Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

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Mesdames et messieurs, merci d'avoir répondu à notre invitation à participer à la mission d'information relative aux freins à la transition énergétique, que nous avons séquencée en plusieurs thématiques.

Nous avons déjà mené une série d'auditions sur les biocarburants et les énergies alternatives à la mobilité, puis deux tables rondes sur le secteur du bâtiment. Après un propos introductif du rapporteur Bruno Duvergé, vous aurez la parole pour présenter, en cinq à sept minutes chacun, vos positions, les freins que vous avez identifiés, les solutions à apporter, ou tout au moins les pistes de réflexion que nous pourrions explorer. S'ensuivra un échange avec les parlementaires présents.

Cette table ronde est, bien entendu, enregistrée et filmée, disponible sur le site internet de l'Assemblée nationale, et fera l'objet d'un compte rendu écrit.

Nous accueillons donc M. Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition écologique et solidaire ; M. Daniel Lincot, directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France, que nous remercions d'ailleurs pour nous avoir transmis l'article intitulé « Où en est la conversion photovoltaïque de l'énergie solaire ? » ; M. Dominique Jamme, directeur général adjoint de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), et Mme Domitille Bonnefoi, directrice des réseaux ; M. Daniel Bour, président d'Énerplan, et M. David Gréau, responsable des relations institutionnelles ; enfin, M. Guilhem Fenieys, chargé de mission pour les relations institutionnelles d'UFC-Que choisir et M. Matthieu Robin, chargé de mission pour les banques et assurances.

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Merci d'être présents ce soir pour cette table ronde de la mission d'information sur les freins à la transition énergétique, qui travaille autour de sept thèmes : premièrement, la vision que l'on peut donner à nos concitoyens sur le monde de demain, en termes de nouveaux mix de production énergétique ou de consommation d'énergie ; deuxièmement, la production d'énergie, filière par filière– notre table ronde d'aujourd'hui portant sur l'énergie solaire et photovoltaïque ; troisièmement, les mobilités, qui feront usage des nouvelles énergies ; quatrièmement, les économies d'énergie, notamment dans le bâtiment, qu'il soit privé, public, tertiaire ou industriel ; cinquièmement, la façon dont les grands groupes de l'énergie se voient dans dix, vingt ou trente ans, autrement dit comment ils vont se transformer ; sixièmement, comment les territoires s'approprieront ces nouvelles énergies ; septièmement, comment imaginer la fiscalité de demain, à court ou à long terme, sachant que la fiscalité actuelle est très axée sur le pétrole – le sujet est d'actualité.

Enfin, je pense qu'il faudrait également mentionner la mise en place d'une consultation en ligne à partir du mois de janvier.

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En effet. Comme on le constate aujourd'hui, les Français ont le désir de s'exprimer. L'Assemblée nationale a épousé cette tendance depuis un bon moment et met en place, sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, une consultation en ligne qui sera accessible sur son site en janvier-février 2019 – nous vous enverrons le lien. Ainsi, tout citoyen, tout professionnel, tout acteur associatif qui s'intéresse aux freins à la transition énergétique, ou de manière plus globale à la transition énergétique dans notre pays, pourra participer à sa manière au débat.

Le laps de temps imparti à une telle mission – une année – limite le nombre d'auditions. Voilà pourquoi nous avons innové avec cette consultation en ligne, qui viendra enrichir le rapport qui sera rendu d'ici l'été prochain.

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Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables, à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition écologique et solidaire

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous présenterai en quelques mots introductifs la position de mon ministère et les actions que nous avons mises en oeuvre pour identifier les freins à la transition énergétique, et les manières de les lever.

Le ministère de la transition écologique et solidaire soutient la filière du solaire photovoltaïque, et affiche en la matière une ambition particulière pour réussir la transition énergétique française. Ainsi, fin septembre 2018, la puissance du parc solaire photovoltaïque était de 8,8 gigawatts. Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui constitue la feuille de route du Gouvernement et qui a été présenté très récemment par le Président de la République, vise 20,6 gigawatts en 2023, et 35,6 à 45,4 gigawatts en 2028. Très concrètement, il s'agit de multiplier par quatre les capacités installées en dix ans. Pour le Gouvernement, cela implique de passer d'un rythme actuel de développement de l'ordre d'un gigawatt par an, à 3 ou 4 gigawatts par an dès 2023. La place de cette filière devrait donc augmenter de manière considérable.

Dans le cadre de la PPE, certains éléments, qui n'ont pas encore été rendus publics, devraient l'être prochainement. En effet, un calendrier d'appels d'offres sera fixé pour les différentes filières, permettant aux acteurs de disposer de visibilité sur plusieurs années s'agissant des appels d'offres, et des volumes qui seront ouverts par le ministère.

Pour atteindre ces objectifs, « remplir » ces appels d'offres et s'assurer des volumes suffisants, on essaie depuis un certain temps de repérer les freins et de les lever. Tel était l'objectif de la mission confiée au groupe de travail lancé en mai 2018 et piloté par M. Sébastien Lecornu, alors secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire. Deux mois plus tard, en juillet 2018, le Gouvernement lancera la démarche « Place au soleil », pour mobiliser tous les acteurs du photovoltaïque et du solaire thermique en France. Dans ce cadre, une quarantaine de mesures ont été identifiées, un plan d'action a été fixé pour chacune de ces mesures, qui sont en cours de déploiement.

Aujourd'hui, à ce stade, nous avons notre feuille de route. Mais bien évidemment, cela n'épuise pas le sujet. La nouvelle secrétaire d'État, Mme Emmanuelle Wargon, a annoncé son intention de réunir à nouveau ce groupe de travail pour poursuivre la dynamique qui avait été enclenchée par M. Lecornu. De nouvelles réunions sont prévues pour le début de l'année 2019. Y seront abordés des sujets majeurs, prioritaires, notamment celui de l'autoconsommation, où des blocages persistent.

En résumé, on dispose aujourd'hui d'un cadre qui commence à se cristalliser autour de la PPE, qui fixera une ambition pour les dix prochaines années, et qui donnera davantage de précisions pour les trois ou quatre premières années, avec un calendrier pluriannuel des appels d'offres. Des groupes de travail rassemblant tous les acteurs se réunissent périodiquement pour identifier les freins et des plans d'action.

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Dominique Jamme, directeur général adjoint de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, merci d'avoir convié la CRE à participer à cette mission d'information sur les freins à la transition énergétique. Je précise que je suis accompagné par Mme Domitille Bonnefoi, qui est directrice des réseaux.

Comme vous le savez, la CRE est toujours à la disposition des députés et des sénateurs pour les éclairer dans le cadre de leurs travaux parlementaires. Cette mission sur les freins à la transition énergétique est essentielle. Si on veut réussir la transition énergétique de notre pays, il faut identifier les obstacles, mettre tous les éléments sur la table. Cela relève du bon sens. Nous sommes à l'heure des choix. Nous devons faire évoluer notre économie et notre société si nous souhaitons que les générations futures vivent dans un monde plus décarboné et plus propre.

Mais j'en viens au sujet qui nous réunit : le photovoltaïque et le solaire. Je commencerai par rappeler les missions de la CRE dans ce domaine.

La CRE évalue et calcule les charges de service public liées au soutien aux énergies renouvelables. Elle met en oeuvre des appels d'offres en énergies renouvelables qui sont déjà très nombreux, très fréquents, de grande ampleur, et dont la taille et le nombre vont augmenter dans les prochaines années. Par ailleurs, la CRE fixe les tarifs d'utilisation des réseaux, ce qui est important et règle les différends relatifs à l'accès aux réseaux qui peuvent éclater, par exemple entre les producteurs d'énergie et les gestionnaires de réseaux.

M. Reizine, de la DGEC, vient de parler du développement du photovoltaïque et de la mise en oeuvre de la politique énergétique. Je ne reviendrai pas dessus. Mes propos porteront plutôt sur ce que fait la CRE, s'agissant notamment du nouveau mode de production et de consommation qu'est l'autoconsommation. Quand on parle de photovoltaïque, on parle d'autoconsommation. Certes, on peut autoconsommer d'autres énergies que le photovoltaïque, mais le développement récent, anticipé et futur de l'autoconsommation se fera majoritairement avec du photovoltaïque.

Je traiterai donc de l'autoconsommation, puis du photovoltaïque lui-même.

Globalement, la CRE plaide pour une clarification des règles qui encadrent l'autoconsommation. Ce souci de clarification, qui profitera à tous, ne doit pas être interprété comme une réticence envers l'autoconsommation et son développement. L'autoconsommation est à la fois inéluctable et souhaitable. Pour autant, selon nous, il y a des précautions à prendre : d'abord, il faut assurer le financement des réseaux, et donc éviter que l'autoconsommation ne le mette en péril ; ensuite, il faut préserver l'équité territoriale, et donc la solidarité entre les différents territoires.

L'autoconsommation démarre vraiment avec l'ordonnance de 2016, ce qui est relativement récent. Cette ordonnance a notamment défini l'autoconsommation collective, qui permet à des consommateurs et des producteurs situés à proximité les uns des autres d'échanger de l'énergie au niveau local. On a ainsi pu mettre en place des projets qui, auparavant, ne pouvaient pas l'être. La conséquence en a été l'augmentation significative des autoconsommateurs, qui sont aujourd'hui plus de 30 000. C'est très peu, rapporté aux 37 millions de consommateurs d'électricité, mais c'est la dynamique qui importe : aujourd'hui, les trois quarts des demandes de raccordement de producteurs d'énergie photovoltaïque sont liées à l'autoconsommation. La CRE s'en réjouit, mais considère qu'il faut développer l'autoconsommation en synergie avec le système électrique, c'est-à-dire l'encourager là où elle présente de l'intérêt.

Nous nous sommes saisis de ces thématiques à partir de l'année 2017. Il faut dire que l'ordonnance avait demandé à la CRE de mettre en place un tarif de réseau spécifique pour l'autoconsommation. Celle-ci a procédé à une large concertation – tables rondes, auditions, consultations publiques, etc. – sur trois sujets : la simplification du cadre technique et contractuel appliqué aux autoconsommateurs afin de lever les freins non justifiés ; le tarif de réseau, dans la mesure où c'est sa mission principale ; des recommandations à l'adresse des pouvoirs publics sur des dispositifs de soutien équilibrés prenant en compte la diversité des situations et la maîtrise de la dépense publique.

Je ne vais pas entrer dans le détail des recommandations faites au niveau technique et contractuel. Je dirai seulement que l'on a demandé aux opérateurs de réseau de simplifier le système. En effet, la situation d'un autoconsommateur est délicate, puisqu'il est à la fois consommateur et producteur. Contrairement à un consommateur particulier, il est confronté à une double complexité, tarifaire et contractuelle.

Les opérateurs de réseau ont donc été invités à mettre en place un contrat unique pour les autoconsommateurs, ainsi qu'une plateforme dématérialisée et simplifiée par déclaration des installations, et à faire évoluer la réglementation technique de référence. Le travail est en cours. Cela peut paraître un peu compliqué, mais la vie des autoconsommateurs, en particulier des résidentiels, en sera facilitée.

J'en viens au tarif de réseau des autoconsommateurs. Je rappelle que les tarifs de réseaux doivent refléter les coûts générés par les différents utilisateurs des réseaux, et qu'ils doivent être non discriminatoires et incitatifs. Ces principes s'appliquent à toutes les consommations de manière générale, qu'elles soient individuelles ou collectives.

Comme le temps file, je vais passer rapidement à l'autoconsommation collective qui est le point sur laquelle la CRE a introduit une option tarifaire spéciale, fondée sur la distinction entre les flux locaux, c'est-à-dire ceux qui sont effectivement autoconsommés, et ceux qui ne le sont pas.

Retenez que notre objectif a été d'inciter les autoconsommateurs à autoconsommer. Si vous êtes en autoconsommation réelle, vous bénéficiez d'une réduction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Si vous ne l'êtes pas, vous ne bénéficiez pas de cette réduction, mais vous pouvoir toujours conserver le TURPE « normal ». Donc, si vous n'arrivez pas à autoconsommer – cela peut arriver si vous consommez en soirée et que vos panneaux produisent pendant la journée – vous n'y perdez pas. L'idée est que pour bénéficier de ce tarif et réduire son coût de réseau, il ne suffit pas de se déclarer autoconsommateur, il faut effectivement autoconsommer, ce qui signifie, dans la pratique, consommer en même temps qu'on produit.

Restent les mécanismes de soutien à l'autoconsommation. La position de la CRE, ou plutôt l'une de ses recommandations, a pu être interprétée comme « anti-autoconsommation ». Il ne faut pas le voir ainsi. La commission a recommandé, on ne va pas s'en cacher, de restreindre l'exonération de contribution au service public de l'électricité (CSPE) aux petits consommateurs, par exemple résidentiels – et le seuil est à fixer. Mais il y a une vraie raison à cela : l'exonération de CSPE ne peut pas être garantie dans la durée.

Quand vous êtes une entreprise et que vous souhaitez accéder à une autoconsommation un peu industrielle, d'un niveau élevé, et donc investir des millions d'euros dans les panneaux photovoltaïques, il vous faut faire un business plan. Or vous pouvez compter sur l'exonération de taxe pendant un an, deux ans, trois ans, mais pas sur vingt ans.

Il me semble qu'il vaudrait mieux clarifier la situation en remplaçant, par exemple, cette exonération de taxe par un soutien direct qui serait garanti au moment de la prise de décision, que de laisser les entreprises faire des business plans marqués par l'incertitude. Rien ne dit en effet que demain, dans un an, dans trois ans, dans cinq ans, lorsque l'autoconsommation se développera de façon massive, les pouvoirs publics ne vont pas supprimer cette exonération de CSPE. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la recommandation de la CRE.

Je terminerai sur le dispositif de soutien au solaire photovoltaïque lui-même. La CRE, chaque fois qu'elle travaille sur un appel d'offres, fait des recommandations au Gouvernement en la matière. Nous ne sommes pas critiques, et nous considérons que ce dispositif fonctionne plutôt bien. Il y a des appels d'offres à partir de 100 kilowatts et, jusqu'à présent, nos recommandations ont été en général prises en compte par l'administration.

La seule chose que nous pourrions conseiller, c'est de faire en sorte que le rythme de développement des appels d'offres soit toujours cohérent avec la capacité industrielle à développer. Si on lance de très nombreux appels d'offres sans qu'il y ait une offre en face, la pression concurrentielle risque de baisser, les prix de remonter, et cela coûtera plus cher en charges de service public. Mais hormis cette recommandation générale, nous considérons que le soutien public au photovoltaïque est bien organisé.

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Daniel Bour, président d'Énerplan

Monsieur le président, mesdames et messieurs, Énerplan est le syndicat des professionnels de l'énergie solaire. J'ai la chance de parler après deux interventions importantes, celle du ministère et celle de la CRE, et donc de pouvoir y réagir en apportant le point de vue des professionnels.

En tant que professionnels, la PPE annoncée nous convient parfaitement. Pour être plus précis, c'est celle que nous avions recommandée, et que nous retrouvons totalement dans ces chiffres. De fait, nous nous sentons capables de passer en quelques années d'une production de 1 gigawatt par an à 4 gigawatts par an, ce qui constitue tout de même un beau pari.

Il y a les professionnels, les terrains et les toitures pour le faire. Mais avons-nous les moyens de cette accélération ? Avons-nous levé tous les obstacles ? Nous manquons d'éléments. Il nous faut, notamment, une feuille de route beaucoup plus précise.

La première question qui se pose est liée à la répartition du photovoltaïque. Le photovoltaïque est multiforme. On parle aussi bien de la petite installation qui devrait être quasiment systématiquement en autoconsommation, que des très grandes centrales au sol. Ce ne sont pas les mêmes acteurs, ce n'est pas la même économie. Il faut bien les différencier. C'est pourquoi il est très important pour nous que l'on définisse clairement les objectifs, qu'il s'agisse du solaire au sol, des toitures ou de l'autoconsommation.

Nous partageons totalement le point de vue qui a été développé sur l'autoconsommation, qui est certainement un mode de production d'avenir. Progressivement, tout ce qui se fait aujourd'hui en résidentiel passera en autoconsommation, comme c'est déjà le cas dans un certain nombre de pays. Progressivement, même ce qui peut se faire en toiture passera en autoconsommation, soit directement, soit dans le voisinage au niveau du territoire. Il faut garder cette évolution en tête car elle est fondamentale.

Mais si nous parlons beaucoup de l'autoconsommation, elle ne représente pourtant absolument rien en France : 0,001 % de la production ! Il y a 35 000 installations en France, ce qui est tout à fait ridicule. Certes, passer de zéro à un représente une énorme progression, mais, en réalité, nous sommes très en retard par rapport aux autres pays européens. La Belgique compte 380 000 installations ; l'Italie, 630 000 ; le Royaume-Uni, 700 000 ; l'Allemagne, 1,5 million. Nous sommes les champions pour parler de l'autoconsommation, alors même qu'elle ne fonctionne pas. Les professionnels ne s'y intéressent d'ailleurs plus, dans un contexte systématique de blocage des dossiers

Si l'autoconsommation plaît à beaucoup et constitue un sujet très politique, actuellement elle n'est pas possible en France. Pour produire 0,5 kilowattheure, soit absolument rien, il faut jusqu'à six mois à un particulier pour obtenir une autorisation, après avoir rempli un énorme fascicule. L'autoconsommation est très clairement bloquée en France. En 2028, normalement, elle devrait représenter 4 ou 5 gigawattheures. Mais, tels que nous sommes partis, je ne suis pas sûr du tout que nous y parvenions.

Pour les centrales au sol, on peut identifier un deuxième grand frein, spécifique à la France : le permitting, soit tout ce qui relève des permis et des autorisations des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). La construction des centrales solaires se fait en priorité sur des terrains artificialisés. Si nous partageons cette orientation, qui est logique en termes d'aménagement du territoire, il faut voir que ces terrains sont très souvent compliqués et qu'il est très difficile d'y obtenir le permitting. La situation est donc un peu schizophrénique, puisque nous sommes incités à construire dans des endroits où les dossiers sont difficilement validés. .

Qui plus est, pour obtenir le permis de construire d'une centrale solaire, il faut passer par quinze voire dix-sept commissions, sachant que, d'une commission à l'autre, il n'est pas rare que l'on nous demande exactement les mêmes informations. Il faut absolument remettre de l'ordre dans cette situation. Nous comptons beaucoup sur le Parlement pour nous aider à faire comprendre ce qu'il en est. Dans la mesure où cela relève de l'interministériel, mais également de directions différentes au sein d'un même ministère, les contacts ne sont pas toujours faciles. Si nous voulons atteindre nos objectifs, il est urgent de remettre de l'ordre dans ce permis et de revenir à un objectif simple : un dossier déposé doit mettre moins d'un an pour être validé, quand, actuellement, il faut entre dix-huit mois et deux ans, si ce n'est trois. C'est un écueil fondamental. Sans nettoyage du permis, les installations au sol sont compromises. Nous ne remettons pas en cause les services de l'État. C'est le manque de dialogue entre les différentes commissions qui est à l'origine de cet étonnant maelström.

Un troisième frein concerne plus particulièrement le monde agricole. J'ai entendu mon collègue de la CRE dire qu'ils étaient satisfaits du système actuel de soutien. Il fonctionne, de fait, plutôt bien. Cela étant, alors que le secteur agricole était très dynamique avant le moratoire, dans la mesure où il représentait, en puissance, jusqu'à 20 % du raccordement des centrales solaires entre 100 et 500 kilowatts, il n'en représente plus que 5 % à peine. Une anomalie inexplicable a brisé cet élan. De fait, alors que l'Europe demande que les appels d'offres commencent à 1 mégawatt, en France, ils commencent à 100 kilowatts, soit pour des centrales dont le chiffre d'affaires se situe entre 10 000 et 15 000 euros par an. Il faut environ un an pour boucler un projet d'appel d'offres, avec tous les aléas et toutes les incertitudes que cela suppose pour le propriétaire. En conséquence, le secteur ne marche pas. C'est un grand motif de mécontentement du monde agricole. Les bâtiments agricoles se retrouvent orphelins.

Nous demandons très vivement la suppression du seuil de 100 kilowatts et la définition d'un nouveau seuil à 500 kilowatts. La situation actuelle est un non-sens économique, du fait du surcoût lié à l'appel d'offres. Cela permettra au secteur de se redévelopper et au monde agricole de développer un système dont il a besoin. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il existe une si grande différence entre l'éolien, où la limite du guichet ouvert se situe à 18 mégawatts, et le photovoltaïque, où elle est à 100 kilowatts ! Cette anomalie est inexplicable.

Pour conclure rapidement, sachez qu'il existe d'autres sujets : la fiscalité et, plus particulièrement, le problème de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) ; la définition des acteurs qui devront supporter l'augmentation du réseau dans les régions. Ces questions se poseront dans les années à venir, certainement avant la fin de la PPE.

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Daniel Lincot, directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France (IPVF), créé dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), en particulier dans le programme concernant les instituts pour la transition énergétique. Nous nous consacrons depuis 2013 au photovoltaïque. L'ADN de l'IPVF est de chercher à faire le lien entre la recherche fondamentale et les développements industriels, ainsi que d'accélérer le transfert de la recherche fondamentale vers l'industrie. Pour ce faire, nous avons créé une structure intéressante, en ce qu'elle réunit des acteurs académiques – le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l'École polytechnique –, de grands acteurs industriels – EDF, Total et Air Liquide –, ainsi que d'autres acteurs plus liés à la chaîne de valeur – Riber et Horiba Jobin Yvon.

Au niveau mondial, la conversion au photovoltaïque est en pleine accélération. Aussi, comment relâcher en France et en Europe ces freins qui sont lâchés au niveau international ? Nous sommes passés d'un coût de 359 dollars par mégawattheure en 2009, ce qui rendait inenvisageable un développement compétitif sans subvention, à un coût de 43 dollars du mégawattheure en 2018, selon Lazard, groupe de conseil financier et de gestion d'actifs. Les appels d'offres en France et en Allemagne commencent à être compétitifs, sans subventions. C'est un changement profond de paradigme, pour ne pas dire une révolution dans le domaine.

Cette évolution est destinée à se poursuivre, et probablement à s'accentuer encore. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) imagine 350 gigawatts installés par an en 2027, quand nous en étions à 100 gigawatts en 2017. Le marché est très important.

Quels sont les moteurs et les freins ? Les technologies sont matures depuis très longtemps – les satellites en sont la preuve. Du point de vue de la recherche, les progrès ont été constants. Ceux qui concernent les modules sont d'ailleurs impressionnants. L'élément majeur déclenchant a été la transition énergétique et le soutien volontariste des États suivis par l'opinion publique, en particulier au Japon, en Allemagne et en France, avec le Grenelle de l'environnement et la PPE. Nous nous demandons à l'IPVF comment rapprocher une recherche d'excellence du monde industriel, problème qui se pose dans tous les pays. Comment faire en sorte que les découvertes de la recherche amont se concrétisent dans l'industrie ? C'est pourquoi il est important d'associer des acteurs d'horizons différents en un même lieu.

Le contexte est extrêmement favorable à l'innovation technologique et scientifique. Les cellules photovoltaïques et les modules ont un énorme potentiel de croissance en matière de rendement. Si les technologies actuelles atteignent des rendements très intéressants, autour de 26 %, nous imaginons qu'elles pourront aller largement au-delà. L'IPVF s'est positionné sur les ruptures technologiques qui permettront de préparer et de construire l'industrie de demain. Lors de la COP21, en 2015, nous avons déposé une feuille de route baptisée « 30-30-30 », afin de parvenir en 2030 à 30 % de rendement pour les modules et 30 centimes de dollars ou d'euros par watt. Les études que nous avons menées montrent que deux ruptures seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Il faudra une vraie rupture scientifique et technologique, les 30 % de rendement ne se trouvant pas sous le sabot d'un cheval. Qui plus est, fixer un montant de 30 centimes tout en augmentant le rendement, c'est définir un coût compatible avec un développement massif du photovoltaïque. Les représentants des grands instituts mondiaux dans le domaine ont soutenu notre intention.

Il faut également voir que le photovoltaïque s'étend et qu'il n'existe pas qu'un seul mainstream. Il se développe partout et de différentes façons, à l'image du photovoltaïque léger voire ultraléger, ou du photovoltaïque autonome. Le fait de maîtriser les technologies du moteur permet de diversifier les applications. Le travail de l'IPVF porte sur les technologies de rupture et les recherches fondamentales, mais consiste également à identifier les débouchés de ces technologies sur les marchés. Les grands industriels de l'énergie nous aident beaucoup à positionner les valeurs.

Nous voulons aussi développer, grâce à la technologie tandem, des cellules hybridées, des cellules multi-jonctions, qui pourraient offrir jusqu'à 42 % de rendement. Cette hybridation ne casse pas la dynamique de l'industrie actuelle, mais s'appuie bien dessus.

Enfin, je tiens à rappeler l'importance des collaborations internationales. La recherche tient une grande place dans le photovoltaïque. Elle doit faire partie intégrante de la chaîne de valeur. Il est très important de réunir des chercheurs d'excellence et d'être capables de fédérer et de susciter une attractivité sur le plan de la recherche, dans la mesure où une bonne partie des développements à venir seront basés sur des découvertes qui émergent dans les laboratoires aujourd'hui. La recherche, comme la transition énergétique, doit être internationale.

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Guilhem Fenieys, chargé de mission pour les relations institutionnelles de l'UFC-Que choisir

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie d'accueillir l'UFC-Que Choisir dans le cadre de cette mission d'information, dont nous saluons la tenue. En tant qu'association de consommateurs, l'UFC-Que choisir s'inscrit dans cet objectif d'une société plus juste et plus durable, dans laquelle la transition énergétique deviendrait une réalité.

Notre position nous a permis d'identifier les freins à la transition énergétique au regard des litiges existants. L'un de ces litiges, dont le montant a été évalué à plus de 17 millions d'euros sur une année, est celui du démarchage effectué dans le cadre de travaux de rénovation énergétique. Il faut impérativement responsabiliser l'ensemble des acteurs, aussi bien les artisans et les conducteurs de travaux que les acteurs du secteur bancaire et assurantiel, afin de rétablir la confiance des consommateurs et de lever ce que nous avons identifié comme un frein à la transition énergétique.

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Matthieu Robin, chargé de mission pour les banques et assurances de l'UFC-Que choisir

Nous avons effectivement réalisé une étude, parue au début de 2017, sur le démarchage dans la rénovation énergétique, qui fait l'objet d'un nombre croissant de litiges. Les manquements se caractérisent de deux façons : la limite des contrôles par les banques de leur partenaire démarcheur ; la divergence d'intérêts entre les établissements bancaires et les consommateurs.

Nous avons remarqué qu'en amont des travaux, les établissements bancaires sélectionnaient parfois des partenaires démarcheurs qui avaient réalisé des travaux particulièrement litigieux ou qui n'avaient pas les assurances obligatoires ou les labels nécessaires pour faire bénéficier le consommateur d'un crédit d'impôt. En aval, malgré les alertes lancées par des associations locales et nationales, ces mêmes sociétés apparaissaient dans des litiges pour des montants particulièrement importants. Le montant moyen d'un litige, dans le domaine du photovoltaïque, est de 20 000 euros. C'est pourquoi il nous semblerait judicieux que le consommateur puisse avoir recours à un expert indépendant qui, en amont, validerait le contrat et s'assurerait de l'absence d'allégation concernant de prétendus avantages fiscaux ou de prétendues possibilités de rendement, par exemple et qui, en aval, certifierait la bonne réalisation des travaux, qui sont relativement complexes.

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Merci à toutes et à tous pour vos interventions. Avant de passer la parole à mes collègues, j'aurai une question concernant le retour d'expérience sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Avant cette loi, les appels d'offres pour le développement du photovoltaïque manquaient de visibilité. Les choses sont-elles désormais rentrées dans l'ordre et permettent-elles d'assurer le développement du photovoltaïque ?

Par ailleurs, quand on parle de photovoltaïque, on pense aux bâtiments, aux toitures, mais vous avez évoqué, monsieur Lincot, plusieurs autres pistes d'application. Quels sont les potentiels pour la mobilité des biens et des hommes, dans les domaines fluvial, maritime et ferroviaire, puisque, s'agissant de l'automobile, nous sommes encore très loin d'une standardisation ?

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Monsieur Bour, vous avez évoqué les blocages existants dans les permis de construction des centrales solaires, en regrettant l'épaisseur du fascicule à remplir, mais surtout le nombre de commissions. Comment expliquer qu'elles soient si nombreuses ? Certaines sont-elles redondantes ? Comment alléger le système d'obtention des permis ?

S'agissant de l'obsolescence, quelle est la durée de vie des panneaux photovoltaïques et sont-ils recyclables ?

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Hier est parue une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) sur les trajectoires d'évolution du mix électrique 2020-2060. Qu'en pensez-vous ? Correspond-elle à vos prévisions sur le développement de la filière ?

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Daniel Lincot, directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France

Monsieur le président, le photovoltaïque a vocation à se développer dans énormément de niches de marché : cela va en effet des calculettes aux centrales gigantesques qui sont implantées dans les déserts. Le photovoltaïque va devenir de plus en plus logique et sera installé partout où ce sera intéressant.

S'agissant de la mobilité électrique et solaire, aujourd'hui, pour faire cent kilomètres, il faut 10 kilowattheures environ avec une voiture électrique, soit une installation de 10 kilowatts tournant pendant une heure. Comment optimiser le rendement sur une voiture dont la zone d'exposition est limitée ? On entend souvent des choses fausses à ce sujet : une voiture a une surface qu'elle expose au soleil ; la puissance ne sera jamais plus que le produit de sa surface par le niveau d'éclairement et le rendement de la cellule photovoltaïque. En revanche, l'énergie renouvelable, stockable dans ce cas de la voiture, permettra des fonctions additionnelles. Mais il ne faut pas penser qu'un train à grande vitesse (TGV), par exemple, pourra fonctionner avec une bande de cellules solaires.

En revanche, la valeur de ces expériences, y compris pour les objets en eux-mêmes, est très importante. Le photovoltaïque autonome, donnant directement de l'électricité, est en train de se développer. De même, on peut désormais, grâce au photovoltaïque, recharger des voitures à l'arrêt. Le photovoltaïque a donc vraiment du sens. Les meilleurs exemples en sont donnés par les bateaux autonomes ayant fait le tour du monde, ou encore par l'avion solaire Solar Impulse, qui constitue un formidable modèle de conjugaison des techniques : il fonctionne comme un mini-réseau associant production et stockage d'énergie. Le photovoltaïque autonome dans les transports est donc important.

Le photovoltaïque sur l'eau, qui se développe dans des endroits où il n'y a pas de conflit d'espace, tend effectivement à progresser. Il y a quelques années, personne n'envisageait d'installer des panneaux sur l'eau. Or, on constate que des entreprises françaises sont très bien positionnées dans le secteur. De fait, les plans d'eau offrent des zones où l'on peut installer des panneaux, voire les coupler ensuite avec de la production d'hydrogène par électrolyse.

Le photovoltaïque se développe donc à de nombreux niveaux, et il ne faut négliger aucune niche en matière de production d'électricité renouvelable : même les équipements à petite utilisation, par exemple les sonnettes, représentent des puissances non négligeables. Les petits ruisseaux, dit-on, font les grandes rivières : la transition énergétique, en matière d'énergies renouvelables, doit savoir travailler à la fois avec des ruisseaux et avec des fleuves.

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Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables, à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition écologique et solidaire

La critique concernant l'absence de visibilité des appels d'offres valait effectivement avant la loi de transition énergétique, et dans l'ancien cadre. La précédente PPE définissait déjà clairement – et c'était une grande nouveauté, mise en place il y a donc environ trois ans – les volumes, et donnait un calendrier indicatif des appels d'offres pour toutes les filières, avec la date d'ouverture des guichets où les différents acteurs pouvaient déposer des dossiers. Comme c'est indicatif, nous avons pu, par exemple pour le solaire photovoltaïque, compte tenu de la baisse très importante des coûts qui est intervenue, augmenter les volumes vendus tout en restant dans l'enveloppe budgétaire de la première PPE. Cela dit, nous avons essayé de garder la cadence tout en ayant une visibilité sur plusieurs périodes. Dans la prochaine PPE, des objectifs seront définis de manière globale pour le solaire, tout en fixant des sous-objectifs pour les installations au sol, les bâtiments, ou encore les petits systèmes, et nous essaierons de donner autant de visibilité que possible, car ce ne sont effectivement pas les mêmes personnes qui répondent aux appels d'offres. En outre, le calendrier des appels d'offres sera établi par trimestre. La visibilité des appels d'offres constitue un réel point d'attention pour nous ; nous essayons de l'améliorer.

Monsieur Cellier, nous avons pris connaissance de l'étude de l'ADEME, même si son sujet dépasse l'objet de cette table ronde. Nous avions un peu échangé avec l'agence sur la partie concernant les hypothèses techniques. Le document apporte effectivement des éclairages intéressants. Indépendamment du fond de l'étude et de ses conclusions – qui sont celles que l'ADEME a souhaité lancer dans le débat –, les hypothèses de coûts retenues sont réalistes. Le photovoltaïque a effectivement connu une baisse de coût extrêmement importante. Les hypothèses concernant les coûts de l'éolien – en mer et terrestre – sont elles aussi crédibles. Toutefois, pour ce qui est de dire ce qui se passera en 2050, il convient d'être extrêmement modeste. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'hypothèse très forte. L'ADEME en a proposé, en revanche, concernant la flexibilité du système. Dominique Jamme en a un peu parlé dans sa présentation : le profil de production du photovoltaïque est très particulier. Dans un certain nombre de cas – mais pas dans d'autres –, le photovoltaïque correspond bien à la consommation. Le photovoltaïque pose la question de la flexibilité du système électrique et des manières de stocker, de déplacer de la production et de jouer sur la consommation pour essayer de concilier les différents paramètres. Dans l'étude de l'ADEME, des hypothèses sont formulées concernant le développement de capacités de stockage sous la forme de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), dans le cadre d'installations hydrauliques, en France et ailleurs en Europe. Ces hypothèses sont connues, bien documentées et ne paraissent pas aberrantes.

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Daniel Bour, président d'Énerplan

Je vous présenterai, pour ma part, la vision des professionnels du secteur. Depuis au moins trois ans, nous avons effectivement de la visibilité : j'approuve ce qui a été dit à cet égard. L'effet se fait clairement sentir en termes d'emploi, mais aussi au niveau industriel et, pour être honnête, le mouvement nous surprend nous-mêmes : on commence à observer une augmentation du volume et des capacités des usines de panneaux en France, alors qu'on nous annonçait un raz-de-marée en provenance de Chine. Il est vrai que le fait que les appels d'offres incluent le bilan carbone participe à la protection des produits européens mais, quoi qu'il en soit, on constate que la visibilité donne des résultats à tous les niveaux de la filière, y compris au niveau industriel ; c'est une très bonne nouvelle.

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Justement – je me permets de vous interrompre –, pouvez-vous nous donner des chiffres précis à propos de l'emploi industriel dans le photovoltaïque ? Y a-t-il un véritable avenir industriel en France dans le secteur – je parle bien d'industries de production –, contrairement à ce qui passe pour l'éolien ?

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Daniel Bour, président d'Énerplan

Je prendrai de nouveau l'exemple des panneaux, qui sont l'élément le plus symbolique. Nous nous attendions tous à ce qu'il n'y ait plus une seule usine en France. Or le fait est que de gros investissements sont en train d'être réalisés, et on nous annonce de nouveaux projets, dont certains sont considérables – je pense notamment à ceux d'une société détenue par EDF. Il faudra s'assurer qu'ils se concrétisent car ils sont très importants pour la filière. L'idée est de couvrir tout le processus de fabrication d'un panneau solaire, dès la première étape, que l'on appelle la production de « lingots » – à partir du silicium, on crée des lingots, et ce sont eux qui, après avoir été découpés, vont donner les cellules puis les panneaux.

Pour nous, il est très important que la visibilité aille au-delà de juin 2019, c'est-à-dire la date fixée pour la fin des appels d'offres CRE4. L'administration nous rassure en nous disant que la continuité sera garantie et qu'une prolongation interviendra dès le mois de décembre 2019. Beaucoup de sociétés, y compris à l'étranger, voient dans la France l'un des principaux vecteurs de l'accélération du photovoltaïque dans les années à venir. Le contexte global est donc favorable et, très clairement, la loi de transition énergétique a été un élément fondamental dans le développement des filières. Nous espérons aussi que la nouvelle PPE continuera à envoyer un signal favorable au secteur. Il ne nous reste qu'à entrer dans la deuxième phase, qui consiste à lever tous les obstacles.

Comme je le disais tout à l'heure en faisant le bilan des appels d'offres, ces derniers ont certainement répondu à un désir fort de diminuer les prix – ce qui s'est d'ailleurs fait de manière trop importante : quand on propose un volume très faible et qu'un grand nombre de projets sont en concurrence, il est sûr que ce sont ceux qui proposent les prix les plus bas qui l'emportent, ce qui fait beaucoup de dégâts. Ce mécanisme a provoqué un déséquilibre, notamment en ce qui concerne les toitures : les prix ont trop chuté, et je ne serais pas surpris que, dans les prochains appels d'offres, on retrouve un tarif un peu plus conforme aux prix de marché. Le fait que les prix soient trop bas a malheureusement conduit à éliminer un certain nombre d'entreprises. Le volume doit être ajusté pour permettre d'assurer une certaine harmonie. Nous insistons sur ce point : si nous avons de l'ambition en matière de solaire, il faut permettre à la filière de s'engager dans cette voie.

La recherche et les nouvelles technologies sont des éléments très importants. Daniel Lincot a parlé des nouveaux panneaux ; nous pensons que le domaine du stockage va devenir lui aussi fondamental avec le développement du photovoltaïque. Nous préconisons des appels d'offres spécifiques, permettant de voir ce qui se fait, notamment en matière de batteries. Au niveau international, le prix des batteries diminue très fortement – elles restent chères, mais les tarifs évoluent vite. Il existe des acteurs français dans le secteur ; ils sont puissants mais, comme le marché français n'est malheureusement pas très actif, le développement a surtout lieu en Allemagne ou encore en Italie, là où il y a de l'autoconsommation – car le stockage fonctionne très bien avec l'autoconsommation. Quand le démarrage aura lieu en France, il sera trop tard, et nous n'aurons pas l'outil industriel permettant de répondre aux besoins.

L'autoconsommation est un enjeu fondamental, y compris d'un point de vue industriel, parce qu'elle est liée au stockage. C'est le cas, par exemple, pour les véhicules électriques, qui possèdent une capacité de stockage : c'est une certaine manière d'utiliser l'électricité, que l'on accumule le jour et que l'on redistribue la nuit. Le lien entre autoconsommation et stockage est donc fort, même s'il n'a pas encore été vraiment formalisé. Cela doit constituer une piste de réflexion importante dans les années à venir.

S'agissant du permitting et des différentes commissions, le problème vient du fait que celles-ci se multiplient au fur et à mesure que vous, députés, votez de nouvelles lois – y compris, par exemple, sur l'eau et le littoral. Sachez que chaque nouvelle loi se traduit, pour nous, par la création d'une commission, donc par un souci supplémentaire. La question n'est pas de savoir si c'est justifié ou pas : je dis simplement que le problème, comme souvent en France, est celui du millefeuille qui se crée : on rajoute encore et encore, sans se préoccuper de ce qui existe déjà. In fine, ce sont les entreprises comme celles que je représente qui doivent faire face à une multitude de lois et de règlements, sans oublier la dimension interministérielle : tout cela est source de lenteurs.

Nous le disons très clairement : on ne peut pas « bricoler » en la matière. Il n'y a qu'une seule façon de faire, à mon avis : l'interministériel. Par ailleurs, on doit avoir pour objectif de délivrer les permis et de franchir les étapes indispensables en un an. C'est tout à fait possible, mais cela suppose de prendre une décision en ce sens. Il faut parvenir à établir une sorte de doctrine commune pour les services instructeurs. En effet, actuellement, il n'existe aucune égalité entre les territoires : dans certains départements, l'instruction d'un dossier peut être très rapide, quand elle est complètement bloquée dans d'autres. En l'absence d'une réelle doctrine, d'un protocole solide et potentiellement opposable, chaque service instructeur agit au gré de ses envies. C'est là un point important. Nous avons besoin du soutien de beaucoup de gens car l'interministériel est quelque chose de compliqué : il est difficile de faire en sorte que tout le monde se réunisse autour d'un objectif concernant un grand nombre de personnes.

En ce qui concerne l'obsolescence, madame Trisse, on estime la durée de vie des panneaux à quarante ans, ce qui est nettement supérieur à la durée prévue pour les contrats, dans le cadre des appels d'offres – en l'occurrence, vingt ans. Les panneaux d'une centrale solaire au sol dureront donc quarante ans ; pour ceux d'une toiture, les choses sont un peu différentes, car la toiture elle-même aura besoin d'une rénovation au bout de trente ou trente-cinq ans, ce qui supposera de nouveaux investissements.

S'agissant du recyclage, la demande actuelle est faible. Quoi qu'il en soit, l'éco-organisme PV Cycle est tout à fait en mesure de faire face. Il n'y a donc pas de problème de recyclage des panneaux. Beaucoup d'histoires ont été colportées sur le sujet. Peut-être y avait-il, pour les premières générations, des problèmes avec les colles utilisées, mais ce n'est plus du tout le cas : les panneaux se recyclent très bien.

Je rebondis sur les propos des représentants de l'UFC-Que choisir : les malfaçons sont un cheval de bataille pour nous aussi, car le problème concerne beaucoup de Français. Au début, lorsque l'engouement pour le solaire a commencé, il y a eu de nombreux abus : beaucoup d'installateurs n'étaient absolument pas formés, sans parler des margoulins qui ont profité du mouvement pour vendre des panneaux comme ils auraient vendu des tapis. Un travail important a été fait par la profession : la qualification Qualit'ENR a formalisé un certain nombre de règles que les professionnels doivent respecter. Je note d'ailleurs que, parmi les sociétés mises en cause par l'UFC-Que choisir, aucune n'avait cette qualification.

Cela dit, un effort doit être fait pour informer les consommateurs : ils doivent faire appel à de vrais professionnels ayant obtenu le label. Il convient aussi d'aller plus loin pour éviter que des margoulins ne vendent n'importe quoi. J'ajoute, à cet égard, que le fait de ne pas donner de cadre précis à l'autoconsommation est le meilleur moyen de voir se développer un secteur dans lequel certaines personnes promettront tout et n'importe quoi, installeront quelques panneaux dans un jardin, ou que sais-je encore, et diront aux gens : « C'est de l'autoconsommation, ne vous inquiétez pas, il n'y a besoin de rien de spécial. » Nous aurons alors de mauvaises surprises. Le photovoltaïque, c'est sérieux : il s'agit d'électricité, ce qui est potentiellement dangereux. Il faut établir des règles précises.

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J'ai été frappé par les chiffres que vous avez donnés, monsieur Bour : 35 000 installations d'autoconsommation en France, dix fois plus en Belgique et quarante-trois fois plus en Allemagne. J'en tire les conséquences pour l'industrie photovoltaïque en France : je suis persuadé qu'il y a, en l'espèce, un potentiel important, une chance de développer cette industrie, et donc, par essence, un métier autour de l'installation – par conséquent aussi des emplois. Le sujet est intéressant et méritera d'être creusé à l'avenir.

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Lors d'une précédente table ronde, nous avons reçu la société d'économie mixte Énergies Hauts-de-France, dont les représentants nous ont dit qu'il était plus difficile de répondre à des appels d'offres de la CRE dans les Hauts-de-France que dans le Sud car la rentabilité n'est pas la même, pour des raisons que l'on peut comprendre. La question qu'ils posaient, et que je relaie auprès de vous, est la suivante : ne pourrait-on pas territorialiser les appels d'offres de la CRE, avec des tarifs de rachat régionalisés ? On rachèterait l'énergie photovoltaïque plus cher au Nord qu'au Sud. Ce serait une façon de développer le solaire dans les Hauts-de-France, sachant que la région est en retard par rapport à ce qui se fait en Belgique et aux Pays-Bas. On a beaucoup de panneaux solaires dans le Sud, de moins en moins quand on monte vers le Nord, puis on en retrouve en Belgique et aux Pays-Bas.

Ma deuxième interrogation concerne le ministère, pour l'organisation des futurs travaux : il faudrait peut-être travailler avec les architectes des Bâtiments de France (ABF). Je suis député d'une circonscription rurale comptant au moins 295 églises – puisqu'elle comprend 295 communes. Or les églises sont orientées est-ouest, avec un toit à 45 degrés, offrant ainsi des possibilités énormes pour des installations photovoltaïques. Il existe d'ailleurs un exemple esthétiquement très réussi dans la commune de Loos-en-Gohelle, Toutefois, le sujet doit être abordé avec les ABF car même s'il ne s'agit pas d'églises classées, les blocages surgissent rapidement. Pourrait-on travailler à lever ce frein ?

Troisièmement, et pour en revenir à l'autoconsommation, l'un des freins à son développement ne réside-t-il pas dans le fait que l'on ne sait pas coupler production et usage ? Des installateurs me disent, par exemple, qu'ils proposent d'associer une pompe à chaleur et des panneaux photovoltaïques, les seconds alimentant la première. On entre là dans du concret : peut-être cela parle-t-il davantage aux ménages. Par ailleurs, et même si le sujet n'est peut-être pas directement lié à l'autoconsommation, il a été question de stockage : y a-t-il des expériences de stockage par hydrolyse, c'est-à-dire par transformation de l'électricité en hydrogène ? S'agissant toujours de la recherche, où en est le développement des vitres transparentes électriques, dont il a été question à un moment donné ? La technique commence-t-elle à voir le jour ?

Quatrièmement, en ce qui concerne les assurances et les problèmes d'installation qui ont été évoqués par les représentants de l'UFC-Que choisir, j'ai eu l'occasion de recevoir les dirigeants d'une entreprise qui installe des panneaux depuis cinq ou dix ans. Ils étaient catastrophés. De fait, ils avaient eu beaucoup de mal à trouver la bonne compagnie d'assurance. Pour obtenir le certificat Qualit'ENR, il leur fallait être assurés. Or les assureurs demandaient, pour les couvrir, qu'ils soient déjà détenteurs de la qualification. Ils ont réussi à trouver un assureur parce qu'ils connaissaient bien le secteur, mais ils pensaient aux nouvelles entreprises qui souhaitent se lancer dans cette branche et rencontrent des difficultés à trouver un assureur.

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Je reprends la question de monsieur le rapporteur concernant les écarts d'installation entre le Nord et le Sud et entre la France et les Pays-Bas. Considérez-vous qu'il existe un frein psychologique à l'installation du photovoltaïque selon la région où l'on vit ? Je m'explique : je suis originaire du département de l'Aisne – situé lui aussi dans les Hauts-de-France – et, il y a quelques semaines, j'ai dialogué avec un habitant. Il me disait : « De toute façon, chez nous, dans le Nord, il n'y a pas assez de soleil pour installer des panneaux photovoltaïques. » C'est évidemment une idée reçue, qui peut prêter à sourire, mais je suis certain que de tels ressorts jouent sur le déploiement du photovoltaïque chez certains particuliers. Ce frein a-t-il été décelé – par l'UFC-Que choisir ou d'autres acteurs – et, si oui, quelle est son importance ?

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J'ai une autre question, ayant trait aux panneaux photovoltaïques hybrides, qui – même si mes connaissances en la matière sont limitées – me semblent constituer le summum de la production et de la rentabilité au mètre carré, entre la production d'énergie et le transfert de la chaleur à travers un fluide caloporteur. Je sais qu'Énerplan a déjà communiqué sur le sujet, mais j'aimerais savoir quels sont les freins au déploiement de ce type de dispositif. Est-ce le marché qui n'est pas suffisamment mûr ? Est-ce la technologie qui n'est pas prête ?

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Dominique Jamme, directeur général adjoint de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Je répondrai pour ma part à la première question de monsieur le rapporteur, la seule pour laquelle la CRE soit directement sollicitée, à savoir les appels d'offres pour le photovoltaïque et leur éventuelle régionalisation. J'en profite pour dire que l'on parle d'appels d'offres de la CRE, mais que c'est tout de même le Gouvernement qui fixe les règles du jeu, même si c'est la CRE qui s'occupe de les mettre en oeuvre.

Il faut garder à l'esprit le fait que, même si les prix du photovoltaïque ont beaucoup baissé – et que la tendance va se poursuivre –, le soutien public reste pour l'instant nécessaire à son développement. Or le soutien public vient du budget de l'État, et les montants sont limités. Plus le soutien nécessaire est élevé, moins on développe de kilowattheures et de production renouvelable avec 1 euro d'argent public dépensé. La question de l'efficacité de la dépense publique pour assurer la tradition énergétique est donc fondamentale. On voit bien que, si l'on développe plus de photovoltaïque au Nord et moins au Sud, chaque kilowattheure produit va coûter plus cher. On n'ira donc pas dans cette direction. Ce n'est pas qu'il ne faille rien faire, mais mieux vaut avoir conscience de cette donnée.

On peut aussi envisager, même si je ne suis pas certain que cela était écrit noir sur blanc dans l'avis de la CRE, de faire du photovoltaïque sur des terrains dégradés, car c'est une démarche gagnant-gagnant. Au moins pour ces terrains, il faudrait envisager la possibilité d'établir des règles du jeu plus égalitaires entre le Nord et le Sud. On éviterait ainsi que ces terrains ne soient jamais valorisés à travers la production photovoltaïque, en plus de tous les autres problèmes qui se posent dans le Nord. Ce n'est pas pour cela qu'il faut généraliser les appels d'offres régionalisés, car cela aurait pour effet, à production équivalente, de coûter plus cher aux finances publiques.

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Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables, à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition écologique et solidaire

Les régions ensoleillées, on le comprend aisément, sont particulièrement propices à la production d'énergie solaire photovoltaïque. C'est pourquoi les installations se trouvent plutôt dans le sud de la France. Toutefois, les appels d'offres sont conçus de telle manière qu'en matière d'installations au sol, 30 % des projets lauréats au cours de la dernière période concernaient le nord de la France – on observe également une remontée vers le nord dans la période actuelle. Ce phénomène s'explique, selon nous, par deux éléments. D'une part, le coût du foncier est plus élevé dans le sud que dans le nord et, d'autre part, un certain nombre de terrains dégradés – qui, pour des raisons historiques, sont nombreux dans les régions Grand-Est et Hauts-de-France – bénéficient de bonifications dans nos appels d'offres. Certes, les professionnels ont lancé un cri d'alarme, que nous avons entendu, parce qu'ils s'inquiètent que tous les projets soient situés dans le sud. Mais, en réalité, s'agissant notamment des installations au sol, on observe une remontée vers le nord.

Cela dit, vous avez raison, monsieur le président, il ne faut pas négliger l'aspect psychologique. Le ministère de la transition écologique a beaucoup travaillé à la reconversion du territoire de Fessenheim, par exemple, notamment en préparant un appel d'offres local. À cette occasion, nous nous sommes aperçus qu'aucun projet n'avait émergé dans le Haut-Rhin, alors que l'ensoleillement n'y est pas négligeable et que le réseau y est bien dimensionné, de sorte que des capacités d'accueil sont disponibles. Pourtant, des projets existaient dans les départements voisins. Il existe donc des facteurs locaux dont il est difficile de comprendre l'origine mais qui sont réels. Ainsi l'aspect psychologique peut être un frein dans certaines régions, où l'on croit inutile ne serait-ce que d'essayer de développer le photovoltaïque.

Par ailleurs, les Bâtiments de France représentent une piste très prometteuse. Deux mesures ont été prises dans le cadre plan lancé par Sébastien Lecornu. Premièrement, une doctrine générale concernant le solaire sur toiture doit être diffusée aux ABF, afin de favoriser des projets concernant des sites plus complexes, voire des bâtiments classés. Deuxièmement, un groupe de travail a été constitué avec les acteurs du patrimoine pour identifier une dizaine de réalisations exemplaires qui démontrent qu'il est possible de concilier énergie solaire et patrimoine. Nous avons la chance, en France, d'avoir des entreprises qui maîtrisent les technologies de fabrication des tuiles solaires, lesquelles peuvent être de couleur différente et être équipées d'un revêtement antireflets. Ces technologies innovantes représentent, pour l'instant, des marchés de niche, mais ils pourraient être amenés à se développer. Cette piste est donc intéressante pour deux raisons : d'une part, des toitures sont disponibles et, d'autre part, ces projets favoriseraient l'innovation des filières françaises.

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Daniel Bour, président d'Énerplan

En ce qui concerne la régionalisation des appels d'offres, je rappellerai un chiffre : le nombre annuel d'heures d'équivalent photovoltaïque est de 950 à Lille, contre 1 600 à Toulon. Rattraper un tel écart est difficile. Le système de l'appel d'offres conduit, de toute façon, à mettre en avant les meilleurs dossiers. Si le volume est faible, tous les dossiers se concentrent dans le sud ; c'est le cas pour les installations en toiture. De fait, la pression est trop élevée et le volume insuffisant pour permettre un développement plus harmonieux. En revanche, pour ce qui est des installations au sol, on est plutôt, à cause du permitting, à la recherche de dossiers ; le jeu est donc plus ouvert. Ainsi, un certain nombre de projets concernent notamment les Hauts-de-France, où de vastes friches industrielles permettent d'être assez compétitifs. J'ajouterai cependant un bémol : le coût de la transformation de ces sites, souvent pollués, en centrales solaires est beaucoup plus élevé qu'on ne le croit. Les points supplémentaires correspondant à ces terrains – je pense à des centres d'enfouissement, par exemple – ne sont pas suffisants, car les surcoûts, mal estimés, sont souvent très importants, si bien que les lauréats ne parviennent pas à finaliser les dossiers.

Comment faire ? Nous avons toujours été favorables à une forme de territorialisation nord-sud, afin de donner un coup de pouce aux projets dans le nord. Cependant, nous avons compris qu'au regard du droit européen, il était difficile d'envisager un dispositif de ce type – même s'il semble que, dans le secteur de la méthanisation, on distingue le nord du sud de la France. Il faut donc « biaiser » les mécanismes de soutien si on veut développer davantage du photovoltaïque dans le nord. Nous estimons, pour notre part, que le système du guichet contribuerait à une meilleure harmonisation sur l'ensemble du territoire, dans la mesure où, dans ce système, le prix est connu et où les différents projets ne sont pas en compétition. Ainsi, un rétablissement du guichet pour les installations dont la puissance est comprise entre 100 et 500 kilowattheures favoriserait le développement de ces installations dans le nord – c'est une piste de réflexion. Il s'agit, en tout cas, d'un véritable problème, car nous observons tous qu'aux Pays-Bas et en Belgique le photovoltaïque est plus développé que dans le nord de la France. Il est vrai que les soutiens publics y sont plus importants et l'autoconsommation beaucoup plus développée que dans notre pays.

En ce qui concerne le patrimoine, on est confronté à une véritable opposition des ABF, toujours enclins à la caricature : ils nous reprochent de vouloir équiper de panneaux solaires le château de Versailles ou Notre Dame de Paris. Lorsque j'ai évoqué le fait que certaines églises menaçant ruine avaient besoin de telles installations, on m'a fait cette réflexion extraordinaire : « Je préfère encore une vraie belle ruine d'époque ! » Je suggérerais que l'on conçoive un appel d'offres spécifique pour ce type de bâtiments, car les surcoûts sont considérables. En effet, je le rappelle, on ne peut pas mélanger subventions et tarif aidé. Dès lors, soit on privilégie l'autoconsommation, que l'on subventionne, soit on lance des appels d'offres spécifiques, qui seront beaucoup plus chers mais qui seront pris en charge par les collectivités.

Par ailleurs, l'hydrolyse est une technique de stockage d'avenir, qui peut être utilisée en complément dans les centrales au sol. Je crois, compte tenu des enjeux industriels à venir, que le moment est venu de promouvoir cette nouvelle technologie, en réfléchissant éventuellement à des appels d'offres spécifiques. Quant à l'hybride – qui est développé notamment par une société française, DualSun –, il a pour limite d'être réservé soit à des bâtiments résidentiels, soit à des bâtiments collectifs comprenant des habitations. Se pose également la question économique : cette technologie permet-elle des coûts moindres que du photovoltaïque qui va alimenter un chauffe-eau électrique ? Il y a un débat sur ce point. Quoi qu'il en soit, c'est un marché de niche dont je ne crois pas qu'il puisse se généraliser car, dès lors qu'intervient un circuit d'eau, l'installation est plus complexe que pour le photovoltaïque. Néanmoins, c'est une solution ; le marché existe – la société DualSun connaît bien ce produit. Par ailleurs, on évoque très peu le solaire thermique, car il n'entre pas dans la PPE. Il est vrai qu'en France ce marché est un peu moribond, même s'il se redéveloppe lentement actuellement. Il s'agit pourtant d'une très bonne réponse pour les bâtiments collectifs et le logement social. On devrait donc réfléchir aux moyens de le promouvoir. Il a en effet moins besoin de soutien que de publicité. Dans de nombreux endroits, il serait tout à fait rentable. Il existe donc une marge de progrès dans ce domaine.

Plus généralement, il convient d'insister sur l'aspect décentralisé du photovoltaïque. Il est évident que si l'on couvrait 10 000 hectares de panneaux solaires, les coûts seraient extrêmement bas, à hauteur de 30 euros le mégawattheure. Mais je ne crois pas que ce soit ce que nous recherchons et que les Français accepteraient de telles installations. C'est pourquoi, s'il est important de développer le photovoltaïque, il importe également qu'il corresponde à des territoires et se développe de manière harmonieuse. Évitons de construire de gros « mammouths », qui seraient certes emblématiques, mais se feraient au détriment de tout le reste. Les prix sont suffisamment bas pour que nous n'ayons pas besoin de tels projets, qui complexifieraient l'ensemble de la filière.

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Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables, à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition écologique et solidaire

Je précise, à propos du stockage, qu'actuellement le ministère de la transition écologique et solidaire ne lance pas d'appels d'offres « stockage plus photovoltaïque » en France métropolitaine continentale. Des expérimentations sont menées sur des lignes virtuelles, mais il n'existe pas de besoin systémique en la matière, compte tenu du système électrique français et européen. En revanche, nous avons prévu de lancer avec la CRE, dans les territoires pour lesquels la question de la flexibilité va se poser rapidement – je pense aux zones non interconnectées, notamment les milieux insulaires –, de nouveaux appels d'offres « Photovoltaïque plus installations de stockage ». Dans ce cadre, le Gouvernement ayant lancé un plan « Hydrogène », nous souhaitons étudier le stockage par hydrolyse.

Par ailleurs, il a été indiqué que le rétablissement d'un guichet tarifaire pour les sites dont la production est inférieure à 500 kilowattheures aurait un impact positif sur la territorialisation de la production photovoltaïque en France. Or, les deux sujets me semblent distincts. On peut soulever la question de la complexité de l'appel d'offres et de la difficulté pour les porteurs de projets de proposer des projets matures pour des installations de petite taille, mais les tarifs fixés par le ministère de la transition écologique sont établis de telle sorte qu'une installation moyenne ait une rentabilité normale. Ainsi, la rentabilité sera un peu supérieure dans le sud, normale dans les territoires du nord suffisamment ensoleillés, mais les zones qui bénéficient d'un très faible ensoleillement ne seront pas aidées.

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Daniel Lincot, directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France

Nous devons faire un effort important en faveur de la diversification des applications, car le photovoltaïque peut être couplé à des systèmes de stockage. Grâce à la baisse de ses coûts, ce qui n'était pas possible il y a quelques années l'est aujourd'hui. Or, on observe la même évolution pour le stockage, sous toutes ses formes – volants d'inertie, batteries lithium-ion et redox flow, stockage par hydrogène –, chacune correspondant à une échelle de temps différente. En effet, on ne stocke pas de la même manière pendant deux heures, une journée ou plus. La baisse du coût de l'électricité produite par le photovoltaïque favorise ainsi des progrès dans l'ensemble de la chaîne économique.

À cet égard, la différence se fera, dans les années qui viennent, grâce aux recherches qui sont menées actuellement. Il est donc très important que le tissu économique englobe la recherche. Dans le domaine du stockage, des laboratoires de recherche sont déjà structurés dans la région d'Amiens, par exemple, avec le CNRS, le CEA… Ce tissu est remarquable et extrêmement créatif. Il faut lui donner les moyens de créer un tissu économique pour la genèse de nouvelles industries. Il faut penser le coup d'après ! C'est pourquoi l'IPVF se préoccupe de la cellule, qui sera le moteur, mais aussi de son environnement. Les porteurs de projets doivent pouvoir progresser dans les échelons de TRL – technology readiness level, système de mesure employé pour évaluer le niveau de maturité d'une technologie.

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Guilhem Fenieys, chargé de mission pour les relations institutionnelles de l'UFC-Que choisir

Je souhaite revenir sur les difficultés que rencontrent les professionnels pour s'assurer. La question qui se pose est celle de savoir comment faire en sorte que le marché soit plus vertueux et que tous les acteurs en bénéficient. Le consommateur qui s'aventure dans ce domaine technique complexe et qui doit débourser une somme égale ou supérieure à 20 000 euros attend un retour sur investissement et, si tel n'est pas le cas, il doit avoir l'assurance qu'il ne sera pas perdant.

Les labels évoqués par M. Bour peuvent être une solution ; nous n'y sommes pas radicalement opposés. Encore faut-il qu'ils ne soient pas trop nombreux et qu'ils restent lisibles pour les consommateurs. Au demeurant, si un margoulin affirme à Mme Michu qu'il est certifié par tel label, celle-ci ne les connaîtra pas et n'aura pas les moyens de procéder aux vérifications nécessaires. C'est pourquoi nous avons proposé l'intervention d'experts indépendants. L'idée peut paraître complexe, mais elle est inspirée du modèle en vigueur en Allemagne, qui est en avance sur nous en matière de rénovation énergétique et où les litiges sont bien moins nombreux qu'en France. L'intervention de tels experts permettra à Mme Michu de s'assurer que le dispositif proposé par le professionnel sera rentable et audit professionnel, s'il est validé à plusieurs reprises par des experts, de trouver plus facilement un assureur. Ainsi, tout le monde y gagnerait : professionnels, consommateurs et assureurs.

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Dans le domaine des bases installées, la France se classe au huitième rang, derrière le Royaume Uni, l'Italie et l'Allemagne et, pour ce qui est des nouvelles installations, elle ne figure pas parmi les dix premiers. Peut-être sommes-nous en train de perdre du terrain. Pouvez-vous nous dire quelle est la grande différence entre la France et l'Allemagne, par exemple ?

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Dominique Jamme, directeur général adjoint de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Il n'est pas facile de répondre à cette question, mais il existe des différences fondamentales entre les deux pays. L'Allemagne a essuyé les plâtres, en quelque sorte. Dans ce pays, le montant de la taxe qui permet de financer les énergies renouvelables est de l'ordre de 65 à 68 euros par mégawattheure ; en France, la contribution au service public de l'électricité (CSPE) est de 22 euros par mégawattheure, et elle couvre, en sus du renouvelable, la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées. En Allemagne, le soutien public a été massif et plus précoce qu'en France, d'où l'avance prise par ce pays, mais la charge payée par les consommateurs y est également bien plus élevée. Par ailleurs, le prix de l'électricité, pour les consommateurs résidentiels, est nettement plus élevé qu'en France – un peu moins du double. C'est un facteur important, car l'avantage économique de l'autoconsommation dépend bien entendu du prix auquel on paie le kilowattheure normal.

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Daniel Bour, président d'Énerplan

Pour nous, la situation n'est pas forcément mauvaise, car le photovoltaïque est bon marché et peut se développer rapidement. Toutefois, en Allemagne, comme dans un certain nombre de pays du nord, le déploiement se fait avec une efficacité que nous n'avons pas toujours en France : un permis de construire s'obtient en moins de dix mois et les appels d'offres sont réglés en trois ou quatre mois.

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Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables, à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition écologique et solidaire

Lorsqu'on évalue le rythme d'installation annuel en France, il faut se rappeler le passif de la filière solaire, qui a donné naissance à une bulle puis a fait l'objet d'un moratoire. Actuellement, le rythme d'installation remonte progressivement. Nous sommes ambitieux et nous pensons pouvoir atteindre nos objectifs. Pour cela, il faut identifier et lever tous les freins qui peuvent exister. Mais n'oublions pas que la filière a connu un stop-and-go très dur. Nous sommes actuellement dans un creux, mais on se rapproche du gigawatt par an, ce qui est tout de même significatif.

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Daniel Lincot, directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France

L'installation de photovoltaïque a également connu un creux très important en Allemagne : elle est passée de 6 à 7 gigawatts par an, dans la période faste, à un niveau très bas, qui n'était pas éloigné du niveau français. On observe que l'Europe, qui a été initiatrice dans ce domaine, est en train de reprendre des couleurs, y compris en matière d'installation. Le phénomène est collectif. L'Allemagne est à 2 gigawatts cette année ; nous sommes à 1 gigawatt. Nous ne sommes donc pas si loin que cela.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie d'avoir répondu à nos questions. Je rappelle que vos interventions ont été diffusées en ligne et qu'elles sont disponibles sur le site de l'Assemblée nationale. Le compte rendu de cette table ronde sera également publié. Par ailleurs, si vous souhaitez ajouter des éléments complémentaires ou des approfondissements, je rappelle qu'une consultation en ligne sera organisée à partir du mois de janvier ou de février sur le site de l'Assemblée nationale. Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'année.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 17 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Anthony Cellier, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, Mme Nicole Trisse

Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Stéphane Buchou

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri