La réunion

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La commission d'enquête su r la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale entend, Madame Noémie Angel, sous-directrice de la prévention, de l'accompagnement et du soutien à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN).

La séance commence à dix-sept heures vingt.

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Mes chers collègues, nous poursuivons les auditions de la commission d'enquête avec l'audition de Mme Noémie Angel, sous-directrice de la prévention, de l'accompagnement et du soutien à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN).

Nous avons souhaité aborder plus en profondeur, après l'audition du directeur général de la police nationale (DGPN), la question du soutien aux forces de police. Un métier difficile, des conditions de travail éprouvantes se répercutent sur les hommes et les femmes de la police parfois, malheureusement, de façon dramatique. Nous voudrions mieux savoir comment l'administration répond à ces difficultés et, en particulier, comment va se traduire concrètement l'accélération du plan de lutte contre le suicide, annoncé par le ministre de l'intérieur.

Avant de vous donner la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(La personne auditionnée prête serment)

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Noémie Angel, sous-directrice de la prévention, de l'accompagnement et du soutien à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN)

J'ai en charge, au titre de la DRCPN, l'accompagnement des personnes. Cette sous-direction s'est profondément réformée depuis deux ans, pour mieux répondre à la problématique de l'accompagnement individualisé des policiers et de leur soutien. J'encadre, par ailleurs, le service de soutien psychologique et opérationnel.

La sous-direction a plusieurs missions. D'abord, celle de l'accompagnement des blessés en service, avec la création récente d'une mission d'accompagnement des blessés et un guichet unique, au niveau zonal du secrétariat général de l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI). Ensuite, celle de l'accompagnement et du suivi individualisé des policiers et de leur famille, tant du point de vue social que professionnel – par exemple, les mutations dérogatoires, au titre de la santé ou de raisons sociales.

Est également rattachée à ma sous-direction la mission de reconversion et de reclassement de la police nationale. Elle a, par ailleurs, en charge la prévention et la qualité de vie au travail ; c'est à ce titre qu'intervient le programme de prévention du suicide. Enfin, elle comprend une dimension d'action sociale, au sens plus traditionnel du terme, avec deux problématiques dont j'ai la charge, que sont le logement et la petite enfance – les crèches.

Je vous présenterai maintenant le programme de mobilisation contre le suicide.

Vous le savez, le suicide frappe très durement la communauté policière, notamment depuis le début de l'année, puisqu'on dénombre vingt-huit suicides parmi les forces de l'ordre. Étroitement liées aux trajectoires de vies individuelles, professionnelles, familiales, les raisons d'un suicide sont par nature complexes. Par définition, elles nous échappent toujours un peu, même si nous pouvons, dans le cadre de la police nationale, sérier un certain nombre de facteurs de risque spécifiques.

Au contact de la souffrance, de la violence et de la détresse humaine, le métier de policier comporte une charge émotionnelle forte qui peut éprouver la stabilité de chacun. Par ailleurs, le policier a accès à un moyen létal dont l'utilisation lui est familière.

Depuis les années 2000, l'administration policière s'est attaquée à cette délicate problématique de la prévention du suicide, sans véritablement aboutir à une culture partagée de la prévention, une structure transversale qui serait capable de prendre en compte les différentes dimensions de la police, les différentes cultures métiers, allant des compagnies républicaines de sécurité (CRS) à la sécurité publique (SP) ou à la police aux frontières (PAF). Et, surtout, sans véritablement parvenir à ce que les instructions pensées au niveau central puissent se décliner très concrètement au niveau territorial ; des territoires plus ruraux sont aussi parfois concernés par la problématique du suicide – je pense à la Dordogne, il y a quelques années.

Le programme de mobilisation contre le suicide a été adopté à la suite d'une large concertation syndicale et a été pensé comme une boîte à outils, très pragmatique. Il vise, à l'aune des expériences précédentes et du bilan des actions menées, à renforcer la prévention, tout en restant humble devant la complexité de ces passages à l'acte.

Il se veut avant tout un cadre pratique, à finalité opérationnelle, permettant d'une part une mobilisation générale autour de ce sujet sensible, d'autre part une déclinaison territoriale.

Il a pour ambition de déstigmatiser le recours à l'aide. Si le suicide n'est plus un tabou dans la police nationale, il est encore difficile, pour un policier, fort dans sa représentation, de recourir au dispositif de soutien et d'aide.

L'enjeu de ce plan est aussi de mieux cibler les facteurs de risque spécifiques au métier de policier, jusqu'à présent insuffisamment appréhendés. Je pense notamment aux psychotraumatismes liés à la confrontation à la mort et à la violence – les blessures invisibles, les blessures psychiques, qui peuvent, lorsqu'elles ne sont pas traitées, aboutir à des passages à l'acte. Cela peut être des événements graves, tel un attentat, mais également un professionnel qui, régulièrement, confronté à la mort a développé des facteurs de protection, et qui, subitement, passe à l'acte.

Le programme de mobilisation contre le suicide est structuré autour de trois axes.

Le premier axe vise à mieux répondre à l'urgence et à améliorer la prise en charge. Il s'agit, dans un premier temps, de permettre à l'entourage professionnel de mieux repérer au sein d'un collectif de travail, les agents traversant une crise suicidaire. Comment ? En donnant des clés de compréhension de ce qu'est une personne vulnérable et une personne susceptible de traverser une crise suicidaire.

Dès le mois prochain, nous organiserons des séminaires zonaux, à destination des encadrants, avec un véritable programme de formation, de compréhension du phénomène suicidaire, dans lesquels sera diffusé un mémento pratique sur la prévention du suicide, et des fiches réflexes.

Nous sommes également en train de concevoir une e-formation – un MOOC, en anglais –
 sur la prévention du suicide, qui sera téléchargeable, et qui permettra, grâce à de petites vidéos très courtes, à un chef de service ou un gradé qui s'interrogerait sur le comportement de son collègue, si oui ou non il doit alerter.

Afin de faciliter l'alerte et de garantir l'échange d'informations entre professionnels, un nouveau service d'accès téléphonique permettra au policier d'être mis en relation, en journée, avec un psychologue territorialement compétent, et, la nuit, avec un psychologue d'astreinte. Nous avons également créé une boîte mail de signalement et repensé le réseau de « sentinelles ». Une « sentinelle » est un pair qui a suivi une formation spécialisée de prévention du suicide qui peut lui permettre d'aller vers son collègue pour lui indiquer les ressources à sa disposition. Ressources internes à l'institution, mais également externes – nous devons être en capacité d'orienter les policiers vers des ressources extérieures, notamment le secteur psychiatrique.

Dans un second temps, il s'agit d'améliorer la prise en charge à court terme des agents, avec la volonté de déstigmatiser le recours à l'aide. Nous sommes sur le point de lancer une grande campagne de communication sur le thème « être fort, c'est aussi savoir demander de l'aide ». Trop souvent, les personnes qui passent à l'acte étaient parfaitement inconnues des réseaux de soutien ; d'où l'importance de ce message.

Nous travaillons également sur une orientation plus systématique vers le secteur psychiatrique, avec un conventionnement, territoire par territoire, avec des hôpitaux de référence. D'ores et déjà, deux conventions ont été signées avec Psy Sud et l'Institution nationale des invalides, sur la thématique spécifique du psycho-trauma et de l'état de stress post-traumatique.

Le dernier volet de ce premier axe porte sur le soutien, après une tentative de suicide (TS). Comme dans toutes les institutions, les TS sont les plus complexes à connaître, car il est encore tabou de dire que l'on a déjà attenté à ses jours ; pourtant, les risques de récidive sont importants. La direction générale de la police nationale (DGPN) s'est rapprochée du dispositif Vigilans, qui vise à prévenir les récidives en gardant le contact avec les personnes ayant attenté à leur jour – l'un des facteurs les plus importants du passage à l'acte étant l'isolement. Une expérimentation au sein de la police nationale va être conduite en ce sens dans le Nord, où des « vigilanceurs », des personnes qui appellent, seront spécialement formés au sein de la police nationale.

Le plan définit en outre un dispositif de « postvention », qui consiste à déterminer les modalités communes de prise en charge de la hiérarchie et des agents directement au contact du défunt et de sa famille, après passage à l'acte. La contagion peut toucher une équipe, mais également un service ou même un territoire du fait de la surmédiatisation du drame – un sujet qui est documenté, y compris par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les mots qui sont choisis sont importants. Il ne faut ne pas donner une vision positive du suicide, ne pas anoblir le geste, ne pas faire de décomptes morbides qui conduiraient à présenter le suicide comme une fatalité. Dans ce cadre, nous avons élaboré un guide de communication et prévu l'intervention systématique de psychologues du service de soutien psychologique opérationnel (SSPO), pour débriefer et suivre les équipes.

Nous préparons une nouvelle formation visant à approfondir cette thématique de la contagion suicidaire, qui sera un axe fort du plan suicide du ministère de la Santé, qui paraîtra le mois prochain.

Le deuxième axe du programme de mobilisation contre le suicide vise à prévenir plus efficacement les situations de fragilité. Je pense aux agents qui ont pris un congé longue maladie ; la reprise du travail est une période délicate qui peut se traduire par un passage à l'acte. D'autres agents sont fragilisés dans leur vie privée – endettement, séparation –, d'autres encore sont blessés psychiquement. Nous avons pensé à des dispositifs spécifiques pour mieux les accompagner et prévenir les risques de passage à l'acte.

La question du retrait de l'arme aux personnes fragilisées fait l'objet d'une attention particulière, avec le développement d'un meilleur suivi informatique des armes et l'élaboration de fiches réflexes pour les encadrants. Nous avons deux médecines dans la police nationale : la médecine dite de prévention, semblable à la médecine du travail, et la médecine statutaire qui existe dans toutes les forces de sécurité. Une médecine qui agit dans l'intérêt de l'administration, qui décide de l'aptitude à l'exercice de la fonction et à qui revient la difficile décision du retrait ou non de l'arme.

L'axe numéro trois consiste à agir sur le collectif de travail. Il peut et doit constituer un facteur de protection important. Quand la vie privée d'un agent va mal, s'il se sent intégré au travail et soutenu, ce sentiment peut l'aider.

Le plan favorise dès lors toutes les initiatives qui visent à rompre l'isolement du policier en favorisant la cohésion par la pratique du sport, par exemple. Nous avons conclu un partenariat avec la fédération sportive de la police nationale, pour lui donner des objectifs spécifiques, en lien avec la prévention du suicide. Par ailleurs, un budget est dédié à l'organisation plus fréquente de moments de convivialité, et la promotion des amicales associatives.

Une instruction va être prochainement diffusée par le directeur général, qui rappellera ce qu'il est possible de faire pour animer la cohésion et la convivialité. Nous avons également, dans le cadre des séminaires zonaux, à destination des encadrants, un temps sur ce sujet, où des expériences simples sont présentées. Récemment, une commissaire de police de la petite couronne m'expliquait comment elle faisait vivre l'amicale de la police nationale – organisation de barbecues ou de courses avec ses équipes.

L'objectif est aussi d'améliorer les conditions quotidiennes d'exercice du travail, qui participent de la qualité de vie globale. Nous sommes en ce moment particulièrement attentifs à la question du travail de nuit, sur laquelle nous allons initier une réflexion avec les organisations syndicales. Par ailleurs, la réforme en cours sur le temps de travail devrait permettre une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie privée.

Agir sur le collectif de travail passe aussi par les formations inter-corps, qui facilitent la cohésion. La question du management dit « bienveillant » - je préfère « bienfaisant » - sera également au cœur des séminaires zonaux. Sept séminaires sont prévus.

Comment déployer efficacement le plan et à quoi servira la cellule « alerte, prévention, suicide », installée voilà quelques jours par le ministre ?

Le programme sera décliné territorialement. Nous demanderons à chaque comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de chaque territoire de présenter un bilan concret des actions qu'il a menées durant l'année écoulée, et de la façon dont il s'est saisi du plan.

Nous allons également former tous les conseillers prévention police – plus d'une centaine de personnes – à cette thématique, pour qu'ils soient en capacité d'animer le sujet. Je vous l'ai indiqué, des séminaires zonaux vont être organisés.

Enfin, la cellule « alerte, prévention, suicide » a pour but d'orchestrer ce programme ambitieux, d'accélérer sa mise en œuvre, d'interroger son efficience, de s'assurer de la pleine implication de tous les acteurs, et de proposer rapidement un échéancier des actions avec une priorité donnée aux mesures les plus fortes et les plus rapides, qui pourront juguler la progression des suicides dans notre institution.

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Vous avez évoqué les formations inter-corps ; j'imagine qu'il s'agit des trois corps actifs de la police nationale. Comment vont se dérouler ces formations et sur quels sujets l'accent sera-t-il mis ?

Vous avez également évoqué le management bienfaisant ; j'imagine que l'idée n'est pas d'insinuer qu'il puisse y avoir un management malfaisant. Nous comprenons néanmoins le concept : des chefs plus à l'écoute, plus empathiques, etc. Mais auront-ils réellement les moyens de travailler sur ce management bienfaisant, à savoir de récompenser mieux ceux qui le méritent et de disposer de pouvoirs, d'outils pour aider les agents ? L'avis du chef sera-t-il pris en compte – concernant une mutation, par exemple ?

Par ailleurs, et je ne fais pas ici le lien avec les suicides, la question du rapprochement d'époux est-elle mieux appréhendée, car elle est souvent un échec ? De nombreux policiers sont en couple, et quand l'époux ou l'épouse ne peut pas suivre, la situation peut s'aggraver rapidement, financièrement et psychologiquement…

Enfin, une réflexion est-elle menée au sein de la police nationale sur une reconnaissance qui serait accordée aux policiers, telle qu'un statut d'anciens combattants, comme dans l'armée ? Des policiers, et pas uniquement dans les unités spéciales, comme l'unité Recherche, assistance, intervention et dissuasion (RAID) ou la Brigade de recherche et d'intervention (BRI), ont dû monter au feu et n'obtiennent jamais cette reconnaissance.

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Noémie Angel, sous-directrice de la prévention, de l'accompagnement et du soutien à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN)

Concernant la formation, peut-être entendrez-vous le directeur central de la formation, M. Philippe Lutz. Je n'ai, pour ma part, qu'un rôle de coordinatrice. Cependant, à ma connaissance, une formation inter-corps a été délivrée dans les Bouches-du-Rhône et à Paris. Un stage avait ensuite été organisé dans les Bouches-du-Rhône, sur « Communiquer efficacement avec ses collaborateurs ».

Des projets importants sont prévus sur cette thématique. Je me propose, si vous le souhaitez, de faire parvenir à la commission la liste de ces projets. L'expérience dans les Bouches-du-Rhône a en tout cas été extrêmement positive.

Par ailleurs, le module de formation que nous sommes en train de concevoir sur la prévention du suicide – en partenariat avec l'École nationale supérieure de la police (ENSP) – était initialement prévu pour les commissaires et officiers. Nous avons décidé de l'élargir avec différents modules parce qu'il nous semble important que tout le monde dispose des mêmes clés.

S'agissant du management bienveillant, il n'est, en effet, pas question de parler de management malfaisant, mais plutôt de donner des clés de compréhension. Dans le cadre des séminaires zonaux, qui seront animés sur cette question par la direction centrale de la formation, nous souhaitons expliquer comment, dans un collectif, il convient de gérer un agent fragilisé, de l'orienter…Mais vous avez raison, nous nous interrogeons sur la façon pour la direction de gérer des questions « ressources humaines ». C'est actuellement l'objet d'un groupe de travail, regroupant le service déconcentré d'appui à la recherche (SDAR), qui est le volet RH de la DRCPN, les services actifs et la direction de la formation, laquelle réfléchit aux modalités concrètes et à ses traductions.

Des efforts importants ont été réalisés ces dernières années, dans les formations, sur cette notion de management. Je vous l'ai dit, une partie du mémento pratique est relative à la question du management, notamment du management des personnels en difficulté. Mais l'enjeu est aussi celui des capacités de l'institution à répondre, en termes de carrière et de mutation.

Aujourd'hui, dans le cadre du département de l'accompagnement, qui a été constitué dans ma sous-direction, nous sommes particulièrement attentifs aux situations individuelles qui nous sont remontées. Nous allons essayer, de manière transversale, lorsqu'une réelle difficulté a été détectée, de faire avancer le dossier.

Cela passe aussi par un dispositif que nous gérons, les mutations dérogatoires qui cependant répondent à un certain nombre de critères.

Ceci me permet de faire le parallèle avec votre question sur le rapprochement des époux. Les demandes de rapprochement trop souvent passent par le dispositif des mutations dérogatoires, car il difficile de muter deux personnes à la fois. Ceci engendre des situations extrêmement complexes d'un point de vue familial, avec une personne qui gère les enfants d'un côté du territoire, et l'autre qui est parfois à des kilomètres. J'ai tout de même le sentiment que, grâce aux mutations dérogatoires, les deux tiers des demandes obtiennent satisfactions, et que l'on arrive à résoudre un certain nombre de situations, dès lors qu'elles répondent aux critères de l'instruction de 2012. Certains services ou lieux sont extrêmement sollicités, je pense notamment à l'outre-mer.

S'agissant du statut d'anciens combattants, nous ne disposons pas d'un tel dispositif. Nous avons un accompagnement, une forme d' out placement, via la mission de reconversion et de reclassement, pour accompagner les policiers qui souhaitent effectuer une nouvelle carrière, mais pas de statut d'anciens policiers.

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Je souhaite aborder trois points qui, suite aux différentes auditions que nous avons effectuées, me semblent contribuer au malaise des policiers. Le premier est le lieu de travail, certains commissariats se trouvant dans un état de grande vétusté. Le deuxième point, ce sont les conditions de travail. Les syndicats de policiers souhaitent la création d'une inspection du travail. Ce pourrait être une bonne idée, puisque, aujourd'hui, quand un policier veut se plaindre, il doit saisir directement le tribunal administratif (TA). Troisièmement, je sais que cette question ne vous concerne pas, mais les policiers ont parfois un sentiment d'impunité, en raison d'une réponse pénale insatisfaisante. Des personnes qui ont commis une infraction ou un délit ne font l'objet que d'un simple rappel à la loi, du fait de l'encombrement des tribunaux et des prisons.

Il nous a été rapporté l'exemple d'un jeune de quinze ans – arrêté la première fois à douze ans –, qui, du fait de l'ordonnance de 1945, repart après chaque arrestation avec un rappel à la loi en se moquant ouvertement des policiers qui ont fait leur travail.

Quelles mesures pourrait-on envisager pour changer cet état de fait et donner un peu plus de valeur au travail de nos policiers ?

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Noémie Angel, sous-directrice de la prévention, de l'accompagnement et du soutien à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN)

Je répondrai à vos questions dans la limite de mes compétences.

Concernant les lieux de travail, ma sous-direction a en effet la charge de cette question, mais elle n'entre pas dans mon champ de compétence. Je puis néanmoins vous indiquer que des efforts importants ont été réalisés sur les petits travaux et que des enveloppes ont été allouées pour tenter de régler cette question.

Les situations les plus détériorées font en général l'objet d'un suivi, voire de visites de sites, au titre du décret de 1982, des membres du CHSCT – dont je fais partie – qui jouent souvent un rôle de catalyseur. En effet, nous sommes accompagnés d'un certain nombre de professionnels, notamment par les inspecteurs de santé et de sécurité au travail (ISST), ce qui permet de relever les situations les plus critiques et d'accélérer la prise en compte des travaux nécessaires.

Tous les CHSCT départementaux procèdent à des visites de sites, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années. Il s'agit d'un axe que nous avons développé. Nous avons formé les secrétaires de CHSCT, des représentants du personnel, lors des journées nationales, il y a deux ans, à la problématique de la visite de site. Nous avons par ailleurs produit un guide pour les accompagner.

J'ai bien conscience que je ne réponds pas en totalité à votre question, mais je peux me rapprocher de mon collègue de la sous-direction des finances et vous apporter un éclairage financier plus précis.

Sur cette même thématique, nous disposons de crédits destinés à la création d'espaces sociaux de restauration, de lieux de convivialité qui favorisent la qualité de vie au travail.

S'agissant de l'inspection du travail, une instance existe qui n'est pas évoquée par les organisations syndicales : les inspecteurs santé et sécurité au travail (ISST). Ces inspecteurs ne dépendent pas du directeur général de la police nationale, mais du secrétariat général. Ils sont formés durant plusieurs mois sur l'ensemble des risques, et se déplacent sur le territoire.

Le corps des ISST est composé d'un tiers de gendarmes, d'un tiers de policiers et d'un tiers de personnels issus du secrétariat général. Ils sont formés à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) et ont vocation à effectuer des inspections relatives au respect des règles du code du travail, puisqu'une partie s'applique dans à la fonction publique – celle relative aux conditions de sécurité – et à produire des rapports. Il me semble qu'ils disposent également de prérogatives de saisine de l'inspection du travail en cas de non-conformité – la santé et la sécurité faisant l'objet d'une obligation, non pas de moyens, mais de résultats.

L'inspection du travail joue également un rôle en matière de harcèlement. Mais là encore, il existe une inspection générale de la police nationale qui, en interne, peut être saisie via Signal-Discri, une plateforme de signalements qui diligente des enquêtes sur tous les signalements relatifs au harcèlement et à la discrimination.

Toutefois, il est vrai que nous sommes dans une culture très orientée vers le pénal. Je le constate avec la médecine statutaire. Un policier qui n'est pas satisfait de l'avis d'aptitude a la possibilité de saisir le comité médical, mais il saisira directement le tribunal administratif.

Enfin, concernant la réponse pénale non satisfaisante, je ne suis pas compétente pour vous répondre. Je travaille sur l'accompagnement individualisé et le suivi social.

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Justement, dans l'accompagnement individualisé, cette question fait-elle partie des remontées de la part de policiers ?

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Noémie Angel, sous-directrice de la prévention, de l'accompagnement et du soutien à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN)

Non, ils vont me parler de leur fatigue, de leur volonté de mobilité, mais pas des conditions d'exercice du métier.

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Cela contribue néanmoins à la perte de sens et à la fatigue morale du policier.

Vous avez indiqué vous occuper également de la petite enfance. C'est une question importante, étant donné le nombre élevé de couples de policiers. Progressons-nous sur la question des crèches sur les lieux de travail comme cela se fait à l'étranger ?

Par ailleurs, le logement pose un vrai problème. Notamment en régions parisienne et niçoise, particulièrement sous tension, où les problèmes de logement sont importants. Nous avons tous entendu l'histoire de ces policiers qui, soit cohabitent, et retournent en province lors de leur repos, soit, dorment dans leurs voitures.

La politique de logement de la police nationale compte-t-elle davantage de logements qu'auparavant ?

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Noémie Angel, sous-directrice de la prévention, de l'accompagnement et du soutien à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN)

Concernant les crèches, nous en avons aux directions centrales, à Beauvau, à Lumière, à Nanterre et près de l'immeuble Garance. En ouvrir davantage sur le territoire poserait des questions de sécurité. La question a été évoquée après l'agression du couple de policiers à Magnanville. L'effet Magnanville sur la psychologie individuelle et sur la crainte des policiers pour leur famille a été très fort. Des épouses de policiers, assistantes familiales, se sont même interrogées sur le fait de continuer à accueillir à leur domicile les enfants dont elles avaient la garde.

Cependant, la police nationale dispose de très nombreuses places en crèches, notamment 580 en Ile-de-France. Nous fonctionnons par des marchés publics que nous conventionnons par arrondissement. Nous disposons également de places de crèche dans la majorité des grandes aires urbaines.

Nous faisons également en sorte de prendre en compte le rythme de travail des policiers, et nous disposons ainsi de places en horaires décalés, qui intéressent particulièrement les agents de la police de l'air et des frontières (PAF) à Roissy. Nous complétons cette politique par des chèques emploi service universel, spécifiques au ministère de l'Intérieur, pour favoriser l'aide à la garde d'enfants. Nous disposons notamment d'un dispositif propre aux familles monoparentales, particulièrement en difficulté sur cette question de la garde d'enfants et d'un dispositif spécifique à l'Ile-de-France, pour les enfants de plus de six ans.

Concernant le logement, le ministère dispose d'un parc important de 15 579 logements sociaux. La politique de logement se concentre essentiellement sur l'Ile-de-France, mais nous sommes en train de l'étendre au-delà de la grande couronne, les agents habitant de plus en plus vers Orléans ou en Normandie.

Je tiens à préciser que le chiffre de 15 579 est un chiffre commun à l'ensemble du ministère c'est-à-dire les policiers et les personnels administratifs. Plus spécifiquement, au niveau de la préfecture de police, nous disposons de 13 250 logements. Et chaque année, nous réservons un certain nombre de logements. Le nombre d'agents nouvellement logés en 2018 est de 1 670 agents. S'agissant de logements sociaux, les agents doivent répondre aux critères d'attribution auprès du bailleur social.

Concernant les situations particulièrement difficiles que vous avez évoquées, et que je ne nierai certainement pas, sachez tout de même que certains agents affectés en Ile-de-France font le choix de conserver leur logement en province et refusent un logement fixe près de leur lieu de travail. C'est pourquoi la préfecture de police tend vers de plus en plus de petits logements ou de places en foyers qui répondent davantage à la demande des primo-arrivants à Paris, qui cherchent à se loger à moindre coût, car ils ont des traites à payer pour leur maison en province.

Nous nous adaptons donc aux changements sociologiques, tout en ayant la volonté de fidéliser les policiers en Île-de-France. C'est d'ailleurs l'objet du prêt à taux zéro du ministère de l'Intérieur, qui se concentre sur les départements au-delà de la grande couronne, mais aussi dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, la Gironde, le Nord, le Bas-Rhin et le Rhône ; autant de départements sous tension.

Nous travaillons actuellement sur un nouveau dispositif intéressant : le prêt social de location-accession – les loyers se transforment et traites et permettent une accession à la propriété.

L'audition se termine à dix-huit heures dix.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 17 heures 15

Présents. - M. Ugo Bernalicis, M. Rémi Delatte, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Denis Masséglia, M. Christophe Naegelen

Excusés. - M. Xavier Batut, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Marietta Karamanli, Mme Josy Poueyto, Mme Nicole Trisse