Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 17h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • enfance
  • investigation
  • placement
  • éducative
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La réunion

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Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Jeudi 16 mai 2019

La séance est ouverte à dix-sept heures quarante-cinq.

Présidence de M. Alain Ramadier, président de la mission d'information de la Conférence des présidents

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Nous achevons nos travaux avec l'audition de M. Florent Boitard, secrétaire général adjoint et de Mme Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats. Je vous laisse la parole pour faire une brève intervention, d'une dizaine de minutes, ce qui nous permettra de privilégier les échanges avec la rapporteure et les députés membres de la mission.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Le dispositif de protection de l'enfance présente une dualité originale puisqu'il revêt à la fois un caractère administratif et judiciaire. L'Aide sociale à l'enfance en est le dénominateur commun. Le conseil départemental est au coeur du dispositif de protection de l'enfance, depuis les réformes de 2007 et de 2016 qui ont affirmé, notamment, le principe de subsidiarité du judiciaire sur l'administratif. Le conseil départemental intervient à toutes les phases : le repérage de situations de danger ou de risque de danger, l'évaluation de la situation, la recherche d'une réponse adaptée, la prise en charge de mesures éducatives administratives, le signalement à l'autorité judiciaire des situations de danger, l'exécution des mesures de placement et le suivi des jeunes majeurs.

Ce que l'on peut dire déjà dans un premier temps, c'est que l'objectif de la loi du 5 mars 2007 de déjudiciariser la protection de l'enfance au profit des conseils départementaux a échoué. Concrètement, le nombre de saisines de l'autorité judiciaire a continué d'augmenter. Près de 70 % des mesures éducatives sont judiciaires. La loi de mars 2016 a eu pour objectif de mieux répondre aux besoins fondamentaux de l'enfant, de placer ce dernier au centre du dispositif de protection de l'enfance et d'adapter le statut des enfants placés depuis de nombreuses années. Ces objectifs n'ont été que très partiellement atteints. Force est de constater que le parcours des enfants faisant l'objet d'une mesure de protection sur le long terme reste bien souvent chaotique. Enfin, l'augmentation constante des saisines de l'autorité judiciaire a conduit à une saturation complète des dispositifs administratifs et judiciaires de protection de l'enfance.

Je vais développer mon propos en six points. L'idée est d'énumérer les différentes difficultés que nous avons constatées dans notre pratique. J'ai en effet exercé les fonctions de juge des enfants à plusieurs reprises. Je suis vice-présidente placée auprès du président de la cour d'appel de Grenoble. J'ai exercé en remplaçant des juges des enfants dans plusieurs juridictions. Quant à mon collègue, il a notamment exercé les fonctions de substitut.

S'agissant des mesures d'investigation, la mesure judiciaire d'investigation éducative, qui est une mesure pluridisciplinaire, a pour objet de diagnostiquer une situation familiale dans toutes ses différentes problématiques et d'apporter une proposition de réponse. Les rapports sont d'une grande qualité mais cela prend beaucoup de temps et c'est très cher. En conséquence dans certains départements, les mesures judiciaires d'investigation éducative ne sont plus prises en charge, ce qui entraîne un retard dans la prise en charge des situations familiales.

En outre, il n'est pas toujours nécessaire d'avoir une mesure d'investigation aussi lourde. Il ne serait pas inutile d'avoir des mesures d'investigation plus légères et plus rapides.

Le deuxième type de difficultés sont celles relatives à l'exécution des décisions judiciaires. Je me doute que nous ne sommes pas les premiers à vous en parler. Ce sujet a dû être récurrent parce que c'est vraiment le coeur. S'il y a un message que nous souhaitons faire passer aujourd'hui, c'est celui-ci. C'est un problème majeur que l'on rencontre sur tout le territoire. On constate que les mesures judiciaires de placement sont très souvent exécutées avec retard, voire pas du tout, par les conseils départementaux. Le plus souvent, ces mesures ne sont pas exécutées faute de places disponibles en famille d'accueil ou en foyer et faute de moyens suffisants alloués par les conseils départementaux à la protection de l'enfance.

Il arrive également que les conseils départementaux refusent purement et simplement d'exécuter une décision de placement, sans pour autant faire appel de la décision, considérant qu'ils ne disposent pas de structures adaptées et que l'enfant relève en réalité du champ médical. Je pense que tous les juges des enfants pourraient avoir un exemple à vous donner en l'occurrence. Il est vrai qu'il existe des enfants qui présentent de graves troubles de la personnalité et le système de santé est parfois démuni : il n'y a plus de places en service de pédopsychiatrie et en IME. C'est très difficile parce que parfois il y a une problématique éducative et une problématique médicale. Et parfois, le gros problème, c'est le médical. L'Aide sociale à l'enfance ne dispose pas de structures adaptées à la prise en charge de ces enfants qui présentent des difficultés.

Il y a donc le problème du retard de l'exécution mais aussi de l'inexécution des modalités des mesures de placement. Il s'agit du droit de visite médiatisé et des relations de fratrie. En principe, les frères et soeurs doivent rester ensemble et si ce n'est pas le cas, ils doivent pouvoir se rencontrer pour maintenir le lien. Souvent, ce n'est pas le cas, faute de structures et de moyens humains. Lorsque les modalités des mesures de placement ne sont pas exécutées, cela pose un problème. Cela signifie que le juge est dans l'incapacité de faire exécuter sa décision qui est ineffective. Aussi sa parole est décrédibilisée à l'égard des parents qui sont parfois demandeurs des mesures de placement ou ceux qui ne parviennent pas à voir leurs enfants alors qu'ils en ont le droit. À partir de là, il devient difficile d'obtenir leur collaboration, ce qui est compréhensible.

C'est ce qui fait que l'USM sollicite davantage de structures d'accueil diversifiées, adaptées à des enfants présentant des troubles de la personnalité, le développement de placements à domicile et des structures permettant des visites médiatisées à la mesure des besoins.

En ce qui concerne les mesures de placement sur le long terme, nous n'avons pas de solutions à vous apporter, mais il est nécessaire qu'une réflexion soit menée sur le sujet. Il s'agit d'enfants dont les parents sont présents mais ces derniers ont des difficultés très importantes qui empêchent le retour au domicile de leurs enfants. Ces enfants sont obligés de faire leur vie ailleurs, ce qu'ils font. Mais, il arrive que l'institution elle-même ne soit pas à la hauteur, devienne maltraitante et crée des ruptures dans le parcours. Je citerai l'exemple d'enfants placés depuis de très nombreuses années au sein de la même famille d'accueil où l'assistante familiale part à la retraite. Cela crée une rupture qui est très difficile à vivre pour ces enfants.

Pour ce qui est des jeunes majeurs, de très nombreux départements ne financent plus ou de moins en moins les mesures. Le nombre de jeunes qui font l'objet de mesures d'assistance éducative qui se retrouvent sans aucun soutien à leur majorité est très important. C'est d'autant plus injuste que, par définition, ce sont des jeunes très vulnérables qui ne peuvent pas compter sur un soutien familial. Aujourd'hui, à 18 ans, il est très rare d'être en capacité de s'assumer psychologiquement et financièrement. Pour les enfants qui ont fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative, qui donc ont eu une histoire douloureuse, c'est illusoire. L'USM demande que chaque jeune majeur ayant fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative puisse bénéficier d'une prise en charge éducative et financière jusqu'à ses 21 ans.

Quand on dit jeune majeur, on fait aussi référence à la question des mineurs non accompagnés. On assiste depuis quelques années à l'émergence de difficultés supplémentaires dues à l'arrivée sur le territoire national de jeunes migrants, phénomène qui a déséquilibré le dispositif de protection de l'enfance. Premièrement, on a toute la question de l'évaluation de la minorité. S'ils sont mineurs, ils bénéficient d'une prise en charge. S'ils ne le sont pas, il n'y a rien. L'enjeu est donc extrêmement important pour ces jeunes. Deuxièmement, cela fait beaucoup plus de jeunes à prendre en charge par les conseils départementaux. Il a donc fallu assurer le financement de davantage de mesures. Toutefois, il est indispensable d'allouer plus de moyens à la protection de l'enfance, compte tenu de l'arrivée de ces familles.

Les difficultés intrinsèques à la justice des mineurs sont aujourd'hui très importantes. L'objectif de déjudiciarisation de 2007 a été un échec. Aujourd'hui, les cabinets des juges des enfants sont saturés. Dans le même temps, les juridictions ont été confrontées à des vacances de postes très importantes. L'USM estime la charge normale d'un cabinet à 350 ou 400 dossiers. Or un grand nombre de juges ont en charge 600 à 800 cas. Cela rend impossible une justice des mineurs de qualité. Il y a également un grand nombre de postes vacants dans les greffes des tribunaux pour enfants qui sont déjà largement sous-évalués. En 2012, 70 % des juges des enfants étaient contraints de tenir leurs audiences éducatives sans greffier.

Ces vacances de postes de magistrats et de greffiers créent une surcharge de travail considérable. Ceci peut également se traduire par des mesures d'assistance éducative renouvelées sans audience, en dépit de tous les principes que nous sommes censés respecter et appliquer. Les jugements sont peu ou pas motivés et des retards importants sont à noter dans la notification des décisions, donc dans la prise en charge des situations. L'USM demande à ce que les vacances de postes des juges des enfants et des greffiers soient comptées prioritairement, que chaque juge des enfants puisse tenir ses audiences en assistance éducative en présence d'un greffier, conformément aux règles de procédures civiles et que la circulaire de localisation des emplois soit réévaluée.

Pour conclure, je dirais que la protection de l'enfance est un enjeu essentiel dans toute démocratie. La qualité de celle-ci reflète l'importance accordée aux plus vulnérables. C'est également la plus efficace des préventions de la délinquance des mineurs. L'enjeu est tel qu'il exige des moyens à la hauteur des besoins, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, les dispositifs de protection de l'enfance sont totalement saturés et dans l'incapacité de prendre en charge la totalité des mesures ordonnées judiciairement. Je vous remercie.

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Florent Boitard, secrétaire général adjoint

En complément, il y a trois syndicats de magistrats. L'USM est un syndicat qui se veut apolitique, centré sur la défense de l'indépendance de la justice et des intérêts matériels et moraux des magistrats. Je tiens à souligner que notre syndicat est le plus représentatif. Il a recueilli près de 70 % des voix lors des élections professionnelles.

J'ai exercé pendant longtemps les fonctions de substitut du procureur chargé des mineurs, au TGI d'Aix-en-Provence. Il peut être intéressant pour vous d'avoir un retour sur l'application de la loi. Notre parquet se faisait fort d'appliquer pleinement la loi de 2007 qui prévoyait la subsidiarité. Pour nous, cela signifiait un contrôle drastique des signalements transmis par le conseil départemental pour vérifier s'ils étaient dans les clous de la loi et ne saisir les juges des enfants que dans les cas prévus par la loi. Le code de l'action sociale des familles prévoit une saisine du juge des enfants seulement s'il y a l'impossibilité de travailler avec la famille, s'il y a un refus de la famille, et si une action a été mise en place sans avoir abouti à des résultats.

Concrètement, quand un signalement nous était envoyé pour des situations relativement graves, mais sans infraction, nous étions amenés fréquemment, en application du principe de subsidiarité prévu par la loi, à renvoyer au conseil départemental. Le retour des juges des enfants et des conseils départements sur cette application stricte de la loi est plutôt négatif. Les conseils départementaux ont été surchargés de mesures et pour beaucoup ils se sont délestés auprès du juge des enfants qui parfois saisissait ensuite une association et non pas le conseil général à l'époque. Il y avait donc une surcharge de mesures, une augmentation des délais pour ces services, en lien avec le manque de moyens dont on parlait. Par ailleurs, lorsque le juge des enfants était saisi, il était saisi plus tard. Ainsi, par rapport un premier signalement en provenance d'un collège ou d'une CPE, on avait eu un an d'actions éducatives dans le cadre administratif qui n'avait pas produit de résultats. Le retour du juge a été de dire que la situation était arrivée à saturation, que la situation avait empirée. Si le juge avait été saisi plus tôt, il serait intervenu à meilleur escient.

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Je vous remercie beaucoup pour cette présentation. Que faut-il améliorer dans la relation jugedépartement dans cette protection de l'enfance ?

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Cette question est extrêmement vaste. Il faut déjà qu'il y ait des relations. Elles existent. Les juges des enfants rencontrent régulièrement les personnes chargées de l'aide sociale à l'enfance. Les problèmes sont connus. Aujourd'hui, la difficulté principale résulte de l'inexécution ou du retard dans l'exécution par le conseil départemental. des décisions de justice Par rapport à cela, les juges des enfants sont démunis.

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En ce qui concerne les relations, est-ce avec les éducateurs référents ? L'ensemble des juges des enfants se réunissent-ils parfois avec les représentants de l'ASE, les associations, pour voir comment s'organiser sur le territoire ?

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Florent Boitard, secrétaire général adjoint

N'oublions pas le parquet des mineurs. J'ai assisté à Marseille au siège du conseil général à une réunion avec des juges des enfants ou au moins les coordonnateurs du service du TPE de chaque TGI et les parties mineures. On n'a pas de retour sur des difficultés de communication.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Dans le coeur même du travail du juge des enfants qui comprend une dimension relationnelle, il y a également sur le plan plus institutionnel la question des méthodes de travail portant sur des questions concrètes comme la consultation des dossiers et l'assistance éducative. Lors de la dernière réunion à laquelle j'ai assisté, on a évoqué les difficultés et les raisons pour lesquelles les mesures ne sont pas exécutées ainsi que les échéances et les perspectives.

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Florent Boitard, secrétaire général adjoint

Du côté du parquet et hors présence du juge des enfants, des réunions sont organisées entre les procureurs chargés des mineurs et les inspecteurs enfance famille du ressort du TGI concerné. Ils se connaissent. Les signalements sont maintenant bien centralisés. La loi impose maintenant de distinguer le signalement d'un enfant en danger et une situation d'infraction. On peut en effet avoir une infraction mais aucun danger pour l'enfant ou un enfant en danger sans infraction. En conflit parental, par exemple, il n'y a pas d'infraction. Le réflexe ancien, par exemple des collèges ou des hôpitaux, des services sociaux, était d'envoyer un fax au parquet des mineurs. Il y avait une référence de l'autorité judiciaire. La loi a généré un basculement et demande à ces différents services éducatifs, sociaux et médicaux de bien faire la distinction et, s'il n'y a pas d'infraction, d'envoyer au Conseil général. Le conseil général acceptait cette distinction, faisait un tri, renvoyait au parquet quand il fallait une saisine du juge des enfants, mais par principe, acceptait tous les signalements pour lesquels il n'y avait pas d'infraction. En revanche, en cas d'infraction, le dossier est adressé au parquet car il est dans le rôle du procureur de lancer une enquête et de poursuivre sur les infractions pénales.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

J'ajouterai pour terminer que ces relations sont complexes parce qu'il y a à la fois une dimension administrative, ce sont deux partenaires, deux institutions qui doivent communiquer, et en même temps, le conseil départemental est également partie dans les dossiers. On est dans une relation de type administrative et de type judiciaire. Enfin, le conseil départemental a un mandat du juge pour intervenir puisque les enfants sont placés à la demande du juge des enfants.

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Je suis contente que ce soit vous qui le disiez, parce que d'habitude, c'est mon credo. Vous dites que la protection de l'enfance est la meilleure prévention de la délinquance juvénile. Ne peut-on pas s'appuyer sur des parcours qui permettraient in fine de chiffrer ce que va nous coûter la délinquance pour donner un argument supplémentaire au fait de faire de la prévention ? Il faut impérativement que cette logique devienne la nôtre, si c'est une évidence.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

C'est une évidence. C'est un constat qui est partagé par tous. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit chiffré. En tout état de cause, ces chiffres ne seraient par définition qu'une projection et pourraient être critiqués à l'infini.

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Ils pourraient être une projection ou alors des parcours que vous auriez suivis.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

La justice ne fait pas du tout ce genre d'études.

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Personne n'en fait. Chacun s'arrête au moment où il perd l'enfant.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Nous ne disposons pas d'un tel retour sur les particuliers. Cependant, ce constat est consensuel. La protection de l'enfance est la meilleure des préventions. En définitive, ne pas donner les moyens suffisants à la protection de l'enfance coûte cher. C'est également vrai pour les mineurs non accompagnés.

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Florent Boitard, secrétaire général adjoint

Le constat est tellement fort que c'est le fondement de la double casquette des juges des enfants. Si un juge des enfants est chargé de l'assistance éducative et du suivi des mineurs délinquants, c'est parce qu'un problème éducatif mal résolu débouche sur de la délinquance. À l'inverse, l'État et les collectivités auraient tout à gagner à investir plus sur l'Aide sociale à l'enfance car c'est la meilleure des préventions. Il y a un enjeu économique et humain. On vous rejoint sur cette idée.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Il arrive fréquemment qu'un jeune entre dans la délinquance. Or il peut avoir des petites soeurs ou des petits frères. Là, il faut un travail de protection de l'enfance, la mise en place d'actions éducatives préventives, même si cela n'est jamais présenté comme cela. Mais, c'est une des conséquences.

Il y a un projet de réforme de l'ordonnance de 1945, afin de rendre plus efficace la justice pénale des mineurs. Cette réflexion ne peut pas éluder la question de la protection de l'enfance et de la prévention.

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Sur l'ordonnance de 1945, nous travaillons dans le cadre du groupe d'études sur la protection de l'enfance. On a bien eu les informations sur le maintien de la prévention et de l'éducatif par rapport à la répression.

Vous avez parlé tout à l'heure de mesures d'investigation plus rapides et légères qu'il faudrait créer. J'aimerais avoir des précisions. Je vois bien ce que sont les mesures d'investigation judiciaires, mais, j'aimerais savoir ce qu'il serait nécessaire d'alléger. À votre avis, manque-t-il des solutions pour répondre aux besoins de protection de l'enfance ? Avez-vous une idée du type de mesures qu'il faudrait créer ?

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

La mesure judiciaire d'investigation éducative prend six mois, voire plus, si elle n'est pas mise en place immédiatement. Très souvent, elle est pluridisciplinaire. Il peut donc y avoir un psychologue, un éducateur et un travailleur social. On analyse l'histoire des parents et celle des enfants. C'est donc quelque chose de très consistant. Le rapport peut faire jusqu'à 20 pages. C'est un travail de grande qualité.

Quand le juge des enfants est saisi directement par des familles, on a très peu d'éléments pour prendre une décision. Y a-t-il une difficulté éducative ? Relève-t-elle du juge des enfants ? Quelle est la meilleure réponse à donner (mesure éducative en milieu ouvert, aide éducative en milieu ouvert renforcé) ? Est-ce une mesure de placement ? Quel sera type de placement ? Une mesure d'investigation, sous la forme d'un petit rapport, qui serait retourné au juge des enfants au bout de quelques semaines, serait un outil de plus très utile.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Il serait fait par les associations qui sont habilitées. En réalité, ce pourrait être les mêmes, mais sans forcément la dimension pluridisciplinaire. Il n'y aurait pas forcément besoin d'un psychologue. Le rapport serait plus simple, à l'image du recueil de renseignement socioéducatif (RRSE) qui a une dimension pénale. Il s'agit juste de mettre un outil en place. En réalité, les éducateurs et les travailleurs sociaux savent déjà faire cela.

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Je rebondis sur ce que vous dites. On nous dit que les mesures éducatives passent pour 80 % d'entre elles par le juge, en France, alors qu'en Allemagne, ce ne serait que 20 % parce qu'il y a plusieurs niveaux d'alerte et de prise en charge. Pourrait-on penser à moins judiciariser les procédures ? On a aussi entendu que le juge revoyait les enfants trop souvent, dans certains cas, ce qui peut être traumatisant pour ces derniers. Quand on sait à l'avance que le placement va être long, ne pourrait-on pas rallonger les délais ? Que pensez-vous de la désignation systématique d'un avocat pour les enfants ?

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Je rappelle que la déjudiciarisation était un objectif de la loi de 2007. Cela n'a pas fonctionné, très probablement parce que ce n'est pas notre culture administrative ni judiciaire. J'ai l'impression que la loi de 2007 a essayé de mettre en place quelque chose. Mais, cela n'a pas suivi parce que c'est aussi une demande du département de travailler rapidement. Je pense que c'est plus confortable de leur point de vue. Cela permet aussi d'asseoir une action éducative. Sans doute pourrions-nous faire différemment mais je pense que cela doit passer par la formation des éducateurs. C'est difficile à imposer par la loi. C'est ce qui a été tenté en 2007 et le résultat n'est pas très probant. Mais, cela ne veut pas dire qu'il faille totalement abandonner.

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Florent Boitard, secrétaire général adjoint

Cela a échoué pour deux raisons : les habitudes culturelles et le manque de moyens. Les départements ne pourraient pas faire face à une vraie déjudiciarisation.

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Sur le fait que l'on voit trop les enfants, ce n'est pas mon opinion. Le juge n'est pas obligé de voir les tout-petits. Il existe des rapports qui détaillent très bien la vie de ces enfants. Un juge des enfants n'est pas un super éducateur. Pour les plus grands, sur la dimension traumatisante, une audience par un juge des enfants se prépare avec les éducateurs et peut donc être dédramatisée.

Sur les placements longs, le juge des enfants ne revoit pas les familles nécessairement tous les ans. Il arrive qu'il ne les voie qu'au bout de deux ans. Il arrive aussi parfois que les familles, les jeunes eux-mêmes souhaitent faire le point tous les ans, même si cela n'apparaît pas nécessaire.

Pour ce qui est de la présence systématique de l'avocat , cela semble totalement irréaliste pour tous les mineurs. En revanche, systématiser la présence d'un avocat pour les enfants ayant du discernement, lorsque la mesure de placement est envisagée, peut être intéressant.

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J'ai une dernière question. Vous êtes amenée à prendre des décisions toute l'année. J'ai bien compris que pour un nombre d'entre elles, l'exécution n'était pas toujours suivie d'effets. Avez-vous par ailleurs une idée du pourcentage des recours à l'encontre des décisions que vous prenez ?

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Nina Milesi, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats

Je n'ai pas de chiffre à vous donner, s'agissant du taux d'appels. Je ne souhaite pas l'inventer.

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Florent Boitard, secrétaire général adjoint

Dans la pratique quotidienne, quand on suit les dossiers des juges des enfants, mon sentiment est que l'on ne voit pas un nombre important de dossiers qui font l'objet d'un appel, à la différence d'affaires traitant de successions par exemple.

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Nous vous remercions. C'était extrêmement intéressant.

La réunion s'achève à dix-huit heures trente.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 17 h 45

Présents – Mme Delphine Bagarry, Mme Nathalie Elimas, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, Mme Perrine Goulet, Mme Bénédicte Pételle, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier

Excusée. – Mme Jeanine Dubié