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Nous avons eu assez peur, et votre projet de loi a paru être de nature à nous rassurer. Mais aujourd'hui, je ne saurais pas dire si vous l'avez vraiment cru, à un moment donné, en votre for intérieur, ou si c'était seulement une stratégie de communication. Le Conseil d'État s'est borné à signaler qu'il n'est nullement certain qu'il soit constitutionnellement possible d'établir une telle présomption. On est quand même très loin d'une inconstitutionnalité manifeste : ce risque mérite donc d'être pris, au nom de nos engagements.
Je le redis : si l'on veut démontrer que la mesure proposée est inconstitutionnelle, la seule façon est de l'adopter afin qu'elle soit examinée par le Conseil constitutionnel.
... cadre législatif plus protecteur à nos citoyens, notamment à nos enfants. Par ailleurs, quand on nous dit que nous ne sommes pas en phase avec la transcription de textes européens en droit français, je rappelle que la Belgique, le Royaume-Uni et d'autres États membres de l'Union européenne ont déjà réussi dans ce domaine à les traduire dans leur droit national. Nous allons entamer une révision constitutionnelle. Si pour protéger nos enfants, nous devons en profiter pour rendre constitutionnellement possible le renforcement de leur protection, je dis : chiche ! Élaborons un texte en ce sens.
Aujourd'hui, vous exercez également, chers collègues de la majorité, cette responsabilité : vous êtes, les uns et les autres, législateurs. Vous avez également une conscience. Une possibilité vous est offerte, comme vient de le dire notre collègue à l'instant : si demain le projet de loi est déclaré inconstitutionnel, alors nous pourrons, dans une révision que vous avez souhaité engager, corriger le texte de la Constitution et progresser ainsi en vue de l'objectif que nous poursuivons ensemble. Donnons donc ce signal, un signal clair qui permette à chacun de comprendre que, dans cette République, l'on ne peut pas, lorsque l'on est juge, soupçonner, interpréter et chercher à savoir si un consentement aurait v...
Mon amendement est défendu, mais je voudrais profiter de cet instant pour abonder dans le sens de Mme Auconie : il est impossible, comme le fait le Gouvernement depuis le début de cette discussion, de nous jeter sans arrêt à la figure le risque d'inconstitutionnalité d'un article. Ou alors, il faudrait dissoudre notre assemblée et demander au Conseil constitutionnel de faire la loi à notre place. Non ! Il appartient aux députés, ne vous en déplaise, de voter la loi, en toute responsabilité. C'est donc à eux de décider s'ils veulent soumettre ou non une mesure au Conseil constitutionnel, et non à celui-ci de faire la loi à leur place.
...nt de moins de treize ans, dans la plupart des cas une fille – , de montrer qu'elle n'a pas consenti au rapport en question, mais bien à l'homme adulte d'apporter la preuve de ce consentement. Cette inversion de la charge de la preuve revient à instituer une forme de présomption, mais une présomption simple, non irréfragable, ce qui nous exposerait sans doute un peu moins à une censure du Conseil constitutionnel. Je voudrais faire remarquer à l'Assemblée que l'article 4 comporte un risque d'inconstitutionnalité – il a été évoqué – , puisque l'on introduit dans la loi des dispositions qui devraient normalement relever du domaine réglementaire. Or vous prenez ce risque parce que vous jugez qu'il importe de punir le harcèlement de rue ; c'est en tout cas ce que vous nous avez dit. Là aussi, il faut prendre...
Chers collègues, ne pourrions-nous pas faire simple ? En l'occurrence, il ne s'agit même pas de prendre un risque ! Mme Belloubet nous a lu hier l'avis du Conseil d'État. Celui-ci a une opinion assez ferme pour ce qui concerne la présomption irréfragable. Irréfragable, cela veut dire qu'il n'y a plus de procès, et cela rend en effet les choses contraires à notre droit constitutionnel. Mais pour le reste, ce qui est écrit, c'est, je le souligne, que l'inversion de la charge de la preuve ne peut se faire que dans des cas exceptionnels. Sincèrement, les viols sur des mineurs de moins de treize ans ne relèvent-ils pas de « cas exceptionnels » ? Exceptionnel, cela l'est ! Il faut que nous prenions nos responsabilités. Nous devons le faire pour la protection de l'enfance, pour la ...
En l'espèce, vous nous opposez à nouveau un argument d'inconstitutionnalité, qui est en réalité un rappel des principes généraux du droit, relatifs à la présomption d'innocence, qui risqueraient d'être produits par le Conseil constitutionnel.
Inverser la charge de la preuve, dit un autre collègue, ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence. Mais si l'on part du postulat qu'une personne est coupable et qu'elle doit apporter la preuve de son innocence, c'est bien qu'elle est présumée, non plus innocente, mais coupable, ce qui est inconstitutionnel et inconventionnel ; c'est donc ce à quoi nous nous opposons. Enfin, il est illusoire de penser que l'inversion de la charge de la preuve évitera à la victime d'être observée, elle, son cadre de vie et son comportement.
Lors d'un procès, les personnalités de l'auteur présumé comme de la victime sont analysées. Outre que l'amendement est inconstitutionnel, il ne résoudrait jamais le problème de fond, qui est de savoir si l'on peut, oui ou non, retenir la qualification de viol, comme y tend l'article 2 : on retiendra beaucoup plus facilement, en l'espèce, la contrainte morale ou la surprise du fait de la vulnérabilité du mineur de moins de quinze ans. C'est ainsi que l'on sécurise le texte sur le plan constitutionnel et que, dans la pratique, on pr...
...tion, c'est l'avis du Conseil d'État, derrière lequel vous vous retranchez pour dire que ce dernier serait définitivement hostile à toute présomption de non-consentement. J'ai donc pris la peine de relire cet avis en détail, et vous invite à vous reporter à son considérant 21 : « Une telle présomption », y est-il précisé, « aurait été très difficilement compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel [… ]. Pour que [cette présomption] soit jugée constitutionnelle, il faut, d'une part, qu'elle ne revête pas de caractère irréfragable » – c'est le cas avec l'amendement dont nous discutons et ceux de Mme Autain – « et, d'autre part, qu'elle assure le respect des droits de la défense, c'est-à-dire permette au mis en cause de rapporter la preuve contraire », ce qui est exactement ce que l'amendemen...
...droits de la défense tout en faisant la lumière sur les faits. Il est souvent difficile, au demeurant, d'établir leur réalité, surtout lorsqu'ils ont eu lieu dans le huis clos familial. Si la charge de la preuve est inversée, ce sera à celui qui est pointé du doigt, l'accusé – possiblement tout un chacun – , d'apporter la preuve de son innocence. Objectivement, j'ignore si une telle mesure est inconstitutionnelle. Je pense qu'elle présente un risque de ce point de vue, sans en être totalement convaincu. En revanche, elle porte atteinte à un principe auquel je suis très attaché : celui de la présomption d'innocence et des droits de la défense.
Lorsque vous êtes acculé, pointé du doigt, désigné à la vindicte populaire, il est très difficile d'établir votre innocence, car vous n'avez pas les moyens dont dispose le procureur de la République. Il faut donc raison garder et nous raccrocher aux grands principes de notre droit, qui font sa grandeur, à commencer par le principe de la présomption d'innocence. Ce n'est pas tant un principe constitutionnel qu'un grand principe du droit en général, et j'y suis viscéralement attaché, comme je le suis aux droits de la défense. Vous ne disposerez jamais, si vous êtes mis en cause, des mêmes capacités pour établir votre innocence qu'un procureur de la République.
... l'article 227-25 du code pénal donne de l'atteinte sexuelle une définition incluant un caractère quasiment irréfragable : « Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. » Cet article, que je sache, ne pose pas de problème au Conseil constitutionnel. Je ne pense donc pas que nous prendrions beaucoup de risques en votant le présent amendement ; mais si c'est là le seul argument, soyons raisonnables et tentons le coup !
Lorsque cette contrainte est établie, nous sommes en présence d'une présomption irréfragable, qui est inconstitutionnelle.
Je voudrais tout de même, chers collègues, que nous mesurions ce que l'inconstitutionnalité peut impliquer. Pour cela, j'aimerais que nous fassions fonctionner nos mémoires. J'ai en mémoire un risque qui a été pris par le législateur pour de très bonnes raisons en matière de harcèlement sexuel. La loi de 2002 a conduit à une censure du Conseil constitutionnel, qui a laissé 2 000 femmes dans le désarroi, les procédures lancées dans l'intervalle ayant été aspirées dans un vide juridique. Elles se sont ainsi trouvées sans recours face à leur bourreau. Ne disons donc pas qu'il n'est pas si grave de courir le risque d'inconstitutionnalité !
… les précisions qu'il convient d'apporter concernant le risque d'inconstitutionnalité. Je rappelle que les présomptions irréfragables sont inconstitutionnelles.
...criminelle, les enjeux sont particulièrement importants. Les objections du Conseil d'État sont donc sérieuses. Bien sûr, nous nous sommes demandé, dans le cadre des auditions, s'il fallait instaurer une présomption, si nous devions prendre ce risque. Cela représente évidemment une responsabilité : le Gouvernement et la représentation nationale devaient-ils prendre le risque de laisser le Conseil constitutionnel régler tout cela, et s'en laver les mains ? Non, évidemment non !
Vous passez votre temps à nous proposer des amendements qui ne sont pas acceptables du point de vue constitutionnel.
Je vous le dis : la définition que nous avons précisée est la plus protectrice des victimes et la seule qui respecte les principes constitutionnels et ceux de notre droit pénal.