Publié le 8 février 2019 par : M. Ciotti, M. Straumann, M. Bony, M. Ramadier, M. Masson, M. Bazin, Mme Valérie Boyer, M. Dive, M. Verchère, M. Door, Mme Bazin-Malgras, Mme Genevard, M. Brochand, M. Bouchet, M. Di Filippo, M. Pauget, Mme Le Grip, Mme Kuster, M. Furst, M. Vialay, Mme Duby-Muller, M. Woerth, Mme Poletti, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Bassire, M. Abad, Mme Corneloup, Mme Lacroute, Mme Meunier, M. de Ganay, M. Schellenberger.
I. – Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L'article L. 222‑4‑1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 222‑4‑1 –Lorsque le président du conseil départemental est saisi par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation en cas d'absentéisme scolaire, tel que défini à l'article L. 131‑8 du code de l'éducation, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d'un contrat de responsabilité parentale.
« Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l'autorité parentale et comporte toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation. Son contenu, sa durée et les modalités selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil départemental et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d'État. Ce décret fixe aussi les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil départemental de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale et de sa mise en œuvre.
« Lorsqu'il constate que les obligations incombant aux parents ou au représentant légal du mineur n'ont pas été respectées ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n'a pu être signé de leur fait, le président du conseil départemental peut :
« 1° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;
« 2° Saisir l'autorité judiciaire pour qu'il soit fait application, s'il y a lieu, des dispositions de l'article 375‑9‑1 du code civil.
« Lorsque le contrat n'a pu être signé du fait des parents ou du représentant légal du mineur, le président du conseil départemental peut également leur adresser un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l'autorité parentale et prendre toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation. »
2° L'article L. 262‑3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La part des allocations familiales dont le versement fait l'objet d'une mesure de suspension ou de suppression en application de l'article L. 131‑8 du code de l'éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. »
II. – Le code de l'éducation est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l'article L. 131‑6, après le mot : « éducation », sont insérés les mots : « en application de l'article L. 131‑8 » ;
2° L'article L. 131‑8 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, après le mot : « sanctions », sont insérés les mots : « administratives et » ;
b) Les sixième et septième alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation saisit sans délai le président du conseil départemental du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure d'accompagnement que le président du conseil général pourrait proposer aux familles en application de l'article L. 222‑4‑1 du code de l'action sociale et des familles.
« Elle communique trimestriellement au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.
« Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l'article L. 131‑6.
« Dans le cas où, au cours d'une même année scolaire, une nouvelle absence de l'enfant mineur d'au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l'avertissement adressé par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, cette dernière, après avoir mis les personnes responsables de l'enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l'absence de motif légitime ou d'excuses valables, saisit le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l'article L. 552‑4‑1 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales informe l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation ainsi que le président du conseil départemental de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l'enfant de cette décision et des dispositifs d'accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.
« Le versement des allocations familiales n'est rétabli que lorsque l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation a signalé au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales qu'aucun défaut d'assiduité sans motif légitime ni excuses valables n'a été constaté pour l'enfant en cause pendant une période d'un mois de scolarisation, éventuellement interrompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.
« Le rétablissement du versement des allocations familiales est rétroactif. Si, depuis l'absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences de quatre demi-journées par mois sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées, à la demande de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation et après que les personnes responsables de l'enfant ont été mises en mesure de présenter leurs observations, aucun versement n'est dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouvelles absences sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées.
« La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu'à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de reprise d'assiduité définie aux deux alinéas précédents. »
3° L'article L. 131‑9 est complété par les mots : « , sauf dans le cas où elle a sollicité du président du conseil départemental la mise en œuvre d'un contrat de responsabilité parentale. »
III. – Après l'article L. 552‑4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552‑4‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 552‑4‑1 – En cas de manquement à l'obligation d'assiduité scolaire, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l'enfant en cause, selon les modalités prévues à l'article L. 131‑8 du code de l'éducation. Le rétablissement des allocations familiales s'effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l'enfant en cause sont définies par décret en Conseil d'État. »
IV. – Avant le 31 décembre 2020, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les dispositifs de lutte contre l'absentéisme scolaire et d'accompagnement parental et proposant, le cas échéant, les modifications législatives ou réglementaires susceptibles d'y être apportées.
Un comité de suivi composé de députés et de sénateurs, désignés par leur assemblée respective de façon à assurer le pluralisme des opinions et des appartenances politiques, formule des recommandations et peut se prononcer sur les recommandations de ce rapport.
Les éléments chiffrés sur l'absentéisme des élèves, publiés dans une note de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale de mars 2018, sont alarmants. En effet, en janvier 2017, il y avait plus de 250 000 élèves absentéistes.
Dans les établissements publics du second degré, 4,9 % des élèves ont été absent de façon non justifiée quatre demi-journées ou plus par mois en moyenne. La même note de la DEPP indique que le taux d'absentéisme varie fortement d'un établissement à l'autre : en janvier 2017, dans un établissement sur dix, il dépassait 13,4 %. Les 10 % d'établissements les plus touchés concentrent la moitié des élèves absentéistes.
Ce phénomène met à mal un principe républicain essentiel, celui de l'obligation scolaire, dont l'assiduité constitue le corollaire naturel.
Comme le soulignait M. Paul Bert, lors du débat sur le projet de loi tendant à rendre l'enseignement primaire obligatoire, le 4 décembre 1880 : « Faut-il redire encore combien l'instruction publique est cause de prospérité matérielle et morale pour la société ? Faut-il répéter ces banalités – s'il est permis de donner à ces vérités éternelles, cette caractéristique irrespectueuse – faut-il répéter que la richesse sociale augmente avec l'instruction, que la criminalité diminue avec l'instruction, qu'un homme ignorant, non seulement est frappé d'infériorité personnelle, mais qu'il devient ou peut devenir une charge et un danger ? »
L'obligation scolaire a été instituée pour assurer l'égalité des chances. On ne peut dès lors se résoudre, devant le constat de l'absentéisme scolaire, ni à l'angélisme compassionnel, ni au fatalisme paresseux.
Les conséquences de l'absentéisme sont graves. D'après un rapport de l'Observatoire européen de la violence scolaire, celui-ci a une incidence certaine sur les résultats obtenus aux examens. De plus, une étude sur l'insertion professionnelle des jeunes absentéistes souligne que les conséquences ne s'arrêtent pas à une sortie du système éducatif sans diplôme. Lorsqu'on a été absentéiste, on a deux fois plus de risque d'occuper un emploi précaire et de ne pas progresser dans sa carrière que les élèves ayant échoué à leurs examens sans avoir développé de comportement absentéiste.
Parallèlement, la recherche anglo-saxonne et certaines recherches françaises montrent qu'il existe une corrélation entre absentéisme, délinquance et déviance.
La majorité des parents, démunis face à l'absentéisme de leur enfant, acceptent la main tendue et mettent tout en œuvre pour remédier à cette situation. D'autres parents, à l'inverse, refusent d'assumer leur responsabilité : ceux qui démissionnent ou encore ceux qui estiment que c'est à la société de prendre en charge ce qui leur incombe naturellement et juridiquement. Or, la responsabilité parentale ne se délègue pas à la collectivité, et ne saurait se diluer.
Si les parents n'exercent pas leur autorité parentale, si des carences en matière éducative sont constatées, des sanctions doivent être prises et parmi elles la suspension du versement des allocations familiales.
En effet, le versement des prestations sociales est fondateur de droits en contrepartie desquels les parents sont tenus à des devoirs. Le premier d'entre eux est celui d'assumer pleinement leur autorité parentale, notamment au regard du respect des obligations d'éducation, de scolarité et d'assiduité. En cas de carence avérée dans l'exercice de cette autorité, la sanction doit être effective.
C'était l'objectif de la loi n° 2010‑1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire, qui offrait à l'inspecteur d'académie un nouvel outil de lutte contre l'absentéisme. Celle-ci a été abrogée par la loi du 31 janvier 2013.
Pourtant, preuve de son efficacité, au titre de l'année scolaire 2011‑2012, 79 149 signalements ont été reçus. 75 % de ces signalements ont donné lieu à un avertissement adressé aux familles. 21 964 élèves ont fait l'objet d'un deuxième signalement suivi, pour 1 418 d'entre eux, d'une demande de suspension adressée à la CAF. Au final, le dispositif avait entrainé 619 suspensions d'allocations et 142 allocations avaient été redonnées aux familles lorsque l'élève est revenu à l'école.
L'objectif du présent amendement est de rétablir ce dispositif équilibré et gradué de lutte contre l'absentéisme scolaire.
Aussi, il est prévu que la suppression des allocations familiales interviendra après que les familles aient pu, à chaque stade de la procédure, s'expliquer et fournir des excuses valables de cet absentéisme.
Elle sera graduée, c'est pourquoi après une première phase d'avertissement interviendra dans un premier temps une suspension du versement des allocations familiales, puis une suppression si l'absentéisme persiste.
Ce dispositif permettra de remettre les parents face à leurs responsabilités et les enfants au cœur de notre société. Il doit redonner tout son sens à l'obligation scolaire et les moyens aux enseignants d'assurer l'égalité des chances de chacun. L'absentéisme scolaire n'est pas une fatalité sociale et pour l'endiguer il faut raffermir le lien, parfois distendu, entre famille et école. Les pouvoirs publics ne peuvent laisser les enfants, souvent par insouciance, obérer leurs chances d'avenir.
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