Publié le 28 novembre 2017 par : Mme Louwagie, M. Woerth, M. Aubert, Mme Bonnivard, M. Carrez, M. Cornut-Gentille, Mme Dalloz, M. Forissier, M. Hetzel, M. Parigi, M. Jean-Pierre Vigier.
Rédiger ainsi cet article :
« L'article 60 de la loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 est abrogé. »
Le présent amendement propose d'abandonner le prélèvement à la source, facteur de complexités et de difficultés majeures, reconnues à demi-mot par l'administration fiscale et les services de Bercy. La réforme avait déjà été repoussée d'un an, le Gouvernement estimant ne pas être prêt à la mettre en place. Néanmoins, les ajustements proposés par cet article sont marginaux et ne règlent pas le cœur du problème de cette retenue à la source qui va notamment changer le rapport à l'impôt des Français, compliquer la vie des entreprises et générer des tensions entre employeurs et salariés.
Le prélèvement à la source pose tout d'abord un problème de principe.
Il transforme l'entreprise en collecteur de l'impôt sur le revenu. Le salarié percevra ainsi une rémunération nette non seulement de cotisations sociales, comme c'est le cas actuellement, mais également de l'Impôt sur le revenu. La relation directe entre le contribuable et l'État qui est au cœur du principe du consentement à l'impôt, va de fait disparaître. Or, le consentement à l'impôt l'un de nos principes fondateurs. C'est parce qu'ils peuvent mesurer le niveau de l'impôt que nos compatriotes l'acceptent ou le contestent.
La retenue à la source présente ainsi l'avantage pour un gouvernement - et c'est sans doute un motif inavoué de l'actuelle majorité - de rendre l'impôt indolore, anesthésiant. Ce serait pourtant une grave dérive et un changement inquiétant dans la prise en compte de l'imposition.
La mise en place du prélèvement à la source va représenter une surcharge de travail importante et donc un coût supplémentaire estimé à 400 millions d'euros par l'IGF, pour les entreprises en France. En les obligeant à prélever un impôt, cette réforme va donc déstabiliser le fonctionnement des entreprises et en particulier des petites entreprises. Ce sont des centaines d'heures de travail pour les entreprises, de nouveaux logiciels, de nouvelles expertises de cabinets comptables, de nouvelles formations pour faire comprendre le changement de fonctionnement. Tout cela pèsera terriblement sur la compétitivité des entreprises et particulièrement des PME.
Surtout, cela va modifier la relation entre les salariés au sein d'une entreprise, puisque deux salariés qui occupent le même poste et touchent le même salaire vont désormais recevoir deux feuilles de paye avec un montant différent en fonction de leur situation. Les DRH des grandes entreprises et les patrons eux même dans les petites entreprises vont donc bien souvent devoir se transformer en conseiller fiscal pour expliquer les différences de salaires nets entre salariés, pourtant au même niveau de salaire brut. Ce travail de pédagogie et de diplomatie va éloigner les entreprises et les dirigeants d'entreprise de leur cœur de métier.
Cela va surtout déstabiliser les relations dans l'entreprises, créer des tensions nouvelles entre employeurs et employés, et entre employés eux-mêmes.
Par ailleurs, Qu'en sera-t-il de la protection de la vie privée du salarié ? L'employeur, informé du taux d'imposition pourra à se faire une idée, bonne ou mauvaise, des revenus du couple et non pas uniquement de la rémunération de son salarié. Cette information pourra dès lors influer sur les déroulements de carrière, l'avancement, les mutations, les promotions ou les rémunérations. Quant aux négociations salariales, elles porteront naturellement sur les salaires nets d'impôt, très différents d'une personne à une autre. Lors des négociations pour un salaire à l'embauche, les différences entre revenus nets ou bruts pourront entrainer quelques déconvenues pour les salariés.
Bercy veut répondre à cette difficulté en mettant en place un « taux neutre » ou forfaitaire, calculé par l'administration. Le salarié/contribuable pourra le choisir pour anonymiser son impôt. Imaginez-vous la suspicion que ce seul choix pourra entrainer dans l'entreprise ?
Par ailleurs, le mécanisme prévu pour ce taux forfaitaire est tel que son utilisation sera quasi-systématiquement défavorable aux contribuables. Ce taux est celui du célibataire sans enfant à charge. Pour une mère ou un père de famille, le choisir revient à renoncer aux demi-parts fiscales des enfants.
Par ailleurs, l'argument de l'immédiateté permise par la réforme ne tient pas.
L'avantage supposé du prélèvement à la source serait son immédiateté, sa réactivité à l'évolution du revenu. C'est oublier que la mensualisation volontaire de l'impôt qui concerne aujourd'hui près de 70 % des contribuables a permis, de fait, une immédiateté de la perception de l'impôt.
Il n'y a pas d'avantage d'immédiateté pour le Crédit d'impôt : le contribuable qui aujourd'hui bénéficie d'un crédit d'impôt, paiera demain en année n un impôt déconnecté des réductions et crédit d'impôt, et ne verra concrètement son crédit d'impôt versé que durant l'été de l'année n + 1.
Pour éviter toutes ces nombreuses difficultés, le présent amendement propose de revenir sur cette mise en place du prélèvement à la source et de supprimer en conséquence cet article
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