C'est un amendement important et on pouvait s'attendre qu'il soit davantage défendu… Il a en effet beaucoup fait parler les milieux parlementaires et associatifs ces derniers temps. Il vise à rétablir, sauf erreur, la possibilité de recueil d'enfants en France par les organismes autorisés pour l'adoption, les OAA. Je me dois d'apporter des précisions afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté ni entre nous ni pour ceux qui liront le compte rendu des débats.
L'objet de l'article n'est pas d'interdire ou de restreindre l'activité des OAA à l'étranger – ils conservent en effet toute leur légitimité, toutes leurs compétences en la matière. Il s'agit uniquement de mettre fin à leur possibilité de recueillir des enfants en France. Pourquoi ? Tout d'abord parce que nous entendons mieux protéger les droits et l'intérêt de l'enfant. Or le statut de pupille de l'État tel qu'il découlerait de la suppression de la possibilité pour les OAA de recueillir directement des enfants est plus protecteur que le statut qu'auraient ces enfants s'ils étaient confiés directement aux OAA en France, notamment en ce qui concerne le projet de vie pour l'enfant, qui peut être un projet d'adoption si tel est son intérêt supérieur, et s'agissant de la recherche et du choix d'une famille adoptante capable de répondre à ces besoins fondamentaux si son projet de vie est un projet d'adoption. Enfin, parce que cela lui garantit un accueil et une protection juridique durable si son projet de vie n'est pas un projet d'adoption ou si ce projet d'adoption n'a pas pu aboutir. Le statut de pupille est, j'y insiste, plus protecteur que la simple tutelle de droit commun dont il bénéficierait s'il avait été directement recueilli par un OAA.
Deuxième élément, pour être très concret, nous évoquons en fait deux associations. Je me permets de saluer le travail et l'engagement de l'une d'elles, Emmanuel SOS adoption, qui déjà, pour des raisons qui lui appartiennent, nous en discutions à l'instant avec le député Bourlanges, ne procède plus au recueil direct d'enfants en France mais accompagne des projets d'adoption d'enfants sur demande du président du conseil départemental qui, dans l'impossibilité de trouver une famille pour un enfant, s'adressera à elle pour lui demander son aide. Il est évident que l'article 10 n'a pas pour objet d'interdire à cette association – ou à d'autres – d'exercer ce type d'activité. D'ailleurs, le Gouvernement défendra un amendement no 492 visant à réaffirmer la possibilité, pour tout président de conseil départemental, s'il en ressent la nécessité, de s'adjoindre les services d'une association du type d'Emmanuel SOS adoption pour essayer de trouver une famille à l'enfant en question – souvent, mais pas exclusivement, à besoins spécifiques. J'ai eu ce matin une conversation avec le président d'Emmanuel SOS adoption pour lui rappeler la volonté du Gouvernement et lui annoncer que je défendrais un amendement qui la clarifierait encore davantage. Sans vouloir m'exprimer à sa place, je pense qu'il a été rassuré et satisfait.
Une autre association, dénommée La Famille adoptive française, recueille, elle, des enfants directement. Elle s'est adressée à un certain nombre d'entre vous – je le sais. Concrètement, même si ce n'est pas toujours transparent, je pense que moins de cinq enfants sont concernés chaque année.
Au-delà du fait que l'enfant bénéficie d'un statut moins protecteur, il se pose, nous semble-t-il, des questions de neutralité, d'impartialité dans la façon dont cette association procède, quasi exclusivement, dans l'accompagnement des familles qui souhaitent accoucher sous le secret et dans la façon aussi dont les enfants peuvent trouver une famille. Je vous invite à vous rendre sur le site internet de cette association, à la rubrique « Adoption France », où il est écrit noir sur blanc que du fait du grand nombre de demandes, les enfants seront adoptés en priorité dans des familles trentenaires, mariées, souffrant d'infertilité. Cela ne me semble pas correspondre au principe de neutralité et de non-discrimination dont nous débattions plus tôt.
Pour l'ensemble de ces raisons – statut plus protecteur de l'enfant et impératifs de neutralité et d'impartialité dans l'accompagnement – et sans remettre en cause l'activité internationale de ces associations ni la possibilité qu'elles ont d'accompagner les conseils départementaux afin de trouver des familles pour des enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, nous souhaitons mettre fin à la possibilité qu'ont ces OAA d'exercer cette activité de recueil d'enfants en France.
J'espère avoir été clair et, accessoirement, convaincant. Avis défavorable à cet amendement visant à rétablir l'activité de ces organismes en France.
Le 09/12/2020 à 11:53, Laïc1 a dit :
" où il est écrit noir sur blanc que du fait du grand nombre de demandes, les enfants seront adoptés en priorité dans des familles trentenaires, mariées, souffrant d'infertilité. Cela ne me semble pas correspondre au principe de neutralité et de non-discrimination dont nous débattions plus tôt."
"Mariées", c'est un gage de stabilité, pourquoi s'entêter à conserver l'institution du mariage si pour vous elle n'est qu'un caractère discriminant ?
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