Publié le 16 mars 2021 par : M. Morel-À-L'Huissier, M. Brindeau, M. Lagarde.
Rédiger ainsi cet article :
« Après l’article 803‑7 du code de procédure pénale, il est inséré un article 803‑8 ainsi rédigé :
« Art. 803‑8. – I. – Il incombe aux juges et juridictions judiciaires de veiller à ce que la détention provisoire ou l’exécution d’une peine d’emprisonnement soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté soit exempte de tout traitement inhumain ou dégradant.
« Toute personne détenue peut sur ce fondement, par tout moyen, porter sa situation à la connaissance selon le cas au juge des libertés et de la détention ou le juge de l’application des peines aux fins de voir prononcer, si elle est placée en détention provisoire, sa mise en liberté ou, si elle est définitivement condamnée, l’aménagement de sa peine.
« Cette faculté est également ouverte au procureur de la République et au procureur général.
« Les juridictions saisies du dossier de la personne détenue peuvent aussi s’en saisir d’office.
« Il doit être tenu compte de la situation de particulière vulnérabilité et d’entière dépendance de la personne détenue à l’administration pénitentiaire pour apprécier ses allégations. Il ne peut lui être reproché de ne renvoyer qu’aux conditions générales dans l’établissement et de ne pas rapporter la preuve de ses conditions personnelles de détention.
« II. – Lorsque le juge estime que les allégations ne constituent pas un commencement de preuve actuelle et circonstanciée d’atteinte à la dignité ou de traitement inhumain ou dégradant de la personne détenue, il peut prononcer, avant toute vérification, le rejet de la demande.
« III. – Lorsque les allégations ne suffisent pas à établir la réalité des conditions de détention mais constituent un commencement de preuve actuelle et circonstanciée, il appartient au juge de procéder aux vérifications nécessaires dans un délai maximal de dix jours. Il en informe immédiatement les parties.
« Tous les documents, pièces et informations obtenus à l’occasion de ce contrôle doivent être versés au dossier, adressés aux parties et débattus contradictoirement.
« La personne détenue ainsi que, selon le cas, le Procureur de la République ou le Procureur général, peuvent présenter des demandes de vérification complémentaire. Si le juge l’estime nécessaire, il devra procéder aux vérifications complémentaires dans un délai maximal de dix jours.
« IV. – Lorsque les allégations constituent une preuve suffisante d’atteinte à la dignité ou de traitement inhumain ou dégradant, le juge n’est pas tenu de procéder aux vérifications prévues au III du présent article et peut se prononcer, après avoir sollicité l’avis du Ministère public, dans les conditions prévues au VII.
« V. – Dès lors que le juge a été saisi dans les conditions fixées au I du présent article, il peut ordonner toute mesure ayant pour objet ou pour effet de remédier à la situation de la personne détenue, après les avoir soumises à la discussion des parties.
« La mise en œuvre de ces mesures est ordonnée par le juge et demeure, en tout état de cause, conditionnée à la circonstance qu’elle est susceptible de mettre un terme immédiat à l’atteinte à la dignité ou au traitement inhumain ou dégradant de la personne détenue, sans préjudice du respect de l’ensemble de ses droits
« Ces mesures doivent intervenir dans un délai maximum de dix jours.
« VI. – Lorsqu’au terme de ses vérifications, le juge estime que la personne détenue n’est pas soumise à des conditions de détention portant atteinte à sa dignité ou constituant un traitement inhumain ou dégradant, il prononce le rejet de la demande.
« VII. – Lorsqu’il estime, au plus tard à l’issue d’un délai de cinq jours suivant le délai fixé au III ou au V du présent article, d’une part, que la personne détenue subit une atteinte actuelle et personnelle à sa dignité ou est soumise à traitement inhumain ou dégradant et, d’autre part, qu’aucune mesure n’a pu y remédier, le juge :
« 1° Soit, si la personne est placée en détention provisoire, ordonne sa remise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;
« 2° Soit, si la personne est définitivement condamnée, ordonne un aménagement de peine selon les modalités qu’il détermine. Les délais d’accessibilité aux mesures ne sont alors pas opposables ;
« 3° Soit, ordonne le transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire à la condition que cette décision ait donné lieu préalablement à un examen approfondi des conditions de détention du nouvel établissement pénitentiaire ainsi que de la situation familiale et sociale de l’intéressé. En aucun cas, le transfèrement ne peut porter une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale, notamment eu égard au lieu de résidence de la famille de l’intéressé.
« VIII. – Les décisions prévues par le présent article sont motivées. Elles sont prises au seul vu de la requête et des observations de la personne détenue ou de son avocat et de l’avis écrit du procureur de la République ou du procureur général. Le juge peut toutefois décider d’entendre la personne assistée de son avocat. Dans ce cas, il peut également décider d’entendre le ministère public.
« La personne détenue peut demander à être entendue par le juge, assistée s’il y a lieu de son avocat. Dans ce cas, le juge doit également entendre le ministère Public s’il en fait la demande.
« Les décisions prévues aux II, IV, VI et VII peuvent faire l’objet d’un appel devant le président de la chambre de l’instruction ou le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel.
« Les décisions prévues aux II, III, IV doivent intervenir dans un délai de dix jours au plus tard à compter de la réception de la demande.
« À défaut de respect de ces délais, la personne détenue, le procureur de la République ou le procureur général peuvent saisir directement le président de la chambre de l’instruction ou le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel. L’affaire doit être examinée au plus tard dans un délai de dix jours, faute de quoi la personne détenue est immédiatement remise en liberté.
« Pour statuer sur ces recours, le Président de la chambre de l’instruction ou le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel procède ainsi qu’il est prévu aux II à VII du présent article. »
Cet amendement écrit en cohérence avec les professionnels du secteur vise à tirer les conséquences de la censure prononcée par le juge constitutionnel, le 2 octobre 2020, en prévoyant un dispositif de nature à garantir le droit à des conditions dignes de détention.
La rédaction proposée par cette proposition de loi ne semble pas offrir un dispositif complet et équilibré, soucieux des droits des personnes détenues et respectueux des objectifs assignés par le Conseil Constitutionnel. Ce diagnostic a été partagé par la CGLPL, la CNCDH et les avocats.
C’est pourquoi, cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article unique qui permettra de compléter le dispositif proposé en faisant incomber aux juges et juridictions judiciaires de veiller à ce que la détention provisoire ou l’exécution d’une peine d’emprisonnement soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté soit exempte de tout traitement inhumain ou dégradant.
De plus, l’amendement apporte plusieurs dispositifs complémentaires au texte et en conformité avec la décision du 2 octobre 2020 n° 2020‑858/859 QOC du Conseil Constitutionnel, en prévoyant que :
- les allégations ne devront plus obligatoirement figurer dans une requête, cette exigence ne semblant convenir ni aux circonstances dans lesquelles ces allégations sont susceptibles d’être évoquées, ni à la souplesse procédurale qui devrait entourer la prévention des traitements inhumains et dégradants ;
- la situation de particulière vulnérabilité et d’entière dépendance de la personne détenue à l’administration pénitentiaire devra être prise en compte lors de l’appréciation de ses allégations ;
- le juge pourra enjoindre à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures pour mettre fin aux conditions indignes de détention, l’intervention rapide du juge judiciaire et l’attribution de véritables pouvoirs d’instruction dans ce nouveau contentieux étant primordial ;
- le prononcé d’une mesure de transfèrement soit conditionné à un examen approfondi de la situation familiale et sociale de l’intéressé ;
- l’information et la présence des parties dans la procédure soit renforcées, afin de respecter les droits de la défense ;
- une absence d’audience dans les délais en appel entraîne la remise en liberté immédiate de la personne détenue.
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