Publié le 21 octobre 2021 par : M. Vatin, M. Bony, M. Bourgeaux, Mme Bazin-Malgras, Mme Anthoine, M. Kamardine, Mme Louwagie, M. Grelier, M. Nury, M. Sermier, M. Brun, M. Benassaya, Mme Audibert, M. Hetzel, Mme Boëlle, Mme Bouchet Bellecourt, M. Bouley, Mme Corneloup, M. Viry, M. Dive.
I. – Le 1° du I de l’article 31 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le a est complété par les mots : « , y compris celles supportées par le nu-propriétaire et dont l’usufruit appartient à un organisme d’habitations à loyer modéré mentionné à l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation, à une société d’économie mixte ou à un organisme disposant de l’agrément prévu à l’article L. 365‑1 du même code ; ».
2° Le b est complété par les mots : « , y compris celles supportées par le nu-propriétaire et dont l’usufruit appartient à un organisme d’habitations à loyer modéré mentionné à l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation, à une société d’économie mixte ou à un organisme disposant de l’agrément prévu à l’article L. 365‑1 du même code ; ».
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Les besoins de logements sociaux sont difficiles à satisfaire dans les zones tendues en raison du prix élevé du foncier. Les nouvelles dispositions de la loi Climat résilience vont renforcer les enjeux d’accès à un logement à cout abordable, de production de logements aidés, de réhabilitation de bâtis existants.
L’évolution proposée par cet amendement permettrait de renforcer les outils fiscaux pour accompagner la mise en œuvre de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Le législateur a mis en place un outil pour résoudre ce problème qui consiste à mobiliser des fonds privés pour contribuer au financement de la construction de logements sociaux. Il s’agit du démembrement de propriété avec usufruit concédé à un bailleur social (usufruit locatif et social) (article L 253-1 du Code de la construction et de l’habitation).
Ces investissements sociaux étaient freinés en raison de la position de l’administration fiscale qui ne permettait pas aux investisseurs nus-propriétaires de déduire de leurs revenus fonciers la charge des intérêts des emprunts contractés pour financer l’acquisition de leur droit de nue-propriété ou de travaux afférents au bien dont la propriété est démembrée.
Cette opposition de l’administration fiscale s’appuyait sur la règle qui veut qu’une déduction de charge suppose que cette dernière soit exposée en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu (article 13 du CGI).
Or, les bailleurs sociaux étant exonérés d’imposition (article 207 I 4° du CGI) l’administration fiscale considérait que la condition n’était donc pas remplie et remettait en cause les déductions ainsi opérées.
Ce raisonnement de l’administration nous parait pouvoir évoluer au regard de la jurisprudence.
Il résulte en effet d’une jurisprudence ancienne que le nu propriétaire peut, par principe, déduire de ses revenus fonciers dans les conditions de droit commun les dépenses éligibles supportées par ses soins sur l’immeuble dont la propriété est démembrée, étant toutefois précisé que ce dernier ne peut déduire que les charges qui seraient déductibles si la propriété n’était pas démembrée et non pas seulement celles qui lui incombent en vertu des articles 605 et 606 du code civil.
Ainsi, l’analyse de l’administration fiscale selon laquelle les modalités d’imposition de l’usufruitier pouvaient -sinon devaient- conditionner les modalités de déduction des intérêts des emprunts contractés par le nu-propriétaire ajoutait nécessairement à cet état jurisprudentiel, lequel permettait donc toute déduction des dépenses supportées par le nu propriétaire dès lors qu’elles l’auraient été s’il avait été plein propriétaire.
Pour autant, elle pouvait paraître fondée en ce que l’usufruitier, au cas particulier, bénéficiait d’un régime d’exonération, de sorte que les revenus locatifs ne subissaient, en l’occurrence, aucune imposition : l’état du droit était, de ce point de vue, alors incertain.
En réalité, la satisfaction de la condition fiscale d’une dépense supportée « en vue de l’acquisition et de la conservation d’un revenu » peut et doit s’analyser au seul niveau du seul nu propriétaire sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’analyse des modalités effectives d’imposition de l’usufruitier : l’objectif du nu propriétaire est bien de se procurer, au terme du démembrement, le revenu généré par la location du bien.
Il est par ailleurs de jurisprudence constante qu’un propriétaire puisse déduire de ses revenus fonciers, dans les conditions de droit commun, les dépenses éligibles engagées sur son bien peu important que ce dernier ne soit pas productif de revenus l’année d’engagement des dépenses dès lors qu’il ne s’en réserve pas la jouissance, d’une part, et que ces dépenses soient elles-mêmes exposées en vue de la production d’un revenu futur, d’autre part.
Pour sécuriser l’ensemble des opérations alors en cours, une précision législative a été apportée à l’article 31 I 1° d) du CGI afin de permettre, explicitement, la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par les nus propriétaires pour l’acquisition de leur bien ainsi que la réalisation de travaux sur ce dernier le cas échéant lorsque l’usufruit est détenu par un bailleur social (article 82 de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008).
Cet ajout au texte n’était donc pour le législateur qu’une simple précision (d’où le recours à la locution « y compris ») visant à remédier à l’incertitude instillée par l’administration fiscale.
Cette reconnaissance expresse de la déductibilité des intérêts d’emprunt a ainsi pu permettre d’encourager pleinement les constructions neuves de logements sociaux. Cependant, un problème similaire et encore plus important perdure concernant le même type d’investissements en usufruit locatif et social appliqué aux opérations de restauration du bâti existant, lesquelles permettraient pourtant de faciliter grandement la création de logements sociaux en zone tendue.
Afin de s’assurer que l’administration fiscale n’applique pas le même raisonnement concernant les dépenses de travaux de restauration (en ce sens : §5 du BOI-IR-BASE-20-60-20-20170901 : « Toutefois, les nus-propriétaires, qui supportent des dépenses destinées à assurer la conservation d'un immeuble dont les revenus sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers entre les mains de l’usufruitier, restent autorisés à déduire ces dépenses du revenu de leurs autres biens productifs de revenus fonciers ou, s'ils n'en possèdent pas, à constater un déficit foncier uniquement imputable dans les conditions de droit commun. »).
Bien qu’infondée en ce qu’il serait tout à fait incohérent de permettre, en application de la précision législative précitée, la déductibilité des intérêts des emprunts contractés pour le financement de ces travaux sans, corrélativement, permettre la déductibilité des dépenses de travaux elles-mêmes, et ce en contradiction avec l’état jurisprudentiel toujours en vigueur, cette incertitude décourage ce type de projets.
Aussi, si cette précision législative s’est limitée aux seuls intérêts d’emprunt (d. de l’art. 31 du CGI) c’est uniquement car il s’agissait alors des seules dépenses concernées par les opérations en cours, lesquelles étaient réalisées très majoritairement par un unique opérateur et n’intervenaient que dans des programmes neufs. Pour autant, les enjeux contemporains se focalisant désormais sur la restauration de bâtis existants, il est donc urgent de remédier à cet oubli (a. et b. de l’art. 31 du CGI) afin de ne pas les freiner.
C’est pourquoi il est requis, par le présent amendement de précision, que cette possibilité consacrée en jurisprudence soit prévue directement par la loi.
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