La séance est ouverte à dix-huit heures.
Dans le cadre des auditions de notre mission d'information sur la compréhension des freins énergétiques, nous avons le plaisir de recevoir M. Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC). Vous êtes, monsieur Michel, un témoin précieux de l'histoire des lois relatives à l'énergie et nous serons intéressés d'avoir votre regard sur les lois « Grenelle » et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Notre mission souhaite, dans un premier temps, clarifier les enjeux, définir les freins à la transition, comprendre comment ils se sont mis en place et à partir de là, discerner comment les dépasser.
Je donne d'abord la parole à M. le rapporteur.
Nous souhaitons agir avec méthode, et nous allons donc examiner ce qu'est le mix de production énergétique, puis le mix de consommation, qu'il s'agisse de mobilité ou d'habitat, ainsi que les économies d'énergie. Notre approche privilégie la décarbonation de l'énergie : nous laissons donc de côté le nucléaire, et nous cherchons comment se passer du pétrole.
Je vous laisserai de toute façon un document que je vais évoquer plus succinctement.
Depuis une vingtaine d'années, Français et Européens ont une nouvelle approche de la transition énergétique, marquée par la prise de conscience du besoin de décarboner l'énergie, en raison de tout ce que l'on sait sur les conséquences des émissions de CO2. Le couple des consommations et décarbonation par le développement des énergies renouvelables figure donc à l'agenda européen et international. Du protocole de Kyoto à l'accord de Paris de 2015, qui est beaucoup plus universel, engagements européens et lois nationales se sont succédés : les plans climat au début des années 2000, la loi de programmation et de transition énergétique de 2005, avant le Grenelle de l'environnement, avaient créé des dispositifs incitatifs comme les certificats d'économie d'énergie et le soutien aux énergies renouvelables électriques. De 2008 à 2010, à côté des lois « Grenelle », il y a eu le cadre énergie-climat, et sur le plan européen des mesures en vue de mieux réaliser un marché commun de l'électricité et du gaz, la directive relative à l'efficacité énergétique, les objectifs pour 2020 de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'objectif européen de porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 est porté à 32 % en France en 2030 dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV). Pour l'Union, le paquet énergie-climat de 2014 fixe comme objectif pour 2030 une réduction de 40 % des gaz à effet de serre par rapport à 2005. En France, les lois Grenelle couvraient l'ensemble des sujets abordés par le Grenelle de l'environnement, qui traitait de l'eau, de différents risques, de démocratie environnementale ; un des six ateliers était consacré au climat. Elles assuraient aussi la mise en oeuvre des dispositions des directives européennes. Ce fut, entre autres, la création des plans climat air énergie territoriaux (PCAET), pour les communes et les intercommunalités et les schémas régionaux climat air énergie, en collaboration avec l'État.
La dernière étape, au niveau français, est la loi TECV de 2015, dont le titre affiche le programme : la transition énergétique pour la croissance verte, qui fixe des objectifs de réduction des consommations d'énergie en mettant l'accent sur les énergies fossiles, mais aussi de diversification du mix énergétique et qui décline les objectifs d'énergies renouvelables par secteur, dans les transports, le gaz, l'électricité, sur fond de débat sur la baisse concomitante de l'énergie nucléaire. Cette loi se décompose aussi en un certain nombre de titres qui sont autant d'outils – bâtiment, économie circulaire, énergies renouvelables, sûreté nucléaire, outils économiques, gouvernance – avec par exemple des obligations de reporting financier. À côté des lois, un ensemble d'actions s'appuient sur les précédentes et les réorientent comme le plan de rénovation de l'habitat de 2013, suivi de l'adoption en avril 2018 d'un plan de rénovation des bâtiments, présenté conjointement par les ministres Hulot et Mézard, après quelques mois de concertation. Si l'on poursuit le même type d'action pour les réorienter ou les approfondir, c'est justement pour supprimer les freins dont on a pris conscience.
Par exemple, pour la construction neuve, le consensus existe pour essayer de faire des économies d'énergie. Les dernières orientations figurent dans la réglementation thermique RT 2012. On est en phase d'expérimentation pour définir la RT 2020 qui, outre les aspects thermiques et l'isolation du logement, concerne la production d'énergie et l'empreinte environnementale du foyer. Les outils sont principalement réglementaires. Le consensus existe de même sur la nécessité de diminuer les consommations dans le parc déjà construit. Cependant, on s'interroge plus, d'un point de vue théorique comme pratique, sur la palette d'outils à utiliser. Une des grosses difficultés est que le bâtiment est très diffus avec des situations très différentes selon qu'il s'agit du parc tertiaire, public ou privé, les bâtiments industriels, l'habitat collectif, social ou privé, ou individuel en propriété ou en location… Pour la rénovation de l'habitat, l'outil le plus utilisé est l'accompagnement financier, sous forme de crédit d'impôt ou des subventions de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), mais le conseil est également une nécessité. La qualification des artisans s'est améliorée, ce qui accroît la performance des travaux. En revanche, pour la rénovation, on a moins recours à la fixation de normes. Un décret de 2007 sur la rénovation des bâtiments tertiaires a été suspendu, mais on essaye, dans le nouveau cadre juridique offert par le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), de le reprendre sous une forme ambitieuse et réalisable. On réfléchit aussi à une obligation, ou un accompagnement, de travaux par les propriétaires-bailleurs de « passoires thermiques », qui n'y sont guère incités dans la mesure où c'est le locataire qui en perçoit le bénéfice immédiat. À moyen terme, l'augmentation du prix des énergies carbonées, et la taxe carbone, auront un effet sur l'investissement. Mais celui-ci – et c'est vrai aussi dans les transports – n'ayant un rendement, à savoir les économies constatées, que sur une longue durée, la hausse du prix du carbone ne suffit pas à le déclencher, sauf pour les gros propriétaires et entreprises qui s'engagent sur un programme de rénovation sur vingt ans ; pour le public, elle est un élément utile d'explication. C'est là un autre exemple de frein à la transition. Évidemment, il faudrait nuancer selon le type d'énergie renouvelable, mais je ne veux pas allonger ce propos liminaire et je donnerai des précisions en répondant aux questions.
À propos des bâtiments tertiaires, soucieuse de ne pas reproduire la situation qu'on a connue après les lois « Grenelle », c'est-à-dire l'absence de décrets d'application, je me suis battue lors des débats sur le projet de loi ELAN – en vain d'ailleurs – pour que l'on instaure une étape et que l'on prévoit des contrôles et des sanctions. Mais la seule intervention de la loi évoque tout de suite une écologie punitive et les résistances sont fortes depuis 2010. Il est donc difficile de mettre en oeuvre ces mesures d'économies par la loi. Y a-t-il d'autres leviers pour modifier les comportements ? Les membres du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) martèlent un message alarmiste. L'est-il trop, ou est-ce nécessaire pour obtenir des changements radicaux et accélérer la transition ?
Si nous avions la potion magique, nous l'aurions administrée ! La situation est différente selon les secteurs. Mais il faut une perception politique commune de l'importance de l'enjeu collectif. Le rapport du GIEC et d'autres éléments y contribuent. Déjà, on avait longuement débattu du terme « transition » énergétique : allait-il faire peur ou être ressenti de façon positive ? À l'échelle de telle personne, de tel secteur, l'effet peut être énorme. Mais, globalement, ce n'est pas une révolution, ou plutôt nos sociétés et nos économies ont déjà traversé des révolutions aussi importantes. La différence est peut-être que le changement n'est pas sectoriel, comme la succession des différentes énergies, le passage au charbon, le passage au nucléaire le furent, mais systémique. Sans doute y a-t-il une crainte diffuse. On se dit aussi qu'il faut faire cette transition, mais on se demande quel en sera le prix. En termes macro-économiques, même si les valeurs sont immenses, cela n'a rien d'insupportable pour un pays et a même des aspects plutôt bénéfiques. Mais il faut pouvoir l'expliquer aussi à l'échelle micro-économique, ce qui est plus compliqué.
Il y a eu d'autres transitions, en effet. Par exemple le tracteur a remplacé très vite le cheval, mais la mécanisation agricole avait un avantage immédiatement perceptible, à commencer par la récupération de l'hectare d'avoine nécessaire pour nourrir le cheval. Dans la transition énergétique, l'avantage pour l'individu est moins sensible car il produit des effets à plus long terme et plus collectifs.
L'investissement semble coûteux sans être immédiatement rentable – mais on a déjà investi dans les mêmes conditions, par exemple pour le traitement de l'eau. Il l'est sur le long terme, mais peut aussi être amortissable en cinq, dix ou vingt ans selon sa nature.
En ce qui concerne la perception, sur un plan économique et social, de la transition, il faut affirmer, en premier lieu, qu'elle est nécessaire, en second lieu qu'elle est gérable. Il faut aussi valoriser les exemples réussis. Il est dommage qu'il n'y ait pas un consensus suffisamment fort sur la nécessité de l'action pour qu'on puisse passer à la réglementation adéquate, quitte à prévoir des étapes et un accompagnement. Ce consensus, nous allons l'obtenir à propos des bâtiments tertiaires, mais il a mis longtemps à se construire. À partir de là, il faut se fixer un objectif par exemple à 2030, que l'État et les grands acteurs du secteur donnent l'exemple, que l'appareil de production et les systèmes d'accompagnement montent en puissance. Les aides transitoires permettent à ceux qui veulent aller plus vite de commencer, et on peut industrialiser les solutions de rénovation, en perdant peut-être un peu sur la performance mais en gagnant sur la facilité de reproduction. Plus il y a d'innovations intelligentes, plus le taux de rentabilité de l'investissement s'améliore. Cela étant, il serait nocif de se fixer un objectif trop précoce de quelques années ou trop lointain, comme 2040. Mais 2030 semble un objectif réaliste.
Cette action a un intérêt collectif, notre pays est lié par des engagements européens et internationaux, et il faut agir par tous les leviers possibles.
Comment évaluez-vous la loi de transition énergétique de 2015 ? Les décrets ont-ils été pris, où en est l'application sur le terrain ? Quels sont les aspects positifs et les faiblesses ?
La loi date d'il y a trois ans, elle commence à être mise en oeuvre. Tous les décrets d'application ont été pris. Les boîtes à outils existent : le dispositif de soutien aux énergies renouvelables, électrique ou biogaz, le dispositif en faveur de l'économie circulaire sont mis en oeuvre. Après les zones action prioritaires pour l'air, la loi a créé les zones d'astreinte pour gérer les véhicules polluants dans les agglomérations – à Paris, à Grenoble par étapes. La future loi d'orientation des mobilités (LOM), va améliorer les choses. Quinze collectivités se sont engagées à créer des zones interdites aux véhicules polluants d'ici 2020. Dans le même esprit, sur le plan budgétaire, la trajectoire carbone instaurée en 2015 a été renforcée en loi de finances pour 2018. C'est aussi un progrès que d'avoir créé ces deux outils que sont la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui définit des orientations sur le long terme pour aller vers la neutralité en carbone, et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui remplace des programmes sectoriels par une vision globale. La méthode d'évaluation et de révision tous les cinq ans est un outil intéressant. Il importe que le débat à ce sujet ait lieu en début de mandature, car tout plan – de rénovation des bâtiments par exemple – s'étend en effet sur au moins cinq ans.
Néanmoins, même si les énergies renouvelables se développent, nous n'atteindrons pas l'objectif de 23 % de l'énergie globale en 2020. De même, le rythme de diminution des consommations d'énergie n'est pas suffisant. Pour la légère hausse des émissions de gaz à effet de serre, il faut tenir compte d'éléments conjoncturels. Mais nous ne sommes pas dans la trajectoire fixée par la stratégie nationale bas carbone de 2016. Le rythme de rénovation des bâtiments n'est pas assez élevé et la demande de transports continue à augmenter plus vite qu'on ne le croyait. Il faut agir pour faire diminuer les émissions unitaires de CO2 des véhicules. On en discutera au Conseil européen la semaine prochaine.
Qu'il s'agisse d'habitat ou de mobilité, on voit bien qu'en zone urbaine on peut mieux maîtriser les consommations. Plus de voitures électriques, ce sera moins de pollution et moins de carbone. S'agissant de la production d'énergies renouvelables, il faut plus s'intéresser aux zones rurales, avec des équipements comme les éoliennes et les méthaniseurs. S'appuie-t-on suffisamment sur les territoires pour les développer ? La loi TECV a-t-elle eu les résultats escomptés ? Les régions et les EPCI ne pourraient-ils s'emparer de ces questions pour définir, par exemple, les endroits où l'on peut implanter des méthaniseurs, comme on l'avait fait pour l'éolien, et ainsi accélérer le mouvement ?
Qu'il s'agisse de rénovation ou de mobilité propre, il y a des solutions spécifiques en ville et en milieu rural. On peut imaginer aussi, ultérieurement, un couplage des productions d'énergies renouvelables et de la recharge électrique, avec une adaptation des réseaux. Des syndicats départementaux ont déjà pris des initiatives et en effet, il faut prendre en charge les politiques sectorielles au niveau territorial, les échelles de territoire ayant une pertinence différente. Ce qui émerge, c'est le couple région -EPCI. En dehors même de l'action pour l'énergie, la région a des compétences pour la formation, l'économique au sens large, une autorité de transport. Elle peut déployer des politiques de filières, et de solidarité intrarégionale étant donné leur taille. La région ne va pas localiser chaque méthaniseur, mais peut développer des outils que chaque département s'appropriera. Les intercommunalités, qui s'associent éventuellement entre elles, ont un niveau de technicité meilleur que les communes et réalisent des économies d'échelle. Ainsi pour les points info et les plateformes de rénovation énergétique, on peut mutualiser des conseillers tout en offrant un service de proximité. Par exemple, pour mener une politique intelligente de bornes publiques de recharge, les limites communales n'ont guère de sens. Il en va de même pour un schéma éolien ou de méthanisation. Il y a aussi de bons réseaux départementaux, mais la taille est un élément décisif et le département a moins de compétences directes. Les syndicats départementaux d'électricité ou d'énergie peuvent jouer un rôle de catalyseur ou pour mutualiser les énergies dans l'investissement et l'accompagnement. Il faut prendre en compte l'historique de chaque territoire et la stratégie qu'il souhaite développer. La législation offre les instruments pour agir, par exemple le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE), le plan climat-air-énergie territorial (PCAET), nouveau nom depuis 2016 du plan climat énergie de la loi « Grenelle ». Ces plans sont obligatoires pour les collectivités de plus de 20 000 habitants Il peut sembler déclamatoire d'inscrire dans la loi que les collectivités feront des PCAET, d'autant qu'il n'y a pas de sanction en cas contraire, mais c'est aussi un moyen pour elles de s'approprier ces outils et certains territoires en sont à la deuxième édition.
Le débat persiste, notamment au Parlement à propos des outils financiers et d'accompagnement, portés souvent par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou le programme « Territoire à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) par lequel l'État aide à construire une expertise et subventionne les premières actions afin qu'une dynamique s'instaure.
Il est un peu tôt pour faire un bilan de la loi sur la transition énergétique de 2015. On peut parler d'une dynamique portée par un certain enthousiasme. Beaucoup de territoires ont franchi plusieurs stades et sont à la recherche de nouveaux outils, par exemple des certificats d'économies d'énergie qui les aident à rénover certains bâtiments. Plus de 500 collectivités les utilisent : presque tous les départements et des villes, y compris de 20 000 à 30 000 habitants, comme Lons-le-Saunier et Moulins.
Un seul programme ne crée pas une dynamique et, dans le débat budgétaire, seront proposés des amendements en vue d'allouer des ressources issues de la taxe carbone, avec contractualisation, pour les communautés qui ont déjà leur PCAET et qui progressent. Le Gouvernement n'a pas donné suite jusqu'ici, mais le Premier ministre a écrit aux associations d'élus qu'il y avait une réflexion à mener sur le sujet.
Se pose aussi la question de l'acceptabilité des énergies renouvelables. On ne peut pas considérer les collectivités territoriales comme le vecteur pour les faire accepter. Bien entendu, un porteur de projet, même en financement participatif, doit parler aux élus et aux acteurs du territoire. Leur acceptation compte beaucoup. Par exemple pour le solaire, les prix baissent, le développement est bon, mais on ne peut se contenter de faire la chasse aux terrains pour installer les équipements, sans vision d'ensemble, sans collaboration avec les collectivités pour utiliser au mieux les friches, les décharges, les délaissés. Il faut construire une politique cohérente, non implanter des panneaux solaires en fonction du seul foncier disponible. On peut en dire autant pour la méthanisation, qui permet d'utiliser les déchets des agriculteurs, de l'agroalimentaire, de certaines collectivités ; beaucoup de solutions sont possibles, seuls les trop petits ou les trop gros méthaniseurs comportent des inconvénients. Enfin, construire un réseau de chaleur renouvelable relève d'une collectivité, comme une politique forestière qui fournit de la ressource sans déboiser, avec replantation. On avait créé des projets intitulés « dynamique bois », financés par le TEPCV et l'ADEME, qui allaient de la récolte et la replantation à l'alimentation d'une chaufferie. Ces aspects intéressants, même si tout n'est pas facile pour l'État et les acteurs locaux, ne doivent pas être masqués par le grand débat sur la politique pluriannuelle de l'énergie (PPE).
S'agissant de l'éolien, il y a des territoires où les élus locaux voient l'intérêt, s'investissent, mais où on parvient à un point de saturation : c'est le cas dans les Hauts-de-France. Ailleurs, c'est accepté. Il y a aussi des territoires où le démarrage ne se fait pas, et c'est vrai aussi pour l'éolien maritime.
Certes, les projets de fourniture d'énergie renouvelable ont un impact sur les espaces, les paysages, les espèces et notamment les oiseaux, le bruit pour les habitants. Au ministère, nous avons toujours insisté sur la nécessité de limiter ces impacts. Mais il faut distinguer le projet global et les projets qui doivent entrer dans une planification. C'est pourquoi il y a des procédures d'autorisation et des études d'impact. On peut imaginer des procédures simplifiées mais il s'agit d'éléments lourds – même une seule éolienne – et il faut, au cas par cas, autoriser ou interdire.
Il faut bien sûr qu'ait lieu une concertation locale, même s'il n'y a pas de financement de la collectivité, pour faire évoluer un projet, par rapport aux habitations – la distance minimale est une chose, mais il peut y avoir trop d'équipements –, ce qui ne garantit d'ailleurs pas qu'il sera accepté. Reste que, en raison de l'accumulation d'équipements ou parce que des projets datent d'avant la distance obligatoire de 500 mètres des habitations, il peut y avoir saturation ou à l'inverse, absence de la moindre éolienne en raison des oppositions. Auparavant on définissait des « zones favorables à l'éolien », qui étaient exclusives, mais, déjà faisaient l'objet de contentieux. On les a supprimées il y a quelques années. Cela n'empêche pas une sorte de construction indicative : on dit qu'à tel endroit ce serait bien et qu'à tel autre, le faire sera aux risques et périls du porteur de projet.
Vous évoquez des difficultés d'acceptabilité. Mais il y a aussi beaucoup d'appels d'offres infructueux. Le sont-ils en raison de problèmes techniques ?
Le dernier appel d'offres pour l'éolien terrestre n'a pas été couvert, mais parce qu'on avait exigé que les projets de parcs qui y répondaient aient déjà leur autorisation. En outre, depuis une décision du Conseil d'État de décembre 2017 sur l'exercice de l'autorité environnementale, les autorisations ne pouvaient plus être données par le préfet de région. Un nouveau décret est en cours de préparation. Mais il y avait eu très peu d'enquêtes publiques, et donc les candidats potentiels, faute d'autorisation, ne pouvaient se manifester. Nous avions introduit cette limitation afin de n'avoir que des candidatures de projets bien avancés, pas de permettre à des gens de déposer quarante demandes en se disant qu'ils en auront bien quelques-unes acceptées. Pour le premier appel d'offres, il suffisait de déposer son dossier, pour le deuxième il fallait déjà avoir son autorisation. L'impossibilité de déclencher l'enquête publique pendant plusieurs mois a causé la situation dont nous parlons, mais les choses devraient rentrer dans l'ordre. En ce qui concerne l'énergie solaire, les appels d'offres sont toujours pleinement souscrits et il y a même plus de demandes.
Il reste, pour l'éolien solaire, à trouver, au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou des EPCI, des périmètres qui conviennent.
Pour l'éolien en mer, il en va de même avec des équipements beaucoup plus gros et moins nombreux. Sur les six parcs attribués par appel d'offres, certains ont l'autorisation, pour d'autres la procédure est en cours. Le degré d'acceptabilité peut varier : il est moins bon pour le parc de Dieppe-Le Tréport et on essaye de l'améliorer. Pour le prochain appel d'offres, qui concerne Dunkerque, nous avons procédé en amont à tout un travail pour définir des zonages avec les acteurs locaux. Au début, nous étions peut-être un peu trop rigides sur la définition des zones. Pour Dunkerque, il y a eu discussion avec les pêcheurs, le port, les élus locaux, pour définir dans le détail une zone qui tienne parfaitement compte du chenal, et qui devrait être acceptable. Pour les appels d'offres suivants, nous nous fonderons sur les documents stratégiques de façades maritimes qui, pour chaque grande zone géographique, définissent les utilisations possibles. Nous dessinerons de premiers périmètres qui seront ensuite réduits en fonction du débat public. Cette concertation rendra la procédure un peu plus longue, et le porteur de projet aura une zone qui ne sera pas tout à fait celle qu'il avait proposée initialement, mais qui ressortira du projet collectif. Quand un parc aura été construit ainsi et exploité correctement pendant quelques années, ce sera aussi un bon exemple pour les projets suivants.
Je vous remercie. Peut-être aurons-nous de nouveau l'occasion au cours de nos travaux, qui vont durer quelques mois, à faire appel à vous.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 11 octobre 2018 à 18 h 00
Présents. - Mme Anne-France Brunet, M. Michel Castellani, Mme Jennifer De Temmerman, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, Mme Véronique Riotton, Mme Nathalie Sarles
Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Guy Bricout, M. Stéphane Buchou, M. Jean-Luc Fugit, M. Christophe Jerretie, M. Adrien Morenas