Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Réunion du jeudi 8 mars 2018 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires a procédé à l'audition de M. Philippe Knoche, directeur général d'Orano (ex-Areva).

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Mes chers collègues, nous accueillons M. Philippe Knoche, directeur général d'Orano (ex-Areva). Sans vouloir faire un trop long historique, je rappellerai que, pour faire face à ses difficultés – notamment financières –, le groupe Areva a été scindé en trois filiales, permettant l'entrée au capital d'investisseurs étrangers.

La restructuration, qui a débuté en 2015 et s'est achevée le 23 janvier 2018, a donné naissance aux entités suivantes : New Areva, chargé des activités liées au cycle du combustible, dont le capital a été ouvert à des investisseurs étrangers, notamment japonais ; cette entité est devenue Orano le 23 janvier 2018. Areva NP, le pôle « réacteur » d'Areva, devenu filiale d'EDF en 2015, est redevenu Framatome en janvier 2018. Pour mémoire, cette entité gère désormais l'usine du Creusot Forge, mise en cause pour les défauts sur la cuve du réacteur de Flamanville. Ce dossier est en cours d'examen par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Areva SA, la maison mère, est maintenue temporairement pour conserver quelques activités liées aux actifs les plus risqués du groupe, dont principalement le chantier du réacteur nucléaire Olkiluoto 3 (OL3) en Finlande.

En juillet 2017, avec l'accord de la Commission européenne, l'État français a participé à la recapitalisation de deux de ces entités pour un montant de 4,5 milliards d'euros.

Orano, créé officiellement il y a un mois, demeure centré sur la gestion du cycle du combustible – extraction, concentration, raffinage, conversion et enrichissement de l'uranium, fabrication d'assemblages de combustibles nucléaires, transport des combustibles nucléaires, traitement des combustibles nucléaires usés – ainsi que sur la logistique et les services liés au nucléaire, notamment le démantèlement. L'entreprise est implantée sur dix-sept sites en France et emploie 16 000 salariés.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées de déposer sous serment. Elles doivent jurer de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Philippe Knoche prête serment.)

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Je vous remercie de me donner cette occasion de vous présenter l'engagement de nos 16 000 salariés, dont 12 000 sont employés en France. Chaque jour, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ils assurent la sûreté de nos installations, contrôlent qu'elles fonctionnent dans des conditions qui la respectent et les protègent également contre les menaces extérieures, y compris terroristes. Nous parlerons dans ce cas de « sécurité », même si la réglementation utilise plutôt en la circonstance le terme de « protection physique ».

Votre présentation liminaire décrit parfaitement notre groupe. Je préciserai simplement que ce groupe industriel a investi plus de quatre milliards d'euros dans ses installations françaises au cours de dernières années. Nous sommes un des plus gros investisseurs industriels en France, sur les plateformes du Tricastin et, plus généralement, de la vallée du Rhône, mais aussi dans le nord-ouest. Même s'il ne s'agit pour le moment que de projets de recherche et développement (R & D), le groupe réalise également des recherches sur l'apport médical des matières nucléaires, notamment pour les traitements contre le cancer. Je suis accompagné par Mme Morgane Augé, directrice des affaires publiques France, chargée à ce titre des contacts avec les parlementaires, et par M. Jean-Michel Chéreau, directeur de la protection du groupe ; ancien général de corps d'armée, il a eu à faire face au cours de sa carrière non seulement à des menaces mais, bien entendu, à des affrontements réels avec des groupes armés.

Même si les deux aspects peuvent être liés, je distinguerai dans ce propos liminaire les questions de sûreté et celles liées à la sécurité.

S'agissant de la sûreté, je m'exprimerai en cinq points.

Premièrement, notre niveau d'exigence s'applique à l'ensemble de nos sites, en fonction des enjeux. Nos programmes de formation – que nous nommons « safety excellence » – visent à améliorer notre rigueur d'exploitation : les facteurs organisationnels et humains contribuent fortement à la sûreté. Nous devons faire en sorte que nos équipes ne fassent pas d'erreur lors de leurs interventions. Nous ne sommes ni parfaits, ni infaillibles : l'erreur humaine est toujours possible, mais nous sommes particulièrement exigeants vis-à-vis du risque et respectueux de la réglementation, sur l'ensemble de nos sites.

Deuxièmement, nous appliquons l'ensemble des procédures en la matière dans la plus totale transparence. Nous produisons un rapport annuel sur notre politique de sûreté et les événements que nous gérons ; nous publions également un communiqué de presse sitôt qu'un événement de niveau 1 se produit – l'échelle International nuclear event scale (INES) en compte sept. L'an dernier, nous avons connu douze événements de niveau 1, sans conséquences sur les personnels ni sur l'environnement. Ils n'en font pas moins l'objet d'un communiqué de presse, et sont rapportés sur le site de l'ASN et sur le nôtre.

Cela ne nous empêche pas – bien au contraire, cela nous encourage – à déclarer également à l'ASN les incidents de niveau inférieur : en 2017, on a dénombré cent soixante événements de sûreté intéressants, que l'on pourrait appeler des « écarts », puisque nous traçons chaque écart par rapport nos exigences internes et à celles de la réglementation.

Non seulement cela procède de notre souci de transparence, mais cette démarche, et cela m'amène au troisième point, participe à l'amélioration en permanence de la sûreté. Le traitement de ces cent soixante événements nous permet d'apprendre et de progresser sur la base des écarts, en mettant en place de nouvelles mesures. Nous le faisons systématiquement et nous poussons les démarches d'autres industries à leur extrême. Si les mesures mises en oeuvre ne se révèlent pas efficaces, si les écarts se reproduisent dans certains domaines, alors nous renforçons nos plans d'action.

Ce n'est pas la seule source d'amélioration permanente. Nous disposons d'une inspection interne et nous subissons – comme toutes les installations nucléaires – des réexamens de sûreté tous les dix ans en France. L'ASN procède par ailleurs tous les ans à plus de cent inspections de nos sites, dont environ 20 % sont inopinées. Elles nous amènent parfois à réaliser des exercices ou des opérations pour tester nos réactions, l'ASN ne se contentant pas uniquement d'inspecter ce qui se passe.

Toujours dans cette optique d'amélioration continue, même si nous disposons d'une expertise relativement unique dans le monde, nous nous sommes rapprochés des autres exploitants nucléaires en devenant membre de l'association mondiale des exploitants nucléaires – World association of nuclear operators (WANO). Cette association réalise des peer reviews : ces visites de terrain regroupant plus de vingt sociétés d'exploitants nucléaires sur plusieurs semaines permettent d'évaluer la sûreté quotidienne des sites et donnent lieu à la rédaction de recommandations.

Au total, pour améliorer la sûreté, nous investissons plus de 350 millions d'euros par an, soit 10 % de notre chiffre d'affaires. Cela peut paraître beaucoup, mais c'est notre coeur de métier. C'est pour nous extrêmement important.

Bien entendu, la sûreté est la responsabilité de chaque salarié. Mais, par ailleurs, plus de six cents personnes y travaillent à temps plein et mettent notamment en oeuvre les retours d'expérience lorsque des écarts sont constatés, comme celui que vous avez mentionné s'agissant du Creusot.

Quatrième point, cette volonté d'amélioration permanente vaut également pour la radioprotection. Plus de 14 000 personnes – salariés ou sous-traitants du groupe – font l'objet d'une surveillance en matière de radioprotection. Leur dose moyenne est mesurée annuellement : elle est dix fois inférieure au maximum légal et même à la radioactivité naturelle.

Cinquième point : la surveillance de l'environnement. Chaque année, plus de 30 000 analyses sont réalisées dans l'air, l'eau, les végétaux, ainsi que sur les poissons et la faune autour de nos sites. Cela nous permet de confirmer les résultats des études d'impact réalisées lors des demandes d'autorisation : l'impact de nos activités sur l'environnement est réel – on ne peut le nier – mais il est cent fois inférieur à la radioactivité naturelle, celle qui préexiste à nos activités. Notre impact est donc particulièrement limité.

Les aspects que je viens de souligner ne sont évidemment pas exhaustifs. Je suis à votre disposition pour répondre à toute question complémentaire.

Premier point : en matière de sécurité comme en matière de sûreté, nous ne prétendons pas être parfaits. En revanche, nous cherchons en permanence à nous améliorer et à nous adapter aux menaces. La cuirasse et l'épée, c'est un débat millénaire : nous savons que les menaces évoluent et nous nous adaptons en conséquence.

Nos opposants utilisent beaucoup un exemple que je vais donc reprendre : celui des piscines d'entreposage de combustibles usés à La Hague. Après le 11 septembre, ces piscines ont été protégées par une batterie de missiles anti-antiaériens ; c'était la réponse la plus rapide et la plus efficace, mais nous y avons renoncé depuis pour les raisons que je vais vous expliquer.

Il faut garder en tête que la structure des piscines est composée de deux éléments. Les assemblages de combustibles usés qu'elles contiennent doivent être refroidis – même si une piscine de La Hague représente dix fois moins de puissance thermique qu'un réacteur en sortie, puisque les combustibles ont refroidi. Ces assemblages doivent donc être immergés. Face à une menace terroriste – tir de roquettes ou chute d'avion – nous devons éviter une brèche dans la partie inférieure de la piscine, celle qui contient l'eau, qui provoquerait ce qu'on appelle le « dénoyage » de la piscine. Du reste, et cela relève de la sûreté, en cas d'événements de type séisme ou tornade conduisant à des fissures dans ces piscines, nous nous assurons d'être en mesure de réinjecter de l'eau par des moyens permanents ou mobiles.

Au-dessus de cette partie inférieure emplie d'eau, il y a une superstructure. Si elle est endommagée, c'est évidemment un investissement perdu, ce qui est fort dommageable, mais cela ne conduit pas à un accident tant qu'on ne touche pas à l'intégrité des piscines.

À ce propos nos opposants soutiennent que les structures inférieures de nos piscines ne sont composées que d'un mur en béton de trente centimètres, ce qui est faux. Cette zone comporte plusieurs murs, dont un fait plus d'un mètre d'épaisseur. Autrement dit, au-delà du fait que ces installations sont partiellement enterrées, quelles que soient les configurations – et il y en a plusieurs –, une roquette tirée sur un mur de cette épaisseur ne provoque pas une brèche susceptible de provoquer un dénoyage des piscines. Je ne tire pas à la roquette pendant le week-end, je vous rassure, mais des tests ont été réalisés dans des installations officielles. Et un tir sur la superstructure créerait des dégâts, mais pas un accident nucléaire.

Que se passerait-il en cas de chute d'avion sur les piscines de La Hague ? Les députés qui le souhaiteront peuvent visiter le site ou consulter les plans ou sa reproduction en trois dimensions. Du fait de la configuration du site, un avion gros porteur ne peut atteindre la partie basse et les bâtiments contenant les piscines, puisqu'il y a des bâtiments autour.

En revanche, on ne peut pas exclure la chute d'un avion sur la partie haute, constituée d'une structure métallique légère supportée par des poutres en acier très solides – représentant plusieurs rails de chemin de fer. Sur ce type de supports, une aile d'avion en aluminium, très légère par construction, se disloquerait. Les plus gros débris susceptibles de chuter sont le moteur et sa nacelle. Sachant qu'il y a cinq mètres d'eau au-dessus du combustible usé, et même si elles ne sont peut-être pas parfaites, nos études montrent que la chute d'un moteur ne provoquerait pas davantage le dénoyage d'une piscine.

Tous ces éléments et ces documents ont systématiquement été partagés avec les autorités et nous les tenons à la disposition des députés. Nous nous adaptons donc en permanence aux menaces.

Le deuxième élément, c'est la complémentarité entre l'État et l'exploitant. En amont, c'est bien l'État qui opère les missions de renseignement, qui identifie, définit les approches générales, édicte la réglementation et décrit les menaces à prendre en compte. In fine, en cas d'attaques sévères, ce sont les forces armées – groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) – qui interviennent.

En cas d'agression, notre rôle est de minimiser l'impact et les conséquences de la malveillance, de l'attaque ou de l'intrusion et de retarder les intrus. Pour ce faire, nous disposons d'outils à la fois réglementaires et pratiques. En matière réglementaire, nous sommes un organisme d'importance vitale : à ce titre, nous devons déployer un plan de sécurité opérateur, qui n'est pas propre au secteur nucléaire, régulièrement examiné par les autorités. Mais en tant qu'opérateur nucléaire, nous disposons également d'un plan de contrôle des matières nucléaires, réglementé lui aussi. Enfin, chaque site met en oeuvre un plan particulier de protection, revu régulièrement en fonction des menaces. À chaque fois que le haut fonctionnaire de défense l'examine et émet des recommandations, nous devons nous ajuster et rentrer dans la boucle d'amélioration.

Cette démarche couvre notamment cinq types de menaces sur lesquelles je voudrais insister. La première est la menace aérienne ; j'en ai parlé tout à l'heure. À ce propos, nous ne parvenons pas à obtenir de Google Earth et des fournisseurs de services équivalents le floutage de nos sites. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls concernés, d'autres sites importants de l'État ne sont pas floutés… Le législateur ou le Gouvernement pourrait peut-être tenter de revenir à la situation antérieure, dans laquelle ces sites étaient floutés sur internet.

Deuxième type de menace, l'intrusion. Comme d'autres exploitants nucléaires français, nous sommes protégés par trois types de barrières : la clôture détermine la zone à accès contrôlé. Grâce au vote récent des lois liées à l'évolution de la menace, nous pouvons contrôler ce qui se passe à l'extérieur de la clôture et donc surveiller une personne qui se trouve à proximité. Nous mettons progressivement en place ces surveillances extérieures. La première zone, dite « à accès contrôlé » permet le cas échéant d'identifier d'éventuels intrus. La seconde zone, dite « à protection renforcée », permet de ralentir ou d'intercepter une éventuelle menace. Elle protège une troisième zone extrêmement sensible, à l'intérieur de l'intérieur des bâtiments, et particulièrement protégée. Pour assurer ces missions, plus de trois cent cinquante personnes spécialisées et armées peuvent intervenir – bien entendu, uniquement dans les conditions prévues par le code pénal.

Troisième risque : la malveillance de nos propres intervenants, qui pourraient commettre des actes mettant en cause la sûreté des sites. En préliminaire, je rappelle qu'il n'y a pas de réaction nucléaire à l'intérieur de nos installations : provoquer un accident n'est donc pas évident. Néanmoins, la menace existe puisque nous stockons des matières nucléaires. Nous devons faire attention. L'État a fait évoluer son dispositif de criblage des intervenants dans le secteur nucléaire, en chargeant le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (COSSEN) de cette mission. Le criblage est renouvelé tous les ans pour les salariés sous-traitants ; il est bien entendu systématique pour les nouveaux entrants sur nos sites. L'an passé, 16 000 avis de sécurité ont été sollicités, qui ont donné lieu à une centaine de refus, soit moins de 1 % des personnels – proportion similaire à ce que l'on peut constater ailleurs.

Quatrième type de menace : la menace cyber, celle qui évolue le plus rapidement. La menace mais surtout les attaques sont réelles. Nous recensons plus de deux cents attaques par jour sur nos réseaux, dont plus de quatre-vingt-dix attaques virales. Chaque jour, 400 000 événements de sécurité sont analysés par les ordinateurs dédiés à la surveillance de nos réseaux. Nous réalisons ces analyses en partenariat avec un centre de surveillance et avec Thales, sous le contrôle de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Il peut s'agir d'attaques automatiques ; en revanche, deux fois par jour, des attaques très ciblées nous visent spécifiquement, par le biais de logiciels malveillants ou autres techniques.

La menace et les attaques sont donc permanentes. Ces menaces ayant été détectées il y a déjà longtemps, nous avons développé la segmentation de nos systèmes et d'autres parades classiques en termes de cybersécurité. Lors des cyberattaques de type NotPetya de l'an passé, cela nous a permis de ne pas perdre un seul ordinateur ; tous les ordinateurs de nos salariés sont restés parfaitement fonctionnels.

Il n'y a pas de science exacte en matière de cybersécurité, mais nous réalisons en permanence des tests, notamment des tests d'intrusion par le biais d'entreprises extérieures homologué par l'ANSSI. Elles viennent tester nos systèmes une vingtaine de fois par an afin que nous progressions encore. Sur les trois prochaines années (2018-2020), en complément du budget initialement prévu, nous allons investir plus de dix millions d'euros dans notre cybersécurité. C'est un point particulier de vigilance.

Dernier risque, celui lié aux transports : en fonction des catégories, nous organisons plusieurs centaines de transport de matières radioactives par an. Les combustibles usés sont transportés dans des assemblages, eux-mêmes entourés d'une couverture en acier de plus de trente centimètres, afin de bien les protéger contre les attaques. Nous continuons malgré tout à travailler sur ces protections. Ainsi, pour le transport de matières dites de classe I, comme le plutonium, nous disposerons avant la fin de l'année de blindages supplémentaires.

Autre problème, celui de la prévisibilité de nos transports. Nous allons mettre en place des évolutions dans les prochains mois afin de les rendre plus aléatoires, donc moins prévisibles.

Une autre question se pose – que nous ne traitons pas nous-mêmes, bien évidemment, pas plus que celle de la prévisibilité : pour garantir la sécurité, vaut-il mieux des transports plus banalisés ou plus escortés ? Plus l'escorte est importante, plus elle est identifiable. Mais les escortes sont malgré tout rassurantes pour la population. Nous devons mener ce débat avec l'État, afin de trouver le bon équilibre entre transports banalisés, escortes discrètes ou plus visibles.

Sur le plan financier, 50 millions d'euros sont consacrés chaque année à ces menaces. Un plan d'investissement supplémentaire de 140 millions d'euros a par ailleurs été adopté sur plusieurs années. Cela représente un coût de 80 à 100 millions d'euros par an sur les prochaines années pour la seule sécurité, à comparer aux plus de 300 millions d'euros dévolus à la sûreté.

La sécurité représente 5 % des coûts annuels des sites de La Hague et Marcoule (Melox). Le recyclage représentant 2 à 4 % du prix de l'électricité, la sécurité ne représente que quelques millièmes. Même dans l'hypothèse haute d'un doublement des coûts liés à la sécurité – qui ont déjà bien augmenté – cela ne représenterait guère que 0,2 % du prix de vente de l'électricité au consommateur particulier ou industriel.

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Je vais revenir sur les questions financières, par lesquelles vous avez terminé. Les difficultés financières auxquelles était exposé Areva vont-elles se répercuter sur la nouvelle entité Orano, et auront-elles des conséquences sur vos investissements relatifs à la sûreté ou à la sécurité ?

Orano va s'ouvrir à des investisseurs tiers, notamment étrangers ; cela ne risque-t-il pas d'entraîner des exigences de rentabilité immédiate, susceptibles de mettre à mal ces mêmes investissements ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Au cours des trois dernières années, nous avons sanctuarisé l'ensemble des investissements liés à la sûreté. Nous ne choisissons pas les priorités, puisque nous nous adaptons aux enjeux. Le montant d'investissement total du groupe a baissé, passant de 2 milliards d'euros par an à 600 ou 700 millions, mais les montants consacrés à la sûreté ont été maintenus à des niveaux de l'ordre de 300 à 350 millions d'euros. Du coup, leur part dans nos investissements totaux est passée grosso modo de 20 % à 50 %.

La situation financière du groupe, après l'augmentation de capital, et avec les actionnaires minoritaires, a été conçue pour que nous soyons en mesure de remplir nos obligations en matière de sûreté et de sécurité, mais aussi nos obligations de fin de cycle, puisque nous disposons de 7 milliards d'euros de fonds dédiés à ces opérations réglementaires, démantèlement et reprise des déchets.

Qu'il y ait ou non un actionnaire étranger ne change rien au fait que toute entreprise a l'obligation de se financer elle-même. C'est notre objectif dès cette année : arrêter de nous endetter pour financer nos investissements. Nous en avons l'obligation, comme toute entreprise, mais aussi parce que l'approbation par la Commission européenne indique clairement que l'État ne doit plus intervenir pendant dix ans dans Orano. Nous devons donc être en mesure de financer nos investissements liés à la sûreté et la sécurité, ou nos investissements opérationnels, par nos propres moyens. C'est notre responsabilité, et nous le faisons toujours en gardant la sûreté nucléaire en tête : c'est notre priorité.

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De nombreuses prescriptions de l'ASN se terminent par la mention « dans des conditions économiquement acceptables », ce qui suscite des interrogations. Cela revient-il à admettre que l'exploitant bénéficie d'une marge d'interprétation de ses décisions en fonction du coût des prescriptions édictées ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Mon sentiment sur cette question a été confirmé lors de l'audition du président de l'ASN, qui a indiqué ne pas avoir l'impression de s'être freiné à quelque moment que ce soit quand il pensait qu'il s'agissait de quelque chose d'important. Je partage cette impression. Par ailleurs, la réglementation française, notamment l'arrêté INB, précise que les mesures prises sont proportionnées aux enjeux. Cette mention de l'ASN va jouer sur les priorités. Par exemple, en ce moment, nous mettons la priorité sur la sécurité, tandis que les installations qui n'ont pas d'impact sur l'environnement ou les personnels en auront une moins immédiate. Mais dès que, de notre point de vue d'exploitant ou du point de vue de l'ASN, il existe un risque de mise en cause de la sûreté, aucun frein économique ne s'applique.

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Plusieurs sites d'Areva NC, devenu Orano, ont connu en 2016 et 2017 des défaillances en matière de sûreté. Le rapport annuel de l'ASN de 2016 mettait en lumière des défaillances concernant le contrôle des interventions sur les équipements ainsi que la gestion des alarmes sur le site de Tricastin. Areva NC devait mener une analyse pour en identifier les causes et apporter des mesures correctives.

Ce rapport demandait également une amélioration notable de la protection du site de La Hague contre le risque d'incendie et celui lié à la foudre et un renforcement des contrôles des équipements du site destinés à concentrer les produits de fission de l'installation – les évaporateurs – qui présentaient une corrosion plus rapide que prévu.

Il regrettait des délais excessifs de réalisation de travaux prescrits en matière de renforcement de la maîtrise des risques d'incendie et des retards dans la mise en oeuvre des engagements de l'exploitant en matière de surveillance des opérations sous-traitées sur le site de Marcoule et engageait des procédures de sanction.

Enfin, il mentionnait une dégradation de la rigueur d'exploitation sur le site Georges Besse II au Tricastin et demandait l'adoption de mesures correctives.

Comment expliquer ces défaillances ? Les demandes de l'ASN ont-elles été satisfaites par Orano ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Je vais d'abord répondre à votre deuxième question : cela illustrera mon propos sur la première.

S'agissant du Tricastin, vous avez cité deux choses. Pour commencer, l'inspection dont vous parlez a eu lieu dans l'usine Eurodif, et concernait des alarmes dans une installation arrêtée et en cours de démantèlement, et dont nous avions réduit le terme source, autrement dit la quantité de matière présente à l'intérieur. L'ASN a estimé que nous devions néanmoins maintenir un certain nombre de dispositifs ; nous les avons donc rétablis.

S'agissant de Georges Besse II, nous avons réintroduit des contrôles informatiques d'un certain nombre de vérifications de la rigueur d'exploitation et toutes les équipes qui opèrent dans l'usine ont été formées et sensibilisées aux points relevés par l'ASN.

Pour ce qui concerne l'usine Melox, sur le site de Marcoule, qui fabrique du MOX, l'écart a été clos en février 2017 par l'ASN. Les mesures ont été prises, et tout a été clos il y a un an puisque, comme vous le rappeliez, il s'agissait du rapport de 2016.

Concernant La Hague, vous mentionnez trois points : l'incendie, la foudre et les évaporateurs. Sur ces trois points, les études en réponse à l'ASN sont terminées, et nous sommes en train de mettre en oeuvre ces mesures. Très concrètement, pour le risque d'incendie, cela signifie que nous allons ajouter 2 000 capteurs par an dans un site qui en compte 12 000, jusqu'à atteindre le nombre de 20 000. Contre la foudre, les études sont terminées et les équipements de protection sont en train d'être mis en place.

Les évaporateurs sont plus proches du procédé que les deux points évoqués précédemment. Il s'agit d'équipements qui font à peu près la hauteur de cette salle, et qui ont été conçus pour durer trente ans. Lorsque l'on s'approche de ce terme, on peut avoir l'impression que les choses s'accélèrent, mais deux ans de plus ou de moins, par rapport à trente ans, cela ne fait jamais que vingt-huit ou trente-deux, même si on a l'impression que cela fait une énorme différence quand on en est à vingt-cinq ou vingt-six ans… Il faut savoir que ces évaporateurs étaient conçus dès le départ avec une surépaisseur en prévision de la corrosion, puisqu'ils contiennent de l'acide. Nous avons augmenté les dispositifs de surveillance, avec de nouvelles technologies et de nouveaux capteurs. Avant tout redémarrage, nous effectuons un test à une fois et demie la pression de fonctionnement normal. Et, en plus de ce qui existait déjà pour contrer les fuites, nous avons installé un certain nombre de clapets, qui fonctionnent à la manière des coupe-feu incendie. L'ensemble de ces mesures – surveillance, test et coupure en cas de fuite accidentelle – ont été mises en oeuvre, et sur la base des tests que nous avons réalisés, nous avons à chaque fois été autorisés à redémarrer ces évaporateurs.

Ils sont maintenant en fin de vie et nous construisons deux bâtiments dans lesquels de nouveaux évaporateurs seront installés. Ils entreront en service à partir de 2021.

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Quel est le coût du remplacement de ces évaporateurs ? Pour beaucoup de gens, ils peuvent à eux seuls être considérés comme une installation nucléaire de base. Pourquoi ne font-ils pas l'objet d'une enquête publique ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Il y a six évaporateurs. Ce ne sont pas des INB à eux seuls, donc de notre point de vue, leur remplacement ne justifie pas une enquête publique. De plus, il s'agit de remplacer des équipements existants, même si cela se fait dans des bâtiments accolés, sans changement de la fonction ou des équipements fondamentaux. Ces évaporateurs vont être connectés à l'ensemble des circuits de l'usine, mais il n'y a pas de modification du procédé, de la ventilation, ou des circuits d'eau ou d'air. C'est une extension des circuits de l'usine à ces évaporateurs, et le coût total est de 700 millions d'euros pour l'ensemble des deux bâtiments. Les trois premiers seront terminés en 2021 et les trois suivants en 2022.

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S'agissant de l'usine du Creusot, avez-vous analysé les défaillances qui ont conduit aux anomalies constatées sur la cuve de l'EPR de Flamanville ? Comment expliquer que près de cent anomalies ont été constatées lors de la revue qui a suivi, et quelles mesures ont été prises depuis ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Je ne suis juridiquement plus en charge de ce sujet depuis neuf mois, donc je ne peux pas revenir sur la situation actuelle.

Il y a deux sujets différents. S'agissant de la cuve en elle-même, il y a plus de 1 000 points de contrôle d'arrêt sur un équipement de ce type. Personne n'étant parfait, il n'est pas anormal, en soi, de trouver des écarts.

En revanche, ce que nous avons observé au Creusot fait l'objet d'une procédure judiciaire et il apparaît clairement qu'il y a eu des pratiques inexcusables. J'ai indiqué dès le mois d'avril 2016 qu'un certain nombre de pratiques découvertes lors d'un audit que nous avions déclenché ne nous paraissaient pas adaptées. Une procédure judiciaire est en cours, mais je peux indiquer que l'ensemble des dossiers qui ont été examinés, malgré ces écarts, n'ont pas soulevé de problèmes de sûreté majeurs. Il a néanmoins fallu des travaux supplémentaires pour le prouver.

S'agissant des causes, plusieurs travaux y sont consacrés. Dès le déclenchement de l'audit, et lorsque nous avons eu les premiers éléments, nous avons déclaré ce que nous avions découvert à EDF et à l'ASN, en toute transparence. Nous avons ensuite réexaminé cinquante ans de dossiers et, de notre propre chef, nous avons analysé l'ensemble de cet historique : 6 000 dossiers de fabrication, sur cinquante ans. L'ensemble des inspections a été réalisé et, de ce que je comprends, l'ASN a examiné la moitié des conclusions.

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L'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (ACRO) a révélé en octobre 2016 une pollution radioactive liée à la présence d'américium 241 près du site Areva de La Hague, ce que l'entreprise a confirmé en janvier 2017. Comment expliquer cette pollution ? Quelles réponses ont été apportées par Orano ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Cette pollution était connue, puisqu'elle résulte très probablement d'un événement survenu il y a trente ans. Son impact, précisément mesuré, est très inférieur à la radioactivité naturelle. Néanmoins, comme nous intervenons en reprise de déchets et en assainissement de cette zone du site, située au nord-ouest, et qui fait l'objet de déclarations permanentes à l'IRSN, nous avons de nous même indiqué que nous reprendrions vingt-cinq mètres cubes de terre, l'équivalent d'une petite piscine. Il n'y avait pas d'impact, mais comme nous sommes en train de traiter toute cette zone, et même si elle est à l'extérieur de notre clôture, nous avons indiqué que nous enlèverions cette terre marquée par un événement très ancien qui s'était produit à l'intérieur du site.

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S'agissant du transport des matières, vous avez parlé tout à l'heure du plutonium et des mesures que vous envisagiez de prendre. J'aurais tendance à dire : merci à Greenpeace de vous avoir alerté sur un certain nombre de points !

Mais nous n'avons pas abordé la question du cheminement du minerai d'uranium. Il arrive chez vous à Malvési et va aussi à Pierrelatte. En étudiant le cheminement et la transformation de ce combustible, on se rend compte que la France est sillonnée de transports routiers et ferroviaires de produits radioactifs, de manière presque quotidienne. Ces transports font-ils l'objet d'une escorte par la force publique ou d'agents privés ? Comment pouvez-vous être certains de la sécurité de ces transports à l'égard d'un groupe de terroristes qui pourrait vouloir s'emparer de ces matières radioactives pour fabriquer une bombe sale, par exemple ? Ne serait-il pas envisageable, pour réduire tous ces transports, de réunir sur un même site les deux étapes de la transformation de l'uranium ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Lorsque l'on observe les forces armées, nous nous apercevons que face à la multiplication des menaces du type lance-roquettes, les technologies de blindage évoluent. L'évolution des technologies nous permet d'envisager de renforcer également nos transports. Si certaines données qui nous concernent sont classifiées, un grand nombre est public et permet de comprendre de quoi nous parlons. L'existence des camions de transport de plutonium est publique et c'est bien la technologie de blindage qui nous permet de réfléchir à de nouveaux sujets, sachant que, en tant que membres du Haut comité à la transparence, nous sommes donc tout à fait ouverts au dialogue avec les associations qui veulent bien dialoguer par des moyens légaux.

Nous sommes opérateurs de transport, mais tout ce qui concerne la réglementation de la protection est fixé par l'État. Savoir si nous allons plus transporter ou plus regrouper va se traiter avec l'État, qui va définir les menaces et les moyens les plus adaptés. Nous ferons en conséquence, en fonction de l'enjeu : tous les transports ne représentent pas les mêmes volumes de matière.

Quant à regrouper les étapes de la production sur un même site, historiquement, les choix industriels ont été faits par l'État et nous en sommes les héritiers. Notre site de conversion de l'uranium à Narbonne est le principal site industriel du département de l'Aude, nous y avons réalisé des investissements extrêmement importants. Nous avons aussi une logique d'équilibre au sein des territoires, nous ne voulons pas les priver d'activités industrielles. Bien entendu, en fonction des menaces, nous pourrons prendre les mesures que les pouvoirs publics estimeront nécessaires, même s'il est seulement question d'uranium naturel.

Il s'agit d'une histoire industrielle française de plusieurs décennies, qui s'applique aussi à l'aval du cycle, puisque c'est bien une décision publique, en lien avec les opérateurs, qui a situé l'usine Melox sur le site de Marcoule et non sur celui de La Hague.

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Existe-t-il un contrat entre EDF et vous pour le retraitement des combustibles MOX et l'uranium de retraitement réenrichi, l'URE, que j'ai découvert quand je suis allée à La Hague ? Si oui, à quelle date doivent-ils avoir été retraités ?

En dehors d'EDF, avec qui avez-vous des contrats de retraitement ? Quels volumes, quelles échéances et surtout quelles perspectives avez-vous dans ce domaine ?

Aujourd'hui, un projet de piscine d'entreposage centralisé est prévu à Belleville-sur-Loire. Avez-vous reçu une information d'EDF concernant son intention déclarée de transférer le combustible MOX usé de La Hague pour l'entreposer dans cette piscine ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

S'agissant spécifiquement du combustible MOX usé, nous n'avons pas de contrat avec EDF. Il y a un contrat pour le traitement de plus de 1 000 tonnes par an, mais c'est EDF qui choisit quel combustible il souhaite traiter. Aujourd'hui, EDF ne traite pas son combustible MOX. Mais historiquement, nous avons traité plus de 75 tonnes de combustible usé MOX de clients étrangers : techniquement, nous savons le faire. Mais comme pour le verre ou d'autres produits, lorsque l'on recycle plusieurs fois, il faut des dispositifs adaptés. Nous travaillons à une nouvelle conception de l'assemblage combustible, ou bien il faut faire un mélange avec des matières qui n'ont encore jamais été recyclées afin de permettre à ce multirecyclage de fonctionner. Nous y travaillons, mais aujourd'hui, compte tenu du nombre de réacteurs fonctionnant avec du MOX en France, il n'y a pas besoin d'opérer ce multirecyclage.

S'agissant de l'uranium de recyclage, il a été réenrichi et fait l'objet à nouveau de production d'électricité à la centrale de Cruas. Son utilisation dépend du cours de l'uranium, en ce moment, EDF ne le fait pas, mais se prépare à le faire à nouveau dans les prochaines années dans plusieurs tranches de son parc.

C'est important car aujourd'hui, avec le MOX, 10 % de l'électricité nucléaire en France est produite avec des matières recyclées ; en utilisant de l'uranium de recyclage, cette proportion passerait à 20 voire 25 %. Deux à trois ampoules sur dix, chez chacun d'entre nous, pourraient éclairer à partir de matières recyclées. Cela est dû au fait que dans les combustibles usés qui arrivent à La Hague, il y a 1 % de plutonium, 4 % de produits de fission vitrifiés, et 95 % de matière valorisable. C'est ce qui nous permet de régénérer entre 10 et 25 % d'électricité à base de matières recyclées.

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Compte tenu de l'accumulation de plutonium non irradié et des incertitudes sur la disponibilité à long terme des réacteurs utilisant le MOX, puisqu'il y a un programme de fermeture de réacteurs de 900 mégawatts et que son utilisation dans les réacteurs de 1 300 mégawatts est incertaine, avez-vous envisagé un programme de recherche sur l'immobilisation de ce plutonium comme déchet, ou envisagez-vous de le faire ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Ce n'est pas la première option, même dans les scénarios que vous évoquez, qui ne sont pas ceux que nous considérons les plus raisonnables. Ce débat aura lieu, bien sûr, dans le cadre de la programmation de l'énergie. Même s'il n'y avait pas de moxage des réacteurs à eau légère en France, tel que nous le concevons aujourd'hui, nous pouvons imaginer des réacteurs rapides, tels que la Russie en exploite et que la Chine en développe. Des start-up aux États-Unis développent de tels réacteurs, et un projet de loi au Congrès des États-Unis prévoit d'attribuer 2 milliards de dollars à des projets de réacteurs de type neutrons rapides, dont des premiers coeurs se chargent avec ce type de matière. Beaucoup de start-up fonctionnent aux États-Unis avec des matières déjà irradiées ou imaginent de le faire.

Il y a donc plusieurs autres solutions sur lesquelles nous travaillons avec le CEA en France, s'agissant des réacteurs rapides, mais également avec EDF et le CEA pour du multirecyclage, c'est-à-dire faire en sorte que dans les réacteurs à eau légère, nous puissions utiliser des MOX usés, en France ou ailleurs.

Autrement dit, nous avons des programmes de recherche, qu'il s'agisse de réacteurs rapides ou de multirecyclage. L'immobilisation du plutonium fait l'objet de recherches académiques dans le monde ; nous les suivons, mais compte tenu du potentiel énergétique du plutonium, cela ne nous semble pas la solution la plus naturelle.

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Les installations de La Hague servent à l'entreposage d'un stock croissant de combustible MOX non utilisé, issu notamment des rebuts de fabrication de l'usine Melox. Combien de tonnes sont entreposées à La Hague, et sous quelle forme ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Je cite les chiffres de mémoire, mais nous pourrons vous fournir les chiffres exacts. L'inventaire de plutonium à La Hague est de 60 tonnes, dont 40 tonnes sous forme de plutonium séparé et 20 tonnes sous forme de rebut ou toute autre forme non séparée. Nous vous ferons passer les tableaux exacts avec les valeurs à la fin 2017 ; nous mettrons les chiffres à jours dans les semaines qui viennent.

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Nous sommes preneurs de ces informations.

Où en est le projet d'entreposage d'uranium sur le site du Tricastin par extension des bâtiments existants, pour repousser la date de saturation des entreposages de 2019 à 2021 ? L'ASN avait formulé un avis négatif au dossier d'option déposé par Areva NC en 2015, indiquant que ce dossier se fondait sur des aléas naturels obsolètes. Quelle alternative est envisagée dans l'hypothèse où cette solution ne serait pas prête à temps ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Le site du Tricastin a beaucoup évolué depuis les dates que vous mentionnez. Nous avons repris le dossier, l'enquête publique est prévue en 2020, et la mise en service en 2022, ce qui est compatible avec la saturation des entreposages.

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Une question est revenue plusieurs fois lors des précédentes auditions : pour quelle raison les combustibles irradiés en attente de stockage sont-ils entreposés en piscine et non à sec ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Cela tient à des choix historiques que chaque pays a faits, bien avant que je ne rejoigne cette filière. J'ai noté que le président de l'ASN ne voit pas d'avantages, au regard de la sûreté, à stocker à sec plutôt qu'en piscine. D'un point de vue industriel, le stockage en piscine permet d'aborder le recyclage et la manutention ultérieure de ces combustibles de manière plus simples ; mais Orano est également l'un des trois leaders au niveau mondial en matière de dispositifs de stockage à sec, avec plus de 1 000 dispositifs installés dans le monde. Nous sommes donc capables, en fonction des choix de nos clients, de leur offrir l'un ou l'autre type de solutions. Il n'y a pas de solution exclusive : en Finlande, le stockage est fait en piscine et ils ne recyclent pas… Plusieurs types de solutions peuvent être imaginés.

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Avant de revenir sur les piscines, où en êtes-vous de la reprise des déchets anciens de La Hague, notamment les boues radioactives issues du retraitement ? Quel est le calendrier ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Les déchets anciens datent en général d'avant les années quatre-vingt. Au maximum, ce sont des déchets qui ont plus de trente ans. Nous avons quatre grands projets afférents à cette reprise de déchets anciens. L'ASN et l'IRSN sont venus se rendre compte sur place de l'avancement de cette affaire, puisqu'après plusieurs années d'études, nous avons engagé les travaux sur tous ces chantiers.

Le premier chantier est dans la zone nord-ouest, dont nous parlions tout à l'heure. La reprise reprendra cette année, les travaux sont terminés et nous sommes en essais. Ensuite, tous les deux ans, un des quatre grands chantiers sera mis en service : un autre silo, après le silo 130 ce sera le silo 115 ; puis la haute activité oxyde ; puis les boues. Ce rythme va nous permettre, au cours des six prochaines années, d'initier l'ensemble de la reprise de ces déchets anciens. Nous en rendons régulièrement compte à l'ASN et l'IRSN. Sur des éléments qui remontent à plusieurs décennies, on retrouve parfois des éléments auxquels nous ne nous attendions pas, mais à chaque fois, nous faisons des essais, des caractérisations. Il nous arrive de rencontrer des retards, néanmoins, nous le faisons avec détermination et nous pensons, lors des six prochaines années, commencer l'ensemble de ces reprises, qui sont financées par les 7 milliards d'euros inscrits à notre bilan, dont j'ai parlé précédemment. C'est le fonds dédié du bilan d'Orano qui paie ces opérations ; nous n'avons pas à faire appel à des fonds extérieurs pour le faire.

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Revenons-en aux piscines. Vous indiquez avoir une épaisseur d'un mètre de béton sur quelques murs, ce qui limite un certain nombre d'attaques. Toutefois, même si je vous concède qu'elles ne sont pas très répandues, les armes antichars peuvent percer jusqu'à trois mètres de béton… Nous ne sommes donc jamais au bout sur ces questions.

Vous dites avoir fait des tests sur les plafonds de vos piscines, renforcés par des poutres qui empêchent les moteurs et les nacelles d'avion – les éléments les plus lourds – de les traverser. Je n'ai pas trouvé cela extrêmement clair, d'autant que ces poutres existaient dès le départ, qu'elles avaient été prévues dès la conception des piscines. Est-ce à dire que celles-ci avaient déjà été pensées de manière aussi avancée en matière de sécurité ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

En effet, ces poutres existaient auparavant. Elles n'empêchent pas les moteurs d'avion et les nacelles de rentrer, mais elles limitent la taille des plus gros débris qui peuvent passer au travers. L'avion étant une structure légère et très creuse, hormis le moteur et sa nacelle, il ne se retrouvera pas dans la piscine. Seuls le moteur et la nacelle pourraient entrer en entier. Cela permet de dimensionner l'accident potentiel. Ce sont des études postérieures au 11 septembre qui ont permis d'analyser ces événements.

Si nous avions des murs en béton, quelle que soit leur épaisseur, capable d'arrêter complètement l'avion, y compris le moteur, l'avantage serait de pouvoir continuer à exploiter sans avoir à redouter le moindre impact sur la piscine, ni la moindre fuite. Mais il faut bien distinguer entre le fait de perdre la superstructure, ce qui est gênant en termes d'exploitation et peut créer un certain nombre d'incidents, comme des petites fuites, mais compensables, et le dénoyage complet de la piscine, qui est un événement totalement différent.

Ensuite, les éléments en ma possession montrent qu'en cas d'attaque terroriste, les armes utilisées ne sont pas celles que vous avez mentionnées.

Enfin, il n'y a pas qu'un seul mur en périphérie, il y a des défenses en profondeur. La piscine est intégralement entourée d'au moins un mur – en général plutôt deux – de plus d'un mètre d'épaisseur au niveau de l'eau.

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Si je comprends vos propos, une attaque du type de l'attentat du 11 septembre ne pourrait pas, aujourd'hui, entraîner un dénoyage des combustibles. Cela expliquerait peut-être le retrait des missiles sol-air, que vous avez signalé sans l'expliquer.

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Cela a été fait en cohérence avec ces études, à savoir qu'une attaque du type 11 septembre ne provoque pas le dénoyage des piscines. Mais si des éléments venaient contredire les analyses qui ont été faites par les ingénieurs, la réponse la plus rapide serait de réinstaller une protection par des batteries de type sol-air.

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Considérez-vous qu'elles soient inutiles aujourd'hui ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Il est ressorti de nos dialogues avec les autorités et de l'analyse des dossiers qu'il était plus utile de protéger par ce biais d'autres endroits du territoire français.

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Après quelques années de tourmente, Areva est devenu Orano. Comme beaucoup d'entre nous, je pense, j'aimerais être rassuré sur la situation financière du groupe, sur sa capacité à financer ses installations, et surtout, à assurer la sûreté et la sécurité inhérentes au type d'activités que vous menez.

Sur les piscines, vous avez été assez précis. Pourtant, on pointe souvent la vulnérabilité de certains sites, en particulier celui de La Hague, face au risque terroriste. On vient de parler des risques liés aux avions. Qu'en est-il des cyberattaques ? Vous y êtes-vous préparés ? Quels dispositifs avez-vous mis en place pour y répondre le cas échéant ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Le business plan qui a servi de base à l'augmentation de capital et qui a été approuvé par la Commission européenne prévoyait des montants d'investissement sur la sûreté et le renforcement de l'ordre de 350 millions d'euros, et des dépenses annuelles de sécurité de l'ordre de 80 millions d'euros – dépenses récurrentes ou investissements.

Lorsqu'il faut faire davantage, plus que ce que l'on avait prévu il y a deux ou trois ans, dans le domaine de la cybersécurité par exemple, dans lequel les salariés et l'ensemble de la filière ne ménagent pas leurs efforts par ailleurs, il faut bien trouver le moyen de financer ces investissements dès lors qu'ils sont prioritaires. Cela n'empêche pas, bien entendu, comme dans toute entreprise, et comme vous le faites aussi dans le cadre d'un budget, d'arrêter les priorités en fonction des risques et des menaces que l'on perçoit.

Cela a donc bien été prévu. D'ailleurs, dans le cadre de nos autorisations, nous devons répondre à des critères de moyens humains et de compétences. Nos équipes évoluent et les autorités, l'ASN par exemple, doivent s'assurer que nous avons les moyens humains et financiers à la hauteur de la situation. Et de ce point de vue, l'ASN a indiqué que celle-ci était moins préoccupante, voire plus satisfaisante, que l'année dernière.

Cela ne veut pas dire que l'entreprise – comme la filière de façon générale – ne doit pas continuer à travailleur pour répondre aux enjeux de compétitivité ; mais elle le fera en continuant à améliorer les conditions de sûreté dans ses installations, ou en renforçant la formation et les compétences des personnels. De ce point de vue, nous sommes parfaitement en ligne avec les autres exploitants.

S'agissant des cyberattaques, j'ai indiqué dans mon propos liminaire que ce n'était pas que des menaces : nous avons à faire face à 200 attaques par jour sur nos réseaux, 100 par virus, dont deux quasiment individualisés, en dehors des millions de mails frauduleux que nous recevons.

Depuis quelques années, notre démarche, sous la supervision de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), est assez systématique. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous continuons de nous améliorer. Nous augmentons nos investissements, que ce soit en segmentation, sur les réseaux, afin de bloquer tous types d'attaques. J'ajoute qu'aujourd'hui, certaines attaques provoquent des segmentations sur le réseau, pour empêcher l'entreprise de fonctionner. D'où un jeu d'épée et de bouclier permanent.

Nous nous soumettons à plus de vingt tests par an, organisés par des entreprises accréditées par l'ANSSI pour apprécier la robustesse de nos systèmes. Nous n'avons pas perdu un seul PC dans les attaques de l'année dernière, mais cela ne signifie pas, encore une fois, que l'on soit parfait. Des salariés peuvent se faire voler un ordinateur. Les menaces sont nombreuses : on essaie de se défendre, au moyen de badges cryptés par exemple. On dialogue avec les autres industriels. Et l'ANSSI nous pousse à avoir les démarches les plus structurées possibles.

Nous avons encore une marche pour franchir le niveau 18-20 ; nous allons dépenser plus de 10 millions d'euros au-delà de ce que nous avions pensé faire. Notre investissement de protection cyber se chiffre en dizaines de millions d'euros, aussi bien en dispositifs physiques qu'en formation : beaucoup de vulnérabilités peuvent résulter d'une erreur humaine. Chaque établissement industriel a bien entendu ses propres spécificités : nous allons continuer à agir dans la sécurisation des dispositifs – réseaux sans fils, clés USB, tout ce à quoi on peut penser. Mais au regard du nombre d'attaques que nous avons subies ces derniers temps, on peut dire que nous n'avons pas trop mal résisté.

Enfin, il n'y a pas de réaction nucléaire à La Hague. Mais nous avons les moyens d'arrêter les installations dans un état sûr pendant plusieurs jours, et on travaille à faire en sorte qu'une attaque cyber, même si elle réussissait, n'ait pas de conséquences.

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Une question subsidiaire sur l'activité salariale : avez-vous davantage recours qu'auparavant à la sous-traitance ? Comment analysez-vous les compétences des entreprises sous-traitantes ? Lancez-vous des opérations d'accréditation pour vous assurer que vous ne vous exposez pas à un risque d'intrusion par une personne mal intentionnée ?

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À combien de niveaux de sous-traitance avez-vous recours sur vos sites ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Réglementairement, le nombre de niveaux de sous-traitance est limité à trois : un premier niveau et deux supplémentaires. Nous nous attachons à respecter cette réglementation, sachant que nous avons aussi des filiales spécialisées dans les services. Cela fait débat avec les autorités, mais nous persistons à la considérer comme de la sous-traitance interne au groupe. Cela étant, nous ne faisons pas trop dans la subtilité, et nous maintenons une certaine surveillance en termes de sûreté, de radioprotection, ou d'avis de sécurité. Nous avons recours de la même façon au COSSEN et au criblage annuel pour les salariés et les sous-traitants, qu'ils aient déjà un badge ou qu'ils soient de nouveaux entrants. Comme je l'ai déjà indiqué, nous avons moins de 1 % d'avis négatifs – ce qui, l'année dernière, représentait tout de même plus de 100 refus d'accès.

Allons-nous réinternaliser pour autant ? D'une façon générale, à production quasiment identique, nous avons réduit nos coûts de 18 % sur les trois dernières années pour répondre à un très fort enjeu de compétitivité. Cela s'est fait de façon quasiment proportionnelle entre les achats externes, qui représentent la moitié de notre base de coûts, et notre base salariale. On peut donc dire que nous n'avons pas fondamentalement changé les équilibres entre le recours à la sous-traitance et l'interne.

Il n'en est pas de même des grands projets d'investissement. Je vous ai dit que l'on avait investi plus de 4 milliards d'euros dans la vallée du Rhône, sur le Tricastin, Malvési et MELOX. Or ce programme touche à sa fin, même s'il représente encore entre 600 et 700 millions d'euros pour le groupe. Mais cela a fortement réduit l'appel de la charge externe.

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Je voudrais aborder un dernier point relatif à la sécurité. On n'a pas encore parlé des drones. Certains de vos sites ont-ils été survolés par des drones ? Avez-vous mis en place des mesures pour lutter contre le phénomène ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Oui, certains de nos sites ont été survolés par des drones, en général en limite de clôture. Cela étant, et même si les derniers drones ont des capacités d'emport assez importantes, qui vont jusqu'au poids d'une personne, cela reste une menace inférieure – bien que très significative – à d'autres menaces qu'on nous demande de prendre en compte en cas d'attentat. Je pense aux charges explosives, par exemple.

Cela signifie qu'aujourd'hui, d'autres menaces sont « enveloppes » de la menace drone. Cela n'empêche pas que l'on pourrait, dans un premier temps, flouter nos images sites – pas les nôtres, mais celles qui nous représentent. Par ailleurs, des recherches sont en cours sur les modes d'interception des drones. Mais l'important pour nous est que menaces enveloppes, autrement plus graves, soient prises en compte et que nous soyons censés résister.

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

On peut les repérer, mais s'ils sont en limite de clôture, on ne peut rien faire. Notre priorité n'est pas de développer à tout prix des moyens anti-drones.

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Si on envisage tous les cas de figure, on peut imaginer qu'un drone permette, par exemple, de fournir une arme à une personne se trouvant à l'intérieur de l'enceinte.

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Dans la mesure où nos scénarios d'intrusion ou de malveillance sur l'enveloppe supposent la disponibilité d'armes ou d'explosifs soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, le drone n'est pas considéré pour l'instant comme une menace en tant que tel. Du reste, ce n'est pas nous qui définissons les menaces contre l'enveloppe. Mais s'il devait en aller différemment, elle serait étudiée comme les autres.

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L'ASN est l'autorité qui émet des prescriptions en matière de sûreté. La question se pose de lui donner des compétences en matière de sécurité passive. Qu'en pensez-vous ? Qu'est-ce que cela impliquerait, en termes de changements organisationnels, pour l'ASN ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Je n'ai pas à m'exprimer sur les choix que souhaiterait faire l'État sur sa propre organisation, s'agissant notamment d'autorités indépendantes du type de l'ASN. Mais l'appui technique est commun : c'est l'IRSN. La seule chose que nous souhaitons, c'est de garder une cohérence, c'est-à-dire qu'il n'y ait ni lacunes ni contradictions entre ce que les diverses parties de l'État pourraient nous prescrire, puisque c'est bien une réponse globale à une menace que l'on va mesurer.

Physiquement, ce sont des personnes du service du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministre de la transition écologique et solidaire, qui prescrivent – et qui inspectent. Nous faisons l'objet d'une centaine d'inspections de sécurité par an, de la part des autorités nationales, comme des autorités internationales (Euratom, AIEA).

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Les normes auxquelles vous êtes soumis pour vos activités en France, dans le cycle du combustible, sont-elles les mêmes que celles qui s'appliquent à l'étranger lorsque vous intervenez aux États-Unis ou en Chine ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

L'essentiel de nos installations sont en France, mais nous en avons effectivement aux États-Unis et nous sommes en discussion avec nos partenaires chinois pour y développer des installations. Les principes sont en général assez communs ; ils découlent des prescriptions de l'AIEA et des discussions entre régulateurs eux-mêmes. Et comme les transports vont d'un pays à l'autre, nous appliquons des standards internationaux applicables aux emballages.

Certes, les détails peuvent varier en fonction des pays et de la façon dont ils apprécient les risques et traitent les menaces. Mais l'autorité française est parmi les plus exigeantes et si l'on observe, ailleurs dans le monde, une bonne pratique qui fait vraiment la différence en matière de sûreté, on essaie de se l'imposer. C'est le cas, par exemple, dans les mines : on a les mêmes standards partout et, en général, on partage les bonnes pratiques avec l'ASN.

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Il me reste une dernière question à vous poser sur l'enfouissement en profondeur des déchets. Certains demandent que les déchets qui sont destinés à être enfouis en profondeur dans le cadre de CIGÉO soient plutôt entreposés à sec, en subsurface. C'est la fameuse méthode dite NUOMS, qui semble avoir été adoptée aux États-Unis. Ce serait une solution moins coûteuse, et la réversibilité serait assurée plus longtemps. Qu'en pensez-vous ?

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Le système NUOMS est un de nos produits d'entreposage à sec ; j'ajoute que ce n'est pas un entreposage en subsurface, mais en surface. Cela étant, votre question est assez complexe, dans la mesure où elle combine des paramètres de temps et d'espace.

Pour le très long terme, la plupart des pays ont deux options : laisser les combustibles usés ou les déchets en surface, ou les stocker en couche géologique profonde. Si on les laisse en surface, il faut un contrôle sociétal. Or on n'est pas sûr de ce contrôle sociétal à l'horizon de plusieurs siècles ; c'est la raison pour laquelle on peut préférer un contrôle par la géologie. Et quand il s'agit de déchets à haute activité, il faut les mettre en couche géologique suffisamment profonde pour qu'ils ne soient pas facilement accessibles.

Pour le court terme, il y a également deux options : l'entreposage en piscine ou l'entreposage à sec. L'une et l'autre méthode se valent. Après, ce sont aux clients de choisir. S'ils souhaitent par la suite recycler les déchets pour réutiliser les matières, il est plus simple, pour des raisons de manutention, de les stocker en piscine : le combustible est plus aisément accessible. S'ils n'envisagent pas de le manutentionner dans les quelques décennies qui viennent, ils peuvent l'entreposer à sec.

Ce sont des configurations différentes, en fonction des critères retenus. La Finlande, qui ne recycle pas, entrepose néanmoins sous eau, pour pouvoir reprendre assez rapidement le combustible et le mettre au stockage. On peut prendre en compte la durée pendant laquelle on pense le stocker. On peut aussi envisager de le recycler – comme la Chine, la Russie et nous-mêmes, qui avons des flottes nucléaires importantes.

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Merci beaucoup pour ces échanges qui ont permis de poser l'ensemble des questions et d'alimenter notre réflexion.

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Nous n'hésiterons pas à vous poser d'autres questions au fur et à mesure de nos travaux.

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Philippe Knoche, directeur général d'Orano

Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. J'ajoute que nous répondrons par écrit au questionnaire que vous nous avez adressé. Et vous êtes les bienvenus sur nos sites, si vous souhaitez les visiter.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 8 février 2018 à 16 heures

Présents. - Mme Émilie Cariou, M. Pierre Cordier, M. Paul Christophe, Mme Sonia Krimi, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Marc Zulesi.

Excusés. - M. Xavier Batut, Mme Perrine Goulet, M. Jimmy Pahun,