Publié le 30 novembre 2020 par : M. Brun, M. Aubert, Mme Audibert, M. Jean-Claude Bouchet, M. Cattin, M. Cinieri, M. Cordier, M. Dive, M. Di Filippo, Mme Guion-Firmin, Mme Kuster, Mme Levy, Mme Louwagie, M. Minot, M. Nury, M. Parigi, M. Peltier, Mme Poletti, M. Quentin, M. Ramadier, M. Sermier, Mme Tabarot.
Cet amendement a été déclaré irrecevable après publication en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale
En 2020, six millions de Français vivent dans ce que l’on peut nommer sans exagération un « désert médical ». Ils doivent parcourir des distances inacceptables pour avoir accès à un médecin généraliste et patienter souvent des mois entiers pour consulter un spécialiste.
Bien qu’ils cotisent comme l’ensemble des assurés sociaux, ces citoyens vivent une véritable rupture d’égalité, exclus de fait du principe d’universalité de la Sécurité Sociale.
Si cette disparité n’est pas récente, elle tend à s’aggraver. Dès 2013, un rapport sénatorial intitulé « Déserts médicaux : agir vraiment », mettait en exergue ce problème. Cette inégalité dans la répartition territoriale de l’offre de soins s’illustre par des écarts sensibles entre les différents départements, et est encore plus marquée au niveau infradépartemental.
À cette échelle, les zones rurales sont les plus concernées par le manque de médecins. Les perspectives sont d’autant plus sombres que le nombre de généralistes âgés de moins de quarante ans y est bien trop faible, comme le confirment les observations récentes de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé.
Selon le rapport de nos collègues du Sénat Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny « Accès aux soins, promouvoir l’innovation en santé dans les territoires », publié le 26 juillet 2017, entre 2007 et 2016, 81 départements français ont enregistré une baisse du nombre de médecins généralistes.
Ce rapport sénatorial met à ce titre en évidence l’arrivée d’un creux démographique chez les médecins libéraux qui devrait contribuer « à aviver les difficultés liées aux inégalités territoriales de répartition, d’autant qu’il devrait affecter principalement la médecine de ville ».
Dans ces conditions, on peut s’attendre à une nouvelle dégradation de l’offre de soins libérale dans les territoires ruraux, s’ajoutant à une situation déjà tendue à l’extrême.
Une question est sur toutes les lèvres des habitants des territoires sous-dotés qui se sentent de plus en plus abandonnés par la République : combien de temps le système de santé français pourra-t-il tenir sans réguler l’installation des médecins ?
L’enjeu c’est l’équité d’accès aux soins pour tous, en tous points du territoire.
Il n’est aujourd’hui plus acceptable que perdurent dans notre pays les zones-dotées définies par l’article 1434‑4 du code de la santé publique comme étant « caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, pour les professions de santé et pour les spécialités ou groupes de spécialités médicales ».
Ces zones sous dotées sont scindées en deux catégories distinctes les « zones d’intervention prioritaires » et les « zone d’action complémentaire ».
Les « zones d’intervention prioritaires » (ZIP), sont celles qui connaissent les difficultés les plus aigües) et qui bénéficient d’aides financées par l’Assurance maladie telles que :
- la prime forfaitaire à l’installation pouvant atteindre 50 000 euros sur 5 ans du contrat d’aide à l’installation pour les médecins (CAIM) ou du contrat de stabilisation et de coordination médecins ;
- la bonification des honoraires de 25 % pour les médecins acceptant de réaliser des consultations au moins dix jours par an dans une zone sous-dense au titre du contrat de solidarité territoriale médecin ;
- la bonification des honoraires de 10 % aux médecins préparant leur cessation d’exercice, et accueillant dans cette perspective au sein de leur cabinet un confrère âgé de moins de 50 ans.
Les zones dites « d’action complémentaire » (ZAC), plus étendues que les zones d’interventions prioritaires sont celles où l’État finance plusieurs aides contractuelles (contrat de praticien territorial de médecine générale, contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, contrat de praticien territorial de médecine de remplacement et contrat de praticien isolé à activité saisonnière).
Les collectivités territoriales peuvent en outre attribuer dans les ZIP et les ZAC « des aides destinées à favoriser l’installation ou le maintien de professionnels de santé » dans les zones sous-denses au sens de l’article du Code de la santé publique.
Parallèlement à ces aides à l’installation, des dispositifs d’exonérations sociales et fiscales pour les créateurs d’entreprises sur certains territoires sont prévus, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR).
Si ces dispositifs ne ciblent pas spécifiquement les professionnels de santé libéraux, ces derniers y sont le plus souvent éligibles. Le zonage de ces aides étant établi en fonction de critères économiques, il est distinct de celui établi par les Agences Régionales de Santé au titre de l’article 1434‑4 du code de la santé publique.
Il en résulte que le zonages ZIP, ZAC et ZRR ne se recoupent que partiellement. Ainsi, en 2019, 2209 communes étaient classées en zones de revitalisation rurale sans constituer des zones sous-denses et 11 000 communes étaient classées en ZIP ou en ZAC sans constituer des zones de revitalisation rurale.
Si, selon le rapport de 2019 de la Déléguée Nationale à l’accès aux soins de septembre 2019, ces dispositifs incitatifs sont des outils indispensables, ils ne sont néanmoins pas suffisants.
C’est dans cette perspective que la loi n° 2019‑774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a remplacé le numerus clausus par le numerus apertus qui permet désormais aux facultés de médecine de fixer le nombre d’admissions en 2ème année en fonction des besoins territoriaux.
La fracture médicale ne pourra toutefois être résorbée par la seule fin du numerus clausus dans les études de médecine à compter de la rentrée 2020, d’autant plus que ses premiers effets ne seront pas perceptibles avant l’achèvement de la formation des étudiants, soit à l’horizon 2030.
La France ne peut plus se passer de médecins compétents en raison de règles trop rigides. Il est de notre devoir d’être imaginatif et d’envisager l’ensemble des mécanismes possibles, en particulier lorsqu’elles ont fait leurs preuves pour d’autres professions de santé, comme les pharmaciens, ou pour d’autres territoires.
Dans un contexte national de démographie médicale tendue, toutes les énergies doivent être mobilisées pour attirer de nouveaux médecins généralistes et spécialistes dans les territoires sous-dotés.
Dans cette perspective, le recrutement de médecins spécialistes et généralistes, la participation de jeunes internes en médecine à l’offre de soins et le soutien aux territoires sous-dotés, sont des priorités.
C’est pourquoi, le présent amendement vise à étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l’installation qui existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé (pharmacies, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, orthophonistes).
Il prévoit que, dans des zones définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux dans lesquelles existent un fort excédent en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne peut s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cesse son activité.
Le principe de la liberté d’installation demeure donc, mais le conventionnement n’est possible que de manière sélective pour les nouvelles installations dans les zones sur-dotées.
L’adoption d’un tel principe de conventionnement sélectif des médecins libéraux permettrait de compléter utilement les dispositifs d’incitation à l’installation dans les zones sous dotées.
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