Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission d'enquête Chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Mercredi 15 décembre 2021

La séance est ouverte à dix-huit heures vingt-cinq

(Présidence de M. Meyer Habib, président)

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Nous reprenons nos travaux avec l'audition d'une seconde amie et collègue de Mme Halimi, dont nous ne révélerons pas le nom pour des raisons de confidentialité.

Madame, tout d'abord, je voudrais vous remercier de vous être déplacée. Je sais qu'il est compliqué d'évoquer des souvenirs si douloureux.

Avant de vous exprimer, je vous demanderai de prêter serment.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme N. prête serment).

Je sais que vous avez longuement hésité, car vous aviez peur de venir. Aujourd'hui, vous témoignez à visage découvert, même si vous êtes masquée. Votre témoignage est très important pour nos travaux qui arrivent à leur terme. Lorsqu'elle a entendu parler de vos témoignages, la commission d'enquête a souhaité vous auditionner.

Je vous cède la parole afin que vous puissiez nous parler librement de Mme Halimi. Nous vous poserons ensuite certaines questions.

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N

Ma collaboration avec Mme Halimi a commencé en 1995 et s'est poursuivie jusqu'à la fin. Elle était directrice de la crèche et j'étais son adjointe, en charge de la section des bébés. Mme Halimi était médecin de formation, comme vous devez le savoir.

À cette époque, Mme Halimi n'avait pas encore rencontré trop de problèmes. Un premier problème est apparu quand sa plus jeune fille a été bousculée dans les escaliers par un membre de la famille de ce monsieur. Les filles étaient souvent insultées quand elles rentraient de l'école. Les années ont passé, les filles se sont mariées et ont quitté la maison. Mme Halimi est restée seule dans son appartement et les angoisses ont commencé. Je pense que, de temps en temps, ce monsieur devait l'embêter quand elle rentrait chez elle. C'est avec le temps qu'elle a commencé à se confier.

Notre crèche a fermé en 2016, le propriétaire désirant récupérer son local. Je suis partie travailler dans une autre crèche. Pour autant, Mme Halimi et moi-même sommes restées amies. Nous nous téléphonions et nous voyions très souvent.

Je me souviens d'une fois où elle avait invité sa fille aînée et son gendre à déjeuner pour Shabbat. En revenant de la synagogue, son gendre a été attaqué à coups de pierres par plusieurs individus. Son arcade sourcilière ouverte, il s'est rendu aux urgences et je pense qu'il a ensuite déposé plainte. Je ne me souviens pas précisément de la date, mais Mme Halimi m'a téléphoné le dimanche suivant pour me raconter l'événement.

Au fil du temps, Mme Halimi angoissait. Elle avait peur et voulait absolument quitter son appartement.

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L'autre amie de Mme Halimi que nous avons auditionnée a dit qu'elle avait peur de la fratrie.

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N

Honnêtement, je l'ignore, mais elle avait peur de cette famille.

Elle avait donc décidé de partir vivre à Créteil, pour se rapprocher de sa fille. Elle a donc entamé des recherches. À l'époque, des actes antisémites ont également été commis à Créteil. Elle m'a donc exprimé son souhait de quitter la France pour l'Israël, où vivait son fils.

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N

Oui, après le décès de Mme Halimi, ils sont tous partis. À l'époque, les filles n'étaient pas décidées. L'une d'entre elles travaillait à la crèche avec moi en tant que secrétaire, et n'avait pas envie de partir vivre en Israël.

Mme Halimi avait donc décidé de partir seule. Elle a donc pris un billet d'avion pour essayer de trouver quelque chose en Israël. À son retour, elle m'a confirmé qu'elle souhaitait s'installer à Haïfa. Je lui ai répondu que c'était impossible, en raison des raffineries à l'entrée de la ville de Haïfa, car Mme Halimi avec d'importants problèmes pulmonaires. Nous en avons discuté et je lui ai proposé de l'accompagner en Israël pour l'aider à trouver quelque chose proche de son fils. Nous avions prévu de partir, mais nous n'en avons pas eu le temps, car elle est morte deux semaines avant.

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Je comprends qu'au moment de son décès, Mme Halimi ne travaillait plus à la crèche.

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N

La crèche était fermée. Je me souviens que lorsque nous nous voyions en ville, elle me demandait de l'appeler une fois rentrée à la maison, et je ne comprenais pas pour quelle raison. Je pense que cela la rassurait que je sache qu'elle était bien rentrée.

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Pourquoi n'appelait-elle pas sa famille, mais son amie ?

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N

Elle ne se confiait pas facilement à ses filles. Comme je travaillais avec l'une de ses filles, j'essayais parfois de lui faire passer certains messages. Mme Halimi était très pudique.

J'avais noté avec le temps que lorsque Mme Halimi était angoissée, au moment de rentrer chez elle, elle avait un tic avec son nez.

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Merci de votre témoignage. Vous me confirmez qu'elle avait peur de la famille Traoré.

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N

L'une des fenêtres de son appartement, dans la cuisine, fermait mal. Elle avait appelé le syndic de l'immeuble, mais la fenêtre n'a jamais été réparée. Je pense que son meurtrier le savait et qu'il avait tout prémédité.

Enfin, je ne souhaite pas entrer dans les détails.

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Il est important de nous expliquer votre sentiment.

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N

Mon sentiment est qu'il avait prémédité son meurtre.

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Une autre personne auditionnée nous a expliqué que ses parents étaient absents, et que s'ils avaient été présents, le meurtre n'aurait pas eu lieu, car il les craignait.

Mme Halimi s'était par ailleurs confiée deux jours plus tôt en expliquant qu'elle avait très peur. Donc, selon vous, l'assassin savait que la fenêtre fermait mal.

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Pensez-vous qu'il se soit introduit par hasard ?

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N

Absolument pas. Mme Halimi a dû crier et je suis persuadée que les voisins ont dû l'entendre.

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Tous les voisins ont évoqué des hurlements continus entre douze et quatorze minutes, soit un temps extrêmement long. Tous les policiers disent n'avoir rien entendu, ce qui est un autre débat.

Quand avez-vous parlé à Mme Halimi pour la dernière fois ?

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N

Quelques jours avant son assassinat.

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La justice a-t-elle cherché à vous joindre ? Avez-vous témoigné ?

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N

Lors de la marche blanche, j'ai été approchée par des journalistes. J'ai proposé que différentes personnes, dont notre cuisinière qui a travaillé à la crèche pendant des années, puissent témoigner. La crèche était comme une petite famille et nous étions très proches les uns des autres.

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Merci. M. le Président. Merci, Madame, de votre témoignage, qui nous est précieux, notamment concernant la fenêtre. Je vous souhaite une bonne continuation.

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S'agissant de la fenêtre, vous dites qu'il s'agit de celle de la cuisine.

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N

Mme Halimi m'avait parlé d'une fenêtre qui fermait mal, mais je ne peux vous dire laquelle avec certitude.

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Compte tenu de la psychologie de Mme Halimi dans le contexte de voisinage qui était relativement oppressant, et du fait que le balcon donnait sur une terrasse accessible par tout un chacun, pensez-vous que Mme Halimi puisse dormir la porte-fenêtre ouverte ?

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Quand l'assassin dit que la fenêtre était ouverte, pour vous, il s'agit d'un mensonge.

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Souhaitez-vous ajouter des éléments concernant Mme Halimi ? Vous parlait-elle de l'antisémitisme de la famille Traoré ?

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N

Oui. Plus tard, même lorsque les filles se sont mariées, elles rasaient les murs lorsqu'elles rendaient visite à leur mère. Elles avaient peur.

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Ont-elles porté plainte ou déposé une main courante à la police ?

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Ce n'était pas dans son tempérament. Elle était très discrète.

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On nous a également expliqué que les seuls moments où Mme Halimi était plus tranquille, c'est lorsqu'il était en prison. Vous en a-t-elle parlé précisément ?

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N

Oui, car elle en parlait moins. Elle était moins angoissée, je pense que c'est lorsqu'il était en prison.

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Selon vous, combien de temps avant le drame Mme Halimi a-t-elle commencé à ressentir une pression très forte de la famille Traoré ?

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Votre collègue que nous avons auditionnée nous a parlé d'incidents, il y a quelques années, et qu'elle lui avait dit, à plusieurs reprises, avoir peur d'eux.

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N

En réalité, elle avait tout le temps peur.

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Je vous remercie. Votre témoignage sincère est important. Tous les témoignages confirment que Mme Halimi avait très peur de lui, comme tout le monde, y compris sa voisine policière. C'était un dealer. Il a fini par tuer Mme Halimi. C'est une immense tragédie.

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N

Et de quelle façon il l'a tuée ! Pendant des mois, j'ai eu les yeux braqués sur ma fenêtre. Cela m'avait traumatisée.

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On imagine les derniers instants, avec la peur qu'avait Mme Halimi, et le temps que cela a duré. Elle a subi des actes de torture.

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Il l'a frappée comme de la viande ont expliqué tous les voisins. Les hurlements du début ont baissé au fur et à mesure pour devenir à la fin des cris de chat quasiment inaudibles. Elle a été défenestrée de l'endroit le plus compliqué de son balcon.

Le but de cette commission d'enquête est de déterminer les éventuels dysfonctionnements de la police et de la justice dans cette affaire. Mon sentiment est qu'il y a eu préméditation, comme celui de nombreux commissaires.

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N

J'en suis absolument certaine.

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Vous devez savoir que la justice en a décidé autrement. À titre personnel, je pense que la justice peut se tromper.

Il était très important de vous auditionner. Je sais que vous aviez peur et que vous avez hésité jusqu'au dernier moment. Je remercie votre gendre de vous avoir accompagnée. J'espère qu'avec les années, le traumatisme s'estompera.

La réunion se termine à dix-huit heures quarante-cinq. Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Présents. – Mme Camille Galliard-Minier, M. Meyer Habib, Mme Florence Morlighem, M. François Pupponi

Excusés – Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Taché