisfaite.
Il n'est pas sérieux de critiquer cet amendement en arguant qu'il est du domaine du symbole, étant donné les nombreux amendements très concrets qui ont déjà été présentés, visant à trouver des compromis par exemple ou à revoir certaines dispositions à la baisse. Je ne crois pas non plus qu'on puisse arguer d'une forme de célébration de l'impuissance : c'est tout le contraire. L'Assemblée nationale fait la loi, et nous essayons de donner au gouvernement des moyens qui pèseront lourd, dans sa besace, lorsqu'il ira négocier à l'international.
Monsieur Bourlanges, vous devez vous rendre compte tout de même que vous expliquez qu'on ne peut rien faire puisqu'il faut l'unanimité pour agir au niveau européen.
C'est ce que vous avez dit, monsieur Bourlanges. Il en est de même au plan international : vous consacrez l'impuissance.
En revanche, vous connaissez suffisamment nos positions pour ne pas pouvoir nous faire le reproche d'ignorer le problème institutionnel. Nous proclamons au contraire qu'il faut remettre en cause certaines institutions européennes. C'est, vous le savez, une des batailles que nous menons au Parlement européen, ainsi qu'aux côtés de nos collègues du bloc de gauche au Portugal et de Podemos en Espagne, avec lesquels nous avons conduit une campagne sur la fraude et l'évasion fiscales.
Nous ne nous contentons donc pas de symboles : nous menons aussi des actions concrètes. Nous mettons sur la table des propositions qui nous paraissent aller dans le bon sens, notamment pour que l'Europe ne se contente pas de voeux pieux mais agisse.
Madame Peyrol, c'est une question de méthode : vous semblez d'accord avec le principe de notre amendement et nous sommes d'accord avec le principe du vôtre. Mais pour l'instant, l'article dont vous avez parlé n'est pas encore examiné. Qu'est-ce qui interdit d'adopter notre amendement, quitte à ce qu'il tombe si une meilleure disposition est adoptée par la suite ? Car on ne sait jamais ce qui peut arriver.
Réalisons déjà cette petite avancée, faisons ce petit pas vers le bon sens. Je vous invite à voter l'amendement que nous proposons.
L'amendement no 37 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l'amendement no 228 .
Après ce vif débat, je tiens à préciser que l'amendement no 228 ne se contente pas d'une demande de rapport : elle est assortie d'une demande d'action. Je demande une étude, puis la mise en oeuvre de l'étude. C'est la raison pour laquelle j'y tiens.
Un rapport ? Quelle horreur ! Quel constat d'impuissance !
Sourires.
Le constat est tout simple : une liste sans sanctions ne sert à rien. Or des sanctions, il y en a, mais elles sont insuffisantes. Si elles ne l'étaient pas, les États de la liste deviendraient plus vertueux.
Cet amendement vise donc à ce que nous réfléchissions ensemble à un volet sanction qui peut être d'abord français, mais adaptable à l'Union européenne afin d'être partagé avec nos partenaires européens. Ce volet prendrait la forme d'une taxe ayant vocation à sanctionner les transactions entre la France et les États et territoires non coopératifs. Il s'agit donc bien, dans le même amendement, d'une demande de rapport et d'action.
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.
La liste des États et territoires non coopératifs est assortie de vingt-quatre contre-mesures déjà en vigueur, dont vous trouverez la liste à la page 89 du rapport. Nous avons déjà inscrit dans la loi l'organisation d'un débat annuel sur la liste des ETNC : ce sera l'occasion de voir comment cette liste évolue et, surtout, comment on applique les contre-mesures qui existent déjà. Que le Gouvernement et la commission des finances observent ce qui est appliqué avant d'envisager d'autres dispositions ! Consultez les vingt-quatre contre-mesures existantes : vous verrez qu'il y a énormément de choses. Mettons-les en oeuvre ! Aujourd'hui, nous ne savons pas comment se comporteront les ETNC à l'avenir. Allons-nous vraiment mettre en oeuvre ces mesures ? Nous aurons l'année prochaine un débat sur ce sujet, puisque nous en avons inscrit le principe dans la loi. Nous verrons ensuite s'il faut étendre ces contre-mesures.
Je demande le retrait de l'amendement no 228 , pour les raisons évoquées par Mme la rapporteure : le débat aura lieu, nous aurons l'occasion de procéder à l'évaluation.
Vous proposez, madame la députée, d'aller plus loin que le rapport : vous envisagez déjà la possibilité d'une sanction à étudier. La sanction supplémentaire que vous proposez, avec un taux relativement bas, ne nous paraît pas véritablement significative par rapport à la retenue à la source de 75 % pouvant déjà être appliquée aux transactions financières de la France vers les États et territoires non coopératifs.
Pour résumer, la sanction que vous voudriez évoquer dans la lettre de mission qui commanderait le rapport ne nous semble pas assez significative. Par ailleurs, nous débattrons de ce sujet dans les conditions prévues à l'article 11. À défaut d'un retrait, je donnerai à votre amendement un avis défavorable.
Oui, madame la présidente, je le maintiens, pour une raison assez simple. Effectivement, des mesures existent déjà, mais nous ne sommes pas aujourd'hui capables de les appliquer partout. Mon amendement vise non seulement à avoir ce débat, mais également à trouver une réponse qui pourra être mise en oeuvre partout. Les mesures existent, mais on se rend bien compte aujourd'hui qu'elles ne vont pas jusqu'au bout. C'est pourquoi je voudrais que mon amendement soit mis aux voix.
Nous sommes heureux que cet amendement soit maintenu. Comme nous ne sommes pas des députés impuissants et que nous n'aimons pas les débats stériles, nous allons voter cette demande de rapport. Je serai curieux de voir ce que M. Bourlanges va voter.
L'amendement no 228 n'est pas adopté.
Madame la présidente, après le long débat que nous venons d'avoir, pourriez-vous suspendre la séance quelques minutes ? Nous avons besoin de prendre l'air et de préparer la suite de nos discussions.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue le mercredi 19 septembre 2018 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure vingt.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 214 , tendant à supprimer l'article 11 bis A.
L'article 11 bis A a été adopté lors de l'examen du projet de texte par la commission des finances, à l'initiative de Mme Bénédicte Peyrol. Après des échanges approfondis et un travail d'examen des différentes dispositions de l'article, il apparaît que nous gagnerions à le supprimer, car l'essentiel des objectifs est satisfait et que le travail doit continuer. Je tiens à saluer le travail de Mme Peyrol sur ces aspects, mais il nous paraît plus judicieux de supprimer cet article et de continuer à travailler un peu différemment.
Nous avions en effet appliqué avec une certaine automaticité l'article 209 B du code général des impôts, qui permet d'imposer les résultats de filiales relevant de régimes fiscaux privilégiés, à la notion d'ETNC. De fait, cette automaticité est peut-être un peu trop large : cette extension que nous avons prévue s'applique à tous les ETNC alors que l'article 11 module les contre-mesures, ce qui est un peu contradictoire. J'émets donc un avis de sagesse, et même plutôt un avis favorable.
L'amendement no 214 est adopté et l'article 11 bis A est supprimé.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 196 .
Cet amendement tend, à l'alinéa 1, de substituer au taux de 40 % celui de 35 %. En effet, le présent article 11 bis B, adopté lors de l'examen du projet de loi en commission des finances et relatif à la qualification de régime fiscal privilégié, a le mérite de tenter de corriger l'une des conséquences concrètes de l'abaissement progressif du taux de l'impôt sur les sociétés à 25 % en 2022. En effet, si aucun ajustement législatif n'est apporté, cette baisse se traduira par une diminution sensible du plafond sous lequel un régime fiscal est qualifié de privilégié.
Toutefois, bien que cet article apporte un correctif nécessaire, force est de constater qu'il ne va pas au bout du chemin. Comme l'illustre bien le rapport, en page 328, le taux en deçà duquel un régime fiscal serait qualifié de privilégié serait de 15 % en 2022, quand il est de 16,66 % aujourd'hui. Or, il y a lieu de préserver et de garantir au concept de régime fiscal privilégié toute sa vigueur et sa puissance. Il s'agit en effet d'un outil important pour prévenir et sanctionner des pratiques fiscales préjudiciables à notre pays.
Nous proposons donc que le nouveau plafond soit établi à 65 % de l'impôt sur les sociétés à partir de 2020. En 2022, le taux en deçà duquel un régime fiscal serait qualifié de privilégié serait de 16,3 %, garantissant la stabilité dudit régime.
L'amendement no 196 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 11 bis B est adopté.
Cet amendement tend à la suppression de l'alinéa 2 de l'article. Nous considérons que la tenue d'un débat annuel sur les États et territoires non coopératifs, c'est-à-dire les paradis fiscaux, est nécessaire et doit être effective, comme je le proposais dans la proposition de loi que j'ai défendue en mars dernier. Nous accueillons donc favorablement la proposition de Mme Peyrol visant à mettre à l'ordre du jour de ce débat l'évolution de la fiscalité des entreprises au sein de l'Union européenne. En revanche, nous pensons que tenir ces discussions au moment de l'examen du projet de loi de finances, comme il est proposé ici, risque de reléguer ce débat au second rang. Nous proposons donc au bureau de la commission des finances de se saisir de ces questions au cours du premier semestre de chaque année, c'est-à-dire après l'examen et le vote du projet de loi de finances. L'amendement a ainsi pour seul objet de décaler la date de ce débat sur les paradis fiscaux.
Le Gouvernement n'est jamais opposé à un débat, mais pour ce qui concerne les modalités et l'organisation de celui-ci, il s'en remet à l'Assemblée nationale. Sagesse.
Monsieur Roussel, vous voulez modifier l'article que j'évoquais tout à l'heure, introduit par la commission des finances à mon initiative. Je souscris tout à fait à votre proposition, qui donnera d'autant plus de lisibilité à nos débats sur ce point.
L'amendement no 197 est adopté.
L'article 11 bis C, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 279 , portant article additionnel après l'article 11 bis C.
Cet amendement vise à rendre les enseignes qui usent de mécanismes d'optimisation fiscale redevables de leurs obligations. C'est notamment par ces mécanismes fiscaux agressifs que l'enseigne McDonald's organise un système d'affaiblissement des bénéfices de certaines de ses filiales au profit d'autres, dans le but d'échapper à l'impôt français sur les sociétés et de ne pas redistribuer ses bénéfices aux salariés qui oeuvrent pour son activité.
McDonald's recourt à un système de franchises et devient finalement un simple loueur de surfaces. Les salariés se retrouvent donc avec des droits différents selon les filiales. Ce mécanisme contraint la répartition équitable des bénéfices au profit de tous les salariés. McDonald's a développé ce système de franchises au niveau européen et à l'international. En France, ses franchises représentent 80 % de ses restaurants, ce qui lui permet d'échapper en grande partie à l'impôt sur les sociétés français. En effet, en imposant des redevances particulièrement élevées à ses restaurants français, l'enseigne leur permet de déclarer des bénéfices très faibles. Ces redevances vont alors gonfler les bénéfices de la société mère, installée au Luxembourg, où l'impôt sur les sociétés est bien plus faible.
Pour éviter cela, nous proposons que le fisc français puisse s'intéresser au ratio entre le chiffre d'affaires français et le chiffre d'affaires mondial d'entreprises comme McDonald's et le comparer au ratio entre le bénéfice français et le bénéfice mondial. Si ces ratios sont manifestement décorrélés, nous proposons que l'administration fiscale puisse recalculer les bénéfices réels de l'entreprise en France. Par exemple, si une entreprise réalise 10 % de son chiffre d'affaires mondial en France, il faudrait qu'elle déclare environ 10 % de ses bénéfices mondiaux en France.
Cette solution s'inspire de la proposition de l'économiste Gabriel Zucman et devrait nous permettre de lutter efficacement contre ces transferts de bénéfices dont usent de nombreuses multinationales.
Dans le cadre de la mission d'information de Mme Peyrol, M. Zucman a en effet proposé cette solution. Il lui a été opposé le fait qu'elle détricotait toutes les conventions fiscales : il a répondu qu'on pouvait bien les détricoter. C'est ça, allons-y gaiement ! Détricotons plus de cent ou cent cinquante conventions fiscales bilatérales ! Et nous serons sûrs que plus rien ne fonctionne...
Ces conventions fiscales sont aussi faites pour assurer la répartition de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, et pas du tout pour l'évasion fiscale. De tels mécanismes peuvent exister, notamment en matière de contrôle des prix de transfert. On peut donc parfois utiliser de telles clés de répartition du résultat. En revanche, fonder un impôt uniquement sur la part du chiffre d'affaires français dans le chiffre d'affaires mondial est contraire aux conventions fiscales. C'est la raison pour laquelle la mission d'information sur l'évasion fiscale a expressément écarté ce type d'impôt forfaitaire. L'avis est donc défavorable.
Défavorable.
L'amendement no 279 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 219 .
Cet amendement vise à nous faire préciser un point important. L'article 209 B vise à réintégrer dans la base imposable de notre pays les bénéfices réalisés dans des pays tiers à fiscalité privilégiée. Les informations dont nous disposons sur la réglementation européenne nous paraissant contradictoires, nous voulons simplement vérifier que cette disposition 209 B s'applique bien aux pays de la Communauté européenne.
Vous inversez la charge de la preuve de la clause de sauvegarde, or il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'il revient à l'administration de démontrer, par tous moyens, l'artificialité du montage, ou de fournir un commencement de preuve ou d'indice.
La version consolidée de l'article 209 B du code général des impôts telle qu'elle résulterait de l'adoption de votre amendement conduirait à un fort risque d'inintelligibilité de la norme, dans la mesure où cohabiteraient trois clauses de sauvegarde à l'articulation difficile voire contradictoire. C'est pourquoi mon avis est défavorable.
J'ajoute que la jurisprudence évoquée par Mme la rapporteure est appliquée en France par le Conseil d'État, qui a pu préciser que, s'agissant de l'exit tax au sein de l'Union européenne, l'obligation faite aux contribuables de démontrer l'absence de montage destiné à éluder exclusivement l'impôt, sans que l'administration fiscale n'ait à fournir à cet égard le moindre indice d'abus, va au-delà de ce qu'implique normalement la lutte contre la fraude fiscale. Or l'article 209 B du CGI présente un champ d'application large puisqu'il concerne toutes les filiales situés dans des pays ayant un taux d'imposition inférieur de moitié à celui pratiqué par la France.
Je demande donc le retrait de l'amendement, à la fois parce que nous ne souhaitons pas l'inversion de la charge de la preuve, et parce que je crois que vous êtes satisfait, monsieur le député, s'agissant de l'application de l'article 209 B.
Monsieur le ministre et madame la rapporteure m'ont convaincu. Cette disposition s'applique bien aux pays de l'Union européenne, et il n'est pas nécessaire de recourir à une inversion de la charge de la preuve. Je retire l'amendement.
L'amendement no 219 est retiré.
Il vise à permettre à la France de contrecarrer les schémas d'évasion fiscale pratiqués par les multinationales du numérique en renforçant le contrôle effectué sur les entreprises non-résidentes ayant une activité économique numérique continue sur le territoire national. Le principe est simple : il impose une taxation de 10 % du chiffre d'affaires des entreprises non-résidentes ayant pourtant une activité économique marquée en France.
La suppression des barrières douanières au sein de l'Union européenne, l'absence d'harmonisation des politiques et des procédures de contrôle, mais également les délocalisations des entreprises et des individus constituent un facteur de développement pandémique de l'évitement des obligations fiscales. Le développement de l'économie de l'immatériel a participé du fléau que représente l'optimisation fiscale.
L'Union européenne aurait perdu 5,4 milliards d'euros de revenus fiscaux en provenance de Google et Facebook entre 2013 et 2015, et, selon la Commission européenne, les GAFA paient moitié moins d'impôts que les autres entreprises traditionnelles. Il est donc crucial de mettre un terme à ces pratiques.
Cette proposition s'inspire des recommandations de la mission d'information sur l'optimisation et l'évasion fiscales.
Elle s'appuie également sur la proposition du ministre, Bruno Le Maire, qui souhaitait mettre en place une taxation européenne de 3 % du chiffre d'affaires des géants du numérique.
Le taux de 3 % nous paraissant trop faible, et les traités européens imposant qu'une réforme fiscale soit adoptée à l'unanimité, ce qui a très peu de chances d'arriver, l'urgence demande que nous prenions des mesures et que la France montre l'exemple.
Rappelons que les recettes que l'Union européenne perd à cause de l'évasion fiscale des multinationales sont équivalentes à la moitié des dépenses publiques européennes pour l'enseignement supérieur. En adoptant cette mesure, nous montrerions l'exemple à d'autres États qui pourraient s'en inspirer afin que progressivement ce système se répande.
Je ne vais pas entrer dans les incohérences de l'amendement. Vous proposez tout de même de retenir la notion « d'établissement stable virtuel » pour taxer finalement tout le chiffre d'affaires. Vous mélangez les propositions européennes. Vous étendez la taxe à la totalité du chiffre d'affaires après avoir commencé par prendre en compte uniquement celui des services numérique. Tout cela est assez confus.
De toutes les manières, vous savez qu'aujourd'hui ces sujets sont débattus au sein de l'OCDE – en particulier s'agissant de la présence numérique – et de l'Union européenne. La Commission a des projets en cours, dont celui relatif à la taxation du chiffre d'affaires, même si nous estimons que ce dispositif doit être provisoire, comme le rappelait Mme Peyrol, car l'objectif est de parvenir à rattacher un résultat taxable en Europe. Il y a aussi le projet d'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, et certains projets sont poussés par les parlementaires européens, en particulier M. Lamassoure, sur d'autres modalités de taxation de la présence numérique, ou de rattachement à un établissement stable numérique en fonction de la collecte de données. L'OCDE et l'Union européenne constituant les bons niveaux de négociation, mon avis est donc défavorable.
Même avis.
Madame la rapporteure, je croyais que nous essayions de trouver un dispositif pour avancer dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, mais vous ne faites que nous répéter que des projets de l'Union européenne ou de l'OCDE sont en cours... ce qu'on entend depuis des décennies.
Nous vous proposons des solutions très concrètes, non pas de gaieté de coeur, contrairement à ce que vous disiez, mais de façon grave, parce que nous pensons que le niveau de la fraude et de l'évasion fiscale le nécessite.
Vous avez critiqué la rédaction de l'amendement, mais vous auriez parfaitement pu l'améliorer. Nous aurions été très heureux et très heureuses de connaître les détails de vos améliorations, mais vous renvoyez encore une fois à d'autres le soin d'agir, et du même coup la responsabilité. Vous vouliez un projet de loi sur la fraude qui nous donnerait les moyens d'agir ici et maintenant, mais vous prouvez une nouvelle fois que vous n'avez aucunement l'intention de mener à bien ce que vous annonciez.
Madame Obono, dire que nous ne voulons prendre aucune mesure en matière de fraude fiscale, c'est bien méconnaître l'action de la France dans les négociations internationales sur la fraude fiscale.
Au sein de l'OCDE d'abord, je rappelle que la France a joué un rôle moteur dans la convention fiscale multilatérale BEPS. C'est grâce à l'impulsion de la France que nous avons pu obtenir des résultats tout à fait significatifs. Et au niveau européen, la France est aussi au coeur des évolutions s'agissant, par exemple, de la taxation des GAFA.
Nous dire que nous ne prenons aucune mesure pour lutter contre la fraude fiscale, c'est ne pas reconnaître le travail effectué dans le cadre de la mission d'information sur le verrou de Bercy ni de celle sur l'évasion fiscale – autrement dit le travail parlementaire ; c'est également méconnaître fondamentalement l'action de la France dans les instances internationales pour lutter contre ce phénomène. Certains observateurs avisés soulignent pourtant que la France a, en cette matière, une diplomatie fiscale très ingénieuse. J'ajoute que cette action n'a pas commencé avec Emmanuel Macron. Elle s'inscrit dans un continuum qu'il faut savoir reconnaître.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'exposé sommaire de l'amendement que vous nous avez lu, madame Obono, indique que votre amendement est issue d'une proposition du rapport d'information relative à l'évasion fiscale internationale des entreprises que j'ai présenté la semaine dernière.
Il ne s'agit absolument pas d'une proposition, en tant que telle, de ce rapport. Celui-ci doit être lu comme une feuille de route systémique dont la première proposition consiste à soutenir fermement au niveau européen, derrière Bruno Le Maire, derrière le Gouvernement, et derrière Emmanuel Macron, la fameuse taxe à 3 % sur le chiffre d'affaires des services du numérique. Je vous invite donc à soutenir cette mesure, ainsi que le projet ACCIS d'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, qui permet aussi de participer à la lutte contre l'optimisation fiscale.
Au cas où ces négociations échoueraient d'ici à deux ans,...
... il faut limiter dans le temps la taxation de 3 % et discuter, en parallèle, de la notion d'établissement stable virtuel, qui est sur la table aussi bien à l'OCDE au sein de l'Union.
Tout cela se fera progressivement, mais vouloir mettre en place, seuls, une taxation de 10 % des chiffres d'affaires reviendrait à remettre en cause l'ensemble des conventions fiscales bilatérales et ferait exploser le système. Ce n'est pas du tout ce que je propose dans le rapport d'information !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 278 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 184 .
Avant d'en venir à l'amendement, je veux remercier notre M. Labaronne d'avoir souligné que nous étions dans un continuum en matière de lutte contre la fraude fiscale. En 2013, j'étais chef de file des députés socialistes dans cet hémicycle pour voter l'amendement sur les paradis fiscaux dans la loi de séparation bancaire, qui n'en était pas vraiment une. En 2016, avec la loi Sapin 2, nous nous sommes mis au niveau des meilleurs standards européens sur des sujets assez méconnus et marginaux, comme les « fonds vautours ».
Il y a donc bien un continuum, même si, comme Mme Obono, je pense que ce n'est jamais assez. C'est d'ailleurs pour cela que nous sommes ici.
La proposition que nous vous faisons à l'amendement no184 , avec Mme Rabault et les membres du groupe Socialistes et apparentés, s'inscrit dans le cadre de cette recherche de solutions pratiques et concrètes, qui ne soient pas qu'incantatoires.
Elle vise à ce que les établissements bancaires et assimilés aient l'obligation de demander un quitus fiscal pour tout transfert de fonds hors du territoire national supérieur à 10 000 euros, afin de pouvoir vérifier que ces fonds ont bien répondu aux obligations fiscales. C'est très simple. L'établissement qui ne demanderait pas le quitus serait taxé à hauteur de 2 % de la somme transférée. Cela nous paraît juste, mesuré, dissuasif et efficace. Je suis sûr que cela emportera votre adhésion.
Vous prévoyez que le défaut d'obtention du quitus entraînera un prélèvement de 2 % des avoirs transférés, c'est-à-dire le paiement d'une amende, sauf si la preuve est apportée que les obligations fiscales et anti-blanchiment ont été respectées. Cela semble délicat au regard de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne. Je vous renvoie en particulier à l'arrêt Euro Park Service de 2017, qui censure les dispositifs nationaux prévoyant une présomption générale d'abus.
Par ailleurs, les obligations des établissements financiers seront bientôt complétées par la récente cinquième directive anti-blanchiment. En conséquence, j'émets un avis défavorable.
Défavorable, pour les mêmes raisons. J'ajoute, monsieur le député, que le prélèvement de 2 % pour défaut de quitus pourrait être considéré comme une entrave à la libre circulation, y compris des capitaux, à l'échelle européenne. À défaut de retrait, je serai défavorable à l'amendement.
L'amendement no 184 n'est pas adopté.
L'article 11 bis introduit en première lecture au Sénat par amendement vise à donner une valeur législative à ce que l'on pourrait appeler un code de conduite pour l'Agence française de développement – AFD – qui sera appliqué à l'ensemble des États et territoires non coopératifs.
J'ai un doute concernant la nécessité d'introduire un tel article, car il apparaît que la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale comporte déjà des dispositions en la matière, et que des textes réglementaires en précisent les modalités d'application. Cet article me semble en conséquence superfétatoire, et il convient de le supprimer.
Nous cherchons à produire des lois simples et lisibles, et non à légiférer pour légiférer. C'est pour cela qu'il faut supprimer l'article 11 bis : au mieux, il ne sert pas à grand-chose, voire à rien, et au pire il est contre-productif.
Mme Louwagie a cité la loi du 7 juillet 2014. Il faut y ajouter la lettre de cadrage du ministre des finances et des comptes publics du 2 février 2016, que le conseil d'administration de l'AFD a intégré dans la procédure et dans sa politique de groupe.
Cet article me semble contre-productif à bien des égards, car il stigmatise un groupe français qui porte une grande partie de la politique de développement de notre pays, et qui réussit bien. Il lui donne un handicap. C'est assez français que d'avoir un organisme emblématique et de ne pas lui donner toutes les chances de réussir et de déployer au mieux les politiques publiques dans les différents pays dans lesquels il opère.
Contrairement à ce qui a été dit, cet article n'entend nullement stigmatiser l'AFD ou ses filiales. Il tend à consacrer dans la loi la politique vertueuse de ce groupe en y inscrivant ce qui actuellement, madame Louwagie, relève d'un simple code de conduite : cela n'a pas force de loi. Compte tenu du rôle et de l'importance de l'AFD et de sa filiale Proparco, et de l'origine publique des fonds, il n'est pas incohérent d'élever cet engagement du groupe au niveau normatif. Je rappelle par ailleurs que, sensible à l'éventuelle restriction de la pratique actuelle que pouvait impliquer le dispositif adopté par le Sénat, j'avais introduit par amendement une clause de sauvegarde au moment de l'examen du texte en commission des finances. Avis défavorable.
L'amendement no 176 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
On reste ici sur le sujet sensible de l'aide publique au développement et du déploiement, par les agences françaises, de leurs instruments dans les pays non conformes aux codes fiscaux que nous cherchons à édifier ensemble. La question est délicate : faut-il pénaliser la communauté paysanne, le projet hydroélectrique, le projet de recherche médicale ou l'accompagnement d'une collectivité d'un pays parce que celui-ci déroge à la bonne conduite en matière fiscale ? Les sénateurs socialistes avaient été assez exigeants en demandant une cohérence entre les politiques de développement de la France et les règles fiscales. C'était très vertueux, mais vous avez souhaité modifier cette ligne par des amendements.
Celui que je propose est modéré : lorsque l'intérêt économique – dans mon esprit, il s'agit de l'intérêt économique, social et écologique – du projet est avéré, on peut prévoir une dérogation permettant à l'AFD d'intervenir dans le pays même si celui-ci figure sur une liste noire ou grise, au nom de l'intérêt des communautés locales et du partenariat noué. Ces décisions devront se prendre avec discernement. La mesure est suggérée par l'AFD et s'inscrit de façon plus générale dans les combats de l'aide publique au développement. C'est un sujet extrêmement délicat, mais cette solution mesurée est de nature à réconcilier tous les intérêts en jeu.
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir l'amendement identique no 237 .
Cet amendement s'inscrit dans le prolongement de ce qui vient d'être dit. Il vise à clarifier la législation relative aux investissements de l'AFD en reprenant la rédaction qui figure dans l'annexe à la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, et dans la politique de sécurité financière de l'AFD. Lors de l'examen en commission des finances, nous avons ajouté une dérogation à l'interdiction générale posée par l'article 11 bis pour permettre le financement lorsque l'actionnaire de contrôle établit que son immatriculation est justifiée par un intérêt économique réel dans l'État ou le territoire concerné.
Le groupe AFD dispose depuis 2004 d'une politique stricte de sécurité financière, encadrée par le ministère de l'économie et des finances et actualisée en 2009, 2014 et 2016. Cette politique interdit notamment au groupe AFD de financer des véhicules d'investissement immatriculés dans un ETNC n'y ayant aucune activité réelle, et interdit de financer des contreparties immatriculées dans un ETNC, à l'exception du financement d'un projet dont la réalisation s'effectue dans cet État. L'amendement proposé vise à reprendre cette dernière clause de sauvegarde afin d'éviter que des projets de développement ne soient interdits de financement au seul motif qu'ils sont réalisés dans un ETNC par une contrepartie dont l'actionnaire de contrôle y est immatriculé.
Il y a clairement une convergence de pensée : je ne vais pas répéter ce qui vient d'être brillamment expliqué par mes deux collègues.
Je considère que ces trois amendements complètent de manière très utile la clause de sauvegarde que nous avions introduite en commission des finances. Avis favorable.
Favorable aux trois amendements.
L'article 11 bis, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 150 .
Cet amendement propose que le rapport sur l'application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l'administration fiscale, publié chaque année par le ministère chargé du budget, mentionne également le montant médian des remises accordées. En effet, les écarts sont extrêmement importants et les montants moyens ne sont évidemment pas suffisants pour que les chiffres soient fidèles à la réalité. C'est pourquoi nous demandons l'introduction de ce critère médian.
L'amendement no 150 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 151 .
Je remercie Mme la rapporteure et M. le ministre pour l'avis favorable donné à l'amendement précédent. L'amendement no 151 va dans le même sens : il vise à compléter le même rapport en prévoyant que les transactions en cas de poursuites pénales dont le montant de l'atténuation accordée est supérieur à 200 000 euros soient communiquées, dans les deux chambres, au président et au rapporteur général des commissions des finances ainsi qu'au rapporteur spécial sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Nous avions déjà repoussé cet amendement en commission. En effet, il paraît superflu au regard des prérogatives du rapporteur général. Avis défavorable.
Avis défavorable également, à moins que l'amendement ne soit retiré. En effet, comme vient de le dire Mme la rapporteure, l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que le rapporteur général et le président des commissions des finances peuvent se faire communiquer l'ensemble des informations mentionnées dans l'amendement.
L'amendement no 151 n'est pas adopté.
L'article 12, amendé, est adopté.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l'amendement no 50 portant article additionnel après l'article 12.
Cet amendement vise à mettre fin à un abus qui consiste, pour les travailleurs frontaliers, à s'exonérer totalement de l'impôt sur le revenu en profitant des conventions bilatérales censées éviter la double imposition. Ces personnes, qui travaillent dans un pays voisin et y sont rémunérées tout en résidant en France, organisent leur insolvabilité : elles n'ont pas de bail locatif et louent une voiture en leasing. Dans ces conditions, aucun recouvrement n'est possible : les huissiers restent bredouilles, les avis à tiers détenteur sans suites. Cela marche pour les salariés, mais aussi pour des retraités qui vont chercher leur retraite en Suisse tout en vivant en France. Ils ne paient ni impôt sur le revenu, ni taxe d'habitation, ni aucun autre impôt. Pour éviter cet abus, l'amendement propose de suspende la délivrance, par la France, de l'attestation fiscale de résidence à ces travailleurs frontaliers qui ne s'acquittent pas de l'impôt dû dans notre pays.
La situation des travailleurs frontaliers est régie par un accord particulier de 1983 qui instaure un régime fiscal spécifique. L'imposition est due dans le pays où les travailleurs ont leur résidence fiscale et non dans celui où ils exercent leur activité. Les modalités d'application de ce régime ont été précisées, notamment en 2007, conformément à la convention bilatérale, par plusieurs échanges de lettres entre les autorités nationales, qui prévoient la mise en place de l'attestation de résidence fiscale des travailleurs transfrontaliers.
L'amendement propose de prévoir que cette attestation ne soit pas délivrée dans les cas où le contribuable ne s'acquitte pas de ses obligations fiscales. Si je partage votre objectif, une telle mesure impliquerait une modification des termes de la convention ou de ses modalités d'application, modification que seuls les États sont compétents pour opérer. La situation des travailleurs frontaliers me préoccupe particulièrement. Ainsi, pour ce qui est du Luxembourg, l'équité fiscale ne me semble pas du tout respectée à ce jour. Je vous propose donc de retravailler ce sujet en partenariat avec le Gouvernement pour en apprécier toutes les implications, notamment diplomatiques, et comprendre comment faire progresser l'équité fiscale. Je suggère le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
Monsieur le député, votre proposition vise à éviter que des travailleurs frontaliers qui résident en France n'échappent illégalement au paiement de l'impôt sur le revenu. Nous partageons évidemment cet objectif. Pour autant, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement dans la mesure où il conduirait la France à renoncer unilatéralement à son droit d'imposer des salaires au profit d'un État frontalier. Ainsi, là où la France devrait recouvrer de l'impôt, votre solution conduirait – bien malgré vous – à offrir ledit impôt aux pays frontaliers, en l'occurrence à la Suisse. Vous comprendrez donc que nous entendons régler le problème que vous soulevez par d'autres moyens, notamment en renforçant les moyens de lutte contre la fraude fiscale ou en développant l'échange automatique de renseignements concernant les travailleurs frontaliers suisses, ainsi que les modalités d'assistance au recouvrement des créances fiscales. Je m'associe par conséquent à la demande de retrait de Mme la rapporteure. À défaut, avis défavorable.
Le problème est en effet bien identifié. Vous parliez du Luxembourg, moi de la Suisse, mais cela revient au même. Le souci, c'est qu'il est identifié depuis vingt-cinq ans ! Je suis heureux que le ministre et la rapporteure expriment la volonté de le traiter. À titre d'exemple, les dettes de 150 000 euros représentent 87 personnes, pour 2 millions d'euros. On est loin des milliards du total de l'optimisation fiscale, mais cela se compte néanmoins en millions d'euros. C'est bien dommage pour les finances publiques, et pour la simple équité. C'est même tout bonnement inadmissible. Je retire mon amendement.
L'amendement no 50 est retiré.
Prochaine séance, cet après-midi, à seize heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.
La séance est levée.
La séance est levée à une heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra