Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 10h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem  

La réunion

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L'audition débute à dix heures quarante-cinq.

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Monsieur le ministre, l'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques qui ont été prises.

L'objectif de la commission est de comprendre comment cette contamination a pu se produire en vue de réfléchir aux propositions que nous pourrions formuler afin que cela ne se reproduise plus. Comme je l'ai répété inlassablement à chaque audition, nous ne sommes pas là pour punir, pour juger, mais pour comprendre, et notre rapporteur fera des propositions dans le mois à venir.

Nous achevons cette semaine nos auditions, avec les trois ministres concernés par cette affaire. Nous avons reçu avant-hier Stéphane Travert et ce matin Agnès Buzyn, et nous terminons avec vous, monsieur Le Maire.

La commission d'enquête a auditionné par ailleurs la plupart des acteurs de cette crise. Nous avons commencé par les victimes. Puis la commission d'enquête a entendu les administrations de l'État : la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction générale de la santé (DGS), Santé publique France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de la Mayenne, afin de savoir comment l'alerte avait été donnée et quelles mesures avaient ensuite été prises.

Elle a continué ses travaux avec les associations de consommateurs et a reçu ensuite différents acteurs du secteur laitier, la Fédération nationale des industries laitières (FNIL), la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), ainsi que les organisations professionnelles agricoles.

Une autre série d'auditions a porté sur les laboratoires d'analyses.

En ce qui concerne la commercialisation des produits, nous avons auditionné les pharmaciens, leur ordre, leurs syndicats, et poursuivi avec des patrons de la grande distribution, et plus particulièrement Auchan, Leclerc, Carrefour, Intermarché, Amazon France, ainsi que la Fédération du commerce, sans oublier, dans un autre registre, les responsables de crèches.

La semaine dernière, nous avons entendu M. Emmanuel Besnier, le président-directeur général de Lactalis.

Nous sommes ravis, monsieur le ministre, de vous recevoir ainsi que, M. Malo Carton, conseiller « artisanat, commerce et PME », Mme Magali Valente, conseillère parlementaire et fiscalité, Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF et une habituée de notre commission, et M. Loïc Tanguy, directeur de cabinet.

Nous allons faire avec vous le point sur les informations que nous avons recueillies et sur les mesures qui pourraient être mises en oeuvre pour éviter une nouvelle crise. Nous avons beaucoup de questions à vous poser.

Mais auparavant, je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale.

Comme il s'agit d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais demander à chacun d'entre vous de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure. »

M. Bruno Le Maire, M. Malo Carton, Mme Magali Valente, Mme Virginie Beaumeunier et M. Loïc Tanguy prêtent successivement serment.

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Nous avons préparé, le rapporteur et moi, des questions pour servir de fil conducteur à cette audition.

Tout d'abord, quelle a été évolution des moyens financiers et humains de la DGCCRF en 2005 ? Ces moyens ont-ils été réduits dans la dernière loi de finances ?

La DGCCRF peut-elle, compte tenu de ses moyens financiers et humains, assurer correctement ses missions sur le terrain ? Un certain nombre de rapports, en particulier un rapport de 2017 des sénateurs Alain Houpert et Yannick Botrel ainsi qu'un rapport de la Cour des comptes de 2014, en doutent. D'ailleurs, si une autre affaire du type Lactalis s'était produite au même moment, l'État aurait-il pu y faire face ? Nos auditions ont fait ressortir que tous les moyens ont été mobilisés sur cette affaire et que cela s'est globalement bien passé, mais si une deuxième alerte avait été lancée en même temps, qu'en aurait-il été ? Qu'en est-il précisément pour le contrôle des retraits-rappels ?

Les auditions que la commission d'enquête a réalisées corroborent cette insuffisance de moyens. La directrice départementale adjointe de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Mayenne nous a indiqué que les moyens locaux de la DGCCRF étaient calculés en fonction de la population, ce qui dans le cas de ce département pose problème en raison du décalage entre la population et l'importance des activités agricoles et alimentaires. Est-ce satisfaisant ?

Il nous a également été dit que, dans beaucoup de départements ou régions, les effectifs étaient très réduits. Par exemple, dans la région Pays-de-la-Loire, un agent est chargé de l'ensemble des aliments infantiles et des produits alimentaires. Les missions de contrôle peuvent-elles être remplies correctement ?

L'organisation administrative sur le terrain semble particulièrement complexe, notamment entre le niveau régional – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) – et le niveau départemental –directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) –, ce que dénoncent les rapports de MM. Auvigne et Mazurel, d'une part, de M. Babusiaux et Mme Guillou, d'autre part. Qu'en pensez-vous ? En outre, comment les directions départementales interministérielles (DDI) s'articulent-elles avec ces structures ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie d'être présent aujourd'hui. J'ai la lourde responsabilité de rédiger ce rapport ; j'espère que les réponses apportées aux questions du président et de moi-même ainsi qu'à celles des commissaires seront les plus précises possible pour que nous puissions étayer ce rapport au mieux.

La répartition des compétences entre les différents ministères en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation infantile est-elle aujourd'hui satisfaisante ? Qu'en est-il sur le terrain, en particulier en ce qui concerne l'articulation de la DGAL et de la DGCCRF ?

Les syndicats de la DGCCRF déplorent que les échelons régionaux et départementaux soient sous l'autorité des préfets, si bien qu'il n'y a plus de chaîne de commandement, alors que le syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV) conteste cette analyse. Qu'en pensez-vous ?

S'agissant de la répartition des missions entre les services de l'administration centrale, faut-il créer une police unifiée de l'alimentation ? L'organisation administrative actuelle place l'hygiène des denrées végétales et de l'alimentation infantile sous le contrôle de la DGCCRF. Quels éléments justifient cette répartition ? Pour améliorer l'efficacité de l'organisation des contrôles sanitaires, ne faudrait-il pas que l'ensemble des règles relatives à l'hygiène des aliments soient placées sous le contrôle de la DGAL ? Tous les mercredis se tient une réunion sous l'autorité du directeur général de la santé regroupant l'ensemble des administrations concernées par la sécurité sanitaire : ne faudrait-il pas une harmonisation avec un seul responsable pour une plus grande efficacité ?

Le règlement européen repose sur une harmonisation de la réglementation en matière de contrôles sur la chaîne alimentaire : pourra-il permettre de simplifier le schéma français, qui semble très compliqué ? Il prévoit en outre que le financement des contrôles devrait être supporté par les professionnels eux-mêmes sous forme de redevances : comment cela va-t-il être mis en oeuvre ?

Pouvez-vous indiquer les raisons qui vous ont conduit à prendre l'arrêté du 9 décembre 2017 en lieu et place de Lactalis ? Je vous félicite pour le courage et le sang-froid dont vous avez fait preuve en déclarant défaillante une entreprise de 80 000 salariés et 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Au regard de la crise, ne considérez-vous pas que le rythme de contrôle de vos services – un contrôle de première mise sur le marché (CP2M) en moyenne tous les trois ans – mérite d'être revu à la hausse ? Des mesures sont-elles prévues en ce sens ?

Enfin, envisagez-vous d'ouvrir davantage dans les années à venir l'analyse des contrôles analytiques officiels à des laboratoires privés, sur le modèle du marché de l'eau ?

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Bruno le Maire, ministre de l'Économie et des finances

Beaucoup de questions sont posées. Je crois justifié, avant de répondre précisément à chacune des questions, de rappeler la chronologie des événements ainsi que des décisions qui ont été prises par moi-même comme ministre ayant la tutelle de la DGCCRF et par la direction elle-même.

Je veux dire également en préambule l'importance que j'attache à la sécurité sanitaire. La France reste un des pays au monde ayant le meilleur niveau de sécurité sanitaire. Nous pouvons et nous devons toujours faire mieux en matière de sécurité sanitaire, vis-à-vis de nos compatriotes, mais nous partons déjà d'un niveau d'exigence et de résultat parmi les plus élevés. Je voudrais également rappeler que j'ai été trois ans ministre de l'agriculture, que j'ai eu la tutelle de la DGAL et que j'ai donc une vue globale à la fois sur les services vétérinaires et désormais ceux de la DGCCRF.

Je rappellerai brièvement la chronologie des événements pour dire à quel point, à mes yeux, la DGCCRF a été exemplaire dans cette affaire, et à quel point cette direction et le ministre lui-même ont à mon sens pris toutes leurs responsabilités devant une défaillance de la part de l'entreprise Lactalis.

Le vendredi 1er décembre 2017, les services centraux de la DGCCRF ont été alertés par Santé publique France d'un nombre anormalement élevé de cas de salmonellose chez des enfants en bas âge. Ce sont des questionnaires adressés par Santé publique France aux parents des vingt nourrissons malades signalés à cette date qui ont permis d'identifier que ces enfants avaient un point commun : ils avaient tous consommé exclusivement des laits infantiles du groupe Lactalis des marques Picot et Milumel.

C'est à partir de ce moment-là que les services de la DGCCRF ont immédiatement contacté la DDCSPP de Mayenne, département dans lequel est implanté le siège de Lactalis Nutrition Santé, entreprise qui fabrique ces marques Picot et Milumel.

Les premiers contacts pris avec l'entreprise – un vendredi soir à dix-sept heures trente – permettent d'identifier que l'ensemble des trois références impliquées, les laits Picot sans lactose premier âge, le lait Pepti-Junior sans lactose premier âge et le lait Milumel bio premier âge, sont tous fabriqués sur le même site de Craon.

Deux heures s'écoulent entre l'alerte donnée par Santé publique France et la réaction de la DGCCRF, et ce la veille d'un week-end, un vendredi soir. C'est dire si les services de l'État ont été réactifs.

Le samedi 2 décembre, c'est-à-dire dès le lendemain, des investigations complémentaires sont réalisées sur le site. Il est demandé à l'entreprise de mettre en place des mesures conservatoires, comme le blocage à la commercialisation de tous les stocks. Lactalis retire de la commercialisation et rappelle douze lots de produits de nutrition infantile ; il s'agit des lots de trois références précitées mis sur le marché à partir de la mi-juillet par Lactalis. Cette information est relayée par un communiqué de presse des ministères de l'économie et de la santé.

Le lundi 4 décembre, des investigations complémentaires sont menées sur le site par la DDCSPP de Mayenne, puis par le service national des enquêtes de la DGCCRF, c'est-à-dire par le service qui dispose des compétences les plus approfondies pour mener ce type d'investigations. Ces contrôles avaient pour objectif de vérifier que Lactalis avait pris des mesures appropriées de gestion du risque pour garantir que les produits encore sur le marché étaient sûrs. C'est le fabricant, je le rappelle, qui décide des mesures et l'État qui contrôle leur suffisance. Ces contrôles administratifs ont consisté en une soixantaine de prélèvements pour analyse, des contrôles documentaires et l'audition des responsables de l'entreprise.

Le vendredi 8 décembre, la DGCCRF est informée de cinq nouveaux cas de salmonellose, dont un enfant ayant consommé un produit du groupe Lactalis autre que ceux déjà identifiés début décembre.

Par ailleurs, les résultats des prélèvements réalisés par Lactalis et l'autorité de contrôle à proximité de la chaîne de production dans l'environnement de la tour de séchage n° 1 ont montré la présence dans l'usine de Craon de salmonelles du même type que celles ayant conduit à la contamination des nourrissons.

Ces éléments, couplés aux premières conclusions de l'enquête menée par les agents du service national d'enquête sur le site, nous conduisent à considérer que les mesures prises par l'entreprise ne sont pas de nature à assurer la maîtrise du risque de contamination de ces produits destinés à l'alimentation d'enfants en bas âge.

Dès le vendredi 8 décembre, Lactalis est informée de ces conclusions et nous invitons sa direction, sur la base de ces conclusions, à nous rencontrer au ministère de l'économie et des finances.

Le samedi 9 décembre, dans la matinée, mon directeur de cabinet reçoit au ministère les dirigeants de l'entreprise. Faute d'une démarche volontaire de l'entreprise permettant une gestion satisfaisante du risque de contamination des produits, je décide d'ordonner la suspension, la commercialisation et l'exportation, ainsi que le retrait-rappel des produits de nutrition infantile ayant transité par la tour de séchage n° 1 depuis le 15 février 2017, soit plus de 600 lots de produits de nutrition infantile, représentant 11 000 tonnes de produits, dont environ 7 000 tonnes destinées au marché national.

Cette décision n'a pas été facile à prendre, puisque la direction de Lactalis m'assurait qu'il était raisonnable de ne retirer les lots qu'à partir de la première quinzaine du mois de mai 2017. J'ai estimé que ce retrait proposé par l'entreprise était insuffisant au regard des éléments dont nous disposions, et que le principe de précaution exigeait un retrait plus important.

Il n'a pas été possible de trouver un accord entre le ministère de l'économie et des finances et la direction de Lactalis. C'est la raison pour laquelle j'ai pris d'autorité, par arrêté, cette décision, qui est une décision exceptionnelle, de retrait des lots ayant transité par la tour de séchage n° 1. Je note que, dans son audition devant cette même commission, le président de Lactalis a lui-même reconnu que la décision de retrait, critiquée à l'époque par la direction de Lactalis, était la meilleure décision. Dont acte.

Le dimanche 10 décembre, les ministères de la santé et de l'économie publient un communiqué de presse commun pour informer les consommateurs sur la liste des lots rappelés, en présentant des conseils aux familles. Un numéro vert est mis en place par le ministère de la santé en complément du numéro vert de Lactalis.

Le mercredi 13 décembre, cinq nouveaux lots issus de la tour de séchage n° 1, qui auraient dû être couverts par l'arrêté et n'apparaissaient pas dans les documents de traçabilité transmis à mon ministère par Lactalis au moment de la rédaction de l'arrêté, sont rappelés par le fabricant. Pour reprendre les mots du président de cette commission, nous ne sommes pas là pour juger : je ne donne que les faits et n'en tire absolument aucune conclusion. Je rappelle qu'il s'agit de milliers de boîtes à chaque fois, que les volumes en cause sont extrêmement importants : nous parlons de 600 lots représentant 11 000 tonnes de produits.

Pour rédiger ces arrêtés, mon ministère s'est basé sur les listes précises des lots fournies par Lactalis. Lactalis a dû croiser deux bases de données. Il est possible que, dans le croisement de ces bases de données, certains lots aient échappé à cette liste qui m'a été transmise, ce qui expliquerait, je suis prudent, que ces lots n'aient pas été couverts par l'arrêté fondé sur les documents de traçabilité fournis par Lactalis.

Le mercredi 20 décembre, deux réunions sont organisées pour informer les parties prenantes des mesures prises par l'administration, l'une avec les organisations de consommateurs, l'autre avec les professionnels de la filière.

Le jeudi 21 décembre, Lactalis annonce la généralisation du retrait-rappel à l'ensemble de ses produits infantiles et nutritionnels fabriqués et conditionnés dans l'usine de Craon. Nous en prenons acte en publiant un communiqué de presse le jour même.

Le 22 décembre, le service national d'enquête est saisi par le pôle santé publique du parquet de Paris qui a ouvert une enquête préliminaire, notamment sur la base des premières contestations du service national d'enquête et à la suite des plaintes de parents.

Le 27 décembre, la DGCCRF demande à l'ensemble de ses services déconcentrés de réaliser des contrôles dans les établissements clients de Lactalis pour s'assurer qu'ils ne proposent plus aux consommateurs des produits concernés par ces opérations de retrait.

Nous avons donc, entre le 27 décembre 2017 et le 5 janvier 2018, soit sur une dizaine de jours, 2 500 contrôles effectués par la DGCCRF, ce qui répond en partie à la question qui m'a été posée : j'estime que nous disposons des moyens suffisants pour effectuer les contrôles.

Lorsque, dans ces contrôles, il s'avérait que des produits rappelés continuaient à être commercialisés, les agents ont demandé le retrait immédiat des produits incriminés. Des constatations ont également été établies à cette occasion, afin de donner les suites appropriées aux manquements constatés.

Le 11 janvier 2018, je donne personnellement les résultats, au cours d'une conférence de presse, de l'ensemble de ces contrôles. Je n'y suis pas obligé par la loi mais, dans un souci de transparence, j'ai préféré rendre publics et les résultats des contrôles et les défaillances.

Ces contrôles ont en effet mis en évidence l'absence de conformité dans environ 3 % des établissements contrôlés : quatre-vingt-onze établissements continuaient à commercialiser des produits couverts par l'opération de retrait-rappel, à savoir quarante-quatre pharmacies, trente grandes et moyennes surfaces (GMS), deux crèches, douze hôpitaux, trois grossistes.

À la suite de ces constats, qui ne sont évidemment pas acceptables, je demande à la DGCCRF d'organiser une deuxième vague de contrôles. Plus de 2 500 contrôles supplémentaires vont être engagés. Là encore, nous disposions des moyens suffisants et, si l'on constate des difficultés, c'est plus dans le retrait par les organismes, que ce soient les pharmacies, la grande distribution ou les grossistes, que dans les contrôles effectués par la DGCCRF.

Le 11 janvier, je convoque les principaux acteurs de la grande distribution pour leur demander de prendre des mesures concrètes et de s'assurer que le retrait est effectif, notamment par le blocage en caisse des produits.

Le 12 janvier, je convoque M. Emmanuel Besnier, président de Lactalis, à Bercy. À la suite de cet entretien, dans un objectif de simplification des mesures de retrait-rappel et par précaution, Lactalis annonce le rappel de l'intégralité des laits infantiles en poudre, des céréales infantiles et des produits nutritionnels fabriqués sur son site de Craon.

Le 15 janvier, j'ai reçu avec Agnès Buzyn, ministre de la santé, le président de l'Association des familles de victimes du lait contaminé aux salmonelles.

Le 16 janvier 2018, j'ai réuni le Conseil national de la consommation (CNC) pour lui demander de mettre en place un groupe de travail en vue de renforcer l'efficacité des procédures de retrait-rappel et de faciliter l'information rapide, complète et transparente des consommateurs.

J'ai également demandé à la DGCCRF de mettre en place un site internet unique pour recenser l'ensemble des produits concernés par une procédure de retrait-rappel, car il apparaissait que le site était encore trop complexe pour les consommateurs, de créer une application interactive pour les consommateurs leur permettant de signaler une anomalie aux autorités, et de présenter des propositions pour harmoniser et renforcer les sanctions encourues en cas de commercialisation des produits rappelés ou en cours de rappel.

Entre le 12 et le 15 janvier, 3 600 nouveaux contrôles ont été réalisés. Des manquements ont été identifiés dans 22 établissements, soit environ 0,5 % d'anomalies. Notamment, sur les 1 600 pharmacies contrôlées, treize proposaient encore à la vente entre une et vingt-huit boîtes. Sur les 1 300 GMS contrôlés, deux proposaient encore à la vente seize produits qui auraient dû être retirés du marché. Sur les 94 cliniques et hôpitaux contrôlés, un seul établissement mettait encore à la disposition des patients une boîte unique entamée, produit de nutrition spécialisé. Les 330 crèches contrôlées étaient cette fois-ci intégralement conformes.

En fonction de la gravité des manquements, nous avons évidemment donné suite à tous ces contrôles ; 50 procès-verbaux, en particulier, ont été transmis à la justice pour les cas les plus graves.

Pardon du caractère un peu fastidieux de cette présentation mais je pense qu'il était essentiel de rappeler les faits et d'établir très clairement que la DGCCRF a parfaitement rempli, sous mon autorité, la mission de contrôle qui lui est assignée par les pouvoirs publics.

S'agissant des moyens financiers, il est compliqué d'avoir un raisonnement objectif à partir du moment où, entre 2010 et 2011, ont été créées les directions départementales déconcentrées qui ont abouti à une baisse des crédits de paiement inscrits pour cette mission, les crédits étant transférés dans un programme interministériel finançant les DDCSPP et les DDPP pour les départements les plus importants. C'est ce qui explique que l'on passe de crédits de paiement de l'ordre de 20 à 25 millions d'euros entre 2008 et 2010 à des crédits de l'ordre de 8 à 7 millions d'euros entre 2011 et 2017, c'est-à-dire à partir du moment où ont été créés ces services déconcentrés regroupant à la fois les services vétérinaires et les services de la DGCCRF.

Une réduction des emplois a effectivement été prévue dans la loi de finances pour 2018 : moins 45 ETP sur 2 147. Ces réductions d'emplois correspondent à un impératif de maîtrise de la dépense publique que j'assume totalement, et doivent s'accompagner d'une redéfinition des missions de la DGCCRF. Un certain nombre de missions doivent à mon sens pouvoir être effectuées différemment ; je pense en particulier au contrôle d'hygiène dans les restaurants et sur les aires de jeux pour enfants. Ma proposition serait de déléguer ces contrôles et de les externaliser. J'ai demandé à l'Inspection générale des finances (IGF) de mener une mission à ce sujet pour vérifier l'impact sur les finances publiques. Mon idée est simple : la DGCCRF doit rester responsable des contrôles sur les risques sanitaires les plus importants.

C'est le rôle de la DGCCRF de mener des milliers d'enquêtes sur une affaire comme Lactalis ou la crise du cheval. Je ne pense pas que ce soit en revanche son rôle de contrôler chaque restaurant et bar en France. Mais cela suppose de redéfinir les missions. Il me semble que les missions de cette direction sont suffisamment importantes pour qu'elles soient fondées sur ce qui est le plus essentiel et le plus sensible. Je rappelle que les restaurants sont contrôlés en moyenne une fois tous les vingt ans. Donc, soit - mais cela me semble peu réaliste - on augmente par centaines, par milliers, les effectifs de la DGCCRF, et l'on peut avoir un contrôle effectif de l'hygiène dans tous les restaurants, soit on externalise : c'est la proposition que je fais, quitte, d'ailleurs, à ce que cette externalisation soit financée par une contribution des établissements concernés.

En ce qui concerne le mode de calcul des effectifs qui sont déployés, nous nous appuyons sur l'indice PROSCOP, qui tient compte du tissu économique. On nous reproche l'existence d'un décalage avec l'importance des activités agricoles et alimentaires, mais je tiens à rappeler que la DGCCRF ne contrôle pas les activités agricoles : c'est à la DGAL et aux services vétérinaires de le faire. Il peut donc être tout à fait logique que dans des départements qui sont très agricoles mais où il y a peu de transformation industrielle, il y ait peu d'agents de la DGCCRF : le mode de calcul tient compte de ce qui est effectivement contrôlé dans les départements.

Je vous rejoins en revanche sur la nécessité de mieux organiser les fonctions respectives des uns et des autres au niveau départemental. Nous sommes confrontés à deux difficultés. La première est que le département n'est clairement pas le niveau approprié pour des contrôles sanitaires. Une crise ne s'arrêtera pas aux frontières du Gers, du Maine-et-Loire ou du Bas-Rhin : elle touchera plutôt cinq, six ou sept départements. Sur ce plan, il n'est pas logique que l'échelon départemental soit au coeur de notre organisation administrative. Si l'on veut être très réactif, par ailleurs, il me semble qu'il faut rétablir, et je plaide en ce sens depuis que j'ai pris mes fonctions, une véritable chaîne hiérarchique entre les agents de la DGCCRF et le ministre de l'économie et des finances, qui rend ensuite compte devant d'éventuelles commissions d'enquête et porte la responsabilité. Je veux bien le faire, mais il faut que la chaîne hiérarchique soit rétablie.

J'en viens à l'idée de créer un organisme unique et une police nationale de l'alimentation : je suis assez réservé à l'égard de cette proposition, car l'alimentation est un sujet extraordinairement complexe. Il y a le vivant, la nourriture de l'animal, les conditions d'exploitation, la façon dont l'animal est soigné, l'abattage et l'équarrissage, puis la manière dont le produit est transféré vers la chaîne industrielle, transformé et éventuellement mis sous vide ou congelé, avant d'être mis en rayon. Il est très compliqué, par exemple, de savoir quelle est la part d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans les tourteaux de soja distribués aux bêtes et si l'on en trouve ensuite des traces dans ce que les clients consomment. Il en est de même pour l'utilisation des antibiotiques dans les élevages, notamment porcins, et pour le risque d'une résistance qui pourrait ensuite se développer chez les humains : tout cela est extrêmement compliqué à mesurer. Essayer de simplifier à l'extrême, grâce à une seule organisation, un processus qui est extrêmement complexe parce qu'il engage le vivant et que le vivant est complexe, n'est pas nécessairement opportun. À mes yeux, il y a l'amont et l'aval : cette distinction est peut-être un peu basique, mais elle correspond assez bien à ce qui existe dans la réalité. L'amont, c'est l'élevage et le vivant ; l'aval, c'est la transformation et la consommation. Je pense qu'il est de bonne politique d'avoir des responsables de l'amont, à savoir la DGAL, et des responsables de l'aval, c'est-à-dire la DGCCRF. Peut-on améliorer encore la coordination entre ces deux directions ? Certainement. Doit-on les fusionner ? Il me semble que ce ne sont pas exactement les mêmes compétences, ni le même métier.

En ce qui concerne la contamination par la salmonelle, je voudrais souligner qu'il faut faire attention à ne pas reprocher à ma direction des événements sur lesquels elle n'a ni compétence ni autorité. Pour la salmonelle, la compétence incombe à la DGAL et aux services vétérinaires, non à la DGCCRF. Cela n'aurait d'ailleurs pas de sens que la DGCCRF aille contrôler la présence de la salmonelle dans les boîtes de lait infantile. La raison en est biologique et technique : la salmonelle est hétérogène. Elle pourra se retrouver dans une boîte, mais pas dans une autre qui a été produite un quart de demi-seconde plus tard au même endroit. On peut vérifier la présence de pesticides, de métaux lourds ou de traces de produits chimiques dans une boîte, parce que ce sont des produits homogènes : ils se retrouveront systématiquement dans chaque boîte produite. S'agissant de la salmonelle, en revanche, une vérification au niveau de la boîte n'a pas de sens, et cela ne relève pas de la compétence de la DGCCRF, mais de celle des services vétérinaires. L'agrément, le contrôle de l'agrément, l'hygiène dans les établissements agréés et, donc, la présence éventuelle de salmonelles au moment de la production des boîtes dans les tours de séchage du site de Craon relèvent de la responsabilité exclusive de la DGAL et des services vétérinaires. Je tiens à le préciser parce que je ne voudrais pas que l'on entretienne des confusions sur les responsabilités des uns et des autres. La DGCCRF n'avait ni la possibilité, ni l'autorité, ni la compétence de contrôler, en termes d'hygiène, l'agrément des établissements de Lactalis, qu'il s'agisse des tours de séchage ou de leur environnement. Ce n'était ni sa responsabilité, ni sa compétence.

Je pense qu'il convient de garder les compétences distinctes, sans doute avec une meilleure coordination, qui peut prendre toutes sortes de formes, plutôt que de fusionner des contrôles qui ne correspondent pas, à mon avis, aux mêmes risques.

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Vous nous dites que la DGCCRF n'avait ni la responsabilité ni la compétence, ce que je conçois tout à fait. Néanmoins, les personnes qui regardent cette audition peuvent penser que cela revient à se défausser – je ne vois pas la situation comme ça, mais on peut l'imaginer. L'idée, évoquée par le rapporteur, de créer une police générale – mais susceptible de regrouper des services différents – revient à constituer une sorte de chapeau couvrant l'ensemble, pour faire en sorte que tout le monde se parle plus facilement. Dans ces deux services, nous savons que des agents travaillent dans les mêmes immeubles et parfois dans les mêmes bureaux : ils se connaissent donc. Néanmoins, malgré la fameuse réunion du mercredi dont nous avons parlé avec la ministre de la santé, il ne faudrait pas que nos concitoyens aient l'impression qu'il existe une « guerre des polices ». D'où l'idée d'une police générale, qui pourrait préserver la distinction entre l'amont et l'aval, mais au sein de laquelle tout le monde serait ensemble et partagerait le même esprit.

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Bruno le Maire, ministre de l'Économie et des finances

Je comprends très bien l'objectif, mais je dis simplement que, pour qu'il y ait une responsabilité, il faut qu'il y ait un chef. S'il n'y a pas de chef unique, on dilue les responsabilités. Dans l'affaire que vous traitez, et qui est extraordinairement sensible – je comprends parfaitement ce qu'a pu être la douleur des victimes et des personnes touchées, d'autant qu'il s'agissait de nourrissons –, je crois qu'il est très important de bien définir les responsabilités et de bien comprendre qu'il existe une vraie différence, dans une chaîne de production, entre ce qui relève du vivant, de la transformation et de la commercialisation, avec des responsabilités distinctes à chaque fois.

Par ailleurs, il est parfois difficile de séparer, dans les contrôles que la DGCCRF peut réaliser, la commercialisation de produits alimentaires et celle d'autres produits. On trouve des phtalates, par exemple, dans des tétines de biberons, dans le plastique de ces biberons et d'autres produits, mais aussi dans des produits alimentaires : il est bon qu'une direction, disposant de laboratoires compétents, puisse contrôler la présence de phtalates aussi bien dans les produits alimentaires que dans ceux non-alimentaires. J'ajoute que nous avons créé, avec la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), un laboratoire d'analyse conjoint, qui vise justement à nous donner les moyens techniques de contrôler, par exemple, la présence de phtalates dans les produits alimentaires commercialisés, comme dans les produits non alimentaires. Cela correspond à des responsabilités très différentes de celles des services vétérinaires.

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Je voudrais revenir sur les compétences de la DGCCRF et de la DGAL afin d'être sûr que nous sommes bien en phase. Nous avons auditionné Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, ainsi que les responsables de la DGAL : on nous a alors répondu que cette direction n'est pas compétente pour la recherche de salmonelles dans les boîtes de lait, et vous venez de nous dire que la DGCCRF n'a pas, non plus, pour mission de le faire. Que pensez-vous de cette situation ?

J'aimerais aussi revenir sur une question que je vous ai posée tout à l'heure : elle concerne l'organisation administrative, qui place l'hygiène des denrées végétales et de l'alimentation infantile sous le contrôle de la DGCCRF. Quels éléments justifient encore cette répartition ? Pour améliorer l'efficacité de l'organisation des contrôles sanitaires, ne faudrait-il pas que l'ensemble des règles relatives à l'hygiène des aliments, y compris les denrées végétales et l'alimentation infantile, soit placé sous le contrôle de la DGAL ?

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Bruno le Maire, ministre de l'Économie et des finances

Je suis totalement défavorable à cette dernière option. Je le dis après avoir été le chef administratif de la DGAL, en tant que ministre de l'agriculture, et en étant aujourd'hui celui de la DGCCRF : je pense que ce ne sont pas les mêmes métiers et qu'il n'y a pas grand intérêt à mélanger des missions aussi différentes. La DGCCRF réalise des contrôles de conformité : elle vérifie que les produits commercialisés respectent les normes – il y a ainsi un niveau acceptable de phtalates ou de tel ou tel produit. La DGAL, quant à elle, est compétente pour vérifier que les établissements qui utilisent et transforment des produits vivants, au sens biologique du terme – il peut s'agir du lait ou de la viande, par exemple –, sont en conformité avec l'agrément sanitaire qui leur a été accordé.

Je voudrais redire que le contrôle des boîtes est extraordinairement compliqué. Il faut aller chercher la salmonelle à la souche, dans le lieu de production, plutôt que dans le produit lui-même, à cause de l'hétérogénéité de la salmonelle. À mes yeux, la DGAL et la DGCCRF exercent deux métiers certes complémentaires, mais différents. Tout rapatrier auprès de la DGAL n'aurait donc pas beaucoup de sens.

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On est un peu partagé après avoir écouté un certain nombre d'acteurs concernés. Ayant exercé des responsabilités dans différents domaines de ce type, je pense comme vous que, en l'absence de chef, on a du mal à identifier vraiment les responsabilités, à prendre les bonnes décisions et à aller chercher éventuellement les responsables en cas de défaillance. Quand on écoute l'entreprise Besnier, on comprend bien que, par le jeu de l'externalisation d'un certain nombre de prestations, il y a un système de délégation de pouvoir. De l'autre côté, celui de l'administration, on voit bien que chacun a sa part de responsabilité dans le dispositif et on a le sentiment que l'organisation adoptée en France est performante, car aucun autre pays n'a détecté des anomalies alors que notre administration l'a fait : on peut se satisfaire de cette situation, mais on a en même temps le sentiment d'une grande atomicité des responsabilités, ce qui pourrait laisser penser que l'on préfère mal identifier les responsabilités en cas de défaillance et que, dans cette hypothèse, on ne trouvera finalement pas la bonne parade pour la suite. C'est pourquoi nous réfléchissons à une meilleure organisation de l'action publique. Avec une expérience de ce type, et celles que vous avez eues dans vos fonctions précédentes, êtes-vous amené à définir des orientations nouvelles pour l'organisation de nos administrations, afin qu'elles soient encore plus efficientes, même si on s'aperçoit que, par rapport à d'autres, elles sont déjà assez performantes ? Cela reste pour nous une interrogation après avoir entendu beaucoup d'intervenants de la chaîne concernée, sur un sujet qui, heureusement, n'a pas été à l'origine de catastrophes, car elles ont été plutôt bien contrôlées – mais c'est aussi dans ces cas-là qu'on peut plus facilement, peut-être, dégager des enseignements, qui plus est à un moment où l'on se pose la question d'une meilleure efficience de notre organisation publique.

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Bruno le Maire, ministre de l'Économie et des finances

On peut toujours améliorer le fonctionnement administratif, par définition. Je pense ainsi que l'on peut renforcer la coordination entre les services, mais je voudrais vraiment mettre en garde contre l'idée d'un grand rassemblement qui, par esprit de système, conduirait à mettre ensemble des services qui ont, je le redis, des responsabilités très différentes. Quand on est face à des objets complexes, et la production alimentaire en fait partie, je pense qu'il est préférable de séparer les responsabilités à chaque étape de la chaîne.

En l'espèce, les responsabilités seront établies par la justice – et par votre commission – mais je tiens quand même à rappeler deux éléments. La première responsabilité est celle de l'industriel. Celui qui est d'abord responsable de la fabrication de produits sains, c'est l'industriel : cela fait partie de ses obligations légales. C'est à lui de vérifier qu'il fabrique des produits sains, c'est sa première responsabilité. L'administration a un pouvoir de contrôle, mais la responsabilité de la production incombe à l'industriel. La deuxième responsabilité est celle du distributeur : il doit s'assurer qu'il distribue des produits qui sont légaux, bien entendu, mais également sains. Il y a eu des défaillances, qui ont été constatées : c'est un fait. J'ai donc formulé un certain nombre de propositions pour améliorer les procédures d'information et de retrait. Quand on me répond, lorsque j'organise une réunion, que l'on va faire du contrôle en sortie de caisse, je me dis que l'on aurait pu s'y prendre avant : il faut que chacun prenne ses responsabilités. Il en est de même lorsqu'un certain nombre de pharmacies, ou d'autres établissements, continuent à commercialiser des produits qui auraient dû être retirés.

Enfin, je rappelle qu'il est essentiel, quelles que soient les décisions que vous proposerez d'adopter, qu'il y ait un responsable final. Faisons attention, là aussi, à ce que la création d'un organisme unique ne dilue pas les responsabilités. Il doit toujours y avoir un responsable final des contrôles : c'est lui qui doit rendre compte devant le peuple français, auprès de vous, et, le cas échéant, devant la justice.

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Je voudrais avoir votre avis sur les délégations de responsabilité. Dans l'agroalimentaire et dans d'autres secteurs industriels, certains présidents de directoires ou certains présidents-directeurs généraux y ont recours. Comment faire en sorte que les capitaines d'industrie soient aussi responsables, et pas seulement les directeurs de sites ou d'usines ?

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Bruno le Maire, ministre de l'Économie et des finances

Si une erreur est commise au sein de la DDCSPP de Mayenne ou de la DIRECCTE de Corse, c'est au bout du compte le ministre qui est responsable. Il en est de même pour un industriel : il est responsable de l'ensemble des sites de production de son entreprise. C'est ce que l'on appelle la responsabilité, même si cela peut sembler parfois injuste et difficile à défendre. En tout cas, c'est de cette manière que je conçois la responsabilité : celui qui a la direction et le plus de pouvoir est aussi, par définition, celui qui a le plus de responsabilité.

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On a bien compris que vous n'êtes pas favorable à une direction unique. En cas de crise, vous avez dit qu'il faut quand même rétablir une hiérarchie. La mise en oeuvre de la procédure de crise pourrait ainsi être placée sous l'autorité d'une seule direction : est-ce bien le sens de votre pensée ? Cela correspond, me semble-t-il, à ce qui est préconisé au plan européen. Estimez-vous qu'il y aurait une plus grande efficience si un seul responsable gérait les crises ? En ce qui concerne la réunion interministérielle du mercredi, par exemple, il faudrait alors qu'il y ait un responsable pour suivre une crise donnée.

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Bruno le Maire, ministre de l'Économie et des finances

Il y a eu une coordination très étroite avec Stéphane Travert et Agnès Buzyn pendant toute la crise : les choses ont très bien fonctionné. En revanche, on a créé des services déconcentrés de la DGCCRF, qui rapportent aux préfets et ne sont pas placés directement sous l'autorité du ministre de l'économie et des finances : je trouve que cela complique terriblement la situation. Il serait plus simple, surtout pour des contrôles qui peuvent nécessiter de prendre des décisions en 24 heures, que l'ensemble de ces agents de la DGCCRF soient replacés sous l'autorité directe du ministre de l'économie et des finances, et que l'on ne passe donc pas par les préfets.

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L'Union européenne souhaite une police générale de la santé sanitaire, mais aussi une taxation des industriels pour financer non pas seulement leurs auto-contrôles, mais également des contrôles exercés par l'État. Un règlement a été adopté en ce sens – je crois que c'était l'année dernière. Quel est votre avis, en tant que ministre de l'économie et des finances, sur une éventuelle taxation ? Stéphane Travert nous a dit hier que cela permettrait de libérer environ 900 équivalents temps pleins (ETP) et de financer une partie des contrôles supplémentaires qui seront liés au Brexit, à hauteur de 70 ETP.

Dans cette affaire, il est question de lait infantile, et même de lait « premier âge ». Ce sont vos services qui étaient chargés, en fait, du contrôle de ce que l'on peut considérer comme un produit. On est néanmoins à la limite entre le produit et le médicament. Je peux comprendre la volonté de distinguer l'amont et l'aval, mais il faut quand même un chef au-dessus, sinon ça ne va pas, c'est l'armée mexicaine. En ce qui concerne les effectifs, il y a un agent dans vos services pour 4,5 agents au sein de la DGAL. Certains produits pourraient-ils sortir du champ de vos contrôles parce qu'ils sont plus proches d'une forme de médicaments ? Avec le lait infantile, on est typiquement très près de ce qui peut être thérapeutique.

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Bruno le Maire, ministre de l'Économie et des finances

Une fois encore, je tiens à rappeler que la DGCCRF ne contrôle pas, en l'espèce, la nature du produit, mais sa commercialisation et le respect des règles dans ce domaine. Que se passe-t-il ? La DGAL et les services vétérinaires identifient un problème sanitaire dans un lieu de production : nous décidons alors un retrait complet de certains lots, et la DGCCRF s'assure que l'intégralité est bien retirée, ou bien nous estimons – et c'est la décision que j'ai prise en l'occurrence – qu'en vertu du principe de précaution il aurait fallu tout retirer, compte tenu de l'incertitude. Voilà le rôle de la DGCCRF. Il ne consiste pas, en revanche, à aller dans chaque magasin et dans chaque rayon, chez Carrefour, Auchan, Leclerc, dans un hôpital ou dans une crèche, pour saisir des boîtes et faire des prélèvements afin de vérifier la présence ou non de salmonelle. Je le redis : la salmonelle étant hétérogène, elle peut se trouver dans certaines boîtes et pas dans d'autres, de telle sorte que le contrôle est totalement inefficace, à moins d'examiner des millions de boîtes.

En ce qui concerne l'efficacité et la coordination du dispositif, je tiens à rappeler que la répartition entre la DGCCRF et la DGAL est claire, même si l'on peut encore apporter des améliorations au niveau local. Quand on regarde la crise des oeufs contaminés au Fipronil, on voit que la France a bien géré la situation, grâce à une répartition claire entre le contrôle qui relève de la DGAL – il s'agit du contrôle sanitaire sur l'oeuf lui-même – et celui qui est du ressort de la DGCCRF – il porte sur le retrait des oeufs concerné.

En réponse à votre question sur les redevances, je considère que l'on peut en effet regarder toutes les options possibles, mais qu'il est surtout essentiel, s'agissant de la direction dont j'ai la responsabilité, de redéfinir les missions. La DGCCRF en compte trop et il n'est pas réaliste, aujourd'hui, d'envisager des recrutements à la hauteur de toutes ces missions : il faut avoir le courage de redéfinir le rôle de l'État, et de ce service en particulier. C'est très important aussi pour les agents : on voit bien, au niveau local, qu'ils sont totalement surmenés par le nombre de contrôles qu'ils ont à effectuer. Par ailleurs, ils doivent prendre eux-mêmes la responsabilité de hiérarchiser les tâches qui leur sont confiées, ce qui n'est pas normal. Je pense que c'est à nous, les politiques, de décider que la DGCCRF n'a plus à contrôler les aires de jeu – les mousses, la qualité des plastiques, ou la présence de tel ou tel produit. Cette compétence peut être externalisée ou confiée aux collectivités locales, qui sont elles-mêmes susceptibles de l'externaliser. En tout cas, une telle mission ne fait pas partie des fonctions régaliennes de l'État. En ce qui concerne les restaurants, permettez-moi de redonner le chiffre, car il est extrêmement parlant : il y a un contrôle tous les vingt ans dans les établissements de restauration privée en France. Si l'on veut vraiment des contrôles réguliers, cela signifie des recrutements par milliers, à moins d'externaliser. On pourrait, en effet, utiliser la redevance que vous avez évoquée pour financer des contrôles externalisés.

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Merci beaucoup pour votre disponibilité, monsieur le ministre : vous avez répondu rapidement à notre requête.

La réunion s'achève à onze heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 10 h 45

Présents. – Mme Géraldine Bannier, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Séverine Gipson, M. Christian Hutin, M. Michel Lauzzana, M. Jean-Claude Leclabart, M. Didier Le Gac, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Jacques Savatier

Excusé. - M. Arnaud Viala