Publié le 16 avril 2020 par : Mme Pires Beaune, Mme Rabault, M. Jean-Louis Bricout, M. David Habib, Mme Rouaux, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Battistel, Mme Biémouret, M. Bouillon, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. Hutin, M. Juanico, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Letchimy, Mme Manin, Mme Pau-Langevin, M. Potier, M. Pueyo, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, M. Vallaud, Mme Victory, les membres du groupe Socialistes apparentés.
Cet amendement a été déclaré irrecevable après diffusion en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à ouvrir 40 millions d’euros de crédits afin de permettre à l’État de nationaliser les sociétés Luxfer et Famar.
Le nouveau programme budgétaire ainsi créé est spécifiquement dévolu à la mise en œuvre de la Proposition de loi de nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation, portée par notre groupe.
La propagation de l’épidémie de Covid-19 a contraint le Gouvernement à prendre, depuis le 17 mars 2020, des mesures de confinement et de restriction des activités économiques sans précédent dans notre histoire moderne.
Malgré ces mesures, la maladie progresse et avec elle, la tension sur notre système de santé se fait chaque jour plus forte. Face à la submersion qui touche les régions Grand Est et d’Île-de-France, des opérations de transport inédites en temps de paix ont été rendues nécessaires pour déplacer les malades les plus stables vers des régions moins touchées.
Si au front, le moral des soignantes et des soignants qui composent la dernière digue pour protéger les Français ne vacille pas, l’arrière a grandement faillit dans la préparation de notre pays à faire face à une telle crise sanitaire.
Qu’il s’agisse des respirateurs si nécessaires à la réanimation, des équipements de protection (dont certains sont pourtant basiques à l’image des masques, du gel hydro-alcoolique, des gants en latex, des sur-blouses ou des lunettes de protection) ou de certains médicaments, nos stocks étaient insuffisants et notre pays n’est pas en capacité de répondre, seul, aux besoins propres à assurer la santé de ses habitants face à une crise d’une telle ampleur.
Cette situation est le résultat de décennies d’absence de vision stratégique sur l’indépendance sanitaire de la France, entraînant délocalisations et sous-traitances dans des pays tiers. A cet égard, la décision de réduire progressivement les stocks d’État de masques en comptant sur la capacité de production des pays asiatiques et en particulier de la Chine est symptomatique.
Le Président de la République, Emmanuel Macron, en a lui-même fait le constat lors de son allocution du 12 mars dernier : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond à d’autres, est une folie ».
Si ce constat est terrible pour la sixième puissance mondiale et nécessitera la définition d’une nouvelle doctrine et une dynamique de relocalisations à moyen terme, la France dispose également, à court terme, d’outils permettant d’inverser rapidement la tendance.
Ces outils, ce sont des fleurons industriels qui produisent, ou produisaient jusqu’à récemment, du matériel médical de pointe essentiel pour faire face aux besoins induits par une telle crise.
C’est d’abord la société Luxfer, située à Gerzat dans le Puy-de-Dôme, qui était jusqu’en 2019 la seule entreprise de l’Union européenne à fabriquer des bouteilles d’oxygène à usage médical.
Alors que l’épidémie de Covid-19 fait d’abord appel aux capacités de réanimation et d’assistance respiratoire de notre système de santé, il s’agit là d’un actif stratégique majeur. Il est d’autant plus utile en temps de crise alors que les patients doivent être transférés en grand nombre par la route, le rail ou les airs, nécessitant une assistance respiratoire permanente avec un équipement aussi léger et maniable que possible.
Ainsi la production de la société était dévolue à 62 % pour le marché du médical, à 27 % pour les services d’incendie, à 6 % pour le secteur industriel général et à 5 % pour des activités spécifiques (Armement, aéronautique, autres secteur gaz, etc...).
La situation tendue des marchés de la Santé et de la Protection, avec une stagnation de la demande et une concurrence féroce des pays à faible coût de main d’œuvre, s’est traduit par une baisse des volumes de production. Cette situation a amené la maison-mère de Luxfer à réorganiser ses sites de production et à mettre fin à la production sur le site de Gerzat.
Aujourd’hui cette PME et ses 136 salariés sont à l’arrêt. Cependant, les machines et le savoir-faire humain demeurent présents, de même que la volonté, pour une partie des salariés, de reprendre leur activité. Ceux-ci ont d’ailleurs travaillé à un plan permettant de relancer la production en seulement neuf semaines. Le modèle économique est vertueux, y compris à l’échelle de l’Union européenne, dès lors que cette production serait reconnue comme stratégique et ainsi, pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, placée en dehors des lois du marché, sans mise en concurrence avec des pays tiers à faible coût de main d’œuvre.
Alors que l’épidémie est amenée à se poursuivre durant de longs mois, voire à connaitre de nouveaux pics et que la dégradation de la situation dans d’autres pays peut suspendre l’importation de tels matériels, il est essentiel que la France puisse assurer son indépendance stratégique en conservant une capacité de production sur son sol. A défaut d’être un choix dicté par la crise actuelle, cette nationalisation est indispensable dans une perspective de moyen et long terme. Pouvons-nous prendre le risque de n’avoir aucun producteur de bouteilles d’oxygène sur le territoire de la nouvelle Europe ?
Cet enjeu existe également pour la société Famar, entreprise spécialisée dans la production pharmaceutique et notamment de la Nivaquine, un antipaludique à base de Chloroquine, une des molécules dont l’utilisation est envisagée sérieusement pour le traitement du Covid-19, notamment en phase initiale de la maladie.
La société, basée près de Lyon, est actuellement en redressement judiciaire et si un repreneur potentiel s’est fait connaître le 3 avril dernier, son identité demeure inconnue. Il est essentiel de veiller à ce qu’eu égard aux enjeux, celle-ci ne soit pas liquidée ou reprise par un fonds vautour qui spéculerait sur le prix de vente de cette molécule ou par un repreneur qui chercherait à en délocaliser la production.
Au-delà du seul cas de la Chloroquine, le maintien sur le territoire national d’usines capables de fabriquer des molécules essentielles ou des vaccins redevient aussi stratégique que la capacité à assurer notre autosuffisance en matière alimentaire ou de production d’électricité.
Outre la sécurisation à court terme de ces actifs pour éviter une fermeture ou une reprise par des acteurs étrangers, la maitrise de ces entreprises permettrait à l’État de pouvoir faire face aux possibles résurgences du Covid-19, qui pourrait devenir saisonnier, ainsi qu’aux crises futures alors que le risque pandémique est devenu d’autant plus grand que la mondialisation est devenue intégrée.
C’est le sens de la proposition de loi portée par notre groupe et qui propose donc la nationalisation des deux entreprises précitées. Seule manière pour l’État de disposer d’un contrôle effectif de ces actifs stratégiques et de leurs productions afin d’assurer son indépendance sanitaire.
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