Lutte contre la fraude — Texte n° 1142

Amendement N° CL16 (Adopté)

(5 amendements identiques : CF24 CF127 CL36 CF221 CF179 )

Publié le 20 juillet 2018 par : Mme Vichnievsky, M. Balanant, M. Fesneau, Mme Florennes, Mme Jacquier-Laforge, M. Latombe.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Cet article, introduit au Sénat, instaure un renvoi préjudiciel obligatoire, sur demande du prévenu, du juge pénal vers le juge de l'impôt afin que ce dernier se prononce sur la réalité des droits éludés.

A titre liminaire, il convient de relever que l'articulation des procédures pénales et administratives constitue une difficulté complexe qui tient à l'existence, en France, de deux ordres de juridiction distincts. Cette question dépasse donc largement la seule fraude fiscale puisqu'il existe de nombreuses autres matières dans lesquelles le contentieux est partagé entre le juge administratif et le juge judiciaire (urbanisme, droit des étrangers, droit électoral, etc.).

En outre, si des inquiétudes pouvaient résulter de la jurisprudence de la Cour de cassation au terme de laquelle un contribuable déchargé, pour un motif de bien-fondé, de toute imposition par un jugement à caractère définitif, pouvait néanmoins faire l'objet d'une condamnation pour fraude fiscale, le Conseil constitutionnel a désormais rendu impossible de telles contrariétés de jugement (décisions n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016). Sur le fondement du principe de nécessité des peines, le Conseil constitutionnel a jugé qu'une sanction pénale pour fraude fiscale ne peut être appliquée à un contribuable qui, pour un motif de fond, a été définitivement jugé non redevable de l'impôt.

Par ailleurs, il est important de rappeler la plénitude de juridiction qui est celle du juge pénal. Soumettre son office à un renvoi préjudiciel systématique au juge de l'impôt contrevient à tous les grands équilibres relatifs à la dualité de juridictions. En l'état du droit, le juge pénal est compétent pour déterminer si l'obligation fiscale dont il examine la violation éventuelle est applicable ou non, et à qui elle incombe ; il peut et doit interpréter et qualifier lui-même les textes et les faits (Cass. crim., 4 juin 1970, n° 69-93.414). Le renvoi préjudiciel prévu au nouvel article L. 228 C du livre des procédures fiscales équivaudrait en réalité à dire que l'office du juge pénal ne consiste qu'à appliquer des peines et non à qualifier des faits criminels ou délictueux. Cet affaiblissement du juge pénal n'est pas acceptable.

Enfin, cette mesure pourrait constituer une manœuvre dilatoire nuisible à l'efficacité de la répression puisque tout contribuable poursuivi pour fraude fiscale pourrait utiliser ce mécanisme afin de retarder le cours de la procédure alors même que, dans la très grande majorité des dossiers donnant lieu à des poursuites pénales, la réalité des droits fraudés n'est pas discutable, compte tenu de la sélection à laquelle procède l'administration.

L'efficacité de la réponse pénale serait sérieusement entamée par ce nouveau mécanisme.

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