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Monsieur Godard, vous avez beaucoup parlé de la source Gradis, pouvez la situer précisément ? Vingt ou trente ans après, avez-vous une idée de l'étendue de la contamination du territoire de la Guadeloupe et de la Martinique, tant des sols, des sources, des rivières que de la mer ? Pensez-vous que les populations de ces deux territoires aient été suffisamment et correctement informées des risques encourus ?
Vous parlez des différents plans chlordécone. Lors des auditions menées en Guadeloupe comme en Martinique, des critiques quant au montant de ces différents plans ont été émises, considérant qu'ils n'étaient pas à la hauteur des enjeux dans les domaines de la santé publique, de la cartographie, de l'analyse des sols et de la recherche. Vous avez participé activement au premier plan chlordécone, pouvez-vous nous en dire quelques mots, et pensez-vous aujourd'hui que ces plans sont à la hauteur des enjeux ?
... participer à ce dispositif. Mais revenons à notre problématique. La chlordécone – Kepone et Curlone – a été utilisée massivement par les planteurs après que deux autorisations de mise sur le marché ont été données, l'une en 1972, l'autre en 1981 – il nous faudra obtenir des clarifications sur les circonstances dans lesquelles elles ont été délivrées. Cela a eu pour conséquence une pollution des sols non seulement des bananeraies mais aussi des cultures maraîchères. Vous n'avez jamais évoqué d'opérations de dépollution des sols lancées par l'IT2. N'entendez-vous pas endiguer les catastrophes en chaîne systémiques que cette pollution entraîne ? La filière banane ne compte-t-elle pas contribuer au financement de la dépollution totale des terres de Guadeloupe et de Martinique ?
Mais vous pouvez répondre à des appels à projets et travailler avec le ministère à des recherches spécifiques. Je connais vos travaux sur les variétés les plus résistantes de banane, la couverture des sols ou les pièges à charançons mais on pourrait imaginer que vous consentiez un effort important pour financer les recherches consacrées à la dépollution. Ce serait peut-être la chose la plus pertinente à faire d'un point de vue de justice foncière et agraire.
La contribution que j'évoquais va beaucoup plus loin que la couverture des sols. Je formulerai ma question de manière simple : êtes-vous prêts à financer la dépollution ?
Sur une surface agricole utile (SAU) de 24 000 hectares, 16 000 hectares sont dans une situation difficile et, sur ces 16 000 hectares, 8 000 sont pollués. En dehors des terres bananières, ce sont donc 8 000 hectares qui sont laissés sans solution. Jusqu'à présent, on n'a pas prouvé que le chlordécone monte dans les bananes : vous êtes bénis des dieux, puisque même si vos sols sont pollués, vos bananes ne le sont pas. Les légumes, en revanche, le sont, et il importe donc de faire un effort important dans ce domaine. Au-delà même des tests, qui sont de la responsabilité de l'État, je pense qu'un effort collectif s'impose pour dépollue...
J'aimerais, pour ma part, évoquer la recherche sur la contamination des sols. Je rappelle que les membres de la commission d'enquête se sont rendus la semaine dernière dans nos territoires de Martinique et de Guadeloupe. Nous avons visité une plantation, recherché des charançons et posé des pièges à charançons. Lorsque nous avons demandé au planteur s'il connaissait l'état de son sol, il nous a dit qu'il n'en savait rien et que les producteurs n'avaient pas l'obligation ...
Vous dites qu'on ne peut pas contraindre les gens à faire analyser leur sol. Mais vous venez aussi de dire que certains des sols sur lesquels on cultivait autrefois de la banane sont désormais consacrés au maraîchage. Or, si le risque de contamination de la banane semble nul, le risque est grand d'une contamination des cultures au sol. Seriez-vous d'accord pour rendre obligatoire l'analyse de l'ensemble des sols ?
...eur production ? Et, quand bien même ils ne produiraient que pour eux-mêmes, ils sont en train de s'empoisonner, et ce sont des êtres humains ! On a bien vu la semaine dernière, en Martinique et en Guadeloupe – et c'est la même chose à Mayotte – que les vendeurs à la sauvette ne garantissent pas la provenance de leurs produits. Je pose donc, à nouveau, la question de l'obligation de l'analyse des sols sur tout le territoire.
Sur les périodes 1972-1981 et 1981-1993, avez-vous dans vos archives des lettres adressées aux pouvoirs publics par la Société d'intérêt collectif agricole de la banane martiniquaise (SICABAM) ? Après le passage des cyclones David et Allen, qui ont touché la Martinique en 1979 et en 1980, les groupements de producteurs ont dit qu'ils avaient absolument besoin d'obtenir l'autorisation provisoire de vente (APV) et l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du chlordécone. Nous savons que des demandes de ce genre ont été formulées. Vous représentez ces anciennes instances : avez-vous, dans vos archives, des lettres dans lesquelles la SICABAM formule de telles demandes ? Par ailleurs, savez-vous si, à l'époque, on a évalué le risque économiqu...
...e usine qui produisait du Képone avait dû fermer, parce que tous les ouvriers qui y travaillaient étaient tombés malades et que les poissons de la rivière voisine étaient morts. Et six ans après, en 1981, la société De Lagarrigue et la Société d'exploitation de produits pour les industries chimiques (SEPPIC) ont demandé une autorisation de mise sur le marché. Peut-on imaginer qu'elles n'étaient absolument pas au courant de ce qui s'était passé en Virginie ? C'est difficile à croire… Par ailleurs, lorsque l'État a accordé ces autorisations, les rapports Snegaroff et Kermarrec de l'INRA avaient déjà souligné la dangerosité du produit.
On l'a su très tôt, avant 1981. Des instances internationales, comme l'Organisation mondiale de la santé, avaient déjà parfaitement décrit le caractère dangereux, voire cancérogène, du produit et sa rémanence dans le sol pendant plusieurs centaines d'années. Ce que je veux savoir, c'est si les sociétés qui ont formulé des demandes d'autorisation de mise sur le marché étaient conscientes de ces risques. La SEPPIC a été dirigée, à un moment donné, par un planteur de bananes, M. Yves Hayot. Il y avait un besoin économique, d'un côté, et la dangerosité du produit, de l'autre. C'est pourquoi nous vous demandons si vo...
...enne dépendante de la filière de la banane : c'est pourquoi je parle d'une contribution collective. La commission d'enquête n'a pas le pouvoir de poser la question de votre responsabilité pénale, mais nous voulons appeler votre attention sur le fait que certaines personnes subissent une double peine. Des producteurs qui n'ont jamais utilisé de chlordécone ont aujourd'hui du chlordécone dans leurs sols : c'est tout de même un problème ! Et ces producteurs, qui sont des victimes, ne bénéficient pas du même niveau de soutien que la filière de la banane. Ces victimes n'ont pas votre puissance de frappe, et ce sont eux qui ont aujourd'hui des terres polluées. Vous, vous pouvez continuer à produire des bananes sur vos terres polluées sans risque sanitaire – jusqu'à preuve du contraire. Vos bananes ...
Ces laboratoires ne pourraient pas obtenir une compétence pour l'analyse des sols ?
On pourrait imaginer des laboratoires similaires pour l'analyse des sols, compte tenu de la gravité de la situation, non ?
L'orientation semble bonne, puisque ces analyses peuvent désormais se faire directement sur le territoire, dans un laboratoire spécialisé. Donc, si vous avez des analyses de pesticides à faire, il faut s'adresser soit à Massy soit Jarry. Pour les analyses sur le sang et sur les sols, ce n'est pas le cas. Nous n'en sommes pas à ce niveau d'organisation. Il est important de le préciser.
... informel, car nous partons de très bas sur le secteur informel. C'est capital et nous constatons, de fait, un manque d'efficacité dans cette superposition d'initiatives ou de réglementations. Mais mon propos ne s'adresse pas particulièrement à vous, qui n'êtes qu'un maillon de la chaîne. Comment le programme JAFA serait-il efficace sans généralisation des prélèvements permettant de savoir quels sols sont pollués et quelle est la teneur de cette pollution ? C'est en le sachant qu'il sera possible de définir des politiques d'exploitation en lien avec l'imprégnation, ou pas, des terres. Aujourd'hui, seuls 7 % des terres ont été évalués en termes de pollution au chlordécone. Cette question ne concerne toujours pas la DGCCRF, mais cela montre bien qu'il existe un très grave problème de coordinat...
...tion. Peut-être faut-il remodeler certains éléments et travailler différemment ? S'agissant du secteur informel, il semble que la façon dont vous êtes actuellement structurés ne vous fournit pas les outils nécessaires pour pouvoir agir. C'est donc une simple interrogation. Nous n'instruisons pas à charge contre vous, ni contre quiconque d'ailleurs. Nous sommes face à un scandale et cherchons des solutions qui, à mon avis, impliquent une profonde réforme, un profond changement d'appréhension des problèmes. Il ne s'agit pas de continuer à se reposer sur des services de l'État, dont nous entendons répéter à l'envi qu'ils sont formidables et que tout fonctionne bien. Certes, ils sont composés de personnes qui travaillent très bien, nous le savons, mais peut-être aussi sont-ils parfois inadaptés ...
...t de médiation. C'est très bien. Le Président de la République a donné une très bonne orientation, celle d'aller sur le circuit informel. Mais le problème est qu'il l'a fait dans le vide, puisque vous ne cohabitez pas, tous les éléments ne s'imbriquent pas dans une stratégie territoriale. Vous faites votre travail, la police fait le sien, les médiations n'existent pas. La teneur en pollution des sols n'est pas détectée dans sa totalité, les pratiques culturales ne sont pas connues, les parcelles à morne, plates ou de fond de ravine ne sont pas identifiées. La nature du sol n'a pas fait l'objet de mesures, nous ne savons toujours pas quels types de sol connaissent la pollution la plus rémanente. Nous découvrons que cette question suscite de très bonnes intentions, y compris présidentielles, ...
...ense bien sûr à la banane durable, puisque le chlordécone n'est plus utilisé. Mais je tiens surtout à ne pas faire peser de suspicion sur les petits agriculteurs, ceux qui sont en train de résister pour nous fournir en aliments de production locale. Des efforts sont réalisés en ce sens. Même si le programme JAFA est critiqué par certains, ce processus est intéressant puisque les prélèvements des sols y sont financés par l'État. Il faut inciter à un meilleur accompagnement. Pour prendre l'exemple de Sainte-Marie, une organisation professionnelle de petits producteurs de cette commune du nord a fait en sorte que la production et que les produits vendus sur le front de mer soient traçables et de bonne qualité. Nous sommes en train de fournir un effort collectif. C'est le lot commun d'une straté...