Le sujet que je m'apprête à aborder est éminemment technique : nous traitons ici du droit de l'urbanisme dans une collectivité d'outre-mer. Madame la ministre, vous avez remarquablement suivi les travaux de la commission des lois. Mon intervention me permettra de répéter certaines remarques que vous avez citées.
L'ordonnance que nous sommes appelés à ratifier soulève aussi et surtout d'importantes questions politiques, relatives notamment à la sécurité publique. Le projet de loi a pour objet la ratification de l'ordonnance relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l'urbanisme de Saint-Martin, laquelle a fait l'objet d'un avis favorable de la collectivité le 18 février 2019. Il a été adopté à l'unanimité au Sénat, en commission des lois et en séance publique.
Régie par l'article 74 de la Constitution, la collectivité territoriale de Saint-Martin est compétente pour édicter les règles applicables dans plusieurs domaines, dont l'urbanisme. Il y a cinq ans, elle adoptait son propre code de l'urbanisme. Toutefois, l'État demeure compétent pour tout ce qui relève du droit pénal et de la procédure pénale. Le Gouvernement a donc adopté les dispositions de droit pénal de l'urbanisme attendues par Saint-Martin, dans le cadre de la procédure spécifique aux collectivités d'outre-mer prévue à l'article 74-1 de la Constitution.
L'ordonnance dont nous débattons aujourd'hui complète le code de l'urbanisme local, en y consacrant les sanctions applicables en cas d'infraction, qui sont calquées sur les dispositions du code national. Par ailleurs, elle encadre les modalités de constatation des infractions et d'interruption des travaux, et prévoit des obligations de remise en état dans certaines circonstances.
À l'heure actuelle, les poursuites sont engagées sur la base des dispositions pénales du code de l'urbanisme national. Les juridictions doivent rechercher, dans le code de l'urbanisme de Saint-Martin, les dispositions correspondant à celles du code national. L'inscription des sanctions dans le code de Saint-Martin doit améliorer la lisibilité du droit.
Par-delà cette consolidation juridique, l'ordonnance revêt un enjeu particulièrement fort pour le territoire. Il s'agit de contribuer à l'effectivité des règles d'urbanisme. À cet égard, il est vrai que la coexistence entre des règles prévues par la Constitution, dans le cadre des prérogatives dévolues aux territoires d'outre-mer, et des règles nationales, ne favorise pas la lisibilité du droit. Au demeurant, cette observation excède le cadre du simple exemple des règles d'urbanisme.
La collectivité de Saint-Martin se caractérise par l'importance de l'habitat diffus et informel. En dépit des efforts des services de l'État et des autorités locales, les infractions aux règles de l'urbanisme y sont fréquentes. Elles sont d'autant plus préoccupantes que l'île est située dans l'arc antillais, frappé chaque année par des épisodes cycloniques.
Chacun garde en mémoire l'ouragan Irma, qui a fait onze victimes dans la nuit du 6 au 7 septembre 2017. Il s'agit de l'ouragan le plus violent jamais enregistré dans la région. Nous ne pouvons que souligner la réactivité de l'État dans sa gestion de la crise. En effet, 53 millions d'euros, hors dépenses de personnel, ont été mobilisés pour financer la reconstruction de l'île. Le Fonds de solidarité de l'Union européenne, quant à lui, a versé 46 millions d'euros.
Je saisis l'occasion qui m'est offerte d'exprimer la gratitude de la représentation nationale à la délégation interministérielle pour la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, placée sous la direction du préfet Philippe Gustin, chargé de coordonner l'action des services de l'État.
L'ouragan a mis en lumière l'état des constructions, trop exposées et insuffisamment résistantes : 95 % du bâti a été endommagé. À ce jour, 74 % des logements sinistrés ont été réhabilités. Le traitement des autres logements doit être achevé d'ici le mois d'août 2020.
Les informations collectées sur place indiquent que de nombreuses constructions ont été reconstruites avec des moyens de fortune et demeurent très vulnérables. Nous savons que la violence des phénomènes naturels a peu de chances de s'apaiser dans un avenir proche. Le changement climatique pourrait bien accroître celle des prochaines tempêtes. Nous ne pouvons pas laisser nos concitoyens dans pareille situation de vulnérabilité. Il y va de notre responsabilité collective.
Afin de réduire le nombre de constructions illégales, l'ordonnance du 27 mars 2019 a doté les services de contrôle et l'autorité judiciaire des instruments juridiques adaptés à la répression des infractions pénales aux règles du code de l'urbanisme de Saint-Martin. Dès lors, il est d'une absolue nécessité qu'elle soit ratifiée, afin que ses dispositions acquièrent valeur législative et qu'elle soit ainsi soustraite à une éventuelle caducité qui, à défaut, interviendrait le 28 septembre 2020.
La préfète déléguée auprès du représentant de l'État a pris, le 6 août 2019, un arrêté portant application par anticipation de la révision du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la collectivité de Saint-Martin. Au lendemain de l'ouragan Irma, l'État et la collectivité ont exprimé des vues divergentes sur ce document. Son application a donc été suspendue.
La mission chargée de se prononcer sur sa révision rendra ses conclusions dans le courant du mois de mars, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, dans un exposé tout à fait exhaustif des dialogues en cours et des contacts pris par les uns et les autres.
Si tout PPRN doit privilégier la sécurité des habitants, donc la solidité des constructions, il ne peut pas s'exonérer d'une vision lucide de la réalité sociale, économique et culturelle du territoire concerné. En tout état de cause, madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous avez fournies, et qui vous avaient été demandées à distance lors de l'examen du texte en commission.
Chers collègues, nous tomberons tous d'accord de la nécessité de faire en sorte que les règles soient bien définies et efficacement appliquées.
Lorsque nous avons modifié le statut de la Polynésie française, par le biais d'un texte de loi que j'ai eu l'honneur de rapporter, j'ai rappelé que l'on ne confère pas une autonomie de décision à un territoire pour ensuite lui dicter de Paris la façon de la mettre en oeuvre. Je reste fidèle à cette philosophie. L'ordonnance du 27 mars 2019 met en oeuvre les décisions prises par les élus de la population de Saint-Martin ; je vous demanderai donc d'en soutenir l'adoption.