Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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L'audition débute à dix-huit heures trente.

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Nous poursuivons nos travaux en accueillant une délégation du groupement U Enseigne. L'audition, publique, se poursuivra à huis clos si les sujets abordés touchent au secret des affaires. La confidentialité de ces échanges sera alors complète ; ils seront consignés mais leur teneur ne figurera pas dans le rapport de M. Grégory Besson-Moreau.

Avant de vous donner la parole, je vous demande, madame, messieurs, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui l'impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête.

M. Dominique Schelcher, Mme Isabelle Kessler, M. Pascal Millory et M. Thierry Desouches prêtent successivement serment.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

La coopérative Système U regroupe 1 200 commerçants indépendants. Chacun des 1 200 patrons est propriétaire de son magasin et la coopérative est dirigée par ces patrons. Le groupement compte 1 600 magasins en France, dont 66 hypermarchés seulement qui, parce qu'ils sont à taille humaine, ne connaissent pas la crise que d'autres peuvent connaître. Le reste de notre réseau est constitué pour moitié des supermarchés Super U et pour moitié de magasins de proximité sous les enseignes U Express ou Utile. Nous employons 70 000 collaborateurs, dont plus de 60 000 sont présents dans les magasins. En 2018, notre chiffre d'affaires a été un peu inférieur à 20 milliards d'euros, en hausse de 2,3 % environ.

La moitié de nos magasins sont situés dans des communes de moins de 5 000 habitants. Notre développement est fort dans sept pays d'Afrique ; nous venons d'ouvrir au Maroc et nous ouvrirons un nouveau magasin important en Côte d'Ivoire, à la rentrée. Nous ne sommes que des commerçants, sans activité de production, et nous sommes les seuls indépendants membres de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), dont vous avez auditionné les responsables. Je suis moi-même commerçant à Fessenheim : je gère la coopérative en semaine, et je rentre gérer mon magasin le samedi ; c'est l'originalité de notre modèle.

Par souci de concision, je ne m'appesantirai pas sur contexte dans lequel nous exerçons notre profession, très chahutée par l'évolution du comportement des clients, avec la tendance au « mieux manger », au « manger responsable » et au « prix juste », et aussi par l'impact du commerce électronique et des transformations dues aux nouvelles technologies. Je dirai cependant en quoi le contexte français est particulier.

Il y a d'abord la situation du monde agricole, à laquelle nous sommes très sensibles. Une partie des agriculteurs souffre de revenus insuffisants ; je les rencontre tout au long de l'année et nous en parlons. Beaucoup d'entre eux vont d'ailleurs prendre leur retraite au cours des dix années qui viennent.

La question des prix est également particulière à la France, comme le montrent deux documents que je tiens à votre disposition. Le premier, émanant d'Eurostat, indique que les prix en France sont de 15 % en moyenne plus élevés que la moyenne des prix européenne. Je le constate chaque jour dans mon magasin, situé tout près de la frontière allemande : les Français vont acheter en Allemagne tous les produits de beauté et d'entretien, dont les prix là-bas sont en complet déphasage avec les prix français. Le second document dessine les courbes de prix pratiquées en France ; il est intéressant de le consulter pour observer les niveaux de prix entre acteurs français.

Il y a aussi, bien sûr, la question du pouvoir d'achat. Le dernier baromètre des territoires montre que 48 % des Français vivent des fins de mois difficiles alors même que le pouvoir d'achat a fortement progressé cette année.

Dans ce contexte, nous essayons de résoudre une équation à quatre entrées. D'abord, nous nous efforçons de trouver des formes de contractualisation avec le monde agricole conduisant à un meilleur revenu et donc à des prix « justes ». Nous nous attachons aussi à répondre aux attentes des Français en matière de pouvoir d'achat car tout le monde n'a pas les moyens de payer ses acquisitions un peu plus chères dans ce qui serait un nouveau modèle ; seule une partie des clients le peut. Notre troisième axe stratégique est de relever les défis d'adaptation du modèle, qui supposent des investissements lourds dans les nouvelles technologies, le traitement des données, la modernisation de nos entrepôts ; nous investissons 100 millions d'euros par an dans cet ensemble de domaines. Enfin, nous veillons à assurer la pérennité de nos membres, commerçants indépendants. En effet, notre coopérative n'a pas vocation à faire de bénéfices au niveau central : le résultat de notre compétitivité va aux magasins qui eux-mêmes réinvestissent localement. On est donc loin des données parfois hâtivement résumées que l'on peut avoir en tête puisque tout cela conduit à une performance finale des magasins U comprise entre 1,5 % et 2 % de résultats nets en moyenne, en retrait par rapport à d'autres secteurs de l'économie française.

Pour ce qui est de l'organisation à l'achat, sujet qui préoccupe votre commission d'enquête au premier chef, nous sommes le plus petit des gros acteurs du marché et, en tant que tel, en position de challenger. Notre impératif est de résister sur ce marché, de pas devenir le prochain « Euromarché » ou le prochain « Codec », des enseignes disparues. Dans nos relations commerciales avec les multinationales de l'agroalimentaire, notre coopérative seule ne serait pas en mesure de négocier à armes égales. Ainsi, l'un de nos fournisseurs, un leader mondial dont je ne citerai pas le nom, a un chiffre d'affaires de plus de 50 milliards d'euros et une rentabilité nette de quelque 15 % ; Système U pèse moins de 1 % de ses ventes. Seuls face à un acteur de cette taille, nous ne faisons pas le poids.

Nous avons également éprouvé le besoin de nous organiser face aux nouveaux concurrents, notamment Amazon, présents sur le marché des produits de grande consommation en France. Amazon, qui réalise déjà 500 millions d'euros de chiffre d'affaires dans les produits de grande consommation beauté et un peu dans l'alimentaire, ne cesse de monter en puissance. Et pour vous donner un exemple : Amazon a lancé sa marque distributeur pour les couches aux États-Unis, le prix de ces produits a baissé de 20 % du jour au lendemain. En France, d'autres acteurs arrivent – tel le danois Normal ou le néerlandais Action – avec une puissance internationale et des produits de grandes marques à prix cassés.

C'est dans cette situation, avec une part de marché aux alentours de 10,7 %, que nous avons construit une alliance à l'achat avec Carrefour – Envergure. Nous avons confié à Envergure la négociation avec quatre-vingt-deux grands fournisseurs communs à U et à Carrefour. Le périmètre concerné ne représente que 35 % de notre activité. Nous avons confié à Carrefour les négociations internationales. J'insiste sur le fait que U et Carrefour demeurent strictement concurrents, avec des équipes autonomes, des barrières de confidentialité entre chaque enseigne et une absence totale de transmission et d'échange de données, comme le veulent les règles de la concurrence.

De notre côté, nous négocions en direct avec les autres fournisseurs, particulièrement tout ce qui concerne notre marque distributeur. Ces négociations directes ont lieu avec 113 entreprises françaises de taille intermédiaire et 309 PME, soit plus de 400 sociétés. Á cela s'ajoutent des discussions au niveau local. Je pense que notre enseigne, avec ses patrons indépendants, est celle qui fait le plus d'achats locaux ; dans de très nombreux magasins, 20 % des ventes se font en circuit court. Á ce niveau, il n'y a pas de négociations au sens où on les entend ici : ce sont plutôt des discussions, et les prix des petits producteurs font l'objet d'un consensus local entre acheteurs et vendeurs. C'est ce qui se passe dans mon magasin.

En synthèse, pour ce qui est des négociations, nous considérons que, sans compétitivité à l'achat, notre avenir est en jeu, raison pour laquelle nous nous sommes renforcés en passant cet accord avec Carrefour. Mais nous avons parfaitement conscience de notre responsabilité, parfaitement conscience qu'il faut faire bouger les lignes pour changer de modèle. Cela suppose que tout le système évolue, et c'est pourquoi nous avons été un soutien de la première heure de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire dite loi EGAlim. Nous avons exprimé ce soutien jusqu'au dernier moment, quand on hésitait sur la date de mise en oeuvre du texte : j'avais soutenu publiquement la présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, et mon prédécesseur, Serge Papin, a même été animateur de certains ateliers. Nous considérons que cette loi est une bonne chose : elle a fait évoluer les raisonnements puisque la construction du prix se fait désormais sur la base d'indicateurs de référence des interprofessions. Il faut absolument persévérer dans cette voie, et laisser à la loi le temps de produire ses pleins effets.

Nous pratiquons de longue date le discernement dans nos négociations : nous sommes exigeants avec les forts qui sont parfois bien plus puissants que nous, et justes avec les plus petits, voire les plus fragiles. Le problème est que, dans la majorité des cas, quand nous signons avec un grand industriel, nous n'avons aucune visibilité sur ce que sera la rémunération du monde agricole. Ce point capital doit être travaillé. C'est pourquoi, dans le cas que nous maîtrisons directement, c'est-à-dire notre marque distributeur, nous multiplions les contractualisations à trois, en double bipartite. D'évidence, la hausse du seuil de revente à perte (SRP) voulue par la loi nous permet des contractualisations plus favorables que le marché, dans le cadre d'un nouvel équilibre global des marges. Je tiens à votre disposition de nombreux exemples de nos contractualisations originales pour les produits à notre marque. Certaines de nos relations commerciales avec des fournisseurs remontent à plus de trente ans – trente-trois ans pour les légumes surgelés produits en Bretagne par Gelagri. Notre projet est fondé sur la construction de filières durables et pérennes pour nos marques.

Concrètement, le tarif moyen de nos achats en France a augmenté dans certaines catégories – le porc, le boeuf, le lait, la pomme de terre, le blé…

Récemment encore, dans le contexte de la crise du porc, nous avons revu les prix d'achat à la hausse pour les charcutiers : il y a une grande vague de hausses au mois de juin, et des discussions sont en cours avec certains fournisseurs venus nous voir maintenant seulement. Pour soutenir les agriculteurs touchés par les intempéries, nous avons écoulé trente-cinq tonnes de fruits proposés à nos clients pour la confiture ; cette façon de les aider montre que nous sommes sensiblement différents, que notre ancrage territorial nous fait voir les choses autrement. D'ailleurs, nous avons reçu l'an dernier le « Prix de l'enseigne préférée des PME » décerné par la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF).

Mais passer à un nouveau modèle et faire qu'il réussisse suppose obligatoirement qu'il vaille pour tous, au risque, sinon, de distorsions de concurrence insoutenables. Un de nos clients sur deux éprouve des difficultés pour boucler ses fins de mois. Je vous donnerai un exemple éloquent : une boulangerie est située à la sortie de mon magasin ; il y a quelques années, les clients payaient en petite monnaie le 25 du mois, aujourd'hui, ils le font dès le 15, et c'est symptomatique.

Je formule d'emblée ce que je considère comme une proposition clé : promouvoir la contractualisation à trois, en présence du producteur final, comme nous le faisons avec nos marques distributeurs. Je sais que le droit de la concurrence est, pour l'heure, très strict à ce sujet, mais j'en appelle à plus de transparence de tous les acteurs de la chaîne. Le médiateur des relations agricoles a salué la transparence des distributeurs dans la transmission des données de négociation cette année. Il doit en être de même tout au long de la chaîne.

Je vous dirai pour finir qu'à titre personnel, je vis tout cela comme un combat : combat, en qualité de dirigeant national, pour assurer notre pérennité collective face à une concurrence âpre et à un contexte en profonde mutation à tous les niveaux, en cherchant à résoudre l'équation complexe décrite précédemment ; combat, en tant que dirigeant de ma propre PME, pour qui les exigences quotidiennes n'ont jamais été si fortes.

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Je vous remercie. Le groupement U a donc créé avec Carrefour une centrale de négociation, Envergure, que nous avons reçue. Que pensez-vous de la démarche consistant à dissocier l'achat à un fournisseur de la négociation avec lui ? D'autre part, comment l'entrepreneur français que vous êtes interprétez le fait que certaines centrales soient hébergées en Suisse, au Luxembourg ou en Belgique ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Nous nous sommes organisés avec Carrefour dans une alliance à l'achat autorisée par la législation française ; elle a été soumise à l'Autorité de la concurrence qui ne s'y est pas opposée. Nous avons donc mis en oeuvre un dispositif que permettent les textes et nous l'avons fait, je le redis, parce qu'avec 10,7 % de parts de marché, il nous était difficile de négocier avec certains des plus gros fournisseurs. Toute une série de nos fournisseurs ne sont pas concernés par cette alliance ; seuls 82 le sont, dont soixante-dix pour l'alimentaire. Nous avons recours à ce dispositif parfaitement légal pour avoir une certaine capacité d'achat. Tous les acteurs sont organisés de la sorte et de nouveaux intervenants à la forte puissance internationale arrivent en France, qui bénéficient de leurs négociations européennes. Système U, avec ses 10,7 % de parts de marché, commençait à être isolé et devait s'organiser.

Les centrales d'achat internationales sont évidemment à l'étranger. À nouveau, nous respectons strictement le cadre légal régissant ces dispositifs. Je rappelle qu'à ce niveau-là, il n'est aucunement question de référencement de produits : les discussions portent sur des services. Tous les acteurs du marché ont ce niveau d'organisation, qui participe de la compétitivité globale de toutes les entreprises du secteur, la nôtre comme celle de mes confrères. Un acteur seul qui ne serait pas organisé avec ces différents niveaux de compétitivité, qui participent de sa compétitivité globale, serait isolé et en difficulté sur le marché. Parce que nous avons la lourde responsabilité de 1 200 patrons et de 70 000 collaborateurs, nous nous sommes organisés de la sorte pour faire face. Si, demain, vous décidiez de changer les règles, elles devraient simplement être les mêmes pour tous.

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Je vous remercie, monsieur le président, de vous être rendu à notre invitation. Le groupement Système U a donc 1 600 magasins de tous types en France, un magasin au Maroc, et il projette d'en ouvrir en Côte d'Ivoire. Quel est le chiffre d'affaires français d'une part, le chiffre d'affaires international du groupement d'autre part ? J'ai en ma possession un document émanant d'un industriel qui réalise un peu moins de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires avec vous, et qui bien que cette activité n'ait lieu qu'en France, vous verse un peu moins d'un million d'euros au titre des accords internationaux de commercialisation. J'aimerais comprendre la mécanique qui sous-tend ces accords commerciaux et votre affiliation au groupe Carrefour qui, lui, est international.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Nous sommes présents en métropole et outremer ainsi que dans sept pays d'Afrique. Le chiffre précis que j'ai en tête pour les achats à l'étranger : il est de 200 millions d'euros. Il est vrai que la donne pour un magasin situé dans un pays africain n'est pas tout à fait la même qu'en France. Un magasin Super U situé à la campagne achète 80 % de ses produits à nos centrales d'achat et 20 % localement. Dans les pays africains, les proportions seront exactement inverses, avec 20 % d'achats à notre coopérative, notamment la marque U, très appréciée en Afrique, et 80 % d'achats locaux. Le chiffre d'affaires ainsi généré sera pour nous une source de développement importante dans les années qui viennent car Système U doit trouver des relais de croissance hors de France. Je ne connais pas le cas particulier que vous citez, mais telle est l'organisation à l'achat : le niveau français de base, où nous négocions nous-mêmes avec beaucoup de fournisseurs ; le niveau d'Envergure où les négociations se font avec 70 multinationales pour l'alimentaire ; le niveau international, auquel nous proposons un certain nombre de services réels, sur la nature desquels je serai plus précis à huis clos, pour préserver le secret des affaires.

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Dire que les services que vous proposez sont réels, n'est-ce pas sous-entendre que certains services sont virtuels ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Mais non. Je répondais en réalité à des remarques que j'ai pu lire dans les comptes rendus des discussions que vous avez eues précédemment. Je vois bien qu'il y a des interrogations, mais pour ce qui me concerne, je n'aurai aucune difficulté à vous dire, à huis clos, de quels services nous discutons avec les industriels.

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Pouvez-vous nous redire quel est votre chiffre d'affaires en France et à l'international ? Alors que l'activité du groupement Système U est à quelque 99 % française, vous semble-t-il normal de demander un pourcentage que l'on peut qualifier de taux d'accords internationaux fluctuant entre 2 et 3 % à des entreprises françaises sur un chiffre d'affaires fait en France ? Derrière les industriels, il y a des agriculteurs !

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Il se trouve que les industriels qui discutent au niveau international des services que je vous décrirai y trouvent aussi leur compte – sinon, on ne trouverait pas d'accord avec eux dans la négociation, puisqu'il s'agit toujours d'une négociation, d'une discussion, et d'un accord final comprenant des services, et donc des contreparties claires entre les uns et les autres. Certains industriels nous proposent eux-mêmes des services à dimension internationale en collaboration avec Carrefour parce que nous sommes complémentaires : Carrefour a certes une couverture internationale mais U aussi, différente, avec un développement en Afrique et ils y trouvent aussi leur compte ; vous comprendrez mieux, quand j'aurai décrit la nature des services proposés, qu'ils les intéressent.

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Je vous repose la question, monsieur Schelcher : quel est votre chiffre d'affaires à l'international ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Je suis désolé, je n'ai pas en tête notre chiffre d'affaires précis à l'international, mais je sais que cela représente quelque 200 millions d'euros d'achats à date en dehors du territoire français. Je vous fournirai ce chiffre ultérieurement.

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Donc, vous achetez l'équivalent de 200 millions d'euros de produits français que vous exportez.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Oui. Je conviens que ce n'est pas la plus grande part de notre chiffre d'affaires.

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Quel montant le groupement Système U récupère-t-il de l'ensemble de ces accords internationaux obtenus par le biais de son affiliation à Carrefour World Trade (C.W.T.) ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

La réponse à votre question relève du huis clos.

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Pascal Millory, directeur commercial

Ces données sont bien sûr confidentielles mais, outre cela, les négociations étant encore inabouties pour certains sujets, nous n'avons pas le rapport final de cette première campagne de négociation.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Mais nous pourrons vous donner une estimation.

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Vous avez décrit des négociations organisées en trois niveaux : avec 82 fournisseurs communs à Système U et à Carrefour d'une part, avec 113 autres fournisseurs et 309 PME d'autre part, et des discussions locales avec des centaines de fournisseurs. Quelle proportion de votre chiffre d'affaires représente chacun de ces trois niveaux ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

J'ai un chiffre très précis : la part des 82 fournisseurs avec lesquels la négociation se fait au niveau d'Envergure représente 35 % du chiffre d'affaires de nos magasins. Il est plus compliqué de distinguer la part des 400 fournisseurs français avec lesquels U négocie directement et la part locale mais, dans certains magasins, la part d'approvisionnement local représente à peu près 20 %. On peut donc estimer la part des 400 autres fournisseurs français au reste (100 moins 35 moins 20).

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Je vous serais reconnaissant de transmettre les chiffres précis à notre rapporteur.

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Vous avez fait état d'une collaboration constructive de votre groupement au moment de la discussion de la loi EGAlim, qui a encadré les promotions et interdit la vente à perte. Comment prenez-vous en compte ces éléments dans votre stratégie ? Quels sont les avis de vos interlocuteurs industriels à ce sujet ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

D'abord, contrairement à ce que certains avaient laissé croire, à gauche et à droite, il n'y a pas eu de choc psychologique parmi nos clients lorsque la loi est entrée en vigueur, le 1er janvier pour l'encadrement des promotions et le 1er février lors du relèvement du seuil de revente à perte. Il n'y a pas eu de mouvement massif des clients aux accueils des magasins pour demander des explications, ce qui signifie que le débat avait eu un effet pédagogique et provoqué une prise de conscience. Pour le volet « promotion », nous étions favorables à la loi depuis l'origine, car nous pensons que l'on était allé trop loin. Des promotions à -70 % n'ont plus de sens et il fallait les limiter. Simplement, la loi prévoit un dispositif de révision après deux ans et il faudra en user pour se pencher sur les difficultés que la disposition entraîne pour des PME productrices de quelques produits frais.

Ainsi, les ventes de foie gras sont très liées aux promotions de Noël et de Pâques et, à Pâques, ces ventes ont été mauvaises. Ce sont de premiers signes et, pour cette production comme pour d'autres que vous connaissez probablement et qui concernent pour beaucoup des PME, il faudra sans doute réagir, sinon les choses risquent de se compliquer pour elles.

Le relèvement du seuil de vente à perte est entré en vigueur au coeur du mouvement des Gilets jaunes, et donc des interrogations sur le pouvoir d'achat. Aussi, comme l'ensemble des acteurs du marché, lorsque le prix de certains produits a augmenté, nous avons essayé de trouver un équilibre pour les clients avec des baisses de prix par ailleurs. Nous construisons progressivement un nouvel équilibre de nos marges, mais cela se mesurera avec le temps. Voilà ce que je peux dire quelques mois après la mise en oeuvre de ces dispositions.

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Je reviens sur l'accord que vous avez conclu avec C.W.T. Un industriel de l'agroalimentaire qui ne réalise aucun chiffre d'affaires avec vous à l'international et qui vous dit ne pas avoir besoin des services internationaux que vous lui proposez puisqu'il ne vend qu'en France est-il en droit de les refuser et peut-il néanmoins passer à l'étape de la négociation avec Envergure pour que ses produits soient ensuite commercialisés dans vos rayons ?

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Pascal Millory, directeur commercial

Cela a été le cas cette année : les négociations d'Envergure se sont déroulées avec l'ensemble des industriels, nous avons un accord avec chacun et, pour autant, les négociations C.W.T. n'étaient pas terminées. Cela n'a pas empêché d'avoir un accord au niveau français.

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L'ensemble des industriels avec qui vous avez négocié ont participé aux négociations avec C.W.T. ?

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Pascal Millory, directeur commercial

Nous n'avons pas le résultat final.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Á la date butoir du 28 février, tout n'était pas bouclé. Mais je rappelle qu'il n'est pas question de référencement au niveau international. Donc si quelqu'un, à un moment, ne le souhaite pas…

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… ce n'est pas ce que nous ont dit certains industriels. Selon eux, les choses sont très claires : s'ils ne signent pas avec le groupement au sein de C.W.T., ils ne passent pas à l'étape suivante. Les mots sont peut-être très durs et très directs, mais ce sont ceux-là. Peut-être que vous, en votre qualité de président-directeur général, n'avez pas conscience de ce qui se passe dans les box, ce qui m'étonnerait un peu, mais c'est ce qui nous a été dit plusieurs fois, clairement, par des représentants de groupes qui n'ont pas le droit de se parler sous peine de très fortes sanctions et qui, prenant la parole devant une commission d'enquête, sont censés ne pas mentir.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

En tout cas, je n'ai donné aucune consigne dans le sens de ce que vous indiquez. Le fournisseur doit avoir de la liberté. On ne traite pas des questions de référencement au niveau international, on propose des services. Il y a donc une discussion et l'on se met d'accord. J'ajoute que, de toute façon, Système U ne pourrait pas se passer de ces 82 industriels. Admettons même qu'il y ait un désaccord profond : nous ne pourrions nous passer d'aucune de ces grandes marques importantes aux yeux de nos clients ; il n'est pas envisageable de ne pas les référencer.

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Nous sommes conscients que vous ne pouvez pas vous passer de vos fournisseurs, mais il est de notoriété nationale, et il nous a été dit de manière récurrente, qu'il y a dans les négociations commerciales en France un niveau de tension déplorable, sans équivalent dans d'autres pays d'Europe.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Que les négociations soient un moment particulier dans notre métier, je ne dirai pas le contraire. Je dirai simplement qu'à ma connaissance, chez Envergure il n'y a pas de box mais des bureaux ouverts, comme chez U, et que nous, dirigeants, avons toujours donné des consignes de discernement. Cela étant, je n'assiste pas à ce qui se passe ; il est vrai qu'il peut y avoir une certaine exigence parce que l'on se fixe des objectifs et que l'on essaye de les atteindre, mais certains acteurs de ce marché reconnaissent ce que nous faisons. C'est pourquoi j'insiste sur le fait que nous avons reçu l'année dernière le « Prix de l'enseigne préférée des PME » de la FEEF – ce qui veut dire l'enseigne préférée dans la discussion. J'étais présent pour la remise de ce Prix, et il y avait de très nombreuses entreprises dans la salle. Nous avons un dialogue tout à fait ouvert, mais nous sommes exigeants. Á titre personnel, je ne cautionne en rien les pratiques extrêmes et si vous avez eu à connaître de cas précis de pratiques extrêmes nous concernant, il faudra nous les communiquer et nous les traiterons. Á la sortie des négociations, il y a eu de nombreuses réunions, y compris au ministère ; on faisait le bilan avec toutes les organisations représentatives, et des choses très fortes ont été dites. Je suis allé – et j'ai demandé à Pascal Millory, ici présent, de le faire aussi – à la rencontre de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) pour savoir si nous étions concernés et par quoi ? Nous avons « mis des choses sur la table » et eu un dialogue très ouvert d'après-négociation, pour être sûrs qu'il n'y avait pas de pratiques extrêmes. Il nous a été dit que ce n'était pas forcément chez nous, mais force a été de constater que, oui, les pratiques les plus extrêmes avaient eu cours. Je vous le dis de la manière la plus nette : je serais intraitable si l'on me faisait part d'un comportement non respectueux de la loi ou de quelque pratique extrême que ce soit chez nous.

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Le relèvement du seuil de revente à perte avait déjà été tenté en 1996 et il avait eu pour effets pervers l'augmentation des prix, le développement des marges arrière et celui des marques de distributeurs pour contourner l'interdiction de la revente à perte ; qu'y a-t-il de changé cette fois qui empêcherait la reproduction des mêmes travers ? D'autre part, que dire du niveau des prix en France comparé à ce qu'il est chez nos voisins ? Enfin, quelles sont les retombées réelles du relèvement du seuil de revente à perte ? L'étude d'impact accompagnant le projet de loi EGAlim indiquait qu'en fait ce relèvement permettrait de rétablir les marges des distributeurs, ce qui est quelque peu en décalage avec le discours officiel selon lequel la disposition est destinée à mieux rémunérer les agriculteurs. Quelle garantie a-t-on que le gain de marge permis par le relèvement du seuil de revente à perte va bien aux fournisseurs et non à la grande distribution ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Je commencerai par répondre à votre question sur les prix. Je me propose de vous laisser quelques copies de la comparaison faite par Eurostat des niveaux de prix alimentaires et boissons non alcoolisées dans l'ensemble des pays européens en 2018. On y lit que quand la moyenne de l'Union européenne est à 100, la France est à 115 et l'Allemagne à 102. Je reprends l'exemple que je connais par coeur puisque mon magasin est à un kilomètre de la frontière allemande : l'essentiel de mes clients vont acheter les produits d'hygiène-beauté en Allemagne parce qu'ils y sont moins chers. La France est, de longue date, le pays où les multinationales qui vendent ces produits les vendent plus cher – ils le disent ! – et il suffit de traverser la frontière pour le constater. Les écarts au niveau européen sont patents, particulièrement avec les pays du Sud du continent : en Espagne, pour une moyenne européenne à 100, le niveau des prix est à 95. Nous avons beaucoup de magasins frontaliers et nous avons souvent eu une discussion avec les industriels pour essayer de trouver un équilibre, mais la porte est complètement close à ce sujet.

Bien sûr, comme cela ne concerne qu'une centaine de magasins, pour eux ce n'est pas un sujet et nous n'avons jamais réussi à faire bouger les lignes.

Pour ce qui est du relèvement du seuil de revente à perte, nous avons évidemment appliqué la loi de façon stricte et modifié les prix dès le 1er février. Dans la foulée, nous avons essayé de résoudre l'équation dont je parlais tout à l'heure. Il fallait prendre garde au pouvoir d'achat de nos clients, et si certains produits augmentaient très fortement, nous avons opéré une compensation sur nos produits à marque distributeur pour trouver un équilibre et faire que l'impact sur le panier ne soit pas trop fort.

Oui, on peut dire rapidement que le gain de marge dû au relèvement du seuil de revente à perte ne va que dans la poche des distributeurs mais, chez U, nous essayons de multiplier les accords pour la marque distributeur. Elle met en jeu des coopératives agricoles qui, pour nombre d'entre elles, sont mieux disantes que le prix du marché. Ainsi, l'an dernier, nous avons signé un accord avec la coopérative bretonne Triskalia pour toute la production à base de porc pour notre marque. L'accord contractuel est que le prix est défini en fonction des cours de production et il prévoit, étant donné les cahiers des charges que nous fixons, qui sont souvent de l'ordre de Bleu-Blanc-Coeur, le versement de suppléments de prix. Le jour de la signature avec la coopérative agricole, on signe en même temps avec l'industriel qui transformera le produit : c'est le fameux double bipartite, qui permet à la coopérative agricole d'être certaine du mécanisme de prix et de la valeur. Autrement dit, le gain de marge issu du relèvement du seuil de revente à perte nous permet, plus que jamais, de multiplier les accords de ce type, que nous pratiquions déjà.

Autre exemple : nous venons de faire un choix industriel avec un partenaire qui a investi 85 millions d'euros dans une usine située dans la Meuse, où seront produits tous nos yaourts pour la France. La discussion qui a eu lieu tout récemment avec les éleveurs laitiers me permet d'expliquer la décomposition du prix, là encore fixé contractuellement. On établit pour les groupements d'éleveurs laitiers concernés un prix-plancher en dessous duquel on ne descendra jamais, quoi qu'il arrive, même si les cours baissent demain ; on ajoute une prime « qualité du lait », ce qui est une pratique courante, et aussi des primes correspondant à nos propres considérations de qualité. La plupart des produits de ce groupement répondent au cahier des charges Bleu-Blanc-Coeur ; cela signifie une alimentation animale différente et la prime Bleu-Blanc-Coeur est de trois centimes au litre en plus. Mais tous les agriculteurs qui vont alimenter l'usine en question n'étaient pas encore convertis à ce cahier des charges ; s'ils jouent le jeu, ils percevront une prime de 1,5 centime au litre pendant la période de reconversion, puis elle passera à 3 centimes au litre. Un tel mécanisme conduit à des prix un peu plus élevés que le marché. Nous pourrions décider de fabriquer des yaourts de base avec du lait de base, mais nous ne le faisons pas ; cela permet de mieux rémunérer. De plus, avec cette usine, nous nous engageons pour cinq ans, et chacun y gagne, alors que toutes les négociations dont nous avons parlé portent sur une année. Nous nous efforçons de multiplier les accords de ce type, pour le lait bio par exemple.

Dernier exemple, auquel je tiens, et qui était dans l'esprit de la loi avant la loi : depuis 2016, nous avons signé avec la Fédération nationale bovine un accord sur « le coeur de gamme ». Nous ne sommes que deux distributeurs en France à avoir choisi de payer un peu plus cher toute la viande labellisée – charolaise, limousine, etc. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, 13 millions d'euros ont été prélevés sur nos marges et alloués au complément de prix payé aux éleveurs bovins. J'étais à la foire de Charolles, au coeur du pays charolais ; les agriculteurs présents avaient salué notre dispositif et celui de mon confrère qui procède de la même manière, et regretté que nous ne soyons pas plus nombreux à nous engager de la sorte au moment où les éleveurs de viande bovine connaissent des temps difficiles.

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Je rappelle que la commission d'enquête ne procède pas à l'évaluation de la loi consécutive aux États généraux de l'alimentation : elle se penche sur les négociations commerciales, et notamment sur l'articulation entre distributeurs, centrales d'achat et service central de négociation.

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Monsieur le président-directeur général, vous nous avez dit que vous, distributeur, représentiez à peine 1 % du chiffre d'affaires des grands industriels que vous avez en face de vous. Eux-mêmes nous font remarquer qu'en raison de votre multi-activité, ils ne pèsent en général pas beaucoup plus d'un pourcent du chiffre d'affaires de vos magasins. En somme, tout le monde nous sert le même argument, qui n'a pas de signification très tangible : le modèle étant celui de distributeurs faisant de toute façon appel à différents fournisseurs, ce qu'il faut, c'est trouver un équilibre. J'en viens donc aux promotions. Vous nous avez expliqué que vous essayez de bien faire ; or, j'ai en main un prospectus commercial de votre magasin, et je suis désolée de constater qu'en dépit des efforts que vous évoquez, des chips sont proposées à moins 60 %. Il est aussi beaucoup question de produits d'hygiène-beauté. Je connais bien l'Alsace et je sais la dureté de la concurrence pour ces produits, mais je vois que vous vous battez aussi avec des promotions considérables : ici un produit Elsève vendu à moins 60 %, là un produit pour lave-vaisselle à moins 80 %... Que faites-vous réellement à propos des sur-promotions ? S'il s'agit seulement de les reporter sur d'autres produits, où est la justice ?

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Pour compléter cette importante question, comment financez-vous une promotion à moins 80 % ? Sur le produit pour lave-vaisselle, quelle promotion vous est accordée par l'industriel et comment financez-vous le complément ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Vous avez cité mon magasin. En l'occurrence, je ne distribue que des tracts « Système U », et aucun tract « maison ». C'est donc une opération qui a été montée par le groupement, dont je n'ai pas les détails sous les yeux mais qui doit respecter le cadre légal. Vous avez mentionné des produits non alimentaires, qui ne sont pas concernés par le texte. Il faudrait vérifier, mais peut-être s'agissait-il d'une opération précise qui a eu lieu il y a quelques jours : c'était un jour férié en Allemagne et traditionnellement, à cette occasion, tous les magasins frontaliers de la coopérative régionale Système U-Est montent une opération visant à attirer les Allemands en Alsace et à dissuader les Français d'aller faire leurs courses en Allemagne. Nous faisons donc, de temps en temps, des opérations avec des prix percutants sur les produits d'hygiène. Même si ce n'est pas de cette opération qu'il s'agit, je pense que ces tracts respectent la loi, qui ne concerne pas le non-alimentaire. C'est un moyen, à un moment, de continuer à vendre des produits de beauté dans nos magasins à l'Est de la France, en attirant les gens et en évitant la fuite en Allemagne.

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Pascal Millory, directeur commercial

Le financement de ces promotions se fait d'une part avec des remises fournisseurs ponctuelles sur l'opération. Ce sont soit des remises immédiates qui s'imputent sur le prix de vente de l'article, soit ce que nous appelons des nouveaux instruments promotionnels, c'est-à-dire un avantage sur la carte de fidélité. Sur les avantages de la carte de fidélité en dehors de l'alimentaire, il nous arrive de compléter la participation des industriels pour pouvoir faire une opération au niveau du marché – car vous aurez constaté des promotions sur les produits d'hygiène ou de droguerie sur l'ensemble du marché, et de répondre ainsi au marché.

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Donc, si l'industriel finance 40 % de la remise sur un produit proposé à moins 80 %, vous ajoutez les 40 % restants pour arriver à zéro et ne pas vendre le produit à perte ?

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Pascal Millory, directeur commercial

Non, ce n'est pas une remise immédiate : nous donnons un avantage généré par l'achat du produit et cet avantage nourrit une carte de fidélité. Ce n'est donc pas le prix même du produit, mais un avantage acquis par son achat.

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Soit, mais s'il y a une carte de fidélité, un effort financier a lieu à un moment donné, et c'est donc bien vous qui payez le pourcentage de remise supplémentaire. Selon vous, quel est l'impact psychologique de ces opérations sur les clients ? Ne se sentent-ils pas floués ? Quelqu'un achète un certain produit et, soudainement, le voit vendu à moins 80 %. Ne se dit-il pas que si vous pouvez vendre avec une telle remise, vous devriez vendre à ce prix le reste du temps aussi, et qu'il se fait avoir ? D'autre part, prévenez-vous l'industriel à chaque fois que vous allez faire une opération à moins 80 % ? Il a peut-être une qualité de produit qu'il ne souhaite pas voir bradée à plus de 40 % de ce qu'il avait convenu avec vous ?

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Pascal Millory, directeur commercial

Je suis désolé de ne pouvoir vous répondre précisément à ce sujet car je ne participe pas à chacune des négociations à Genève. En revanche, par rapport à nos consommateurs, le phénomène se reproduit régulièrement sur ce marché. Je pense donc que c'est devenu une habitude. Nous sommes d'accord sur le fait que cela a entraîné des pratiques extrêmes, et c'est pourquoi vous avez réglementé la partie alimentaire. Á la rigueur, la réglementation aurait pu aller au-delà, évidemment. Il s'agit de compétitivité sur ce marché.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Ce ne serait pas un problème pour nous que les dispositions légales soient étendues au reste des produits, et c'est peut-être une conséquence que l'on doit tirer des premiers mois d'application de la loi. Mais, je l'ai dit, nous sommes sur un marché dont nous ne pouvons, seuls, nous déconnecter. Il me vient d'ailleurs à l'esprit un exemple. L'année dernière, lors des négociations 2018, on était déjà on était au coeur des débats de la loi EGAlim et nous avions accepté des hausses de la part de certains fournisseurs de crémerie, en ultra-frais ou en fromages, dans l'esprit des États généraux de l'alimentation, parce qu'il y avait déjà une tension sur le lait, en faisant le pari que nous ne serions pas les seuls. Mais nous avons très rapidement constaté que nous étions les seuls, un confrère excepté. Nous avons assumé le résultat de la négociation et laissé les prix en l'état mais, très rapidement, il y a eu une chute des ventes dans nos magasins et énormément de questions de clients demandant pourquoi nos prix étaient en décalage avec ceux de nos concurrents et disant qu'ils allaient acheter leurs yaourts ailleurs. Ce fut une leçon : les lignes bougent quand tout le monde bouge, sinon un commerçant peut être pénalisé. En effet, les remontées avaient été massives de toutes parts, mais nous avions assumé jusqu'au bout. Ce qui avait été bon pour les industriels a eu un fort impact sur notre activité et un peu sur notre image. Car si certains de nos clients sont prêts à payer un prix plus juste, toute une autre partie n'en a tout simplement pas les moyens. Autant dire que tout le monde doit bouger en même temps, sans quoi un déséquilibre se crée qui n'est pas tenable.

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Vous nous avez dit avoir jugé utile, à un moment, de vous allier à Carrefour au sein de la centrale d'achats Envergure. Mais vous aviez adopté depuis très longtemps le système d'achats communs : auparavant, Système U et Leclerc avaient créé la centrale d'achats commune Lucie avant de se séparer. Après quoi, vous vous êtes alliés avec Auchan. Maintenant, vous avez créé Envergure et rejoint C.W.T. Sauf erreur de ma part, il me semble que vous aviez dû mettre un terme à Lucie car le ministre Dominique Strauss-Kahn a considéré qu'il y avait un risque d'entente. Quelles dispositions législatives ont changé qui rendent possible maintenant ce qui ne l'était pas dans les années 2000 ? D'autre part, j'aimerais savoir ce que vous permet le statut de coopérative.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Le projet des présidents de Système U et de Leclerc de l'époque dépassait de beaucoup une simple alliance pour les achats.

Mes prédécesseurs visaient plutôt l'union de deux indépendants pour être plus forts, Leclerc devenant l'enseigne des hypermarchés et U l'enseigne des supermarchés. Mais il est de notoriété publique que les hommes se sont fâchés. Je n'ai pas connaissance que l'arrêt du projet ait été dû à des considérations politiques ; pour moi, ce sont les relations entre les hommes et la concurrence sur le terrain qui ont rendu la collaboration impossible.

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J'ai repris l'historique dressé par M. Michel-Édouard Leclerc, qui raconte ses déboires avec le ministre des finances de l'époque.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Ce n'est pas la lecture que j'ai de cette affaire. Pour nous, c'est la confrontation des hommes qui a fait capoter l'alliance. Á l'issue de cette collaboration qui a été un échec pour nous, U a connu, sans autres collaborations pour les achats en France, quelques-unes de ses meilleures années, caractérisées par une forte progression de son activité. Il y a eu d'autres collaborations au niveau européen avec d'autres partenaires, pour avoir une continuité. Tous les acteurs français ont aujourd'hui ce niveau européen qui, si nous ne l'avions pas, nous manquerait.

Nous avons continué notre activité de la sorte jusqu'à ce qu'au début des années 2010 nous constations qu'avec nos 10 % de parts de marché, les négociations devenaient compliquées avec certains fournisseurs. C'est alors qu'a germé l'idée d'une collaboration avec Auchan, qui a duré quelques années et que nous n'avons pas souhaité poursuivre au moment où elle s'est élargie à Casino. Nous avons alors décidé de nous tourner vers Carrefour, toujours avec le même souhait : avoir la même compétitivité que les autres acteurs du marché. J'ai la quasi-certitude que si nous n'avions pas l'ensemble des niveaux de compétitivité, nous n'existerions peut-être plus, en tout cas pas sous notre forme actuelle. Face à la puissance des autres acteurs, qui ont tous les niveaux de compétitivité, nous, qui sommes le plus petit, avions besoin de l'ensemble des niveaux et il nous a fallu trouver des partenaires.

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Vous nous avez dit tout à l'heure, à propos des chips vendues à moins 60 % comme produit d'appel, que, pour ne pas l'avoir vécue, vous ne savez pas exactement comment la négociation s'est faite. Mais comment sont évalués les acheteurs ? Quelle est leur fiche de poste ? Est-ce que, pour être augmentés, pour avoir une prime, ils doivent acheter encore moins cher que les autres ? L'intitulé de leur poste est-il bien « acheteur » et comment travaillent-ils ?

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Pascal Millory, directeur commercial

Leur titre est « chef de produit », parce qu'il leur revient de construire des assortiments, de construire une offre correspondant au marché de manière que notre groupement soit performant sur ce marché. D'ailleurs, ils entrent chez nous par la vente, parce que nous vivons au rythme de la part de marché – comme le président Schelcher le disait tout à l'heure, nous jouons là notre survie. Système U, qui représentait 5 % du marché national, en représente maintenant 10 %. Notre objectif est d'assurer la pérennité du groupement. À cette fin, nos équipes sont d'abord et avant tout orientées vers le développement du chiffre d'affaires, et développer le chiffre d'affaires, ce n'est pas seulement une question de prix d'achat : c'est avoir les bonnes références au bon moment dans les bons magasins et dans les bons niveaux de magasin, avec la bonne animation. Nos chefs de produit sont donc d'abord jugés sur le développement de la part de marché de Système U pour assurer sa pérennité, mais ils ont aussi des primes variables qui dépendent de leur comportement au regard de la défense des valeurs de U. Nous vous communiquerons la manière dont ils sont évalués et les critères qualitatifs qui entrent dans leur rémunération. En résumé, le sujet n'était pas l'achat, il n'y a pas des gens qui ne font qu'acheter : leur travail, c'est la relation commerciale pour pouvoir développer un chiffre d'affaires, ce qui fonctionne plutôt bien, puisque nos parts de marché croissent régulièrement ces dernières années.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Je me rends compte que je n'ai pas répondu à la question de Mme Leguille Balloy sur ce que nous permet le statut de coopérative.

Une coopérative de commerçants indépendants, c'est la mise en commun des outils logistiques, informatiques et de support en général. Cette coopérative n'a pas vocation à faire de résultat : la compétitivité générée va aux magasins et uniquement aux magasins ; nous n'avons pas de trésor de guerre chez nous et nous n'investissons pas à l'étranger ! La compétitivité dégagée par l'outil coopératif va aux points de vente pour assurer leur pérennité, voilà la différence

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J'aimerais que vous confirmiez clairement, pour le compte rendu, qu'aucun de vous n'a jamais eu écho d'une quelconque plainte de l'un des 82 industriels avec lesquels traite C.W.T. et que vous n'êtes pas au courant qu'un acheteur ou un négociateur, chez vous, aurait fait comprendre qu'il fallait payer les services du groupe U au niveau international pour pouvoir continuer de vendre au niveau local.

Dans un autre domaine, que devient la masse d'argent versée en Suisse pour l'achat des services internationaux de vos multiples magasins à l'international ? Le redonnez-vous à vos coopérateurs, reste-t-il Suisse et, s'il revient au siège social, quelle est sa fiscalité ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Je n'ai eu aucune connaissance de la part d'un collaborateur de Système U d'une difficulté ou d'un sujet entre C.W.T. et le référencement chez nous. Je n'ai eu aucune interpellation à ce titre, et si j'en avais eu une, nous l'aurions traitée.

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Des industriels sont-ils venus vous dire que leur groupe se sent lésé dans la contractualisation sur des services internationaux, parce que, bien qu'ils ne vendent pas à l'étranger avec vous, vous leur vendez des services dont ils n'ont pas besoin ? Avez-vous entendu un jour quelqu'un vous dire cela ? Y a-t-il une trace écrite ? Êtes-vous au courant de quelque chose de cet ordre ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Je n'ai pas eu de cas précis. J'ai été amené à expliquer, comme je le fais devant vous, le fonctionnement de C.W.T., mais je n'ai pas eu à traiter le cas précis d'un fournisseur.

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Thierry Desouches, responsable des relations extérieures

Je n'ai jamais entendu parler de ce genre de pratiques.

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Isabelle Kessler, directrice juridique

Nous avons peut-être reçu des courriers de deux fournisseurs internationaux. Je vérifierai.

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Vous êtes la directrice juridique du groupe. Je vous parle de 82 fournisseurs et je pense que vous êtes en mesure de savoir précisément si vous avez reçu un ou plusieurs courriers de ces 82 industriels disant : « Nous ne voulons pas des services à l'international que vous nous proposez, comment peut-on faire ? ». Vous semble-t-il normal à vous, directrice juridique, d'acheter des services à l'international que l'on n'utilisera pas ?

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Isabelle Kessler, directrice juridique

S'il y a des courriers, ils sont reçus d'abord par le service commercial. Le service juridique reçoit des milliers de courriers au moment des négociations ; ce seraient des courriers de fournisseurs internationaux, et ce peuvent être des postures de négociation.

En tout cas, s'il y a services, ce sont des services globaux rendus dans plusieurs pays, car U intervient dans d'autres pays que la France, et le tarif de ces services fait l'objet d'une négociation.

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Pascal Millory, directeur commercial

Pour ma part, je n'ai pas de connaissances précises de fournisseurs, mais nos équipes ont évidemment des discussions avec les industriels au sujet de l'international pour les motiver, sans aucune pratique abusive de déréférencement. Comme nous vous l'avons dit, ce qui nous anime, c'est d'obtenir les moyens de la compétitivité du marché. Aussi, dans le cadre des négociations, nous essayons de motiver en faveur des services que nous rendons, dans l'intérêt du fournisseur et de tout le monde.

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Donc, pour vous, un industriel motivé est aussi un industriel qui achète des services que vous pouvez lui fournir, même s'il n'en a pas besoin puisqu'il ne fait aucun chiffre d'affaires avec vous hors de France.

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Pascal Millory, directeur commercial

Il est logique que nous assurions la promotion des services rendus par C.W.T. et, dans ce cadre, par nous-mêmes, sans aucune pratique abusive ensuite dans la relation avec le fournisseur.

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Si la commission d'enquête, comme elle le peut, venait à procéder à un contrôle sur pièces et sur place de la facturation des services à ces 82 fournisseurs, elle ne trouverait pas de facturation les concernant de services à l'international alors même qu'ils ne vous fournissent aucun produit à l'étranger ? Est-ce bien ce que vous nous expliquez ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Nous sommes évidemment à votre disposition pour tout contrôle. Les choses sont faites dans les règles et les portes de Système U vous sont ouvertes pour tout contrôle sur ces questions.

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Notre président en raison de vouloir contrôler cette facturation. Un service a toujours un prix. Avez-vous une grille tarifaire par service ou le prix du service est-il un pourcentage du chiffre d'affaires ? Quand on compare le montant versé par certains industriels à des groupes comme le vôtre, au niveau international, le prix de certains services peut paraître très élevé, avec des ratios de cinq à dix suivant les prestations et, pour certains, selon ce qui nous a été dit au cours de différentes auditions, l'impossibilité de refuser vos services. Vous a-t-on déjà rapporté ce genre d'informations ? Madame la directrice juridique, avez-vous eu ces documents en main, et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) vous a-t-elle demandé ce genre de détails ?

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Isabelle Kessler, directrice juridique

De quels documents parlez-vous, monsieur le rapporteur ?

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Ceux qui retracent le prix réel du service proposé : est-il facturé au bon prix, ou dix fois trop cher ?

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Isabelle Kessler, directrice juridique

La jurisprudence est claire : les services ne sont pas barémisables.

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Cela signifie que si le président de la commission d'enquête et moi-même venons vous voir, nous ne trouverons pas trace de réunions catégorielles facturées 50 000 ou 100 000 euros l'heure ? Pour vous, c'est quelque chose qui n'existe pas, quelque chose de complètement abstrait ?

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Pascal Millory, directeur commercial

Il faut savoir que, pour C.W.T., nous n'avons pas connaissance des tarifs négociés. Il est prévu que nous ayons une rémunération de la part de CWT puisque nous agissons pour le compte de C.W.T. qui vend des services aux industriels. Nous n'avons donc pas la lecture.

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Pascal Millory, directeur commercial

…C.W.T. vend des services pour lequel nous agissons...

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… vous vendez des services à des industriels avec qui vous avez contractualisé via votre affiliation à C.W.T. mais vous ne maîtrisez ni le service, ni son coût. Vous êtes simplement rémunéré par C.W.T. pour une prestation dont vous ne maîtrisez même pas le prix, si bien que vous ne savez même pas combien C.W.T. vous rémunérera en fonction des services qui pourraient être proposés à des industriels.

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Pascal Millory, directeur commercial

Nous « prestons » ces services pour C.W.T. ; C.W.T. les négocie et il est prévu que C.W.T. nous envoie des masses, sans que, pour des questions de confidentialité, nous ayons connaissance de cette négociation.

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Pascal Millory, directeur commercial

Pardon : c'est une masse financière, un montant d'euros.

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On est bien loin du commerce de détail quand on parle de masses d'argent à Genève, monsieur le président-directeur général !

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Cela nous renvoie à votre question, à laquelle je n'ai pas répondu tout à l'heure, sur ce que devient l'argent versé en échange des services précis, dont un n'existe pas sur le marché français – les industriels y sont donc intéressés. Les sommes en question reviennent strictement en France. Comme la coopérative n'a pas à avoir de résultats en fin d'exercice, ces fonds participent de l'équilibre de notre budget et reviennent finalement aux magasins sans que rien n'en soit conservé. Ce qui est dû à l'administration fiscale est payé dans les règles, et rien ne reste à l'étranger. Je comprends que ces sommes soient perçues comme vous le décrivez mais elles sont essentielles à l'équilibre économique sans lequel nous serions en grave difficulté, parce que ce schéma vaut pour l'ensemble des acteurs du marché français, dont des concurrents internationaux.

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Je comprends la difficulté de la grande distribution, dont cette commission d'enquête n'a pas pour objet de détruire le modèle ou de le dénigrer. Mais vous venez d'expliquer que vous avez besoin du paiement de ces services pour survivre, et c'est ainsi que c'est ressenti par les acteurs du secteur. Je suis donc étonné de vous entendre dire que vous ne savez rien de ce qui se passe sur le terrain, alors que si les industriels ne souhaitaient pas contractualiser ces services puisqu'ils n'en ont pas besoin, vous seriez dans la panade. Je vous pose donc à nouveau la question : est-ce que, parce que vous avez besoin de cette somme d'argent pour survivre, vous exigez de vos équipes qu'elles mènent des négociations imposant à l'industrie agroalimentaire l'achat de ces services ? Je peux comprendre qu'il y ait des difficultés ; ce que je ne comprends pas, c'est que l'on impose à quelqu'un quelque chose qu'il ne souhaite pas.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Je n'ai jamais donné de consigne en ce sens, de consigne d'imposer. S'il devait y avoir des cas de ce type, qu'on les mette clairement sur la table et qu'on les traite. Nous avons eu d'autres collaborations internationales par le passé, qui ont été évoquées ; jamais nous n'avons été mis en défaut sur la nature des services que nous avions rendus au fil des ans. S'il devait y avoir un cas particulier, qu'on l'aborde et qu'on le traite, mais en tout cas, il n'y a pas de consigne de notre part. Je le redis, il s'agit de négocier des services, il n'est pas question de référencement, et nous avons besoin des produits de la plupart de ces fournisseurs dans nos rayons.

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Vous confirmez donc que l'intégralité des sommes facturées par ces centrales et qui vous reviennent sont intégralement reversées aux magasins Système U ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Il n'y a qu'une seule centrale, C.W.T., et la totalité de la somme revient en France, sans que rien ne soit conservé ailleurs. Ces fonds servent à boucler le budget de l'année. C'est donc de la compétitivité française qu'il est question, comme pour l'ensemble des acteurs du marché.

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Avez-vous un moyen de vérifier ce qui est facturé en termes de services ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Il est prévu dans notre contrat avec C.W.T. qu'un tiers de confiance peut faire un contrôle.

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Tous ces montages vous paraissent-ils conformes à l'éthique et aux valeurs portées par votre groupe ? Il n'y a rien de choquant dans tout cela ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Nous avons créé ces différentes alliances au fil du temps, dans le pur respect de la législation. Sur cette dimension-là, nous avons sans doute déjà été contrôlés, sans qu'il y ait de difficultés. Je comprends que, vu de l'extérieur, cela puisse interroger, mais la réalité économique fait que dans la compétitivité d'un commerçant français, aujourd'hui, l'ensemble de ces niveaux de négociation entre en jeu et un acteur ne pourrait en être exclu sans être mis en difficulté. Ces collaborations ont une histoire, l'organisation s'est faite ainsi et n'est pas une nouveauté, mais nous agissons dans le respect des lois.

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L'absence d'une grille compréhensible de rémunération des prestations ne vous paraît-elle pas gênante ? À tout consommateur qui s'apprête à acheter un des produits exposés sur vos rayonnages, vous présentez un prix ! Dans votre milieu, beaucoup de choses se disent, beaucoup de pratiques s'institutionnalisent mais j'ai le sentiment qu'en pratique, peu de choses s'écrivent dans les contrats. C'est peut-être pourquoi madame la directrice juridique a du mal à nous dire s'il y a des difficultés concernant les centrales et les relations commerciales. Tout cela ne vous gêne pas ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

À titre personnel, je serais bien plus à l'aise s'il y avait un barème – à condition qu'il s'impose à tous – mais aujourd'hui, la loi ne le permet pas. Je vous rejoins : on ne peut qu'appeler à ce que les règles soient plus claires pour que la négociation ne soit pas seule en jeu.

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Si je vous comprends bien, vous êtes un nouveau président-directeur général et la politique de prix cassés de votre groupe est due à ce que d'autres se sont acharnés à la guerre des prix et que vous avez suivi ; le regroupement avec Carrefour au sein d'Envergure s'explique par le fait que d'autres ont créé des groupements d'achats de ce type et que vous avez suivi ; de même pour la centrale de services C.W.T., qui facture sans grille. Vous aimeriez bien une plus grande transparence et une plus grande éthique, mais finalement, parce que telle est la pratique, sans définition trop précise ni des services ni des grilles de rémunérations, vous suivez, quelque peu à contrecoeur, un modèle qui n'est pas vraiment celui dont vous assurez la promotion auprès du consommateur et auprès de vos coopérateurs, celles et ceux qui dirigent les magasins U et que je pense pouvoir qualifier d'honnêtes gens. En somme, vous définissez un modèle et vous le faites vivre par des pratiques sérieusement contestables.

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J'ai également retenu de vos propos liminaires que ce que les autres font, on se doit de le faire : parce que les autres ont une centrale d'achats européenne et gagnent de l'argent avec les services pour rester compétitifs, je me dois de le faire aussi. Mais je vous sens embarrassé par cette démarche. Si, demain, on modifiait la loi pour mettre fin à la vente de ces services ou bien pour éclaircir les pratiques, soutiendriez-vous cette approche et, en votre qualité de président de Système U, diriez-vous : « Si tout le monde arrête de vendre des services, j'arrête ?».

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Les discussions que nous avons aujourd'hui doivent conduire à une organisation plus claire et qui ne soulève pas ce type de questions. Nous serons les premiers à appliquer toute disposition qui permettra de renforcer la clarté et dont vous, législateurs, trouverez qu'elle est plus juste.

Vous avez mis le doigt sur toute la complexité du modèle de Système U. Nous pouvons vous donner de très nombreux exemples de contractualisation extrêmement forte pour faire avancer les choses.

Je circule beaucoup en France, je passe beaucoup de temps sur le terrain, notamment avec les agriculteurs, et j'ai signé beaucoup de contrats. Nous essayons, sur toute la partie que nous maîtrisons, c'est-à-dire notre marque, d'être le plus exemplaires possible. Pour l'autre partie, l'organisation globale du marché et de la négociation est ainsi faite que si nous décidions seuls de nous en décrocher, nous serions en difficulté. Il y a donc, effectivement, cette prise en tenaille permanente, ces tiraillements, mais nous nous efforçons par tous les moyens et à de multiples reprises de développer des actions, des partenariats et des contractualisations qui aident les producteurs. Quand on les maîtrise bien, c'est gagnant-gagnant pour tous les acteurs : nous-mêmes, la coopérative agricole et le transformateur.

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À propos des pratiques du secteur de la grande distribution et des centrales d'achat, nous avons tout entendu depuis plusieurs semaines : déréférencements, pénalités logistiques, paiements pour compensation de marge… et nous avons des raisons objectives de croire ce qui nous a été dit sous serment, comme nous croyons ce que vous nous dites. Le système est devenu une machine infernale, et certaines centrales s'assimilent plus que tout autre chose à des centres de profit visant à pomper l'argent de vos fournisseurs. Cela fragilise l'industrie et l'industrie agroalimentaire françaises et donc, en amont, les producteurs agricoles notamment. Si l'on se situe dans la perspective d'un groupe international qui a des unités en France et dans d'autres pays européens, il aura plus intérêt à investir ailleurs pour répondre à votre volonté de prix bas et de négociations à outrance. On fragilise donc tout un système et finalement le consommateur creuse sa tombe en allant faire ses achats dans le secteur de la grande distribution. En fabriquant, depuis un demi-siècle, cette machine infernale des prix cassés et de la déconnexion totale entre le produit et son prix, on a complètement désorienté le consommateur.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Pour ce qui nous concerne, nous essayons de bouger certaines lignes, ce que nous maîtrisons. Mais tous les clients de France n'auront vraiment pas les moyens de payer plus cher. Certains le pourront, d'autres ne le pourront pas : le problème du pouvoir d'achat est réel. C'est pourquoi il faut persévérer dans la ligne de la loi Egalim. Si, comme je l'imagine, vous formulez des propositions, nous appliquerons ce que de droit pour que les pratiques soient plus vertueuses, mais nous ne pourrons être les seuls à le faire.

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Expliquez-nous exactement ce qui ne va pas, ce qui fait que l'on en soit arrivé là et ce que nous pourrions faire pour inverser la tendance et que la roue se remette à tourner dans le bon sens. À force de baisser les prix, vos adhérents se tirent une balle dans le pied et des magasins commencent à fermer.

Je vous sens plus ouvert que certains ; quelles seraient vos propositions visant à rééquilibrer les relations entre les agriculteurs, l'industrie agroalimentaire et la grande distribution ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Nos bilans sont centralisés et enregistrés aux greffes des tribunaux ; tout est public. Avant de répondre à votre question, je voudrais souligner à nouveau que le résultat net de nos magasins s'établit à 2 % et que dans une des régions de Système U, le résultat net est descendu à 1,3 %, un plus bas historique – ce n'est pas une plainte mais un constat. Or, le résultat net est ce qui nous permet de réinvestir. Dans le même temps, la plupart des industriels dont on parle affichent des taux de rentabilité à deux chiffres, souvent supérieurs à 15 %. Nous sommes un groupement de coopérateurs. Le résultat net fait vivre des PME locales que vous connaissez tous, dont les patrons réinvestissent en permanence pour moderniser leurs magasins. Cela n'a rien à voir avec un fonctionnement d'actionnariat qui exige de rendre des comptes et de donner sans cesse des dividendes, que ce soient les dividendes des groupes intégrés ou les dividendes pour ces grands industriels qui ont des ratios à tenir absolument. Nous sommes loin de ces ratios-là. Il faut tenir compte de cette réalité.

Pour ce qui est des propositions, je réitère celle qui consiste à faire ce que nous faisons pour les produits de notre marque : signer les contrats en présence des producteurs finals. Ils doivent être associés à la signature pour savoir quel prix sera effectivement payé. La loi EGAlim a permis un pas en avant considérable et va dans le bon sens, car les prix fixés par les interprofessions donnent un repère. Quelque chose a donc changé. Ensuite, la transparence doit s'imposer à absolument tout le monde. À ce sujet, j'étais à une réunion au ministère où siégeaient trois ministres et le médiateur des relations agricoles. Nous avons été totalement transparents et complets dans la transmission de nos données, mais ce n'a pas, et de loin, été le cas des autres acteurs. Ils doivent l'être tous sans exception pour que vous puissiez apprécier la totalité des chiffres.

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Il ressort de nos auditions que l'on est dans un système déflationniste puisque, chaque année, dans les négociations commerciales, une pression s'exerce vers le bas. Or notre pays connaissant, année après année, une inflation, il y a bien un différentiel, de l'argent qui va quelque part ; qu'en est-il ? D'autre part, en vous entendant dire que votre coopérative et en fait l'ensemble des groupes coopératifs ont des résultats très faibles, j'ai pensé que l'on allait droit dans le mur. D'un côté, il y a ceux qui subissent la déflation et qui, à un moment donné, vont tomber ; si vous ne faites pas de résultat non plus, vous tomberez aussi. Cette commission d'enquête vient au bon moment pour essayer de préserver cette filière et de la relever.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Ce n'est pas que nous ne faisons pas de résultat, c'est que le résultat, qui est de l'ordre de ce que j'ai dit tout à l'heure, n'est pas conservé au niveau de la coopérative. Nos bilans sont publics, vous pouvez les consulter et vous constaterez qu'ils sont à l'équilibre puisque la compétitivité va intégralement aux magasins. Quant à la déflation, c'est le sujet des négociations annuelles. Dans les faits, tous les fournisseurs ne sont pas en déflation. Chaque année, certains d'entre eux demandent des hausses que nous acceptons. Il y a eu beaucoup de cas cette année, pour le lait, le porc, la pomme de terre… D'autres, effectivement, sont à la baisse, mais l'année suivante, en fonction de ce qui nous est présenté, la discussion finira d'une façon différente, et d'autres fournisseurs seront à la hausse ou à la baisse. À la fin, il y a un équilibre global. C'est ce que montre le deuxième document dont je vous ai parlé et dont je laisserai une copie à Monsieur le rapporteur. Le problème est que quiconque, voulant faire un effort particulier, décroche du leader du marché, se met immédiatement en difficulté – c'est ce qui nous est arrivé l'année dernière, je vous l'ai dit, avec la crémerie, et nous avons été sanctionnés par les clients, mais nous l'avons assumé. C'est la question du marché pour la partie « grands industriels ».

En revanche, sur la partie « produits U », nous essayons constamment de compenser par les discussions au niveau local, avec des maraîchers, des biscuitiers, des charcutiers locaux. Il ne s'agit pas alors de grandes négociations mais d'accords très facilement « gagnant-gagnant » et qui se concluent très rapidement. Il y a donc plusieurs niveaux d'organisation à prendre en compte.

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En règle générale, à qui appartiennent le foncier et le bâti des magasins Système U ? Qu'en est-il pour vous par exemple ? Intégrez-vous dans le résultat des coopérateurs et des magasins Système U le résultat des SCI si des SCI possèdent les magasins ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Nous sommes le dernier groupement d'indépendants libres et à taille humaine. Aussi les patrons des magasins U sont propriétaires de leur fonds de commerce et de leur immobilier. Nous ferons tout pour qu'un jeune qui s'installe soit propriétaire de l'ensemble de son entreprise, au contraire d'autres groupements dans lesquels on est propriétaire de son fonds de commerce mais on ne le sera jamais de l'immobilier. Pour ce qui est du montage, j'imagine ce à quoi vous pensez. De mémoire, mais il faudra vérifier, entre 20 et 30 % des collègues n'ont pas inclus l'immobilier dans la structure d'exploitation. Pour les quelque 70 % restant, et c'est mon cas, tout est dans la même société ; l'immobilier n'est donc pas à part et le résultat de l'entreprise est celui de l'ensemble, sans que rien ne parte de-ci de-là.

Le repère de taille, dans notre groupement, c'est le « Super U de 3 000 m2 » à la campagne, sans grande galerie commerciale avec une multitude de locaux loués. Nous avons aussi quelques hypermarchés avec des retail parks et des systèmes de location, mais la très grande majorité de nos exploitants ne suivent pas ce modèle. Ce qui les fait vivre, c'est leur magasin ; éventuellement, de temps en temps, il y a une location à un coiffeur ou à un autre professionnel mais ce n'est pas significatif. J'ai moi-même trois petites locations à côté de mon magasin, dont les loyers n'ont pas bougé depuis des années. Nous sommes davantage dans le contexte local : chez nous, les gains ne se font pas par les loyers mais par l'exploitation du magasin. D'autres systèmes fonctionnent autrement, effectivement.

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Il n'y a pas cela « chez nous », dites-vous. La commission d'enquête devrait-elle proposer d'encadrer les pratiques de ceux qui, crois-je comprendre, vivent de la rentabilité locative de leur magasin et de la galerie marchande et ne gagnent pas d'argent sur la vente des produits ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Sans doute le sujet doit-il être abordé si l'on veut être complet et transparent.

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Il faudrait aussi aborder le montage institutionnel créé par grande distribution, ces centrales à tous les étages qui permettent différents niveaux de négociation. On peut légitimement s'interroger sur le fait que ces centrales internationales soient hébergées à l'étranger. En bon patriote, on pourrait imaginer que, puisque nous sommes les inventeurs de la grande distribution, une bonne partie de ces centrales soient établies en France. La question de la fiscalité afférente à ces montages juridiques est aussi posée.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Il faut simplement que tous les acteurs soient traités de la même façon ; c'est cela le plus important.

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Le Parlement et les Gouvernements successifs sont régulièrement à recherche de financements ; quand on voit les sommes en jeu en l'espèce, on se dit qu'il y a là deux sujets à creuser.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Pour lever toute ambiguïté, j'insiste : les sommes liées aux services que nous réalisons pour C.W.T. reviennent en totalité en France. Rien ne reste à l'étranger, et la fiscalité normale est acquittée. Système U ne cherche en rien à détourner quelque niveau de fiscalité que ce soit ou à conserver des fonds ailleurs qu'en France. Cela n'a jamais été le cas et cela ne le sera jamais chez nous.

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Comme je l'ai demandé au délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution, je vous prie de nous indiquer le salaire moyen d'un collaborateur travaillant dans un de vos magasins et qui a vingt-cinq à trente ans d'ancienneté. Il n'y a pas de grille tarifaire des services, mais il doit bien y avoir une grille de rémunération de vos collaborateurs.

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Tout dépend du poste et de l'ancienneté du collaborateur. Nous avons une grille conventionnelle négociée par les partenaires sociaux ; elle vient d'ailleurs d'être étendue par le ministère pour l'année 2019. Nous communiquons la grille conventionnelle applicable a minima et nous proposons toujours, en parallèle, une grille d'amélioration possible, en disant par exemple : « Vous pourriez même aller au-delà pour ce niveau ». La rémunération est fixée en fonction du niveau de responsabilité ; évidemment, plus il est élevé et plus nos collaborateurs sont rémunérés. Ils le sont sur treize mois, il y a une prime annuelle conventionnelle, dans bien des cas une participation au résultat, et un certain nombre de magasins pratiquent l'intéressement. Je dirais qu'un manager de rayon ayant une ancienneté de vingt-cinq ans peut gagner entre 2 000 et 2 500 euros nets. Pour la personne qui met en rayon, tout dépend de la politique du magasin ; ce sera un peu moins, avec un salaire sur treize mois, et l'on sera aux alentours d'un SMIC amélioré : de 1 400 à 1 500 euros sur treize mois, plus la participation, plus l'intéressement. Je préférerais traiter à huis clos du salaire d'un directeur de magasin.

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Vous arrive-t-il, au cours des négociations conduites en France, de déréférencer des produits ? Quels critères appliquez-vous pour accepter les hausses de tarif demandées par vos fournisseurs ou pour leur demander des baisses de prix ?

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Dominique Schelcher, président-directeur-général du groupement U Enseigne

Le déréférencement, c'est la vie de nos magasins. Notre première responsabilité, je vous l'ai dit, est de proposer dans chacun de nos sites le meilleur assortiment. Cela signifie que, chaque année, des produits entrent et d'autres sortent. Bien entendu, les produits leaders restent en permanence, mais il y a aussi des nouveautés qui ne percent pas et que nous éliminons de l'assortiment, et d'autres produits qui entrent chaque année. Il n'est pas inintéressant de savoir que dans les catalogues annuels de produits que nous apportent les industriels figurent entre 20 et 30 % de produits nouveaux. Cela signifie que les hausses et les baisses concernent, chaque année, les 70 % d'invariants qui étaient déjà en rayons l'année précédente ; quant aux 30 % de produits nouveaux, ils nous sont proposés à un tarif qui tient compte de la qualité du produit et, souvent, ces produits arrivent à ce prix sur le marché. Je comprends que le déréférencement puisse apparaître comme le résultat des négociations, mais en réalité c'est la vie des magasins. À partir du 1er avril, des produits sont arrêtés, des produits nouveaux commencent à arriver ; tout ce que les équipes ont négocié se met en oeuvre au printemps, avec des entrées et des sorties.

J'en viens aux critères qui nous font accepter une hausse ou demander une baisse de prix. Pour commencer, nous étudions les marchés des matières premières et nous fondons sur les cours – du sucre, du lait…– et dans ce cadre, la définition de prix de référence dans les interprofessions nous aide parce que cela nous donne un repère précis, résultant de la discussion entre tous les acteurs du marché ; c'est parfait. Ensuite, nous avons nos propres critères pour déterminer comment se porte tel marché, et les équipes se définissent des objectifs : nous accepterons la hausse de certains produis une année donnée parce que le cacao aura très fortement augmenté, mais une autre année il aura baissé. Nous essayons de tenir compte de ces données et de définir des critères objectifs pour répondre aux demandes qui nous sont faites.

(L'audition se poursuit à huis clos)

L'audition s'achève à vingt et une heures.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 18 h 30

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Danielle Brulebois, M. Yves Daniel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Kerlogot, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Cendra Motin, M. Hervé Pellois