Publié le 10 septembre 2019 par : M. Bouillon, M. Potier, Mme Battistel, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Biémouret, M. Jean-Louis Bricout, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Juanico, M. Hutin, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Letchimy, Mme Manin, Mme Pau-Langevin, Mme Pires Beaune, M. Pueyo, Mme Rabault, M. Saulignac, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, M. Vallaud, Mme Victory, Mme Tolmont, les membres du groupe Socialistes apparentés.
Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :
« Afin d’assurer le financement des investissements de l’État dans les infrastructures de transport pour la période 2019‑2037 prévus par la présente loi, le Gouvernement lèvera un emprunt à moyen terme et à long terme destiné à couvrir à due concurrence l’écart entre les dépenses prévues par la trajectoire fixée par la même loi et les ressources actuellement identifiées pour les financer. »
Pour assurer le financement de la programmation des investissements prévus par le projet de loi sur les périodes 2019‑2037, les sénateurs socialistes avaient proposé que l’État lève un emprunt à moyen et long terme.
En effet, afin de répondre aux besoins d’entretien, de renouvellement, de modernisation et de nouvelles capacités en matière d’infrastructures de transport et de mobilité, le projet de loi du Gouvernement comporte une programmation financière des investissements à réaliser sur le moyen et long termes, qui, selon l’exposé des motifs, « s’appuie sur des ressources pérennes ». Le projet de loi indique, par ailleurs, que parmi les trois scenarii présentés par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) dans son rapport publié en octobre 2018, le Gouvernement privilégie le scénario 2 et précise « que les besoins de ce scénario au cours des dix prochaines années sont compatibles avec les ressources disponibles ».
Mais la réalité de ces ressources au niveau envisagé est fragile et semble déjà compromise, un constat qui se confirme à l’aune de l’examen en commission et qui justifie à nouveau le dépôt de cet amendement. Comme le souligne le rapport annexé, cette programmation « suppose la mise en place de ressources additionnelles pérennes au profit de l’AFITF, à hauteur de 500 M€ par an à partir de 2020 ». Parmi les solutions envisagées, une vignette poids lourds serait envisagée. Mais, dans un contexte de concurrence exacerbé dans le secteur du transport routier et d’accroissement de l’intolérance à l’impôt, la mise en place d’une telle vignette demeure très hypothétique.
De plus, la perte d’une partie des recettes des amendes radars (248 M€ sur les 400 M€ prévus pour 2018) laisse à présager que le rendement du produit annuel de ces amendes, censé abondé le budget de l’AFITF sera bien moindre que celui escompté par le Gouvernement. À cela s’ajoute le fait que la crise des « Gilets jaunes » et les engagements budgétaires décidés par le Gouvernement pour en sortir (ralentissement de la trajectoire carbone, par exemple) vont priver également l’AFITF de ressources potentielles au long cours.
De son côté, la commission du développement durable du Sénat a sanctuarisé l’affectation du produit de l’augmentation de la TICPE prévue par la loi de finances pour 2015 à l’AFITF. Malgré cela, les ressources pérennes et assurées font encore largement défaut pour que soient atteints les objectifs fixés par la programmation du scénario 2 proposé par le COI. Par ailleurs, la commission a fait figurer au rapport annexé le fait que les ressources affectées à l’AFITF devraient permettre, à terme, de mettre en œuvre la totalité des projets prévus dans le cadre du scénario 3 du Conseil d’orientation des infrastructures et de réévaluer ceux pour lesquels aucun financement n’est prévu sur la période 2019‑2037. Atteindre ces objectifs nécessite là aussi de trouver de nouvelles ressources pérennes.
Dans ce cadre, et pour assurer le financement des investissements ainsi prévus par le projet de loi, les auteurs de l’amendement proposent que l’État lève un emprunt à moyen et long terme. En effet, force est de souligner que le contexte actuel, marqué par une extrême faiblesse des taux d’intérêt, y est particulièrement propice. Cela n’a pas échappé aux grandes entreprises qui ont depuis quelques années massivement levé des dettes à 10 ou 15 ans sur les marchés financiers pour profiter de taux d’intérêt très bas et utiliser sur le moyen terme les fonds ainsi levés.
Il est de la responsabilité du politique de se donner les moyens d’entretenir comme de développer des infrastructures de transport pour permettre d’assurer à nos enfants et petits-enfants un patrimoine à la hauteur des enjeux qu’exige aujourd’hui la transition écologique et à laquelle le secteur des transports et des mobilités peut fondamentalement contribuer.
Comme le souligne Jean Pisani-Ferry « on regardera sans doute demain comme un grand paradoxe que par manque de crédibilité et de confiance mutuelle, des États qui empruntaient à 0,7 % dans un contexte de croissance nominale de 3 % n’aient pas davantage tiré parti d’une fenêtre aussi exceptionnelle (…). « (…) La dette publique française frôle aujourd’hui 100 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Il est inévitable et salutaire que l’approche de ce seuil suscite un débat. Sommes-nous en danger ? Quelle stratégie adopter pour réduire la dette ? Commençons par l’évidence : il n’y a pas de risque immédiat. Nous sommes toujours dans une période de déficits sans pleurs, parce que l’État français emprunte sur dix ans à un taux nettement inférieur à 1 % qui ne compense même pas l’inflation. Tendanciellement, si cela continue, la charge des intérêts représentera moins d’un point de PIB, comme à la fin des années 1970 lorsque la dette ne pesait que 20 % du PIB. Certes, les taux vont remonter, mais sans doute lentement et, surtout, la maturité moyenne de la dette est de plus de sept ans : quand bien même la normalisation serait brutale, l’impact sur la charge annuelle d’intérêts demeurera graduel ». Cela n’implique pourtant pas de céder à l’insouciance. Pour deux raisons. La première est que la dette n’a guère servi à augmenter l’actif public. Il serait légitime de nous endetter pour équiper le pays, investir dans les compétences ou accélérer la transition écologique. Mais nous n’osons pas le faire. En revanche, nous le faisons sans vergogne pour consommer. Or, rien ne justifie de léguer aux générations futures un double passif, financier et écologique (…) ». Jean Pisani-Ferry, Le monde, 5 octobre 2018.
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