Le texte que nous examinons aujourd'hui ne soulève aucune difficulté. Si la collectivité de Saint-Martin est compétente en matière d'urbanisme depuis 2012, il incombe à l'État de fixer les dispositions applicables sur le territoire en matière de droit pénal et de procédure pénale. Le présent texte permet de mieux accompagner la collectivité dans l'exercice de ses compétences, en lui donnant les capacités juridiques de le faire sur son territoire.
Toutefois, par-delà ses caractéristiques très techniques, il soulève des questions éminemment politiques. Je remercie donc les membres de mon groupe Les Républicains, qui se sont opposés à son examen en séance publique selon la procédure simplifiée, pour me permettre de les formuler devant vous, chers collègues.
Pour ce faire, je les replacerai dans leur contexte difficile, non sans tenter, une nouvelle fois, de lutter contre les idées reçues qui pénalisent Saint-Martin, troisième territoire le plus pauvre de la République, dont la reconstruction postérieure à l'ouragan Irma – la pire catastrophe naturelle subie par notre pays – est loin d'être achevée, trente mois après.
Au mois de décembre dernier, pendant une semaine, les Saint-Martinois ont bloqué l'île, pour contester le passage en force par la préfète déléguée auprès du représentant de l'État au sujet de l'application par anticipation de la révision du PPRN, en dépit de son rejet unanime par les élus du territoire ainsi que par ses acteurs économiques et sa population.
Les Saint-Martinois ne sont ni des enfants gâtés, ni des irresponsables. Mais, si le foncier, l'aménagement du territoire et la propriété sont des questions sensibles en outre-mer, elles sont cruciales à Saint-Martin, où le foncier est réduit dans un territoire de 53 kilomètres carrés et où la terre est tout ce que le Saint-Martinois possède.
Les Saint-Martinois sont vigilants. Quand, en 2015, l'exécutif local a tenté d'imposer un plan local d'urbanisme opaque et mal ficelé, oui, ils ont dû, et su, se faire entendre. La défiance des Saint-Martinois est-elle fondée ? Elle est en tout cas légitimée par certaines prises de position publiques. La lecture des auditions du rapport d'information sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer, publié par le Sénat en novembre 2019, est en ce sens éclairante : les propos caricaturaux et malveillants de certains personnages qui ont exercé, et exercent toujours, des fonctions intéressant Saint-Martin y sont légion.
Un exemple. À la question : « Qu'a-t-on fait des personnes en habitat précaire ? », le délégué interministériel à la reconstruction, devenu préfet de Guadeloupe, répond : « Ils sont là où ils sont ! La solidarité nationale a des limites. Il faudra déplacer une population de 3 000 à 5 000 personnes. Je pense aux personnes qui habitent dans le quartier d'Orléans et à Sandy-Ground et qui paient des loyers. Celles-ci ne veulent pas partir et estiment être chez elles, même si elles n'ont ni droit ni titre et sont conscientes des risques ».
Je vous ai alertée, madame la ministre, ainsi que votre cabinet, mais aussi la représentation de l'État à Saint-Martin, sur ce climat de tension permanent et sur les conséquences désastreuses d'un PPRN élaboré dans la précipitation, par des hauts fonctionnaires hors sol et des préfets bornés. Je regrette de ne pas m'être trompée.
Aujourd'hui, le recours de la collectivité doit être étudié au fond par la justice. La mission sur la révision du PPRN, menée par l'ancien préfet Dominique Lacroix, a apaisé la situation et l'exécutif local a de nouveau émis le souhait qu'un PPRN consensuel soit élaboré dans la concertation.
Mais l'inquiétude couve, et l'urgence sociale reste criante sur un territoire meurtri, dont la population, pourtant résiliente, est lasse, écoeurée du double discours tenu à son encontre et au détriment de son territoire, systématiquement depuis plus de deux ans.
Aussi, permettez-moi, en guise de conclusion, de former le voeu que nous tirions tous les leçons de ce feuilleton douloureux du PPRN pour commencer véritablement à travailler de concert, dans le plus grand respect des compétences de chacun.