Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Réunion du lundi 15 juin 2020 à 15h30

Résumé de la réunion

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  • ARS
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  • gîtes
  • moustique
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COMMISSION D'ENQUÊTE CHARGÉE D'ÉVALUER LES RECHERCHES, LA PRÉVENTION ET LES POLITIQUES PUBLIQUES À MENER CONTRE LA PROPAGATION DES MOUSTIQUES AEDES ET DES MALADIES VECTORIELLES

Lundi 15 juin 2020

La séance est ouverte à quinze heures trente.

(Présidence de M. Philippe Michel-Kleisbauer, député)

La commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles procède à l'audition, par visioconférence, de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique de l'ARS Occitanie, et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS Occitanie.

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Nous poursuivons les auditions de la commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles.

Nous allons entendre à présent, depuis Montpellier, trois représentants de l'agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie : M. Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique de l'ARS et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS.

Nous avions prévu de vous rencontrer lors d'un déplacement d'une délégation de la commission d'enquête, déplacement qui a dû être annulé. L'audition de l'Entente interdépartemental de démoustication (EID) Méditerranée a également été l'occasion d'évoquer comment vous avez exercé les nouvelles compétences reconnues aux ARS en matière de lutte anti-vectorielle par le décret du 29 mars 2019.

Monsieur le directeur général, Mesdames, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de prendre le temps de répondre à nos questions.

Je vais vous passer la parole pour une intervention liminaire d'une dizaine ou quinzaine de minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses.

Je vous remercie également de nous déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations au cours de cette audition.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc, Mesdames, Monsieur, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

La région Occitanie est évidemment une région très concernée par ces questions. C'est une région relativement vaste, avec deux grandes zones urbaines, autour de l'agglomération toulousaine d'une part, et tout le long du littoral méditerranéen d'autre part.

Cette région a été touchée précocement par les questions liées à la lutte anti-vectorielle (LAV) puisque les départements du Gard et de l'Hérault sont touchés par le moustique tigre, depuis 2011 et que depuis l'ensemble de la région Occitanie est aujourd'hui largement touchée. La totalité des départements sont aujourd'hui colonisés, certains de manière relativement importante. Dans trois départements, le Gard, l'Hérault et les Pyrénées-Orientales, plus de 40 % du territoire est colonisé. Dix départements ont une partie plus faible de leur territoire qui est touchée, mais ont tout de même plus de 40 % de la population qui est touchée. Cela concerne donc la quasi-totalité des départements de l'Occitanie, à l'exception du Lot, de l'Aveyron et de la Lozère, c'est-à-dire des départements les plus au nord, relativement ruraux, de la région Occitanie.

Les impacts sont différents d'une année à l'autre. Si je prends les indicateurs d'activité, il y a une assez forte variation d'une année à l'autre et nous avons par exemple enregistré un pic sur le nombre de cas déclarés en 2016, avec 200 cas déclarés, puis 57 en 2017, 66 en 2018 et c'est enfin remonté à 109 en 2019. Les éléments sont donc assez variables, avec parfois des foyers autochtones : 12 cas de chikungunya en 2014, 7 cas de dengue en 2015, 3 cas de dengue en 2018, pour vous donner des repères.

Nous sommes donc dans une dynamique de colonisation et de risque, dynamique qui n'est pas spécifique à la région, avec des variations importantes d'une année à l'autre en fonction de l'actualité, en fonction des voyages, en fonction de toute une série de facteurs et d'éléments que nous ne maîtrisons pas complètement.

Je pense qu'il y a, dans cette région, une assez bonne conscience des difficultés compte tenu de l'ancienneté de la colonisation du moustique tigre, une mobilisation de l'ensemble des acteurs et une assez bonne connaissance de ce sujet de la part de la population, même si cela représente évidemment un enjeu très important.

Nous avons un opérateur très important, l'entente interdépartementale de démoustication (EID) Méditerranée, qui est implantée en Occitanie depuis longtemps puisque la démoustication a une longue histoire dans ces territoires.

L'ARS est évidemment très active sur les missions qui sont les siennes et qui ont été élargies au cours de la dernière période : la surveillance entomologique, la gestion des signalements, le traitement larvicide. Nous sommes en train de formaliser une stratégie régionale de lutte contre le moustique tigre, avec cinq axes à ce stade : la surveillance épidémiologique, la prise en charge médicale, la surveillance entomologique, la lutte anti-vectorielle ainsi que la communication et la mobilisation sociale.

Je voudrais insister sur ce dernier point. Il y a un enjeu très important de sensibilisation, de pédagogie, de formation, de mobilisation sociale autour de la lutte contre le moustique tigre. Nous avons essayé d'investir ce domaine de différentes manières avec, par exemple, un dispositif pédagogique de lutte anti-vectorielle qui a été porté par une association du groupement régional d'animation et d'information sur la nature et l'environnement (GRAINE) qui s'appelle GRAINE Occitanie. Ce projet qui se déroule depuis l'année 2017 permet essentiellement de former des formateurs. Ainsi trente-six animateurs ont été formés et vingt-six associations interviennent, réparties sur tout le territoire de la région. Ces acteurs vont faire des actions de sensibilisation auprès du public ou auprès des agents publics, en particulier auprès des agents des collectivités territoriales. Depuis que ce dispositif a été lancé, 15 000 personnes ont été touchées par ce dispositif, avec plus de 500 animations.

Nous avons essayé d'organiser une première journée de mutualisation des outils de sensibilisation à la LAV à Montpellier. Nous avons fait un appel à projets spécifique sur la lutte anti-vectorielle dans le cadre du dernier projet régional santé-environnement (PRSE) qui date de 2018. Des actions originales ont été proposées et vont être déclinées au niveau régional.

Nous avons aussi essayé de travailler avec les collectivités territoriales par le biais de la formation des agents des collectivités territoriales, en travaillant avec le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Nous avons créé un kit de sensibilisation aux gestes professionnels à mettre en place depuis la colonisation de la métropole par le moustique tigre, des micro-vidéos par métier, un module spécifique aux formateurs. Je crois d'ailleurs que cette série de propositions, après l'expérience initiée en Occitanie, a été reprise au niveau national dans le cadre des travaux de formation de la fonction publique territoriale.

Nous mettons également beaucoup de kits de communication à disposition des collectivités qui veulent informer et mobiliser leurs administrés. Nous essayons aussi, de plus en plus, de travailler sur l'insertion de la lutte anti-vectorielle, et en particulier de la lutte contre le moustique tigre, dans les contrats locaux de santé. Pour l'instant, nous ne sommes pas encore allés au bout de ce que nous voudrions. Nous développons ces contrats locaux de santé avec les collectivités territoriales, communes et intercommunalités. Nous contractons avec ces collectivités sur toute une série d'actions de santé et il nous semble que la lutte anti-vectorielle pourrait faire partie de ces dispositifs. Elle y serait incluse assez facilement et s'adapterait bien au travail de proximité qui peut être fait par les collectivités territoriales en lien avec l'agence régionale de santé.

Comme toutes les ARS, nous avons mis en place le nouveau dispositif réglementaire sur la lutte anti-vectorielle avec le transfert des responsabilités des conseils départementaux vers l'agence régionale de santé. Nous essayons donc vraiment de développer des actions sur la mobilisation sociale et il y a eu quelques initiatives intéressantes. Nous allons essayer de poursuivre dans ce sens, dans une région qui est consciente du sujet et dans laquelle ce type d'opération peut avoir, je crois, un bon écho.

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Pouvez-vous nous présenter les actions de lutte anti-vectorielle menées par l'ARS ? Comment vous préparez-vous à la prochaine saison haute de vecteurs ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Nous sommes de fait déjà rentrés dans la saison de lutte, puisque nous sommes dans la saison de surveillance depuis le 1er mai.

Du fait de la modification des textes, nous avons lancé en premier lieu la procédure d'habilitation. Monsieur le directeur général a signé l'arrêté d'habilitation le 6 janvier dernier.

Nous avons préparé et mis en œuvre un marché public pour les opérateurs qui souhaiteraient nous répondre. Nous avons attribué et notifié le marché à un seul opérateur sur l'ensemble de la région, de façon à ce qu'il puisse intervenir.

Nous avons donc un opérateur dans le cadre des textes tels qu'ils sont à l'heure actuelle. Nous continuons à travailler évidemment sur tout ce qu'a expliqué M. Ricordeau concernant la mobilisation sociale, même si, en ces temps de Covid-19, il faut réajuster notre façon de procéder.

Nous avons déjà mené quelques enquêtes et fait des traitements puisque nous avons eu quelques retours, même s'il y a peu de voyages.

Côté suivi, nous avons envoyé dernièrement à tous les établissements de santé et aux professionnels de santé, en lien avec nos collègues de Santé publique France, les fiches pour la déclaration des cas, mobilisé les laboratoires et les établissements de santé, notamment tous ceux où il y a un centre d'accueil d'urgence. Nous leur avons annoncé que, dans le cadre du marché, nous demandons à notre opérateur de réaliser des diagnostics pour faciliter aux établissements la prise en charge de la lutte anti-vectorielle sur leur territoire, compte tenu du contexte général de notre région.

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Comment se passe la surveillance entomologique au niveau des points d'entrée, ports et aéroports ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les pièges pondoirs que vous avez mis en place ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Nous avons mis en place dans un premier temps un réseau de pièges pondoirs. Il se trouve que le texte que nous appliquons, l'arrêté du 23 juillet 2019, est extrêmement lourd en termes de mise en place de pièges. À l'instar de la quasi-totalité de la totalité des régions de France, puisque nous avons eu des réunions de coordination entre les différentes régions, nous avons revu plutôt à la baisse la mise en place des pièges parce que c'était financièrement trop lourd par rapport aux finances qui sont attribuées à l'ARS sur le sujet.

Nous avons quand même respecté l'esprit du texte, en installant des pièges autour des zones colonisées pour essayer de voir où se développe la colonisation. Dans tous les endroits où il y a des services d'accueil des urgences (SAU), nous avons mis des pièges. Conformément au Règlement sanitaire international (RSI), tous les points d'entrée du territoire sont également équipés, à la fois de pièges pondoirs et de pièges pour adultes, de façon à voir si nous récoltons des vecteurs autres que des Aedes. Les pièges pondoirs sont quand même très spécifiques des Aedes et nous avons donc mis en place au moins un piège pour adultes par point d'entrée du territoire. Selon l'évolution de la situation, nous pourrons réajuster notre façon de gérer les pièges.

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Mme Annelise Tran nous a présenté lors de son audition les outils de modélisation des populations d' Aedes albopictus, Arbocarto et AlboRun. Elle nous a indiqué que Montpellier faisait partie des sites pilotes. Où en est l'utilisation de ces outils par vos services ? Quelles interactions y a-t-il avec le site signalement-moustique.fr ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

L'interaction entre les deux sites est extrêmement ténue puisque Arbocarto est une modélisation d'une réponse au territoire et à la climatologie alors que signalement-moustique.fr est un outil de déclaration et de suivi des déclarations de présence faites par le public. Ce sont deux façons différentes d'appréhender la colonisation. L'une est proactive à destination du public tandis que l'autre est une modélisation destinée à nous renseigner, notamment sur la présence des moustiques au niveau des îlots regroupés pour l'information statistique (IRIS) dans les métropoles, pour connaître les zones plus sujettes à un développement de moustiques.

Pour l'instant, nous démarrons avec cet outil et nous n'avons pas encore un gros recul. Je pense qu'il va être très intéressant à l'avenir pour nous permettre de proposer aux collectivités de cibler les IRIS et les quartiers comme les quartiers résidentiels dans lesquels il y a le plus de risque de développement des Aedes albopictus de façon à mobiliser la population à bon escient. Cela permettra aussi peut-être d'avoir une vision et un suivi de la colonisation, notamment par les pièges, qui soit un peu plus ciblé à l'avenir. Cela peut aussi nous aider, si d'aventure nous avions un foyer qui s'étendait et devenait assez important, pour prioriser les zones d'intervention notamment.

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Nous avons soutenu cette opération Arbocarto qui nous paraît très intéressante et dont le champ d'action pourrait être étendu. C'est quelque chose qui nous permet de prévoir et de modéliser les endroits qui sont les plus susceptibles de recevoir des moustiques.

Nous nous sommes mis d'accord avec Mme Annelise Tran pour faire une vérification a posteriori de la validité du modèle, c'est-à-dire vérifier ce que disait le modèle en comparant avec ce que nous aurons constaté réellement. Cela devrait pouvoir se faire bientôt et permettra de contrôler la validité du modèle, peut-être de le faire évoluer.

C'est en tout cas un élément complémentaire du site de signalement. Le site s'intéresse plutôt à ce que l'on constate, à ce que les citoyens constatent comme présence du moustique. Il faut espérer que les choses convergent, bien sûr, mais ce n'est pas la même façon d'aborder le sujet.

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Certaines campagnes de lutte contre les moustiques font l'objet de recours administratifs de la part d'associations, notamment pour insuffisance de l'évaluation des incidences sur les sites Natura 2000. Comment intégrez-vous ces critiques ? Avez-vous des liens avec le monde associatif ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Nous avons des liens avec le monde associatif, mais il se trouve que, dans notre région, nous avons eu assez peu de recours, voire pas du tout de mémoire, par des associations de protection de la nature. Par contre, nous avons eu des recours par des apiculteurs et des jardiniers ou cultivateurs biologiques.

Dans le cas des apiculteurs, comme nous diffusons des biocides qui sont ciblés sur les insectes, les abeilles et tous les autres hyménoptères sont sensibles à ces produits. Lorsque nous faisons un traitement, les apiculteurs ont donc des craintes pour la façon dont cela va se passer avec leurs ruches. Pour l'instant, nous n'avons jamais eu de problème concret avec des ruches mais nous avons été appelés plusieurs fois pour des craintes, éventuellement qui se retrouvaient dans la presse et qui étaient un peu difficiles à gérer.

Nous souhaiterions, si c'était possible, qu'il y ait une négociation au niveau national pour avoir une position qui soit plus facile et plus objectivée au niveau local.

En Occitanie, nous avons travaillé avec la fédération et la direction régionale de l'agriculture qui gèrent les apiculteurs pour avoir un protocole local d'entente. Les apiculteurs sont ainsi systématiquement informés 24 heures avant le traitement, de façon à ce qu'ils puissent intervenir, soit en fermant leurs ruches, soit en les déplaçant.

Pour tout ce qui est agriculture biologique, nous n'avons pas encore de protocole local. Nous avons commencé à engager des pourparlers, mais nous nous sommes heurtés au fait qu'il y a plusieurs labellisations possibles en agriculture biologique, qu'elles n'ont pas toutes les mêmes caractéristiques et que ce sont des labellisations nationales. Nous n'avons pas trouvé d'interlocuteur régional pour aboutir sur cette réflexion et nous souhaiterions là aussi, travailler avec les instances qui donnent les labels au niveau national si c'était possible pour avoir une conduite à tenir. Je pense que cela serait enrichissant et utile pour toutes les ARS.

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Comment gérez-vous les questions de l'information au public ? Quel bilan faites-vous des campagnes de sensibilisation ? Quels sont les messages les plus efficaces ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

M. Ricordeau vous a décrit rapidement les différents outils que nous avons mis en place pour l'information du public.

Avant tout traitement, l'opérateur désigné fait systématiquement une information dans toutes les boîtes aux lettres du secteur pour expliquer la conduite à tenir par rapport à ce traitement.

Nous donnons aussi les informations aux centres antipoison : systématiquement, celui-ci est informé en amont des traitements, de façon à faire le lien le plus rapidement possible en cas de problème sur le terrain. Pour l'instant, nous n'avons jamais eu de retour négatif, mais nous avons mis ce système en place et il perdure depuis le début de la lutte anti-vectorielle dans la région.

Nous avons dû gérer trois fois des refus de traitement. À chaque fois, nous avons travaillé, en tant qu'agence, à faire de l'information auprès des personnes qui étaient récalcitrantes et qui ne souhaitaient pas avoir de traitement, en expliquant, et nous avons fini par pouvoir faire le traitement en accord avec la population, après avoir bien expliqué le dispositif.

En ce qui concerne l'efficacité des campagnes de sensibilisation, la question se pose de savoir quel type d'efficacité on vise, dans le sens où la lutte anti-vectorielle comporte plusieurs messages. Il y a le fait de pouvoir comprendre le dispositif et notamment d'accepter des traitements à côté de chez soi. Il y a le fait d'être conscient que chacun produit des gîtes, ce qui demande effectivement une mobilisation locale. Ainsi, suite à des travaux qui avaient été menés, une mobilisation dans un quartier de Toulouse a été mise en place par les habitants eux-mêmes qui se sont automobilisés et se sont saisis des messages. Je pense que ce genre de choses serait à promouvoir mais il reste à trouver la bonne échelle pour ce faire.

Nous avons actuellement une campagne d'implication des agents des collectivités car, même si 80 % des lieux de ponte sont chez les particuliers, il y en a quand même au moins 20 %, voire peut-être un peu plus, dans des lieux publics. Il est donc important que la collectivité soit mobilisée sur ces lieux pour donner l'exemple, qu'elle soit consciente des risques et de la façon de gérer ces lieux de ponte pour pouvoir l'expliquer aux populations, pouvoir permettre aux populations de comprendre les messages et de bien les interpréter.

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Dans la région, les collectivités sont quand même très mobilisées. De nombreuses campagnes de communication et d'information sont menées par les collectivités, les grandes comme les plus petites. Nous essayons de les appuyer lorsque cela nous est demandé. Comme je le disais au début, nous sommes dans une région où le degré de sensibilisation sur le sujet est déjà important.

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Le décret du 29 mars 2019 confie aux ARS de nombreuses compétences en matière de démoustication, notamment en matière de surveillance des vecteurs et de lutte anti-vectorielle, à rebours du transfert de compétences vers les départements opéré en 2004. L'essentiel de ces dispositions est entré en vigueur au 1er janvier 2020. En dépit de ce temps d'application encore réduit, quel regard portez-vous à ce stade sur cette recentralisation ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Les choix qui ont conduit à cette recentralisation en France étaient liés à la volonté d'avoir une certaine homogénéité de pratiques sur l'ensemble du territoire et d'avoir une application de la lutte anti-vectorielle à un niveau suffisant sur l'ensemble du territoire. Ce n'était pas une demande particulière des agences régionales de santé. Cette recentralisation ne doit surtout pas signifier un désengagement des collectivités territoriales qui, à mon sens, ont un rôle extrêmement important à jouer, notamment dans la mobilisation sociale autour de cette problématique.

Je n'ai pas d'avis particulier sur la recentralisation elle-même. Elle a été décidée dans des délais relativement courts. Nous avons essayé de la mettre en œuvre dans ces conditions de délais relativement courts et cela a pu être réalisé. C'est maintenant opérationnel.

Je pense qu'il faut voir cette recentralisation comme une volonté d'avoir des outils à peu près homogènes sur l'ensemble du territoire mais, à mon sens, ce serait vraiment un mauvais message si c'était compris comme une volonté de désengagement des collectivités territoriales qui me semblent incontournables, en particulier les communes.

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Le décret octroie des prérogatives nouvelles aux maires. Le maire peut ainsi prescrire aux propriétaires de terrains comportant des mares ou des fossés à eau stagnante au voisinage d'habitations de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour lutter contre le développement de moustiques vecteurs. Il peut également désigner un référent technique chargé de ces questions. Dans quelle mesure vos relations avec les maires ont-elles évolué ou sont-elles amenées à évoluer à la suite de ces nouvelles dispositions ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Ces dispositions existaient en réalité déjà mais elles étaient réparties dans différents textes. L'intérêt du décret est qu'il donne une cohérence à l'implication de la collectivité locale.

En ce qui concerne la création d'un référent communal, nous avions essayé de le faire depuis déjà plusieurs années. Cela n'est pas simple, en particulier pour les toutes petites communes, parce que d'autres textes demandent aussi la désignation d'un référent dans d'autres domaines, par exemple pour l'ambroisie. Les collectivités se retrouvent à avoir des référents différents pour les différentes thématiques. Il faudrait peut-être réfléchir à avoir un référent pour la santé environnementale et éventuellement pour les bons gestes en termes de santé et de prévention santé environnementale. Cela pourrait être un moyen terme, peut-être plus efficace.

Certaines collectivités se sont déjà lancées dans ce travail. Je vous ai parlé de ce qu'il s'est passé à Toulouse. Il existe d'autres choses, que nous appuyons peut-être un peu moins. Par exemple, à Montauban, la collectivité souhaite s'impliquer mais en voulant faire des traitements biocides réguliers. Il faut donc repartir sur la pédagogie et expliquer à la collectivité que ce n'est pas une solution, que cela fait plutôt courir un risque aux administrés à long terme. La commune de Narbonne a lancé des initiatives de mobilisation de ses populations sur les gîtes et souhaite travailler sur les plans locaux des risques. Je pense que cela serait un très bon relais pour la préparation aux épidémies que de pouvoir travailler sur ce chapitre au niveau des collectivités locales. Nous ferons un galop d'essai avec la commune de Narbonne si elle va jusqu'au bout de son idée.

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

C'est pourquoi, comme je le disais en introduction, je pense qu'il y a vraiment matière à coopération avec les communes qui souhaitent s'engager. Un outil comme le contrat local de santé peut, de plus en plus, s'étendre à des logiques de santé environnementale car ces questions sont vraiment maintenant au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Je trouve que ce serait une façon de progresser ensemble sur ce type de sujet. On voit que beaucoup de communes y sont prêtes.

Le contrat local de santé serait une façon de se mettre d'accord sur des objectifs, sur des méthodes, peut-être sur des financements qui nous permettraient d'avancer. On voit qu'il faudrait plutôt un référent santé environnementale, parce que les contrats locaux de santé contiendront plusieurs problématiques différentes mais qui nécessitent le même type de travail, c'est-à-dire information de la population, mobilisation, pédagogie, etc. et que les aspirations de nos concitoyens, leurs craintes et leurs attentes, sont assez proches sur les différents sujets.

Nous pourrions donc travailler sur la santé environnementale de manière plus globale, avec des référents qui ne suivraient peut-être pas que l'alarme mais plusieurs situations. Cela pourrait être un bon compromis, en travaillant dans le cadre de contrats locaux de santé pour se mettre d'accord sur des objectifs, des actions et pour mobiliser par exemple des associations. Mobiliser l'ensemble des associations pour travailler sur tel ou tel sujet est quelque chose que nous faisons beaucoup dans le cadre des contrats locaux de santé.

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La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a présenté il y a deux semaines un bilan critique de la coordination entre les collectivités territoriales et les ARS. Ces critiques vous semblent-elles pertinentes, en particulier en Occitanie ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Ce n'était pas sur le sujet spécifiquement de la LAV.

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Le sujet est un peu compliqué. Il y a évidemment un travail très important à mener entre les ARS et les collectivités territoriales. Je donnais l'exemple des contrats locaux de santé qui me semblent être un bon outil, un outil apprécié je crois par les collectivités locales.

Nous avons beaucoup d'instances judiciaires de travail en commun comme les instances de démocratie sanitaire. Nous travaillons ensemble de façon presque permanente sur les questions médico-sociales. Nous avons donc de nombreuses occasions de travaux communs entre les agences régionales de santé et les collectivités territoriales, que ce soit par les contrats locaux de santé qui permettent d'aborder l'ensemble des questions de santé sur le territoire de l'agglomération, par le travail avec les conseils départementaux sur les aspects médico-sociaux ou les questions sociales, que ce soit dans le cadre des instances de démocratie sanitaire, qui accompagnent l'ARS et dans lesquelles les collectivités territoriales sont représentées tant au niveau régional qu'au niveau départemental, c'est-à-dire dans les conseils territoriaux de santé.

Il y a une attente d'approfondissement de ces relations. Il me semble que, dans la région Occitanie, cela se passe relativement correctement mais, évidemment, c'est une appréciation unilatérale.

Je pense qu'il faut trouver les occasions de travailler le plus possible en commun, en particulier avec les communes et avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il faut trouver le bon niveau pour collaborer et l'EPCI peut parfois être le bon niveau de travail en ce qui concerne les questions de santé.

La mise en place dans chaque département d'un comité qui regroupe l'ARS et des élus pour parler de l'ensemble des questions de santé est prévue dans la loi de modernisation de notre système de santé. Ces comités n'ont pas encore pu être mis en place parce qu'il y avait le processus des élections municipales d'abord, puis la Covid-19, mais cela va intervenir maintenant.

Des commissions de coordination des politiques publiques existaient déjà, mais leur champ a été élargi aux questions d'organisation de santé par la dernière loi de modernisation de notre système de santé. Je pense que ces dispositions, qui n'ont pas encore été mises en place, devraient permettre d'améliorer les choses.

Enfin, il y a ce qui sera décidé dans le cadre du Ségur de la santé. Il est clair qu'il faut trouver, accélérer et accroître les occasions de dialogue entre ARS et collectivités territoriales.

Personnellement, je pense vraiment que l'outil du contrat local de santé pourrait être développé sur l'ensemble des territoires. Il faut que les collectivités le souhaitent parce que, dans le contrat local de santé, nous sommes vraiment sur le terrain d'une agglomération. Cela correspond à un bassin de vie. On y traite de toutes les questions de santé, des questions de santé environnementale mais aussi des questions d'accès aux soins, des questions d'organisation de santé. C'est un cadre qui permet d'échanger sur l'ensemble des questions qui concernent la santé.

Je ne dis pas que la situation actuelle est parfaite mais je pense qu'il y a des outils dont il faut que nous nous saisissions pour aller le plus loin possible dans cette concertation avec les collectivités territoriales, en particulier au sujet de la LAV pour laquelle l'action au niveau d'une commune est vraiment essentielle.

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Le décret du 29 mars permet aux ARS de confier les mesures de lutte anti-vectorielle à des organismes privés sur habilitation. Où en est l'ARS Occitanie dans cette évolution réglementaire et pratique ? Comment se déroule le processus d'habilitation ? Avez-vous d'ores et déjà habilité des organismes privés et, si oui, lesquels ? Procédez-vous par appel d'offres ? Qui a répondu ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Nous avons bien sûr mis en place l'ensemble du dispositif du décret, puisqu'il fallait qu'il soit opérationnel pour la campagne de cette année, même si, il faut le dire, l'exercice a évidemment été compliqué à cause de la crise de la Covid-19. Le processus avait été lancé avant la crise et il a pu être achevé pendant la crise.

Nous avons lancé l'appel à candidatures pour l'habilitation en août 2019. J'ai signé l'arrêté d'habilitation le 6 janvier 2020. Nous avons habilité neuf organismes, publics ou privés, deux sur l'ensemble de la région et les autres sur une partie de la région seulement. Par ailleurs, ces neuf organismes ont pu être habilités pour la totalité des missions ou pour certaines des missions, puisque c'était ce que permettait le dispositif d'habilitation.

Sur la base de ces habilitations, un appel d'offres a été lancé en mars 2020, avec des lots départementaux. Ce marché a donc été lancé à l'un des moments les plus compliqués de la crise de la Covid-19, mais nous avons eu des réponses pour l'ensemble des lots départementaux. Nous avons eu une réponse qui couvrait l'ensemble des départements de la région de la part de l'un des deux opérateurs habilités sur toute la région. Trois autres opérateurs ont répondu sur certains des départements, soit en association avec le précédent opérateur Altopictus, soit seul dans un cas, pour le département de la Haute-Garonne.

Nous avons donc pu, ce qui n'a pas été à ma connaissance la situation dans toutes les régions, attribuer le marché dans chacun des départements. Cela a été fait le 18 mai 2020. Le système est maintenant opérationnel et, comme l'a expliqué tout à l'heure Mme Isabelle Moussion, l'opérateur a déjà eu à intervenir pour la présente campagne, en particulier dans les départements de l'Hérault et de l'Ariège.

Pour être tout à fait clair et transparent, il y a un opérateur qui n'a pas candidaté sur le marché, qui est l'EID Méditerranée. Il n'a donc pas pu être retenu dans le cadre de ce marché puisqu'il n'a pas déposé d'offre, alors qu'il était habilité.

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Absolument pas. Pour être clair, je ne suis pas sûr d'avoir compris pourquoi, si ce n'est qu'il avait dit dans les échanges précédents qu'il considérait qu'il ne pouvait pas répondre à un marché, parce qu'il était un organisme issu de personnes publiques. Il y avait une hostilité à la procédure de marché. Toutefois, il avait bien fait la procédure d'habilitation et avait bien été habilité.

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À votre niveau, quel regard portez-vous sur l'EID, sur l'efficacité d'un tel organisme ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

L'EID est un organisme qui a une grande compétence et une grande expérience dans tous les domaines liés aux moustiques et à la lutte contre les maladies vectorielles ainsi que des moyens importants. C'est évidemment un opérateur avec lequel nous souhaitons travailler de manière importante. Toutefois, nous ne pouvons pas ne pas respecter les règles qui sont imposées par la réglementation et, notamment, le principe du marché public.

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Des personnes auditionnées par la commission d'enquête ont souligné les risques posés par la sous-traitance à des entreprises privées en termes d'apparition éventuelle de résistances par des traitements trop répétés et de coordination des actions de démoustication en cas de foyers multiples. Quel regard portez-vous sur ces inquiétudes ? Pensez-vous que cela pourrait générer des économies pour les pouvoirs publics ou au contraire des dépenses supplémentaires ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Nous travaillons avec un cahier des charges, avec des éléments clairs d'objectifs, de conditions techniques et de capacités techniques que les opérateurs doivent respecter. Je rappelle quand même que la procédure de l'habilitation permet de vérifier de manière assez précise les compétences de tel ou tel opérateur, puisque tout le monde n'a pas vocation à être habilité. Dans le cadre du marché de LAV lui-même, des engagements contractuels sont pris, avec des clauses qui permettent d'agir si ces engagements contractuels ne sont pas respectés.

De ce point de vue, nous sommes dans le même cadre que pour d'autres activités, très nombreuses, assurées par les services publics et qui sont parfois déléguées à des organismes privés, mais dans le cadre de cahiers des charges et de conventions techniques qui permettent de s'assurer de la qualité. Le fait qu'un organisme soit public ou soit privé n'aura donc pas d'impact.

Par contre, notre travail est d'évaluer si les clauses que nous avons fixées sont bien respectées. Nous avons les instruments d'évaluation et les instruments juridiques pour nous en assurer. Il n'y a, à mon sens, pas d'élément particulier qui ferait que le fait de s'adresser à des organismes privés pour ce type d'opération soit plus problématique que dans tout autre secteur. Il y a beaucoup de secteurs dans le système de santé où c'est déjà le cas.

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L'article 2 de l'arrêté du 23 juillet 2019 prévoit que l'ARS établit un programme annuel de surveillance entomologique, en concertation avec les préfets et les collectivités territoriales. Comment avez-vous mis au point ce programme ? Pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Ces programmes sont en cours de mise en place et les pièges sont déjà placés. Nous nous sommes basés sur l'arrêté du 23 juillet 2019 pour nous guider dans la façon de mettre en place ces pièges. Du fait de la crise de la Covid-19, nous n'avons pas pu travailler autant que nous le voulions avec les collectivités, mais il est prévu dans chaque département un passage en conseil départemental de l'environnement et des risques technologiques (CODERST) pour expliquer la nouvelle réglementation puisque certaines choses changent. Le CODERST est un organe qui donnait auparavant un avis sur le programme ; dans le cadre de la nouvelle réglementation, il sera donc informé des orientations prises dans le cadre du programme.

Comme je vous le disais, nous nous appuyons sur la réglementation du 23 juillet 2019 mais nous l'avons quand même un petit peu allégée compte tenu de ce que nous avons reçu comme financements. Nous avons jugé qu'il était préférable de garder un volume financier important pour pouvoir faire des actions de traitement notamment et de ne pas tout mettre dans la surveillance entomologique d'autant plus que, comme le disait Monsieur Ricordeau en préambule, tous les départements de la région ont au moins une partie de leur territoire qui est colonisée.

Ces pièges vont donc nous apporter des informations mais nous voulons en fait surtout connaître les dates d'émergence et savoir s'il n'y a pas de nouveaux vecteurs. Notre programme est plus orienté sur ces questions que sur la question de voir quels sont les territoires qui vont être colonisés. De plus, nous faisons une bonne publicité pour le site signalement-moustique.fr et les préfectures nous aident bien sur ce sujet. La plupart des préfectures sont de bons relais pour mettre le site en avant afin que les particuliers nous disent s'il y a des moustiques chez eux. Lorsque des particuliers signalent la présence d'un moustique tigre à tel ou tel endroit, notre opérateur vérifie si c'est bien le bon moustique et va éventuellement sur place pour confirmer ou infirmer la présence.

Nous avons donc bien mis en place les deux niveaux de suivi, le suivi par pièges et le suivi dit « passif » avec le site signalement-moustique. De plus, bien sûr, les points d'entrée du RSI sont tous équipés de pièges, à la fois de pièges pondoirs et de pièges pour les adultes.

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Concernant les gîtes larvaires dans le bâti, d'après vos observations, quels sont les types d'installation qui posent le plus de problèmes ? S'agit-il des gouttières, des bondes ? Les normes de construction sont-elles adaptées ? Faut-il imaginer des normes de construction et d'entretien afin d'éviter la création des gîtes larvaires ? Quelle serait la répression envisageable ? Qui serait en mesure d'exercer un contrôle et une police de lutte contre les gîtes larvaires ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Concernant les gîtes larvaires dans le bâti et les normes en matière d'urbanisme, il est vrai que ce serait intéressant d'avoir des normes. La difficulté, comme pour beaucoup de normes sur le bâti, est que nous avons plus de bâti ancien que de bâti nouveau. Avant qu'il y ait un vrai changement en termes d'efficacité de production de gîtes, il va falloir un temps important. Ce n'est pas forcément inutile, mais cela ne va pas forcément changer la donne sur le terrain.

Par contre, les comportements et tout ce qui est mobilier urbain sont peut-être plus importants. La gestion des mobiliers urbains a un véritable impact, en tout cas en Occitanie. Je pense par exemple à la récupération des eaux pluviales, qui est quelque chose qui est recommandé, avec lequel nous sommes d'accord. Du fait du changement climatique et particulièrement dans une région qui va plutôt vers la sécheresse, récupérer ces eaux est intéressant ; mais le corollaire est que, si on ne les gère pas bien, cela va générer des gîtes pour les moustiques. Nous nous apercevons sur le terrain, notamment lors des enquêtes liées à des cas, que ces stockages d'eaux pluviales sont parmi les gîtes les plus prolifiques.

Je pense donc qu'il y aurait peut-être des choses à faire pour les normes d'urbanisme mais il y a surtout beaucoup à faire sur le mobilier et notamment sur la récupération d'eau et le bon usage éventuellement de moustiquaires, la bonne gestion et les bons gestes d'entretien. L'arrosage est un autre point important : nous sommes dans une région où il y a beaucoup d'arrosage artificiel, notamment des pelouses, et c'est redoutable en termes de gestion et d'entretien de gîtes d'eau propre qui génèrent des quantités de moustiques impressionnantes en ville.

On pourrait donc plutôt imaginer des recommandations d'entretien du bâti, de comportement de la gestion de l'entretien du bâti, notamment pour tout ce qui est jardin. Je pense qu'il faudrait absolument avoir des normes et travailler avec des paysagistes pour la gestion des espaces verts parce que cela se renouvelle plus vite que ne se renouvelle le bâti et que ce sont vraiment les gîtes les plus productifs.

Arbocarto et les suivis à l'origine d'Arbocarto ont bien mis en évidence le fait que les secteurs du territoire qui étaient les plus productifs de moustiques sont les secteurs arborés et résidentiels, beaucoup plus que les centres urbains où nous avons un peu moins de gîtes, alors qu'on est dans du bâti.

C'est vraiment la gestion de tout ce qui est espaces verts qui est importante. Je pense qu'un travail avec les paysagistes serait très intéressant.

Nous avons travaillé avec l'École d'architecture de Montpellier pour attirer l'attention des étudiants sur ce sujet parce que c'est un sujet important, même si pas forcément prioritaire. C'est quand même important d'en parler et que ce soit mis à l'ordre du jour de la formation des architectes pour que cela devienne naturel pour eux.

Lorsqu'il y a des commandes publiques également, il faudrait qu'il soit bien précisé que ce qui va être mis en place ne doit pas générer de lieu de ponte pour les moustiques ou doit être facile d'entretien.

En ce qui concerne la question sur l'autorité en mesure d'exercer un contrôle et une police, il faut quelqu'un qui soit très près du terrain. Au niveau des ARS, je ne pense pas que ce soit tellement possible parce que nous sommes un peu trop loin. Il faut vraiment faire du porte-à-porte, être au plus près des habitants. Comme on le disait en introduction, le lien avec les collectivités locales a vraiment du sens à ce niveau. Ce sont eux qui vont pouvoir expliquer et, in fine, si nécessaire, avoir les moyens d'exercer de la police ; même ce n'est pas le premier volet. En termes de répression, c'est sans doute plus la collectivité locale qui sera la mieux placée.

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Faudrait-il imaginer comme à Singapour des amendes ? Ils ont une amende qui est de 1 000 dollars la première fois, passe à 2 000 dollars la deuxième fois en cas de détection de larves de moustiques sur un chantier de construction et qui pourrait aller jusqu'à 10 000 dollars et six mois d'emprisonnement en cas de récidive. Que pensez-vous de cette solution ? Pensez-vous qu'elle serait efficace ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

À titre personnel, je ne suis pas sûr qu'elle soit très efficace et je trouve qu'il vaut mieux, comme d'ailleurs pour tout ce qui a trait à la prévention, mettre notre énergie et nos ressources sur la pédagogie, l'information et la prévention.

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L'épidémie de Covid-19 a mis les ARS sur le devant de la scène en termes de gestion de la crise sanitaire. Le transfert des nouvelles compétences sanitaires en matière de lutte anti-vectorielle a-t-il été impacté par la gestion de la crise sanitaire due à la Covid-19 ? Quel bilan tirez-vous de ces nouvelles compétences en matière de lutte anti-vectorielle ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Pendant la crise, nous avons évidemment consacré la plupart de notre énergie à la gestion de la crise de la Covid-19 mais nous avions ce que nous appelons un plan de continuité d'activité, c'est-à-dire que toute une série d'activités qui ne pouvaient pas être arrêtées pour diverses raisons ont été poursuivies. La lutte anti-vectorielle en fait partie puisque nous avions l'échéance de la future campagne de lutte contre le moustique. Nous ne pouvions pas retarder le processus de préparation cette campagne.

Les ressources nécessaires ont donc été mises sur la préparation de la campagne de lutte anti-vectorielle. C'est pourquoi le marché, dont nous venons de parler, a pu être attribué. Les différents délais qui étaient prévus dans le décret de transfert de compétences ont pu être respectés. Il n'y a donc pas eu d'impact sur cette activité particulière qui a été priorisée compte tenu de l'impossibilité de retarder la campagne anti-vectorielle qui n'attend pas.

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Quels sont vos rapports avec Santé publique France ? Comment fonctionne la cellule de Santé publique France qui se trouve au sein de l'ARS ? Cette collaboration vous paraît-elle utile ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Nous travaillons régulièrement avec la cellule d'intervention en région (CIRE) de Santé publique France, qui est chargée de la surveillance épidémiologique régionale.

Nous travaillons régulièrement avec eux pour préparer la saison. Nous avons déjà fait une ou deux réunions et, pendant la saison, nous nous réunissons très régulièrement pour faire des points. Ils appuient notamment la cellule de veille, d'alerte et de gestion sanitaire (CVAGS) lorsqu'il y a des cas qui sont un peu compliqués ou qui sont atypiques. Ils nous aident donc dans la gestion des signaux. Ils font souvent le lien avec le centre national de référence (CNR), ce sont eux qui prennent en charge cette partie.

Ils interviennent aussi sur ce que nous appelons le rattrapage. En effet, nous recevons directement les signaux issus des professionnels de santé et tandis que la CIRE regarde quotidiennement l'ensemble des signaux qui arrivent, notamment ceux qui arrivent des laboratoires Biomnis et Cerba. Ils intègrent les cas qui le méritent dans le circuit de façon à ce que nous ayons, au niveau de l'ARS, une vision qui soit la plus large possible. Nous avons donc une collaboration intéressante avec eux. Sur les cas de foyers autochtones que nous avons eus par le passé, ils nous ont été d'une utilité précieuse dans la préparation des porte-à-porte et la gestion de ces crises.

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Quelles évolutions, institutionnelles mais également en termes de moyens et de techniques, préconiseriez-vous pour une plus grande efficacité et réactivité dans la lutte anti-vectorielle ? L'ARS d'Occitanie devrait-elle avoir, du fait de sa spécificité territoriale, des compétences et moyens spécifiques ?

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Pierre Ricordeau, directeur général de l'ARS d'Occitanie

Nous n'avons pas de demande particulière ni de proposition particulière sur des évolutions institutionnelles, si ce n'est de faciliter tous les vecteurs de travail avec les collectivités territoriales sur cette question, en particulier au niveau des communes, des EPCI.

Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une évolution institutionnelle. Il s'agit plutôt de faciliter les contractualisations, les occasions de travailler avec ces collectivités territoriales, pour approfondir encore le travail qui nous semble absolument indispensable pour la mobilisation de l'ensemble du territoire. Il y a déjà eu un certain nombre de transferts de compétences et il faut peut-être se laisser le temps de les évaluer avant de les modifier.

En termes de moyens, évidemment, si vous demandez à quelqu'un s'il pourrait faire mieux avec plus de moyens, c'est difficile de dire complètement non. En particulier, en Occitanie, compte tenu de l'importance du système, nous pourrions toujours augmenter les moyens. Toutefois, ils sont déjà relativement significatifs.

Nous sommes dans un domaine sur lequel les évolutions sont rapides. Personnellement, je pense qu'il faudrait investir dans tout ce qui va permettre d'accompagner, de faciliter et de développer la recherche, de développer les outils numériques, les outils cartographiques – nous avons parlé d'Arbocarto – dans tout ce qui va permettre de travailler mieux, dans la communication et les techniques de communication modernes qui permettent d'interagir avec les citoyens. Je pense que, dans tous ces domaines, nous pourrions faire des programmes pour inventer des choses nouvelles, pour aller plus loin que ce que nous faisons aujourd'hui, pour être plus efficaces. Il y a à investir dans ces différents domaines – et il pourrait y en avoir d'autres – peut-être avec des programmes nationaux qui permettraient d'avancer encore davantage. Il existe déjà de tels programmes mais on pourrait peut-être donner encore une impulsion supplémentaire.

On pourrait également renforcer la coordination nationale qui existe déjà avec la direction générale de la santé et avec l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Il faudrait renforcer ce partage au niveau national et ce pilotage parce que, certes, l'Occitanie est concerné mais beaucoup d'autres régions et même toutes les régions françaises sont concernées. Nous avons besoin de partager des expertises, de partager des expériences.

Plutôt que des questions institutionnelles, ce sont me semble-t-il des questions de méthodes de pilotage, des questions d'outillage et des questions de recherche sur lesquelles nous pourrions faire des progrès ainsi que, encore une fois, par le travail avec les collectivités territoriales qu'il faut pouvoir faciliter au maximum. À mon sens, pour être parfaitement efficace, il faut faire le lien entre une stratégie, une expertise des outils, des opérateurs et une mobilisation locale des citoyens.

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Je reviens sur ce que vous disiez tout à l'heure à propos de la recherche de nouveaux vecteurs et je veux quitter le moustique pour arriver à la tique. Un vétérinaire acarologue de Montpellier a alerté l'opinion sur la présence d'une tique qui serait porteuse du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, maladie qui serait mortelle pour le bétail ou pour les animaux sauvages. Pouvez-vous nous en dire deux mots, s'il vous plaît ? Avez-vous des signalements à ce sujet ?

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Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d'études sanitaires au sein de l'ARS d'Occitanie

Nous n'avons pas de signalement, heureusement, de présence du virus de Crimée-Congo. Je pense que la direction générale de la santé (DGS) aurait été rapidement mise au courant.

Par contre, lorsque le plan de lutte contre les piqûres de tiques et la maladie de Lyme est paru en 2016-2017, nous avons mis en place au niveau de l'agence régionale de santé, sur l'ensemble du territoire, une mobilisation de ce que nous appelons des acteurs relais. Nous avons réutilisé les associations avec lesquelles nous travaillons, les associations qui emmènent des particuliers dans la nature, pour leur expliquer que, quand on parlait de tiques, ce n'était pas pour dire aux gens de rester à la maison. Non, il faut aller dans la nature, il faut avoir des messages qui soient rassurants mais clairs sur la façon de se protéger.

À cette occasion, nous avons travaillé à Montpellier avec deux chercheuses qui travaillent sur les tiques, dont une qui a produit un certain nombre de documents et fait de la recherche sur la tique Hyalomma qui transmet la fièvre de Crimée-Congo. Elle nous a confirmé que cette tique est présente sur le pourtour méditerranéen, notamment autour de Montpellier, où cette tique est installée depuis trois ou quatre ans à peu près. Elle nous a tout de même expliqué que cette tique est installée depuis encore plus longtemps en Corse et que, pour l'instant, il n'y a pas de circulation du virus. Le fait que le vecteur soit là ne veut pas forcément dire qu'il y a une circulation du virus ; en Corse, où la présence de cette tique est beaucoup plus ancienne, il n'y a pas de circulation même si, l'année dernière, il y a eu de petits doutes sur des bouts d'acide ribonucléique (ARN) qui avaient été repérés.

Pour l'instant, il n'y a donc pas un vrai sujet de circulation potentielle même si, effectivement, il est important de maintenir une vigilance sur les tiques.

Nous avons lancé ce programme de surveillance des tiques. Nous avons fait un certain nombre de réunions pour mobiliser les acteurs. Nous avons essayé de mobiliser les associations, nous allons travailler avec les chasseurs, avec tous types d'associations. Nous avons fait des réunions par département. Ces réunions regroupaient 30 à 50 ou 60 personnes, des acteurs relais, à qui nous avons distribué des tire-tiques tout en leur donnant des messages. Nous avons également produit une petite vidéo de mise en situation d'un acteur qui emmène du monde dans le milieu naturel pour présenter ces sujets.

Nous nous posions la question de pouvoir aller un peu plus loin et de continuer cette mobilisation sur le terrain. Le choix d'hôpitaux relais locaux a été fait, comme c'était demandé au niveau national, pour pouvoir mener à bien à la fois la partie prévention et la partie soin.

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Merci pour ces précisions et pour nous avoir dit que, pour l'instant, il n'y a pas de cas avéré, ni chez le bétail ni chez l'Homme.

Nous vous remercions pour la clarté de vos exposés et le temps que vous avez consacré à cette commission d'enquête.

La réunion s'achève à seize heures quarante.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles

Réunion du lundi 15 juin 2020 à 15 h 30

Présents. – Mme Ramlati Ali, M. Philippe Michel-Kleisbauer

Excusés. – Mme Ericka Bareigts, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon