En effet, vous êtes confrontés à un sérieux problème au regard du principe d'égalité. Vous créez un impôt progressif sur les bénéfices des entreprises en instituant deux tranches, l'une allant de 1 à moins de 3 milliards de chiffre d'affaires, l'autre débutant à 3 milliards. Or, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire, vous le savez : il a toujours considéré que le chiffre d'affaires n'a aucun lien avec les bénéfices. De fait, une entreprise peut réaliser 10 milliards de chiffre d'affaires et ne dégager qu'un très faible bénéfice, voire accuser des pertes. Ce faisant, vous niez l'un des principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : il conviendrait de définir des critères qui traduisent les facultés contributives des entreprises, ce qui n'est pas le cas du chiffre d'affaires. C'est un premier problème.
Deuxième problème constitutionnel, vous multipliez les ruptures d'égalité. Premier exemple : il y a rupture d'égalité à l'encontre des sociétés d'assurance mutualistes, lesquelles vont devoir payer le nouvel impôt alors que de l'autre côté, elles ne peuvent prétendre à aucun remboursement puisque, ne distribuant pas de dividendes, elles n'étaient pas redevables de la taxe de 3 %. Second exemple : les trois réseaux de banques fédérales – le Crédit agricole, le Crédit mutuel et les Banques populaires. Vous savez que contrairement aux principes régissant les relations entre filiales et société mère, dans ces trois réseaux, ce n'est pas la mère qui possède les filles, mais les filles qui détiennent la mère. Lors du débat sur la taxe de 3 % sur les dividendes, nous avions soulevé ce problème et l'avions résolu par le biais d'un amendement que nous avions rédigé avec mon ami Gilles Carrez. Je pourrais ainsi multiplier les exemples de rupture du principe d'égalité.
Il est un autre problème au sujet duquel nous n'avons toujours aucune réponse du Gouvernement : le non-respect du principe dit de la « petite non-rétroactivité ».