Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du samedi 24 octobre 2020 à 9h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

C'est accepter une banalisation de cet état bien singulier, qui est tout de même attentatoire à un certain nombre de libertés publiques et individuelles. Le Conseil constitutionnel l'a rappelé à plusieurs reprises et le Conseil d'État, à plusieurs reprises également, a sanctionné l'action du Gouvernement. Tout ne se passe pas de façon linéaire : le Conseil d'État est intervenu le 18 mai sur la liberté des cultes, puis le 13 juin sur la liberté de manifester et les conditions des manifestations. Tout cela n'est pas neutre ! Nous ne sommes pas dans un pays où les Bisounours pourraient se contenter de bonnes paroles. Il n'y a pas de procès d'intention : la situation exige la prise de mesures, nul ne conteste, monsieur le ministre, de mesures fortes, comme le couvre-feu, et peut-être même un reconfinement. Mais il faut le dire clairement !

Et comme si tout cela ne suffisait pas, l'article 4 prévoit d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour prolonger, rétablir, adopter des mesures déjà prises ! Écoutez bien : nous n'avons pas encore examiné les lois de ratification des ordonnances que nous avons déjà autorisées, il y a quelques petits mois, qu'à nouveau, on nous demande de nous dessaisir de parties entières du droit qui touchent pourtant à l'essentiel pour nos concitoyens : la liberté d'aller et venir, la liberté de réunion, la liberté d'association, la liberté de commerce, mais aussi, éventuellement, la liberté des cultes.

Tout cela n'est pas neutre, et tout cela n'est pas rien. Vous voudriez qu'on prolonge à nouveau cette habilitation générale à légiférer par ordonnances, alors même que nous n'avons pas examiné le bien-fondé de la précédente. « Ordonnance sur ordonnance ne vaut », aurions-nous pu dire dans une formule ancienne.

Vous nous demandez une sorte de sub-délégation à une délégation qui serait quasiment permanente : le Parlement ne saurait se dessaisir à ce point, d'autant que vous prévoyez même la possibilité de prendre des ordonnances rétroactives. Nous avons donné les clés de la maison et, en plus, lorsque le texte n'est plus applicable dans un certain nombre de cas, vous le réactivez ! C'est de la réanimation juridique. Bravo !

Et tout cela avec une sorte de consentement de la majorité, qui m'étonne car, s'agissant de la place et du rôle du Parlement, nous devrions – et nous pourrions – être en accord.

Enfin, un point s'agissant des données de santé, qui, en dépit des apparences, n'est pas moins important : vous souhaitez réactiver plusieurs éléments relatifs aux dispositifs SI-DEP et Contact-COVID – certes, vous n'évoquez pas StopCovid. Mais nous avons déjà des craintes, que nous avons d'ailleurs exprimées. Dans une ordonnance du mois de juin, le Conseil d'État a enjoint le Gouvernement d'assurer davantage la protection des données. La CNIL est, elle aussi, intervenue à de nombreuses reprises sur ce sujet.

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