L'examen de cette proposition de loi visant à permettre l'exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports publics est l'aboutissement d'un travail entamé voilà plus de deux ans et demi. En effet, la proposition de loi dont j'ai l'honneur d'être aujourd'hui la rapporteure a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2018. Elle fut conçue avec mes collègues Robin Reda, Valérie Lacroute et Éric Ciotti, puis cosignée par de très nombreux autres collègues du groupe Les Républicains, à commencer par son président, M. Damien Abad, et c'est dans le cadre de leur journée réservée, ce jeudi 3 décembre, que les Républicains ont souhaité inscrire son examen.
Il s'agit donc d'un travail entamé voilà plus de deux ans et demi, et décliné à plusieurs reprises, en commission comme en séance publique, par des amendements à la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, ainsi qu'à la loi d'orientation des mobilités – LOM – de 2019. Dans le cadre du débat parlementaire sur la LOM, en juin 2019, le Gouvernement, représenté à l'époque par Mme Élisabeth Borne, ne s'était pas opposé à ces amendements, s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée. Il s'agissait de plusieurs amendements identiques, soutenus à l'époque par plusieurs groupes parlementaires, et non pas uniquement par le groupe Les Républicains – j'aurai peut-être l'occasion d'y revenir.
L'objet de cette proposition de loi est de modifier le cadre légal existant en complétant le code des transports et en permettant que soient retirés des bénéficiaires de la tarification sociale dans les transports les personnes étrangères en situation irrégulière. Le texte veut apporter la base légale nécessaire pour permettre aux autorités organisatrices de la mobilité, les AOM, de choisir si elles souhaitent accorder ou refuser le bénéfice de la tarification sociale aux étrangers en situation irrégulière. De fait, en vertu du principe de libre administration des collectivités locales, celles-ci doivent avoir le choix de faire ou de ne pas faire.
Le 25 janvier 2018, le tribunal admiratif de Paris a annulé la délibération du 17 février 2016 du Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, devenu depuis lors Île-de-France Mobilités, qui avait choisi d'exclure du périmètre de la tarification sociale – une réduction de 50 %, voire de 75 % – les étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l'AME, l'aide médicale de l'État. Cette délibération avait été prise à la suite d'un engagement fort de la nouvelle présidente de région élue et de sa majorité. Le tribunal administratif de Paris a toutefois estimé que l'article L. 1113-1 du code des transports ne subordonnait le bénéfice de la réduction tarifaire qu'à une condition de ressources, et non à une condition de régularité du séjour en France. Cette annulation avait ensuite été confirmée par la cour administrative d'appel de Paris, le 6 juillet 2018.
Au vu de ces décisions, notre texte, qui consiste en un article unique, se propose donc de compléter l'article L. 1113-1 du code des transports afin que le bénéfice de la tarification sociale ne soit plus subordonné à la seule condition de ressources, mais puisse aussi l'être à la condition de régularité du séjour en France : nous souhaitons, en quelque sorte, corriger une malfaçon législative.
Il nous semble qu'il s'agit d'une proposition de bon sens – je souligne ces derniers mots. Comment accepter en effet que des étrangers en situation irrégulière, qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire de notre République et qui s'y maintiennent illégalement, bénéficient automatiquement d'une réduction tarifaire dans les transports ? Pour nous, il y va, avec cette proposition de loi, de l'équité et de la justice. Rien ne justifie, en vérité, que les étrangers en situation irrégulière au regard du séjour en France bénéficient de plus de droits que les autres usagers des transports publics. Ce n'est ni équitable, ni juste, ni logique. Ce bénéfice de la tarification sociale accordé quelle que soit la situation au regard des conditions de séjour sur le territoire de notre République nous apparaît comme une véritable prime à l'illégalité, jugée incompréhensible par nombre d'usagers, notamment modestes, qui paient plein tarif – « plein pot », si j'ose dire – leur titre de transport, même s'il existe, bien sûr, plusieurs tarifs réduits destinés aux jeunes, aux jeunes en insertion, aux demandeurs d'emploi, aux seniors, aux familles nombreuses ou aux personnes à mobilité réduite.
Je tiens aussi à rappeler que l'accès à la quasi-totalité des prestations sociales, qu'il s'agisse du RSA, ou revenu de solidarité active, de l'allocation pour adulte handicapé, des allocations familiales, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité – et je pourrais poursuivre la liste – est subordonné à une condition de régularité du séjour sur le territoire de la République française. Il s'agit là d'une approche constante, structurée et cohérente de la politique sociale de notre République. En proposant de subordonner le bénéfice de la tarification sociale dans les transports à une condition de régularité du séjour dans notre pays, notre texte ne fait que s'inscrire dans cette approche qui, je le répète, nous semble être de bon sens et d'équité.
Compte tenu de la situation financière dégradée dans laquelle se trouvent nombre d'AOM en raison de la pandémie actuelle et de la baisse drastique de fréquentation, compte tenu également des difficultés économiques et sociales à venir dans notre pays, qui risque de voir augmenter le nombre de personnes en situation précaire – travailleurs pauvres, demandeurs d'emploi ou étudiants précarisés – , il peut se révéler judicieux et opportun de permettre à certaines AOM de récupérer quelques marges de manoeuvre budgétaires, …