Publié le 3 juin 2021 par : Mme Brugnera, M. Boudié.
I. – Supprimer cet article.
II. – En conséquence, supprimer l’intitulé de la section 2 bis.
Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 24 quindecies.
La suppression des allocations familiales, même « assouplie » par rapport au dispositif en vigueur entre 2010 et 2013, comme le propose l’article additionnel introduit au Sénat, ne répondrait pas aux situations rencontrées sur le terrain et porterait des risques multiples :
– dans la majorité des cas, l’absentéisme d’un enfant résulte d’un décrochage scolaire, d’une difficulté des parents à maintenir leur autorité sur l’enfant, ou d’une détresse familiale généralisée. Les rapports établis au moment de la discussion de la loi de 2010 par les commissions des affaires culturelles et de l’éducation ont mis en avant les principales causes de décrochage : la perte de sens de la scolarité (redoublement, orientation subie), les conditions de vie de l’élève (conditions de vie matérielles, qualité de la vie familiale et relationnelle) ou encore l’existence d’autres troubles (consommation de drogues, signes dépressifs). En de tels cas, la suspension des allocations familiales ne peut aucunement permettre de résoudre les causes de l’absentéisme. Aux difficultés de parents parfois confrontés à une situation qu’ils ne peuvent maîtriser seuls, viendrait s’ajouter une perte de ressources financières potentiellement essentielles, qui affecterait également l’ensemble de la fratrie. Une telle mesure stigmatiserait les familles en difficulté dans leurs obligations éducatives alors même que le droit en vigueur propose et doit continuer à proposer, au contraire, un dispositif d’accompagnement ;
– par ailleurs, la mesure proposée établit un lien pernicieux entre l’instruction et la perception d’une forme de rémunération : si l’instruction est un droit fondamental, et que l’école est gratuite pour tous, elle ne doit pas pour autant être perçue comme donnant lieu à une rémunération sous forme d’allocations familiales qui « récompenseraient » les familles inscrivant leurs enfants à l’école. Les allocations familiales sont le fruit d’une politique publique volontariste de soutien à la démographie française, et non à l’instruction, et doivent rester conçues comme telles. L’article additionnel prévoit d’ailleurs que ce soit l’inspecteur de l’éducation nationale qui demande cette suspension, lui faisant jouer un rôle qui n’est pas le sien et ne doit pas le devenir ;
– enfin, une telle mesure, en vigueur dans un format proche entre 2010 et 2013, mais également entre 2000 et 2004, n’a pas prouvé son efficacité, l’absentéisme scolaire n’ayant pas diminué sur ces périodes. Dans un rapport de 2003 commandé par le ministère de l’éducation nationale, il était ainsi indiqué que le non-respect de l’obligation scolaire était un phénomène éminemment complexe, et que la suspension des allocations familiales était sans effet sur certaines familles, en particulier sur « les familles pour lesquelles les prestations familiales ne représentent qu’une infime partie de leurs ressources » et sur les familles qui n’y réagissent pas pour ne pas voir leur situation vérifiée (notamment les familles dont « dont l’enfant réputé absent est en réalité rentré au pays » ou celles « qui exploitent leurs enfants dans une économie parallèle »).
De tels moyens coercitifs apparaissent ainsi inadaptés pour remédier aux manquements à l’obligation scolaire que seule une ambition forte et globale pour l’école pourra traiter à la racine de manière efficace.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.