Nous voici donc dans la dernière ligne droite pour adopter définitivement, après une commission mixte paritaire conclusive, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.
En ouverture de nos travaux en séance publique, en première lecture, M. le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, avait indiqué vouloir terminer le travail contre la fraude. Il est vrai que le précédent quinquennat avait été particulièrement actif en matière de lutte contre la fraude, avec pas moins de trois lois adoptées. Je remercie notre rapporteure, Émilie Cariou, de l'avoir rappelé très clairement dans son rapport.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2017, j'avais moi-même fait adopter un amendement destiné à lutter contre la fraude fiscale internationale, en permettant à l'administration fiscale d'indemniser les aviseurs. Au vu de son efficacité, nous ne pouvons que nous féliciter que cette mesure expérimentale, portant sur deux ans, ait été pérennisée.
En la matière, pourtant, le travail ne sera jamais terminé, tant l'imagination de certains pour contourner la loi et saper le pacte républicain, est sans borne.
Le hasard veut que l'adoption de ce texte intervienne alors que le procès contre la banque suisse UBS s'est ouvert il y a deux jours, et que cette banque aura utilisé tous les recours à sa disposition pour éviter ce procès. Cette tentative d'évitement illustre une fois de plus le danger des procédures transactionnelles en matière de fraude fiscale.
Le comportement de cette banque renforce les inquiétudes que j'avais exprimées au nom du groupe Socialistes et apparentés sur l'article 9 bis, qui vise à étendre la convention judiciaire d'intérêt public en matière fiscale.
Rejoignant mon collègue Charles de Courson, je regrette une nouvelle fois que vous n'ayez pas accepté notre amendement de suppression de cet article lors de l'examen de ce projet en première lecture.
Nous avons d'autres regrets, telle la suppression par la commission mixte paritaire d'un des rares amendements de l'opposition adopté à l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement. Déposé par notre collègue Fabien Roussel, il visait à informer les salariés sur les prix de transfert de l'entreprise et ses pratiques fiscales.
Mais notre regret le plus fort concerne bien sûr les paradis fiscaux, dont la liste reste étroite. Vous avez choisi de retenir des critères qui permettront toujours à de nombreux paradis fiscaux d'échapper à leur inscription, en particulier au sein de l'Union européenne.
Grâce à l'adoption en commission des finances d'un amendement de l'opposition, les pays de l'Union européenne ne seront plus automatiquement exclus de la liste des paradis fiscaux. S'il s'agit d'une réelle avancée, il aurait fallu adopter des critères plus restrictifs, afin que ces paradis fiscaux situés au sein même de l'Union européenne soient réellement inscrits sur la liste. Vous souhaitez probablement ne pas froisser des pays amis membres de l'Union, mais vous faites là un bien mauvais cadeau à l'Europe. Cette situation ne manquera pas d'être exploitée et de donner des arguments supplémentaires aux nationalistes et anti-européens, qui n'en ont pas besoin, en particulier dans le cadre de la campagne pour les élections européennes qui débute.
Des regrets, également, sur le verrou de Bercy, qui est maintenu pour la grande majorité des dossiers fiscaux. Ainsi, un redressement fiscal reposant sur un montant de droits éludés supérieur à 100 000 euros mais ayant donné lieu à des pénalités inférieures à 40 % sera toujours soumis au verrou de Bercy. Nous aurions souhaité la suppression de cette anomalie juridique propre à la France. Je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin.
Ce projet contient cependant des avancées. Il facilite l'échange d'informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude. Il clarifie aussi les obligations des plateformes d'économie collaborative. Il permet non seulement la publication des décisions de condamnation pour fraude fiscale mais aussi à l'administration de sanctionner les officines de conseil complices de fraude fiscale et sociale. Il aggrave les peines d'amende encourues en cas de fraude fiscale et les sanctions douanières, en cas de refus de coopérer.
Enfin, le projet permet d'instaurer à Bercy une police fiscale dotée de nouveaux moyens. Selon vos engagements, monsieur le secrétaire d'État, il ne s'agira pas d'un redéploiement de personnels au sein du ministère.
En conclusion, malgré les regrets dénoncés, le groupe Socialistes et apparentés maintient la position qu'il avait adoptée en première lecture et votera pour ce texte relatif à la lutte contre la fraude fiscale, tel qu'issu de la CMP.