Publié le 3 juillet 2018 par : M. Cazeneuve, M. Viala, M. Abad, M. Bazin, Mme Blanc, Mme Brugnera, M. Cesarini, M. Christophe, Mme Cloarec-Le Nabour, Mme Dupont, M. Gaillard, M. Le Gac, M. Leclabart, Mme Louwagie, M. Martin, Mme Pires Beaune, M. Poulliat, Mme Vidal.
Après le deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute loi ou tout règlement comportant une disposition s’imposant directement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements ou ayant un impact significatif sur eux prend en compte, s’il y a lieu, les spécificités objectives des territoires des collectivités ou groupements concernés. »
Cet amendement est la traduction de la première partie de la proposition n° 5 de la mission flash de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’expérimentation et la différenciation territoriale, approuvée par la Délégation le 9 mai 2018.
Si certaines lois, telles que les lois « montagne » du 9 janvier 1985 ou « littoral » du 3 janvier 1986, prévoient que le législateur et le pouvoir réglementaire doivent tenir compte des spécificités de certains territoires, aucune disposition de valeur supra-législative ne prévoit de prise en compte des spécificités des territoires. Or, trop souvent, à trop vouloir préciser dans leurs moindres détails et de façon uniforme pour tout le territoire national les dispositions qu’ils édictent, tant le législateur que le pouvoir réglementaire en viennent à oublier que la France est diverse et que tous ses territoires ont des spécificités dignes de prise en considération.
En outre, si le principe constitutionnel d’égalité autorise que des situations différentes soient traitées de façon différente, il ne l’impose pas. A titre d’exemple, si la loi « NOTRE » (loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) a prévu, pour fixer la taille minimale des intercommunalités, des seuils de population différents pour tenir compte des différences de situations de certains territoires (territoires peu denses ou de montagne, notamment), il s’agissait uniquement d’un choix du législateur auquel il n’était pas constitutionnellement tenu.
La prise en compte de la diversité des territoires doit donc devenir non seulement une préoccupation permanente du législateur et du pouvoir réglementaire, mais encore une obligation constitutionnelle.
Pour ce faire, un préalable nécessaire réside, pour les normes de niveau législatif, dans une étude plus précise et plus systématique des conséquences des mesures proposées pour les collectivités territoriales : cette proposition, formulée par la mission flash sur l’expérimentation et la différenciation territoriale, nécessitera le moment venu une modification de l’article 8 de la loi organique n° 2009‑403 du 15 avril 2009 qui définit le contenu des études d’impact.
Mais la prise en compte des spécificités des territoires ne doit pas se limiter à une étude préalable de l’impact des mesures législatives et réglementaires sur les collectivités. Elle implique également que le législateur et le pouvoir réglementaire, dans les normes qu’ils édictent, ne puissent plus ignorer ces spécificités. Par conséquent, le présent amendement introduit dans la Constitution une obligation pour le législateur et le pouvoir réglementaire, à chaque fois qu’ils édictent une norme s’imposant directement aux collectivités ou à leurs groupements ou susceptible d’avoir sur eux un impact significatif, de prendre en compte, s’il y a lieu, les spécificités objectives des territoires concernés. Pour reprendre l’exemple des seuils de population prévus pour fixer la taille minimale des intercommunalités dans la loi NOTRe, la présence d’une telle disposition ne serait plus laissée à la seule appréciation du législateur, mais relèverait d’une obligation constitutionnelle soumise, le cas échéant, au contrôle du Conseil constitutionnel, qui devra apprécier si le législateur a, de façon adéquate et suffisante, pris en compte les spécificités des territoires.
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