Lutte contre les inégalités mondiales — Texte n° 3887

Amendement N° 90 (Rejeté)

Publié le 13 février 2021 par : Mme Sylla, Mme Tuffnell, M. Bournazel, Mme Lenne, M. Gérard, Mme Tiegna, Mme Tanguy, Mme Frédérique Dumas, Mme Mauborgne, M. Kokouendo, M. El Guerrab.

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Texte de loi N° 3887

Article 11 (consulter les débats)

Compléter cet article par les alinéas suivants :

« IV. – . Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

A. Le chapitre VIII du titre Ier du livre III, dans sa rédaction résultant de l’article 11 de la loi n° 2014‑773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale est ainsi modifié :

1° . L’intitulé du chapitre VIII est ainsi modifié : après le mot : « banque », sont insérés les mots : « ou de placements collectifs » ;

2° . À l’article L. 318‑1, après le mot : « banque », sont insérés les mots : « ou des placements collectifs » ;

3° . L’article L. 318‑2 est ainsi modifié :

a. Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3° bis Les placements collectifs proposés sont des placements équivalents à ceux mentionnés à l’article L. 214‑1 et que l’établissement mentionné à l’article L. 318‑1 propose à sa clientèle dans l’État de son siège » ;

b. Le cinquième alinéa est remplacé par neuf alinéas ainsi rédigés :

« 4° L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318‑1 a conclu une convention avec l’un des établissements ou personnes suivants :

- un établissement de crédit ou une société de financement agréé en France ;

- une succursale établie en France d’un établissement de crédit ayant son siège dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

- une succursale établie en France d’un établissement de crédit ayant son siège dans un État qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen et qui a conclu avec la France une convention prévoyant un échange d’informations en matière fiscale, pour y commercialiser des opérations de banque qu’il réalise dans l’État de son siège ;

- un établissement de paiement agréé en France ou une succursale établie en France d’un établissement de paiement ayant son siège dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

- un conseiller en investissement financier au sens de l’article L. 541‑1 ;

- un intermédiaire en opérations de banque et de services de paiement au sens de l’article L. 519‑1 ;

- une personne physique.

Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les stipulations devant figurer dans la convention conclue entre les établissements. Il précise notamment le type d’opérations de banque qui peuvent être offertes ; »

4° À l’article L. 318‑3, après le mot : « banque », sont insérés les mots : « et de placements collectifs » ;

B. L’article L. 511‑19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces bureaux ne peuvent réaliser aucune des opérations mentionnées à l’article L. 311‑1, ni exercer l’une des activités mentionnées aux articles L. 318‑3, L. 341‑1, L. 519‑1 et L. 541‑1, ni fournir l’un des services mentionnés aux articles L. 314‑1 et L. 321‑1. »

C. L’article L. 519‑2 du même code est complété par les mots : « ou un établissement de crédit au sens de l’article L. 318‑1. » »

Exposé sommaire :

Cet amendement vise donc à assouplir les modalités de commercialisation des services bancaires étrangers et à élargir la gamme des services commercialisables.

Les transferts d’argent dans le monde représentent des montants colossaux. En 2019, les sommes envoyées par les habitants d’un pays riche vers un pays plus pauvre s’élevaient à environ 490 milliards d’euros.

En 2019, les transferts d’argent effectués par les diasporas africaines représentaient près de 76 milliards d’euros, soit plus de la moitié de l’aide publique au développement à destination de l’Afrique. Et les transferts d’argent effectués depuis la France vers l’Afrique subsaharienne s’élevaient à plus de 12 milliards d’euros.

En pratique, ces fonds servent deux finalités : premièrement, ils contribuent à subvenir aux besoins vitaux des familles des diasporas ; deuxièmement, ils constituent un formidable levier de développement économique et social des pays africains dont le potentiel de croissance n’est plus à démontrer.

Un instrument permettrait de réduire les coûts des transferts d’argent et ainsi pérenniser, même d’optimiser les transferts d’argents : la bi‑bancarisation. Elle favorise notamment l’accès des populations immigrées aux services bancaires non seulement dans leur pays d’accueil mais aussi dans leur pays d’origine. Pour ce faire, il faut permettre aux banques ressortissantes des pays d’origine d’offrir leurs services bancaires sur le territoire des pays d’accueil où se trouvent les migrants.

Cela devrait permettre de réduire le coût des transferts d’argent et, ainsi, de pérenniser et même d’optimiser les transferts, indispensables pour le financement des pays en développement.

Le 10e des 17 objectifs de l’Agenda 2030 de l’Onu, par son point numéro 10.c, a pour ambition d’ici à 2030, de faire baisser au‑dessous de 3 % les coûts de transaction des envois de fonds effectués par les migrants et d’éliminer les couloirs de transfert de fonds dont les coûts sont supérieurs à 5 %.

La France y trouve également son compte : la bi-bancarisation contribue à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, en intégrant, dans le circuit bancaire, assurant ainsi la traçabilité des flux depuis le donneur d’ordre jusqu’au bénéficiaire, en ayant connaissance de l’origine des fonds transférés et de la finalité du transfert.

L’article 11 de la loi n° 2014‑773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dont les dispositions sont codifiées aux articles L. 318‑1 à L. 318‑5 du Code Monétaire et Financier, et son arrêté d’application du 4 décembre 2014 ouvrent le droit aux banques étrangères, sous réserve d’obtenir l’autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), d’offrir leurs services bancaires en France.

Toutefois, ces dispositions n’ont pas permis d’élargir l’accès des banques africaines au marché français. En six ans, seules deux banques étrangères, la Banque centrale populaire (BCP) et Attijariwafa Bank, banques marocaines, ont obtenu l’autorisation de l’ACPR.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce modeste résultat : d’abord, ce dispositif mis en place par la loi précitée n’a pas fait l’objet de la campagne de communication qu’il mérite, de sorte qu’il est peu connu, voire inconnu, de nombreux banques étrangères ; ensuite, les termes de la loi ne permettent pas à l’ACPR d’en faire une application souple.

Cet amendement améliore le dispositif dit de « bi-bancarisation » établi par l’article 11 de la loi n°2014‑773 du 7 juillet 2014, et expressément maintenu en vigueur par l’article 11 du présent projet de loi.

Ce dispositif, établi aux articles L. 318‑1 et suivants du code monétaire et financier, a fixé le cadre juridique permettant, sur autorisation préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la commercialisation en France, par des établissements Français, de produits ou services financiers de banques de pays éligibles à l’aide publique au développement, et exclusivement exécutés dans ces pays. Une personne établie en France peut ainsi, en complément des opérations financières exécutées en France et fournies exclusivement par des opérateurs de droit français, disposer, par l’intermédiaire d’une banque française, de certains services financiers exécutés par une banque d’un pays en développement et exclusivement dans ce pays.

Cet amendement opère les deux modifications suivantes :

- Il permet à la banque du pays en développement de recourir, en France, à un plus grand nombre d’établissements commercialisateurs alors que cette faculté est aujourd’hui restreinte aux établissements de crédit : les services financiers exécutés dans le pays en développement pourront ainsi être proposés par tous les prestataires de services financier agréés (établissements de paiement, conseillers en investissement financier, courtiers en banque et services de paiement…) ;

- Il autorise la banque du pays en développement à offrir non seulement, comme aujourd’hui, des opérations de banque (compte courant, produit d’épargne ou prêt) mais également des produits d’épargne collective.

En conséquence, les banques des pays en développement pourront trouver plus facilement un partenaire français pour commercialiser leurs services et pourront désormais proposer des placements collectifs, correspondant par exemple à des émissions de titres financiers, publics ou privés, pour des investissements de long terme dans les pays en développement.

Ces modifications doivent contribuer à orienter les flux financiers privés, provenant notamment des diasporas, vers l’investissement productif des pays en développement.

Il s’agit de mieux atteindre un objectif fixé par le législateur dès 2014 mais qui a été fragilisée par les deux restrictions qu’il est proposé de lever : en effet, à ce jour, seules deux grandes banques Marocaines (disposant au demeurant de réseaux en Afrique sub-saharienne) ont sollicité et obtenu l’autorisation de l’ACPR pour commercialiser certains services bancaires par l’intermédiaire de partenaires Français.

Il s’agit aussi de répondre à des attentes fortes notamment des nouvelles générations issues des diasporas, qui ne recherchent pas seulement un moyen commode d’opérer des virements internationaux, mais souhaitent avant tout pouvoir procéder, dans de bonnes conditions, à des investissements dans des placements contribuant à l’émergence économique et au financement d’infrastructures en Afrique, et fournissant ainsi un « effet de levier » à l’aide publique de la France.

Cet amendement ne modifie en rien le cadre réglementaire et prudentiel applicable : l’autorisation accordée à la banque étrangère par l’ACPR demeure ainsi subordonnée à la conclusion d’une convention entre l’ACPR et l’autorité compétente de l’État du siège de la banque étrangère.

Comme actuellement, les banques étrangères ne pourront en aucun cas exercer une activité bancaire en France puisque l’activité commercialisée (compte, prêt ou, désormais, placement) sera exécutée exclusivement dans le pays de la banque étrangère et devra en outre être équivalente à celle que l’établissement propose à sa clientèle dans l’État de son siège.

L’amendement apporte enfin une garantie supplémentaire à ce titre en rappelant, dans les dispositions du code monétaire et financier relatives au « bureaux d’information, de liaison ou de représentation » dont les banques étrangères peuvent disposer en France, que ces bureaux ne peuvent réaliser aucune opération de banque, de services de paiement ou de services d’investissement. Il est en effet aujourd’hui trop fréquent que certains bureaux, dont l’ouverture faire l’objet d’une simple notification préalable à l’ACPR, exercent des activités outrepassant la simple information : ceci peut exposer en particulier des membres des diasporas à se voir commercialiser, en France, des produits financiers de droit étranger en dehors de tout cadre légal et sans les garanties de transparence et les protections du droit français et européen.

A rebours de ces dérives, le dispositif de bi-bancarisation introduit par le législateur en 2014 réserve, au contraire, la commercialisation de produits financiers exécutés dans des pays en développement à des intermédiaires français agréés agissant pour le compte de banques étrangères disposant d’une autorisation préalable. Il convient donc de lui donner son plein effet.

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