Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Texte n° 3074

Amendement N° CF1066 (Rejeté)

(1 amendement identique : 917 )

Publié le 19 juin 2020 par : Mme Pires Beaune, M. Jean-Louis Bricout, M. David Habib, Mme Rabault, Mme Rouaux, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Battistel, Mme Biémouret, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. Hutin, M. Juanico, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Letchimy, Mme Manin, Mme Pau-Langevin, M. Potier, M. Pueyo, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, M. Vallaud, Mme Victory, les membres du groupe Socialistes et apparentés.

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Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)
ProgrammesAutorisations d’engagement suppl. ouvertesAutorisations d’engagement annuléesCrédits de paiement suppl. ouvertsCrédits de paiement annulés
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire0000
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire0000
Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire0+40 000 0000+40 000 000
Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire (nouveau)0000
Nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l'indépendance sanitaire de la Nation(ligne nouvelle)+40 000 0000+40 000 0000
TOTAUX+40 000 000+40 000 000+40 000 000+40 000 000
SOLDE00

Exposé sommaire :

Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à ouvrir 40 millions d’euros de crédits afin de permettre à l’État de nationaliser la société Luxfer.

La propagation de l’épidémie de covid-19 a contraint le Gouvernement à prendre, entre le 17 mars et le 11 mai 2020, des mesures de confinement et de restriction des activités économiques sans précédent dans notre histoire moderne.

La progression initiale de la maladie et avec elle, la tension sur notre système de santé, a montré l’impréparation de la France et en particulier l’absence de certains équipements médicaux stratégiques en nombre suffisant. Face à la submersion qui a touché les régions Grand Est et d’Île-de-France, des opérations de transport inédites en temps de paix ont été rendues nécessaires pour déplacer les malades les plus stables vers des régions moins touchées.

Si au front, le moral des soignantes et des soignants qui a constitué la dernière digue pour protéger les Français n’a pas vacillé pas, l’arrière a grandement faillit dans la préparation de notre pays à faire face à une telle crise sanitaire.

Qu’il s’agisse des respirateurs si nécessaires à la réanimation, des équipements de protection (dont certains sont pourtant basiques à l’image des masques, du gel hydro-alcoolique, des gants en latex, des sur-blouses ou des lunettes de protection) ou de certains médicaments, nos stocks étaient insuffisants et notre pays n’est pas en capacité de répondre, seul, aux besoins propres à assurer la santé de ses habitants face à une crise d’une telle ampleur.

Cette situation est le résultat de décennies d’absence de vision stratégique sur l’indépendance sanitaire de la France, entraînant délocalisations et sous-traitances dans des pays tiers. A cet égard, la décision de réduire progressivement les stocks d’État de masques en comptant sur la capacité de production des pays asiatiques et en particulier de la Chine est symptomatique.

Le Président de la République, Emmanuel Macron, en a lui-même fait le constat lors de son allocution du 12 mars dernier : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond à d’autres, est une folie ».

Si ce constat est terrible pour la sixième puissance mondiale et nécessitera la définition d’une nouvelle doctrine et une dynamique de relocalisations à moyen terme, la France dispose également, à court terme, d’outils permettant d’inverser rapidement la tendance.

Ces outils, ce sont des fleurons industriels qui produisent, ou produisaient jusqu’à récemment, du matériel médical de pointe essentiel pour faire face aux besoins induits par une telle crise.

C’est notamment le cas de la société Luxfer, située à Gerzat dans le Puy-de-Dôme, qui était jusqu’en 2019 la seule entreprise de l’Union européenne à fabriquer des bouteilles d’oxygène à usage médical.

Alors que l’épidémie de Covid-19 a d’abord fait appel aux capacités de réanimation et d’assistance respiratoire de notre système de santé, il s’agit là d’un actif stratégique majeur. Il est d’autant plus utile en temps de crise alors que les patients doivent être transférés en grand nombre par la route, le rail ou les airs, nécessitant une assistance respiratoire permanente avec un équipement aussi léger et maniable que possible.

Ainsi la production de la société était dévolue à 62 % pour le marché du médical, à 27 % pour les services d’incendie, à 6 % pour le secteur industriel général et à 5 % pour des activités spécifiques (Armement, aéronautique, autres secteur gaz, etc...).

La situation tendue des marchés de la Santé et de la Protection, avec une stagnation de la demande et une concurrence féroce des pays à faible coût de main d’œuvre, s’est traduit par une baisse des volumes de production. Cette situation a amené la maison-mère de Luxfer à réorganiser ses sites de production et à mettre fin à la production sur le site de Gerzat.

Aujourd’hui cette PME et ses 136 salariés sont à l’arrêt. Cependant, les machines et le savoir-faire humain demeurent présents, de même que la volonté, pour une partie des salariés, de reprendre leur activité. Ceux-ci ont d’ailleurs travaillé à un plan permettant de relancer la production en seulement neuf semaines. Le modèle économique est vertueux, y compris à l’échelle de l’Union européenne, dès lors que cette production serait reconnue comme stratégique et ainsi, pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, placée en dehors des lois du marché, sans mise en concurrence avec des pays tiers à faible coût de main d’œuvre.

Alors que l’épidémie est amenée à se poursuivre durant de longs mois, voire à connaitre de nouvelles vagues et que la dégradation de la situation dans d’autres pays peut suspendre l’importation de tels matériels, il est essentiel que la France puisse assurer son indépendance stratégique en conservant une capacité de production sur son sol. A défaut d’être un choix dicté par la crise actuelle, cette nationalisation est indispensable dans une perspective de moyen et long terme. Pouvons-nous prendre le risque de n’avoir aucun producteur de bouteilles d’oxygène sur le territoire de la nouvelle Europe ?

Outre la sécurisation à court terme de ces actifs pour éviter une fermeture ou une reprise par des acteurs étrangers, la maitrise de cette entreprise, parmi d’autres de même importance, permettrait à l’État de pouvoir faire face aux possibles résurgences du Covid-19, qui pourrait devenir saisonnier, ainsi qu’aux crises futures alors que le risque pandémique est devenu d’autant plus grand que la mondialisation est devenue intégrée.

C’était le sens de la proposition de loi portée par notre groupe et qui proposait la nationalisation de Luxfer mais également de Famar. Seule manière pour l’État de disposer d’un contrôle effectif de ces actifs stratégiques et de leurs productions afin d’assurer son indépendance sanitaire.

Afin d’assurer la recevabilité financière du présent amendement au titre de l’article 40 de la Constitution, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’action 01 du programme « Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire » font l’objet d’une annulation de 40 millions d’euros et viennent abonder à due concurrence, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, un nouveau programme dénommé « Nationalisation de sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation » composé d’une action unique du même nom.

Naturellement, notre groupe n’entend pas réduire les moyens qui étaient dévolus par le Gouvernement aux autres opérations de renforcement des participations financières de l’État mais bien d’amplifier cette dynamique en l’étendant à la nationalisation des sociétés nécessaires à notre indépendance sanitaire tels que Luxfer. Il appartiendra au Gouvernement de lever ce gage afin de permettre la réalisation de ces deux objectifs.

https ://lessocialistes.fr/wp-content/uploads/2020/04/PPL-groupe-Socialistes-et-apparente %CC %81s-Nationalisation-des-entreprises-particulie %CC %80rement-ne %CC %81cessaires-a %CC %80-linde %CC %81pendance-sanitaire-de-la-Nation-Vdef-1.pdf

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