La réunion, en visioconférence, débute à 14 heures (heure de Paris)
- à 2 heures en Polynésie, à 8 heures aux Antilles, à 9 heures en Guyane, à 10 heures à Saint-Pierre-et-Miquelon, à 15 heures à Mayotte, à 16 heures à La Réunion, à 23 heures en Nouvelle-Calédonie et à minuit à Wallis et Futuna.
Présidence de M. Olivier Serva, président
Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :
La Délégation procède à l'audition de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en charge du tourisme.
Nous accueillons M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en charge du tourisme.
Le tourisme constitue l'un des principaux moteurs de l'activité économique des départements et collectivités d'outre-mer. Ce secteur représente 8 à 10 % du produit intérieur brut mais dans certains archipels, la part du tourisme local est beaucoup plus importante.
Depuis la mi-mars, les activités touristiques ont été mises entre parenthèses. Les liaisons aériennes ont été fortement réduites et la plupart des hôtels ont fermé leurs portes. Les restaurants, les musées, les parcs animaliers ou de loisirs, tous ont cessé leur activité.
Le manque à gagner est énorme. Les mesures mises en place par le gouvernement ont amorti le choc économique mais pour autant, ces mesures sont temporaires et limitées.
Les questions qui se posent sont nombreuses et peuvent être regroupées en trois catégories :
- concernant le transport aérien, quelles sont les prévisions de desserte des outre-mer pour les mois de juillet et août ?
- quelles sont les conditions de quarantaine pour les touristes entrant dans les territoires ultramarins ?
- le flux touristique estival sera-t-il uniquement français ou également composé de touristes internationaux, indispensables à l'équilibre de l'écosystème touristique ?
Nous aborderons également la place réservée aux croisières ou encore le reconfinement de certains territoires.
Le tourisme est effectivement un moteur économique des territoires d'outre-mer. Les territoires ultramarins ont ainsi accueilli en 2013 2,5 millions de touristes, dont 700 000 touristes internationaux. Le tourisme y représente 10 % du PIB, soit un poids significatif. La mobilisation du gouvernement est et restera totale pour soutenir et relancer le tourisme outre-mer.
Compte tenu de l'interruption des transports à compter de la mise en place du confinement, le secteur du tourisme a été frappé de plein fouet et a payé un écot très lourd à cette pandémie. Les pertes sont ainsi estimées à 15 milliards d'euros par mois de confinement pour l'ensemble du tourisme national. C'est pourquoi il a été érigé en priorité nationale par le président de la République et qu'un plan global de 18 milliards d'euros a été annoncé en faveur de l'ensemble des territoires, métropolitain et ultramarins.
Depuis le début du déconfinement, des signes de reprise encourageants sont observés. Les réservations sont en hausse et la saison estivale devrait bénéficier d'un tourisme domestique plus important. Grâce aux territoires ultramarins, il est possible de faire le tour de monde en faisant le tour de la France.
Concernant spécifiquement les outre-mer, nous avons tenu à avoir des réunions avec les acteurs et les élus des territoires concernés (Caraïbes, Océan indien, Pacifique). J'ai par ailleurs plaidé pour que des feuilles de route territoriales et sectorielles soient élaborées par le Comité filière tourisme pour les territoires les plus touchés, dont les territoires ultramarins. Ces feuilles de route nous donnent un processus et une méthodologie pour poursuivre le travail dans les prochains mois.
Le Comité filière tourisme accueille des représentants du monde économique et du tourisme de l'Outre-mer.
Des fonds d'urgence ont également été bâtis en collaboration avec la banque des territoires. S'agissant des territoires ultramarins, ils ont bénéficié d'un abondement complémentaire. Alors que la banque des territoires accorde habituellement deux euros par habitant, l'abondement a permis d'atteindre cinq euros par habitant.
En matière de transport aérien, je rappelle que l'aéroport d'Orly a rouvert vendredi dernier. Il dessert les territoires d'outre-mer et monte en charge progressivement.
Compte tenu de la nécessité de concilier reprise et sécurité sanitaire, les évolutions ont été graduelles. Les réouvertures ont été progressives pour les activités touristiques et la fin de l'état d'urgence sanitaire prévue pour le 10 juillet devrait marquer une étape importante.
En plus de l'accroissement de la desserte aérienne des territoires ultramarins découlant de la suppression de l'autorisation de vol, la quatorzaine sera assouplie. Un test PCR devra être effectué dans les 48 à 72 heures précédant le vol, suivi d'un second test sept jours plus tard. Cette généralisation de l'expérimentation qui vous avait été présentée par Annick Girardin est bienvenue car la quatorzaine s'est révélée très pénalisante pour le secteur touristique ultramarin.
À propos des feuilles de route territoriales, les préfets et les hauts-commissaires ont été mandatés pour échanger avec les collectivités et les territoires et d'établir des diagnostics et des propositions d'actions.
Les premiers éléments qui nous sont parvenus révèlent que les collectivités ultramarines sont très mobilisées pour abonder les dispositifs nationaux et créer des dispositifs complémentaires. Elles ont aussi exprimé des attentes fortes concernant le rôle d'Atout France, bras armé de l'État en matière de tourisme, de promotion et d'ingénierie. Les territoires souhaitent aussi un renforcement des objectifs du tourisme durable et par ailleurs, plusieurs collectivités envisagent de déployer ces stratégies dans le cadre d'un contrat de destination.
Le trafic aérien est également un sujet de préoccupation récurrent. Les territoires s'interrogent sur la situation sanitaire des pays émetteurs de touristes – les États-Unis notamment – et s'inquiètent de la pérennité des compagnies aériennes qui assurent des dessertes locales.
Tous ces éléments sont en cours d'analyse et les feuilles de route devraient être finalisées d'ici la fin de l'année. Elles fixeront un cap à suivre.
Merci pour votre présentation. S'agissant de l'assouplissement de la quatorzaine et du second test à réaliser dans un délai de sept jours, je voudrais savoir si ce test est obligatoire ou facultatif.
Je rappelle que ce dispositif est toujours en cours d'expérimentation et devrait être généralisé à compter du 10 juillet.
Le deuxième test n'est pas facultatif et devra être réalisé. Pour s'en assurer, il n'est pas exclu que le résultat du test soit demandé lors du vol retour.
Saint-Pierre-et-Miquelon a été touchée au niveau touristique au même titre que les autres collectivités ultramarines. Ainsi, l'inquiétude est grande pour les hôtels qui ne pourront pas bénéficier des touristes nord-américains prévus cet été.
La situation de la compagnie aérienne locale Air Saint-Pierre est également préoccupante. Les vols ont été drastiquement réduits, avec un seul vol hebdomadaire vers le Canada. Malgré les aides perçues, la survie de la compagnie n'est pas assurée. Or, elle est essentielle pour notre territoire.
Nos compagnies aériennes ultramarines bénéficieront peut-être de Prêts garantis par l'État (PGE), mais n'y a-t-il pas un risque de distorsion de concurrence au vu des aides massives accordées à Air France ?
Je vous alerte sur cette situation car à l'instar d'Air France, Air Tahiti Nui est une compagnie d'intérêt stratégique. En Polynésie, le tourisme représente en effet 15 % à 20 % du PIB.
Il semblerait par ailleurs que l'ouverture du marché aérien à destination des États-Unis prévue ait été bloquée. Or, cette activité représente 40 % de notre marché. De même, nous n'avons pas d'autorisation pour les croisières. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ces sujets ?
Vous avez vanté le tourisme dans les territoires d'outre-mer et décrit les décisions qui ont été prises pour sauvegarder les emplois. Vous n'avez cependant mentionné aucun plan de relance du tourisme outre-mer. Un tel plan est-il prévu ?
Par ailleurs, la taxe de séjour n'a pas été perçue pour les mois de mars, avril, mai et juin. Je sais que vous avez décidé d'accompagner les collectivités locales sur la base des montants de 2019, et je vous en remercie. Je souhaite néanmoins attitrer votre attention sur la nécessité que ce versement soit le plus rapide possible. Les trésoreries des collectivités sont en effet dans une situation critique.
Enfin, pouvez-vous apporter des précisions sur l'attribution de chèques vacances qui a été annoncée ?
Nous avons travaillé au niveau européen sur l'ouverture aux flux de voyageurs internationaux. Nous avons abouti à une première liste de pays pour lesquels cette ouverture serait envisageable à compter du 1er juillet. Le Canada y figure mais en revanche, les États-Unis en sont absents.
La présence du Canada dans cette liste constitue donc un élément positif pour Saint-Pierre-et-Miquelon. S'agissant du Bassin Pacifique, l'Australie et la Nouvelle-Zélande en font aussi partie.
Concernant les hôtels, nous avons donné de la visibilité aux acteurs grâce à des aides qui se poursuivront jusqu'à la fin décembre 2020, notamment l'activité partielle et l'éligibilité au fonds de solidarité.
S'agissant des compagnies aériennes, je voudrais signaler que le secrétariat d'État aux transports suit individuellement chaque compagnie.
Par ailleurs, le transport aérien a été inscrit sur la liste S1 qui permet notamment de bénéficier d'une exonération totale de charges sociales pendant quatre mois.
Nous avons également accordé 300 millions d'euros pour les dépenses régaliennes des aéroports et éviter ainsi une hausse des redevances qui aurait pénalisé les compagnies aériennes.
À propos des croisières, il est prévu ans un premier temps de relancer le fluvial et le cabotage. Les croisières internationales pourraient, quant à elles, reprendre mi-juillet.
Je vous confirme par ailleurs que le plan de sauvetage du tourisme comprend une dimension plan de relance. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité l'élaboration de feuilles de route.
Concernant la taxe de séjour, elle est intégrée dans la compensation pour le bloc communal. Son versement est lié à l'examen du troisième projet de loi de finances rectificative prévu cette semaine.
S'agissant des chèques vacances, nous souhaitons que l'État puisse abonder les dispositifs mis en place par les régions et les territoires à hauteur de 40 millions d'euros. Or il me semble qu'à ce stade, seule La Réunion a choisi de mettre en place un dispositif de chèques vacances. Nous l'abonderons et nous le compléterons.
Je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les professionnels de Guyane avec leurs assureurs, au sujet de leurs pertes d'exploitation. Le refus d'indemnisation met en péril ces entreprises.
En outre, la Guyane est confrontée à plusieurs autres problèmes :
- très peu d'entreprises ont pu profiter des PGE. Or, certains hôtels éprouvent les pires difficultés à payer leurs salariés ;
- le fret aérien reste faible, ce qui perturbe de nombreuses entreprises du BTP ;
- la quatorzaine entre les Antilles et la Guyane limite les relations entre les entreprises des Antilles et leurs filiales guyanaises ;
- il convient également de se pencher sur la répartition des cinq vols qui devraient être autorisés chaque semaine pour Air France et Air Caraïbes. Beaucoup de clients de cette dernière n'ont toujours pas pu être réacheminés vers l'hexagone.
Quelles sont les mesures envisagées pour développer le tourisme durable dans les territoires ultramarins, et notamment l'écotourisme ?
Par ailleurs, concernant les ports de plaisance et le nautisme, il me semble extrêmement important d'apporter un soutien à leur modernisation.
Enfin, si le transport aérien est inscrit sur la liste S1, le transport maritime de passagers n'y figure pas. Ce pourrait être préjudiciable pour les territoires ultramarins.
Le tourisme guyanais traverse une crise profonde. Or, il pèse pour près de 12 % dans le PIB de la Guyane.
Début juin, la perte de recettes touristiques était déjà estimée à 350 millions d'euros pour l'année 2020. De plus, les taux d'occupation des hôtels pour les vacances scolaires s'annoncent en deçà de 15 %. De surcroît, le pic de l'épidémie de Covid-19 n'est attendu que pour la troisième semaine de juillet.
Si rien n'est fait pour aider le secteur à se relever, des milliers d'emplois seront supprimés alors que 20 % de la population active est déjà au chômage.
Les professionnels demandent donc une année blanche, seule mesure à même de leur permettre de surmonter cette crise et d'éviter la mise à mort du secteur touristique guyanais.
S'agissant des pertes d'exploitation, nous avons demandé une contribution accrue des assureurs. Lors du Comité interministériel du tourisme du 14 mai 2020, ils ont annoncé porter leur effort à un milliard d'euros. Pour autant, les attentes restent fortes et le débat n'est pas clos. Le parlement s'est doté des outils nécessaires pour réviser à la hausse la contribution des assureurs.
Concernant les PGE, nous avons mis en place une aide alternative au travers d'avances directes du Trésor.
S'agissant du transport aérien, Air Caraïbes et French Bee ont repris leurs vols depuis le 26 juin. Air Tahiti Nui reprendra ses vols commerciaux à compter du 3 juillet.
Le tourisme durable doit effectivement être développé et des leviers existent. Je crois d'ailleurs qu'il faudra mobiliser des crédits européens sur ce sujet.
Le transport maritime de passagers devrait être intégré dans la liste S1 des secteurs éligibles au dispositif d'aide.
La Guyane et Mayotte connaissent des mesures de confinement contraignantes qui dépassent ce que peut connaître le reste du territoire national. Je plaide donc pour que ces territoires puissent recevoir des aides supplémentaires. Les exonérations de charges pourraient ainsi être étendues au-delà de la période initiale de quatre mois. Les feuilles de route territoriales devront aussi prendre en compte le surcroît de période de confinement de ces territoires dans les outils à mobiliser pour la relance.
Je voudrais préciser que dans l'hémisphère sud, la haute saison pour les croisières se situe entre avril et septembre. Nous sommes donc dans une période cruciale pour la survie des entreprises locales.
Je relaierai votre message auprès de la Commission interministérielle de crise (CIC) qui se réunit régulièrement ainsi qu'au Conseil de défense.
Monsieur le ministre, qu'en est-il de la quatorzaine entre les Antilles et la Guyane ? Je me permets d'insister car elle empêche des chefs d'entreprise des Antilles de contrôler leurs affaires en Guyane.
J'ajoute que la Guyane ne semble pas être dans la concertation d'Atout France.
Enfin, les vols d'Air Caraïbes restent insuffisants et de nombreux clients sont toujours bloqués en Guyane. Les autorisations de vol sont très compliquées à obtenir.
La liaison hebdomadaire entre Cayenne et Fort-de-France est limitée pour motif sanitaire. J'entends néanmoins le besoin que vous exprimez et j'en ferai part aux instances et au Conseil de défense.
S'agissant de la relance du tourisme en Guyane, ce sont les préfets qui en sont chargés. Une note m'a ainsi été transmise par le préfet de Guyane, avec des propositions issues d'un travail avec la collectivité territoriale de Guyane. Je n'hésiterai pas à vous solliciter pour l'enrichir.
La Fédération nationale ADN Tourisme a mené une étude sur les intentions de départs en vacances des Français, mais uniquement pour les 13 régions métropolitaines. Les départements et territoires d'Outre-mer n'y figurent pas. Avons-nous été prudemment oubliés ou cette étude est-elle prévue ultérieurement ?
J'interrogerai Atout France à ce sujet.
Merci monsieur le ministre pour les réponses que vous nous avez apportées. Nous avons bien compris que le tourisme était une préoccupation majeure pour tout le monde, avec une acuité particulière en outre-mer.
La réunion s'est achevée à 15 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Lénaïck Adam, Mme Stéphanie Atger, M. Moetai Brotherson, M. Stéphane Claireaux, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sophie Panonacle, Mme Maina Sage, M. Olivier Serva, M. Gabriel Serville.
Excusés. – M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Danièle Obono, M. Alain Ramadier.