Transformation de la fonction publique — Texte n° 1924

Amendement N° 666 (Rejeté)

(14 amendements identiques : 34 91 137 188 198 247 315 352 380 450 599 646 949 1104 )

Publié le 10 mai 2019 par : M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Par cet amendement, nous nous opposons au périmètre proposé pour l’habilitation par ordonnance du Gouvernement en matière de négociation dans la fonction publique, puisque celui-ci ne garantit absolument pas que sera préservé le principe de faveur ou une réelle négociation sociale mise en place, notamment au regard de l’aspect lacunaire de l’étude d’impact qui ne permet pas de connaître l’orientation future du Gouvernement, selon les termes mêmes du Conseil d’Etat (1).

En effet, cet article prévoit que dans un délai de 15 mois le Gouvernement puisse prendre des ordonnances concernant :

- la définition des autorités compétences pour négocier avec les organisations syndicales de fonctionnaires ;

- la fixation des modalités d’articulation entre les niveaux de négociation et des conditions dans lesquelles les accords locaux peuvent être conclus ;

- la définition des cas et conditions dans lesquels les accords majoritaires disposent d’une portée ou d’effets juridiques et la précision des modalités d’appréciation du caractère majoritaire des accords, de leurs conditions de conclusion et résiliation et les modalités leur conférant un effet juridique.

Nous estimons que cet article permet une nouvelle fois au Gouvernement de traiter par ordonnance d’un sujet aussi important que la négociation collective dans la fonction publique. Ce d’autant plus que la formulation de cette ordonnance et son manque de précision posent problème :

- l’obligation annuelle de négociation y est absente ;

- le “principe de faveur” ne peut être remis en cause (art. 8 de la loi du 13 juillet 1983 : “Une négociation dont l’objet est de mettre en œuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que préciser ce dernier ou en améliorer l'économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles”);

- les accords doivent être juridiquement contraignants (ici seul est mentionné un “effet juridique”)

- le champ de négociation n’est pas précisé.

En détail

Cadre juridique actuel

La négociation collective dans la fonction publique n’a longtemps pas existé en tant que telle, à la différence du privé (accords de branche, accords d’entreprise, etc.).

Depuis 2010 (article 8 bis de la loi de 1983), il y a :

- un droit à la négociation collective au niveau national, les syndicats ayant qualité de traiter des “négociations relatives à l'évolution des rémunérations et du pouvoir d'achat des agents publics” ;

- au niveau sectoriel, les syndicats ont qualité pour participer à des négociations relatives “1° Aux conditions et à l'organisation du travail, et au télétravail ; 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ; 3° A la formation professionnelle et continue ; 4° A l'action sociale et à la protection sociale complémentaire ; 5° A l'hygiène, à la sécurité et à la santé au travail ; 6° A l'insertion professionnelle des personnes handicapées ; 7° A l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.” ;

- des accords qui peuvent être validés, avec des conditions de validité (“Un accord est valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié.”)

- un principe de faveur (“Une négociation dont l'objet est de mettre en œuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que préciser ce dernier ou en améliorer l'économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles”)

Les points à noter

 - Contrairement au droit privé, il n’y a pas d’obligation régulière de négocier, celle-ci reste à la discrétion du pouvoir employeur (L. 2241-1 du code du travail : au moins une fois tous les 4 ans ou tous les 5 ans).

- Le champ de négociation est plus restreint que le code du travail. Par exemple, pas de “mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées ainsi que sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes”, ni de négociations sur les salaires au niveau local.

- Les textes conclus n’ont pas de portée normative; les protocoles d’accord ne sont que des relevés de conclusions (2).

- Sur la nécessité de prévoir une négociation annuelle obligatoire, le Conseil d’Etat avait par ailleurs souligné que :“aucun texte ne prévoit une périodicité obligatoire pour engager une négociation sur les différents sujets de fonction publique, si bien que la négociation est octroyée par le Gouvernement, et même que la question de savoir si et quand il convient d’engager une négociation sur tel ou tel sujet devient en soi une cause de discussion, de tiraillement voire de conflit entre pouvoirs publics et organisations syndicales et entre celles-ci. Les pouvoirs publics ont souvent davantage recours à la négociation pour montrer leur capacité d’avoir un dialogue approfondi avec les organisations syndicales que parce qu’ils sont convaincus de la nécessité de passer par la voie de la négociation ; ils n’y ont recours de ce fait qu’avec parcimonie, car ils savent que dès qu’une négociation est ouverte, ils sont obligés d’aller jusqu’au bout, sauf à devoir admettre un échec politique, ou devoir « payer le prix d’un accord” (3)

(1) Avis du Conseil d’Etat du 21 mars 2019 sur le PJL qui estime que l’étude d’impact, incomplète, ne permet pas au Parlement de débattre et trancher sur l’option que le Gouvernement entend retenir “en toute connaissance de cause.

(2)Conseil d’Etat 2006,https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008222961

(3) Conseil d’État. Rapport public 2003, Perspectives pour la fonction publique.

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