Hier commençait le procès de la banque suisse UBS, accusée par les juges chargés d'instruire l'affaire d'avoir soustrait plus de 10 milliards d'euros au fisc français.
Au nom de la séparation des pouvoirs, je ne commenterai pas cette affaire. Je dresserai simplement un rapide parallèle entre le cas UBS et le projet de loi que nous examinons pour la dernière fois aujourd'hui.
Après quatre ans d'instruction, un des dirigeants d'UBS, mis en examen pour complicité de démarchage bancaire illicite, s'est résigné à s'orienter vers une comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité. Pour rappel, cette procédure permet au prévenu de plaider coupable, en négociant avec les magistrats pour éviter le procès, après que l'accord a été homologué par un juge, ce qui n'a pas été le cas dans cette affaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi va étendre le recours à cette reconnaissance préalable de culpabilité aux cas de fraude fiscale, c'est-à-dire qu'il permettra aux fraudeurs fiscaux d'éviter un procès.
Cette mesure n'est en rien dissuasive en matière de lutte contre la fraude. Je dirai même que l'activité bancaire américaine a été plus dissuasive pour les fraudeurs que le droit français. La preuve, cette fameuse banque UBS, qui, elle aussi, souhaitait par cette procédure éviter la mauvaise publicité d'un procès, a finalement préféré la refuser car être reconnue coupable lui aurait fermé le marché américain. Voilà où nous en sommes.
Autre procédure réservée aux puissants, la convention judiciaire d'intérêt public qui, je le rappelle, permet à une entreprise de signer une transaction financière avec la justice, sans avoir à reconnaître sa culpabilité.
Rappelons que si, dans le cas d'UBS, cette procédure a échoué grâce à la ténacité du parquet national financier, elle a permis à la banque HSBC d'éviter un procès contre le paiement d'une amende de 300 millions d'euros, comme cela s'est produit ailleurs de nombreuses fois.
Votre texte va donc étendre cette procédure aux cas de fraude fiscale. Encore une fois, cela n'est en rien dissuasif. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les multinationales disposent de bataillons d'avocats pour s'éviter la même justice que les autres contribuables. J'en veux pour preuve le dépôt de trois questions prioritaires de constitutionnalité, dès le premier jour d'audience du procès UBS, ou les tentatives d'éviter le procès via les deux procédures que vous souhaitez tout bonnement étendre à la fraude fiscale, tout en prétendant lutter contre ce fléau.
Pour résumer, sur tous les bancs, hormis ceux de La France insoumise et du groupe GDR, vous pensez que pour lutter efficacement contre la fraude fiscale, il faut faciliter la négociation avec les fraudeurs. Nous pensons que seule la sanction est dissuasive – celles que vous proposez dans ce texte ne sont pas à la hauteur.
Alors oui, le verrou de Bercy est assoupli. Mais, dans la balance, ce progrès ne pèse rien – les syndicats de magistrats et les ONG l'ont d'ailleurs bien compris. Oui, le name and shame ou la sanction des intermédiaires constituent des avancées. Oui, certains de nos amendements ont été acceptés, tels que le renforcement des sanctions douanières en cas d'injure, le refus de communication des documents demandés, ou encore la suppression de l'exclusion automatique des pays membres de l'Uinion européenne de la liste des paradis fiscaux. Mais, cette dernière restera un effet d'annonce tant que les critères permettant d'inscrire un État sur ladite liste ne sont pas modifiés – à ce jour, ils ne l'ont pas été. Le texte est d'ailleurs muet sur l'évasion fiscale.
Au départ, nous étions enthousiastes à l'idée d'un texte ayant pour ambition de lutter contre la fraude fiscale – ce sujet devait dépasser les clivages politiques, tant il en va de l'intérêt de notre nation – , mais, à l'arrivée, nous sommes déçus.
Finalement, tout au long de l'examen de ce projet de loi, nous avons vu s'opérer une convergence de vues entre la droite sénatoriale, le Gouvernement et la majorité de notre chambre. En témoignent, malgré vos regrets, madame la rapporteure, l'accord trouvé pour supprimer l'amendement de nos collègues du groupe GDR prévoyant la transmission des informations relatives au prix de transfert aux représentants du personnel ou encore l'un de nos amendements demandant l'extension du name and shame aux personnes physiques.
Pour conclure, ce texte ne contient que des mesures cosmétiques, telle que la police fiscale, ou des mesures qui s'annulent les unes les autres. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe La France insoumise, à regret, votera contre ce texte.