Publié le 28 janvier 2021 par : Mme Frédérique Dumas, M. Acquaviva, M. Clément, M. Charles de Courson, M. Castellani, M. Colombani, Mme De Temmerman, M. François-Michel Lambert, M. Lassalle, M. Molac, M. Pancher, M. Simian, Mme Wonner.
Supprimer cet article.
Le présent amendement vise à supprimer l’article 19bis, pour plusieurs raisons :
- La première raison est une question de forme et de méthode. Nous regrettons qu’un amendement d’une telle importance, nous ait été présenté en commission, en marge d’un texte sur les principes républicains. Par ailleurs l’article vise à transposer un projet de règlement non abouti et qui sera modifié par la suite. Nous aurions préféré attendre que le règlement européen soit stabilisé. C’est un sujet qui nécessite pourtant une action européenne concertée.
- La seconde raison est une question de fond. Le projet de « Digital services act » apportent des avancées importantes :
D’abord, il modifie la directive commerce électronique de 2004 qui limitaient la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d’accès. Pour se faire, il différencie les types de plateformes afin de permettre de mettre en place une régulation adaptée donc efficiente. En effet un moteur de recherche qui n’a pas accès au contenu ne peut pas avoir les mêmes obligations qu’une plateforme qui stocke et dissémine le contenu. Le DSA propose donc de différencier 4 types d’intermédiaires : les fournisseurs d’accès Internet et les services de cache, les hébergeurs, les plateformes et les très larges plateformes. Le projet de DSA propose ainsi d’établir par conséquent quatre niveaux d’obligations. Ce que ne fait pas l’article 19 bis
Par ailleurs, le DSA est un texte d’équilibre entre des devoirs et des obligations, des sanctions et des limitations, ce que n’est pas l’article 19 bis. De manière générale l’article 19 bis ne reprend que les devoirs sans les contreparties et sans distinguer les services.
L’exposé des motifs de l’article 19 bis indique que la France dérogera au principe du pays d’origine en confiant le pouvoir de régulation au CSA. La France s’appuie pour le faire sur la possibilité ouverte de déroger au principe du pays d’origine en cas d’atteinte à la dignité humaine et fait référence à ce titre à l’article 6 de la LCEN de 2004. Il s’agit donc d’une base juridique très fragile sans aucune jurisprudence qui ne s’est jamais appliquée jusqu’à aujourd’hui. Le type d’infractions auxquelles la dérogation pourrait s’appliquer n’est pas établi au niveau européen à ce jour, elles pourraient être remises juridiquement en cause.
Enfin, les pouvoirs qui sont confiés au CSA sont importants et nécessitent des moyens humains financiers et matériels ainsi qu’une montée en compétence (cartographie des plateformes, audit des algorythmes…etc ).Or rien ne nous assure que les moyens seront mis à disposition. D’autant plus que ce principe se heurtera au fait que dès fin 2023, le CSA perdra ce pouvoir puisque c’est de nouveau la règle du pays d’origine qui s’appliquera avec l’adoption du DSA.
Si chaque pays se met à anticiper l’adoption du DSA en remettant en cause la notion de pays d’origine et en adoptant sa propre législation en faisant son marché dans le projet de DSA (ce que projette la Pologne par exemple), en multipliant les autorités compétentes comment va-t-on gérer la compétition entre les différentes régulations européennes ? Le fait de mentionner dans l’article le fait qu’il sera tenu compte des sanctions prononcées dans un autre pays ne tient pas la route puisque rien ne sera vraiment comparable en termes d’infractions. Chacun ayant son propre article 6 de la LCEN et sa propre interprétation juridique ;
L’article 19 bis prévoit une échéance d’extinction de la loi dès que le règlement européen sera adopté. Les plateformes internationales vont donc voir les pouvoirs donnés au CSA jusqu’au 31 décembre 2023, transférés ensuite à un régulateur étranger et vice versa ; L’inverse en effet se produira pour une plateforme comme Dailymotion qui pourrait demain se retrouver soumise à la régulation polonaise.
Nous regrettons l’incohérence de cette anticipation, alors même que le Gouvernement avait souhaité l’inverse lors de la transposition dans notre droit de certaines directives comme celle relative au droit d’auteur et au droit voisin, en 2017.
Et ce d’autant plus qu’une directive européenne de 2015 précise que les textes nationaux doivent être notifiés à Bruxelles et que Bruxelles ou les états membres ont 3 mois pour émettre des avis ou des recommandations (avis et recommandations non obligatoires mais qui sont des instruments d’incitation) C’était le cas pour la proposition de loi de la députée Avia.
Lorsqu’il s’agit d’une législation nationale qui est proposée alors qu’un texte est discuté à Bruxelles c’est 12 à 18 mois dont dispose la commission et les pays membres pour émettre un avis ou des recommandations. Il existe donc une épée de Damoclès et c’est tout le texte de loi qui serait impacté.
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